We are made One with what we touch and see - Dysis.

« We are resolved into the supreme air,
We are made one with what we touch and see,
With our heart's blood each crimson sun is fair,
With our young lives each spring-impassioned tree
Flames into green, the wildest beasts that range
The moor our kinsmen are, all life is one, and all is change.

With beat of systole and of diastole
One grand great life throbs through earth's giant heart,
And mighty waves of single Being roll
From nerve-less germ to man, for we are part
Of every rock and bird and beast and hill,
One with the things that prey on us, and one with what we kill. »

[ Un matin quelques temps après la bataille du dragon, dans la forge. ]

Ce n'est finalement pas en compagnie de Nymeria que Grimalk rencontre pour la première fois le forgeron des Nakhus.
On plutôt... La forgeronne. Celui qui remplissait ce rôle avant elle était mort, certainement durant ces années où le mâle brun fut davantage spectre sur le point de se détacher des terres que présent au clan.
C'est une louve petite mais forte portant la couleur de Mido qu'il rencontre à sa place. Dans la gueule du Nakhu, une griffe de dragon qui crépite parfois de discrètes étincelles. Dans une sacoche qu'il porte à son côté, des croquis et une écaille impeccable. Il avait pris soin d'en choisir une qui n'avait subi aucun choc au cours de la longue vie de la créature, et s'était appliqué à n'y laisser aucune trace de lame en l'extrayant.
Face à Mossie, le loup sombre présente le contenu de ses notes et ses propositions, ce qu'il imagine extraire de la griffe pour agrémenter l'attirail de ses armes. Il n'est cependant pas artisan, aussi attend-il d'elle les corrections et l'expertise afin d'affiner le concept, d'élaborer à partir de ses idées quelque chose de fonctionnel et abouti.
Les sept dagues qu'il possède déjà sont le fruit d'un long savoir-faire qu'il eut la chance d'emporter avec lui, des compagnes de vie qu'il estime. Une huitième ne serait jamais tout à fait leur égal, aussi ne se devait-elle pas d'être vraiment similaire. Mais elle se devait de trouver place à leur côté non en tant que bijou, mais qu'une autre arme à part entière.

Pendant de longues minutes s'installe la discussion quand ensemble est affinée l'ébauche. Regard captivé et attention pleinement dirigée sur le moment, Grimalk écoute et absorbe quand la forgeronne suggère et corrige. Lui s'attache à certains détails, à l'idée précise qu'il a de certains points - elle corrige et altère, jusqu'à ce que d'un éclat brillant dans ses yeux d'or, il finisse par acquiescer.
Le tout est acté, ne reste qu'à réaliser.
Et à la récompenser de ce travail, d'une offrande qu'il souhaite supérieure à une simple proie chassée sans grande implication.

A important service rendu, Grimalk veut rendre un honneur de la même ampleur.

[ Cinq jours plus tard, de retour à la forge. ]

Mossie l'avait informé d'un délai de plusieurs jours pour réaliser sa dague.
C'est en respectant précisément cet intervalle que Grimalk revient alors à sa rencontre. Il s'avoue un peu fébrile et impatient quand il passe l'entrée de son domaine de feu et de métal et qu'il sent de petits chocs électriques le parcourir sur les derniers mètres avant d'être confronté au visage jovial de la jeune forgeronne.

Un nouveau frisson le parcourt quand elle affirme que l'arme est prête, et son cœur bat plus vite quand elle se détourne pour aller la chercher. Elle la ramène à ses yeux qui s'emparent de l'objet comme un rapace fondrait sur sa proie.
De longues secondes durant il ne dit rien, entièrement focalisé à parcourir l'entièreté de la création.
La forme générale de son contour, les reflets discrets de la matière taillée, les détails, l'incrustation sur la garde de l'écaille bleu profond qui ressort sur le blanc opalin.
Il est subjugué, veut la toucher et la posséder - d'une griffe délicate, il parcourt le fil de la lame.

