Derrière la brume — Ottar

Nirvana laisse Chay retourner à ses activités, donnant un coup de museau affectueux à ce frère de lait. Sans croiser un regard, la prêtresse se dirige jusqu’à l’antre des panseurs, pour s’approcher de la silhouette massive d’Ottar. Les yeux se plissent un peu, alors que la lumière à sa joue accentue son mal de tête.
Un léger sourire qui vient attirer ses babines.

« — Ottar. Ravie de voir que tu empruntes la voie des panseurs. »

Il en faut.
Nirvana aurait dû être ici, dans cet antre, si Dairo ne l’avait pas appelé à la servir. Au moins avait-elle quelques notions, certains enseignaient pas Désastre, d’autres… un peu plus expérimentées.
Il n’y a personne à part eux deux dans l’antre.
C’est parfait.

« — Puis-je m’entretenir avec toi un instant ? »

Nirvana soutint le regard du demi-géant. Lentement, la sirène leva sa patte, de laquelle se déversait la brume opaque. La lumière de son glowstick brilla un peu plus.

« — J’ai récemment abusé de mon pouvoir.
Ça m’a changé mentalement et physiquement.
Je crois que le fait que je créais la Brume, fait que je ne peux complètement me rétablir. »

Ce qui expliquait cette faiblesse. Sans parler des autres nombreux symptômes : saignement de nez, migraines, perte d'appétit, cauchemars, nausées. Nirvana referma sa patte, continuant de fixer Ottar.

« — Selon toi, quels effets peut-il avoir si je continue de l’utiliser ? »

Est-ce que ça peut... me tuer ?

Ne jamais dire à un patient qu’il allait mourir. Nirvana se tend, ses sourcils se plissant un instant. Ce diagnostic, lui semblait bien rapide…
Si c’est la fin que tu me choisis, Dairo, alors je l’accepte.
N’y a-t-il pas plus bel honneur que de mourir dans ta Lumière ?
En absorbant toutes les ombres.

« — Je ne suis pas mentalement épuisée. »

La prêtresse serra les crocs.
Qu’on la dise aux portes de la mort, qu’importe, qu’on la pense faible… la disciple orange s’y refusait. À la demande, Nirvana hésite, se demandait si Ottar était finalement bien placé pour traiter son cas… mais elle ne connaissait personne avec ce genre de pouvoir…
Un second avis, pour confirmer ce qu’elle soupçonnait déjà.

« — Migraines. Saignements de nez. Perte d’appétit. Fatigue. Nausées. Cauchemars.
…
Parfois… »

Nirvana hésite.

« — … la Brume m’appelle. C’est comme si j’étais en transe.
Prête à m’en servir de nouveau.
J’en ressens le besoin, pour m’échapper. »

Étais-ce un appel à l’aide de son esprit ?
Est-ce toi, Brume, qui doit me sauver ?
M’empêcher de pourrir ?

Bien sur, que c’était un cercle vicieux. Nirvana serra les crocs, tout en écoutant les paroles du panseur. Cela sonnait comme creux à son oreille. La Brume n’était pause addiction, ce n’était pas quelque chose que l’on pouvait combler en… prenant des plantes ou trouver une nouvelle occupations. Avant qu’elle ne puisse répondre à la question, voilà qu’il vient proposer une alternative bien extrême. Un frisson qui parcourt le corps de la prêtresse.
Renoncer. Au. Pouvoir.
Le pouvait-elle ? La Brume circulait dans son corps, bien que n’agissant plus. Renoncer au pouvoir, n’étais-ce pas se condamner ?
Un sourire qui étire ses babines.

« — Merci Ottar, pour tes réponses. »

Tu confirmes ce que je soupçonnais déjà.
La disciple de Dairo se redressa.

« — Lors de notre dernière rencontre, tu songeais à vivre aux côtés de ton père, dans le nord. Pourtant, te voilà ici, apprenti panseur, sans glowstick. » Les yeux pâles croisèrent ceux du demi-géant. « Y as-tu renoncé ? »

Une curiosité qui pouvait semblé polie.
Mais ceux qui me connaissent, savent qu’il y a toujours autre chose.