Après ce moment qui s'étire sur plusieurs minutes, il finit par relever les yeux vers la louve.
De sa voix grave est formulé un remerciement sincère, et une promesse. Il reviendrait bientôt pour lui offrir paiement.
De son côté et en patientant l'arme qui viendrait y reposer, il avait agrémenté son harnais d'un nouveau fourreau près du garrot. Le travail est encore préliminaire, peu abouti et manque d'ajustement : mais il avait souhaité pouvoir au plus tôt accueillir l'arme à ses côtés pour au plus vite commencer à l'apprivoiser. Sans doute irait-il quérir aide et compétences auprès d'un autre loup pour rendre cet ajout parfait - dans tous les cas, il manque autre chose à la dague.
Une rune, un nom.
Une identité qu'il allait sans doute devoir lui découvrir au lieu de lui désigner.

Avec déférence il se saisit de la nouvelle dague, matière inédite parmi ses armes, morceau d'un corps vaincu ensuite sublimé pour apporter des victoires. Comme un cycle. Et une revanche que le dragon pourrait prendre après la mort en pourfendant des vivants.
Grimalk soupèse la lame, ressent sa présence encore étrangère dans sa gueule, puis finit par la ranger dans la gaine de cuir qui n'attend qu'elle.
Un dernier hochement de tête à l'attention de l'orfèvre qu'il est amené à vite revoir - il n'oublie pas sa promesse - et il tourne les talons, quittant son antre.

[ Une heure après, au cœur du Dédale et de ses secrets. ]

Immobile à l'un des innombrables croisements, le regard du mâle s'est tourné vers les profondeurs des couloirs obscurs. Certains qu'il avait appris à connaître, comme tout Nakhus ; d'autres dans lesquels il s'aventura autrefois pour la simple satisfaction de sa curiosité dévorante et de son besoin de connaître et s'approprier les choses. Une activité qu'il n'avait pas repris depuis son retour.

Alors que tant restaient entièrement inconnus et inexplorés.

Son regard reste un moment accroché à l'obscurité avant qu'un bruit léger ne fasse tiquer l'une de ses oreilles.
Grimalk tourne la tête vers un autre couloir pour surprendre des yeux posés sur lui et une louve ramassée près du sol, derrière une pierre, comme pour se cacher de quelque chose qu'il ne peut encore voir de son point de vue, plus loin dans le tunnel de roche.
La louve, il la reconnaît sans mal. Dysis, une fille de Séléné. Par cette seule raison, elle a déjà captivé son attention à de multiples reprises sans que jamais encore il ne l'ait approchée outre mesure.

Mais depuis sa position généralement isolée et écartée des foules lorsqu'il se trouve dans les terres de la meute, il a déjà observé de longs moments durant et retenu d'elle chaque détail. Comme ce pelage de ciel qu'elle hérite de sa mère.
Il capte son signe de tête - peut-être avec un léger retard, dans ce temps qui parfois se fige en même temps que ses pensées s'agrègent autour d'un seul point quand son regard intense se verrouille sur un objet d'intérêt - et cligne des yeux pour briser l'immobilisme de ses pupilles accrochées à celles si particulières de l'autre Nakhu.
Sans retour de geste en réponse il s'exécute néanmoins, abaisse son corps plus proche encore du sol et avance dans un silence qu'il sait créer malgré une carrure peu légère. De ses oreilles plaquées contre sa dense chevelure pour empêcher les chaînes de tinter, des muscles de ses doigts qu'il contracte pour contenir au mieux le contact des griffes d'or sur les dalles de pierre, il a appris à maîtriser le son qu'il émet. C'est important, pour traquer.
Il se glisse derrière une pierre opposée à celle de Dysis, s'y tapit, puis laisse son regard doré sonder les ombres jusqu'à trouver ce qu'observe la louve.
Ses pupilles s'étrecissent brusquement quand elles trouvent la silhouette de la petite créature, son sang chauffe et ses muscles se contractent.
Un dragon.
C'est le premier réflexe de son esprit réactif, la première impulsion de son corps qui se souvient encore trop bien du combat.
Mais il rationalise rapidement cette première impulsion - ce n'est pas un jeune prêt à devenir une bête immense et dévastatrice comme le dragon bleu. C'est une espèce différente, vouée à rester petite - il se souvient de l'avoir lu dans les nombreux ouvrages lus peu de temps auparavant sur les dragons, quand bien même il ne s'était que peu attardé sur eux et ne se souvient pas de grand chose à leur égard, mis à part leur nom.

Les minutes passent, leurs quatre yeux concentrés sur le même sujet, jusqu'à ce que Grimalk n'y tienne plus et estime suffisant le temps consacré à simplement le regarder de loin.
Il n'adresse qu'un bref regard à l'autre Nakhu avant de finalement louvoyer en-dehors de sa cachette, reprendre une marche silencieuse et presque rampante, puis....
D'un bond, il se retrouve au-dessus de la créature. Surprise, celle-ci n'a que le temps d'émettre un bref cri avant de se retrouver plaquée sur le sol, une patte entre les omoplates et une autre au bout de la queue pour empêcher tout mouvement de ce qui semble servir de dard à l'animal. Sa prise est ferme sans être cruelle et c'est d'un regard aussi intense que neutre qu'il observe le reptile se débattre, sifflant et s'agitant comme il le peut malgré le poids qui le maintient contre le sol.
Il ne le quitte toujours pas du regard quand sa voix grave s'élève, mesurée.

— Un pseudodragon. Il ne pourra jamais devenir aussi dangereux que le dragon bleu.

Premièrement parce qu'il ne pourra jamais grandir.
Aussi parce qu'il ne semble posséder aucune magie, aucun artifice - ni vivre en groupe. Lui et ses potentiels semblables sont peut être installés dans le Dédale depuis des années sans s'être fait remarquer.
Le Mage finit par relever légèrement la tête pour l'incliner dans la direction de sa comparse, le doré cherchant l'azur de ses yeux en cible.

Veux-tu venir le regarder de plus près, ou puis-je lui rendre sa liberté ?

La louve s'était mue dans son ombre et se trouve plus proche qu'il n'aurait cru la voir, la pensant toujours à l'abri de son observatoire.
Elle se joint finalement à cette découverte de l'animal, le manipule avec curiosité pour quelques secondes de plus - avant de reculer d'un pas et d'accrocher leurs regards, et Grimalk profite de cette nouvelle proximité pour détailler avec plus de facilité ses yeux en croix. Le bleu glacé de leur iris, la cible incrustée en leur centre dans un orange vif, leur contour noir d'autant plus souligné par les longs cils à leur paupière inférieure, la ligne fine de poils fauves pour en accentuer la forme et, enfin, les quelques constellations réparties en tâches de rousseur tout autour.
Dans le silence qui s'étire et l'a figé, ils se sont pourtant compris. Mais il lui faut pourtant de longues secondes de plus à la sonder en silence de ses yeux intenses avant que, finalement, ses pattes se décalent d'un geste simple pour libérer la créature de son poids. Le petit dragon siffle et râle mais s'enfuit sans chercher à se venger, non sans un regard courroucé.
Le regard de Grimalk ne s'est pas détaché du visage de Dysis pour autant, et il finit par cligner des yeux seulement quand sa voix s'élève et le questionne.

Ce n'est qu'alors qu'il incline la tête vers le couloir sombre en direction duquel la petite bête à couru, mais toute trace de sa silhouette s'est déjà volatilisée.

— J'ai trouvé les ouvrages qui parlent d'eux. Certains semblent beaucoup les côtoyer. En ce qui me concerne, ce n'est que le second que je vois.

Comme toi, sûrement.
A moins que ces terres n'en soient finalement plus truffées que ce que l'on avait bien voulu le lui dire.

Les échanges de regard sont mutuels.
Ça lui plait, qu'à ses iris qui fixent constamment et sans gêne répondent deux autres yeux tout aussi durs et implacables. Il n'y a rien de mal à ainsi jauger l'autre, à ne rien cacher de l'attention minutieuse qui est portée sur autrui - au contraire. C'est bénéfique. C'est une démarche honnête et directe. Dysis le comprend, elle. Il sait qu'elle est tsayïd - une chasseuse.
La marche reprend, dans la même direction que celle que la petite créature a emprunté pour déguerpir. D'abord en silence avant qu'elle ne reprenne finalement le fil qu'il avait laissé en suspens : pour elle, c'est un troisième dragon. L'un des sourcils du mâle se hausse imperceptiblement et l'éclat de la curiosité se met à briller dans ses prunelles, mais il ne presse pas de question. La louve blanche va élaborer, sans doute. Il suit son regard quand elle passe la tête dans une ouverture sur un côté du couloir, mais il n'y a là rien pour retenir très longtemps leur attention : seulement une paillasse abandonnée. Ils continuent - et comme il s'y était attendu, elle reprend la parole.
Les oreilles de Grimalk frémissent, un frisson parcourt son échine et l'intérêt dans son regard se renforce. Cet autre dragon qu'elle a rencontré est d'un acabit plus intéressant que la petite créature croisée quelques minutes plus tôt, alors.

Déjà, tout son corps fourmille des envies qui s'éveillent face à cet adversaire ni mort ni vivant qu'elle a mentionné - il tente de se l'imaginer, il veut surtout le voir pour de vrai.
Quand il parle, son ton est bien plus vivant que lors de ses précédentes interventions.

— J'aimerais aller le trouver.

J'irai le trouver, aurait-il pu annoncer, même. Car c'est un fait.
Mais peut-être pourrait-il être accompagné de celle qui l'a déjà vu. Tout comme sa comparse, cependant, ses réflexions à lui aussi sont interrompues : quand la louve se fige et que comme une rafale se répand le sentiment d'alerte. A son tour il s'immobilise d'un corps qui s'est à nouveau tendu par automatisme et dans lequel tout s'est enclenché pour se préparer à toute éventualité. Poil gonflé, muscles sous pression et posture qui s'abaisse, regard vif et précis qui ne tarde pas à localiser la source du danger en même temps que Dysis murmure entre ses crocs.
Il le voit aussi. La silhouette est imposante et immobile, plus loin avalée par les ombres du Dédale. On pourrait croire à une statue, s'il n'y avait pas cet instinct pour les aiguiller, ce sentiment étrange et sinistre. Ses yeux dorés se plisse - au fur et à mesure qu'il se force à percer la noirceur des ténèbres, davantage de détails se révèlent. Les reflets discrets du peu de lumière venus caresser les surfaces lisses qui le composent sont caractéristiques - du métal. Des plaques d'armure le protègent, et ce visage simiesque qui diffuse dans ses entrailles une sensation de malaise est fait de cette même matière. C'est, d'ailleurs... Davantage un masque qu'un visage ? Derrière les contours de cette face inexpressive, il se dessine comme un abysse plus profond que l’obscurité qui les enveloppe déjà.
Là où aurait du se trouver un corps, il semble n'y avoir rien de visible pour habiter les vêtements et porter l'armure.
Un nouveau frisson dresse ses poils et un grondement très bas fait vibrer sa gorge pour un instant.

Grimalk fixe pour quelques secondes encore cette apparition dérangeante qu'il ne sait pas vraiment évaluer. Ennemi, simple présence ancestrale au cœur de ces souterrains qu'il valait mieux ne pas déranger ? Ça le démange, pourtant. Il n'a pas envie de faire volteface, tout comme il n'a pas envie de précipiter l'interaction sans s'y préparer. Si combat il doit y avoir, ont-ils même la moindre chance de l'emporter ? Ses lames peuvent-elles percer le métal dont il est couvert ? Leurs crocs sont-ils capables d'atteindre quelque chose, si cette chose ne possède bel et bien aucun corps physique ?
Il serre les mâchoires, frustré de toutes ces questions pour lesquelles il n'a pour l'instant aucune réponse.
Et tourne le visage vers son acolyte, lentement, ses crocs s'ouvrant sur un chuchotement bas.

— Une suggestion, tsayïd ?

De toute évidence, elle a rencontré davantage de créatures natives de ces terres que lui.

Attentif aux conclusions qu'elle partage, fruits de son instinct et de sa perception, Grimalk laisse leurs deux regards s'arrimer. Celui de la louve retourne souvent sur cette présence à peine discernable dans les ténèbres alors qu'elle cherche à en percer les secrets.
Un gardien, un sorcier. Les oreilles de Grimalk frémissent. À en croire ce qu'elle dit, cet endroit regorge de davantage de parts d'ombres qu'il n'en n'aurait soupçonnées - et certains, comme elle, tenaient pour acquises mais secrètes des connaissances à ce sujet. Ce serait un autre sujet à creuser et l'information se range dans sa mémoire alors que son regard sur Dysis se fait plus perçant encore.
Il y a chez elle bien des choses à convoiter.
Mais pour le moment, la priorité réside ailleurs.

Dans ce géant de métal au bout du couloir.

Puisque l'autre Nakhu a cessé de s'exprimer il comprend le message sous-entendu dans son silence : c'est à lui de lui fournir le moyen de passer derrière.
Le mâle ferme quelques secondes les paupières, s'immerge dans des souvenirs vieux de nombreuses années et embrumés par le temps et sa jeunesse d'alors. Il y a beaucoup de choses à déterrer de ses confins, là bas dans la sécheresse du désert, où les na'chafka étaient un point d'alerte du quotidien, une Tribu comme la leur étant bien plus susceptible d'en être victime qu'initiatrice.
Mais apprendre à s'en défendre, c'était apprendre à les reconnaître.
Sa voix grave s'élève à peine, vibre juste assez dans l'air pour rester dans sa proximité avec la louve.

— S'il garde quelque chose, il ne s'éloignera pas beaucoup de sa position tant qu'il ne repère pas de danger dans la zone qu'il protège.

Il marque une pause, ses yeux d'or plantés au devant de ce qui les attend.

— J'irai lui parler, seul, face à lui. Pendant ce temps, tu cherches un autre chemin pour le contourner et aller voir derrière.

C'est d'une banalité insolente.
C'est pourtant souvent la stratégie qui avait le plus abouti. Chercher le dialogue, accaparer l'attention - quand dans l'ombre de sa silhouette se cachera une présence silencieuse, quand derrière son pas et ses paroles dressées en bouclier de son sera camouflée une autre foulée, une autre respiration qui disparaîtra un peu plus loin.
Si ce gardien est seul, il ne pourra pas avoir les yeux partout.
Si cette chose n'est pas une simple Bête, le dialogue est peut-être possible et le combat, pas la seule issue.

— Si tu parviens à atteindre l'autre côté... Tu attendras d'être assez bien cachée pour diriger son attention ailleurs et que cette fois, je puisse être celui qui passe.

Cette partie là du plan est plus bancale.
Pour le mener à bien, pour maîtriser la parfaite symphonie qui est nécessaire à ne jamais se faire prendre, beaucoup de temps doit être dédié à la stratégie. À réfléchir, se connaître, répéter, éprouver.
Ils n'en ont pas le temps, ils doivent improviser. Il y en aura beaucoup, d'improvisation.
Son regard intense est retourné dans celui de Dysis et il attend son approbation.

Il leur faudra se faire confiance, en l'un et l'autre comme en leurs propres capacités pour espérer réussir.

Ils n'en ont pas le choix.

La réflexion s’installe chez la louve à mesure qu’il propose ce qu’il a de plus proche d’une stratégie, hâtive mais peut-être efficace. Seule la réalité pourrait venir l’éprouver d’ici quelques minutes, car aucun des deux n’est prêt à reculer. La curiosité embrase leurs deux âmes, peut-être plus encore celle de Dysis tant qu’elle détient plus d’informations que lui au sujet de cet endroit.
La sienne commence à peine à s’éveiller, mais une étincelle peut rapidement chez lui devenir incendie.
Détachant une partie de ses accessoires pour les lui tendre, elle scelle son acceptation. Grimalk possède déjà de quoi se rendre volontairement bruyant, s’il le souhaite : à plusieurs endroits de son corps peuvent s’entrechoquer des chaînes et d’autres éléments métalliques, et il le lui montre d’une légère inflexion d’une oreille pour doucement faire chuchoter l’or du bijou. Le loup accepte néanmoins ce que lui tend l’autre Nakhu : diversifier la gamme auditive qu’il va émettre en se dirigeant vers la créature ne peut pas faire de mal. Y a également été accroché de quoi perturber l’odorat : Grimalk doute sérieusement que ce qui les attend au fond du couloir en soit doté, s’il est aussi vide qu’il y paraît, mais c’est une autre précaution qui ne leur coûte rien, au cas où.
C’est autour de sa propre encolure qu’il enfile l’assemblage avec des gestes méticuleux et silencieux pendant qu’elle se prépare à être la plus discrète possible.
Quand tous deux sont prêts, leurs regards se croisent.
Et Grimalk n’hésite pas plus longtemps avant de détacher son attention de la chasseresse et de commencer à avancer dans le couloir, lentement.
Ses pas sont lents et prudents, sa démarche suffisamment assumée pour faire vibrer son poids dans les dalles de pierre et laisser tinter tout ce qui peut émettre du bruit sur lui. D’une gueule qu’il entrouvre, il laisse également passer une respiration profonde mais plus courte et bruyante que nécessaire - à mesure qu’il approche de la chose, il se veut paraître plus impressionné qu’il ne l’est réellement.
Son regard d’or, lui, est projeté de l’avant et entièrement dédié à fixer ce qui l’attend dans l’ombre.
Ce qu’il estime être une âme immatérielle prisonnière d’un corps de métal. Mais il n’a pour le moment aucune certitude, seulement des questions laissées en suspens.

L’intelligence de l’entité est probablement l’inconnue qui le gêne le plus, davantage que de ne connaître ni sa nature, ni son alignement, ni sa force et sa raison d’être.

Pourra-t-il lui parler ? Saura-t-il le berner ? Ses pensées seront-elles transpercées, ses intentions devinées ?

Le mâle doit se préparer à toute éventualité et pour cela, faire preuve de prudence autant que d’ingéniosité.

Dans l’attitude qu’il veut donc suffisamment démonstrative pour accaparer l’attention et les sens de la créature, il ne surjoue rien non plus, et ne prend pas de risque inutile. Il s’arrête du gigantesque corps à une distance qu’il considère raisonnable, à la fois pour satisfaire le personnage inquisiteur mais respectueux et quelque peu effrayé qu’il incarne ; autant que par prudence pour son propre salut. Sans connaître ni sa vitesse ni sa puissance, il se doit de conserver une distance de sécurité pour pouvoir réagir si les choses se passent mal.

Ainsi arrêté, le silence revient. Et sans savoir où en est Dysis dans son avancée, il ne peut le laisser trop longtemps régner.
Alors sa gueule s'ouvre et sa voix grave s'élève tandis que tout son corps reste tendu et à l’affût, ses yeux parcourent toute la masse qui lui fait face pour pouvoir en capturer chaque détail et chaque changement.

— Pardonnez mon intrusion sur ce qui semble être votre domaine, j’espère ne pas vous importuner. Si c'est le cas, je m'en irai. Je ne cherche pas à créer un conflit entre nous.

Il marque une brève pause, juste le temps de livrer un simulacre de révérence, baissant l'encolure et avançant une patte levée sans pour autant détourner le regard. Le loup ne tient pas à interrompre sa surveillance, même pour une seconde.
C'est l'occasion de créer de nouveau un peu de bruit ; avant de reprendre sa posture initiale et de reprendre la parole.

— J'appartiens à un clan de loups partageant également ce lieu de vie, et il se trouve simplement... Que je m'interroge. Je doute que votre présence soit fortuite. J'irais même jusqu'à émettre l'hypothèse qu'une présence immobile et imposante comme la vôtre garde quelque chose.

Il se hasarde à une nouvelle respiration, avance imperceptiblement le poids de son corps sans pour autant faire de pas.

— Loin de moi l'idée de vouloir attenter à vos secrets, que vous devez avoir une bonne raison de conserver, mais... Comme nous sommes pratiquement voisins, je me dois de me risquer à au moins vous poser une question. Est-ce quelque chose dont nous, simple loups, devrions avoir connaissance ?

Une langue passe sur ses lèvres. Il est rare qu'il parle autant sans interruption, tout en y déployant autant de concentration.

— Quelque chose dont nous devrions nous méfier ?

Et sur ces derniers mots, il se tait.
Et attend désormais que quelque chose se passe, seulement accompagné par les lents battements de son cœur.

Dans l'attente qui se cristallise, Grimalk sent ses muscles se tendre davantage à chaque seconde de silence qui s'écoule.
Ses oreilles ont frémi chaque fois que lui sera parvenu l'écho des mouvements de Dysis, c'est d'une lutte intense contre ses propres réflexes qu'il aura gardé les yeux tournés vers le Gardien au lieu de les laisser fuir dans la direction des sons, là où il aurait pu trahir la présence et la manœuvre de sa congénère.
Mais maintenant il n'y a plus rien ; plus rien qu'un silence qui dure et s'étire alors que lui n'a plus d'autres mots à livrer, que Dysis ne peut plus avancer sans le couvert d'une nouvelle distraction, que l'immense silhouette ne réagit toujours pas. Son visage de fer et ses yeux sculptés sont braqués sur lui, il doit l'avoir entendu, il doit se passer quelque chose.

C'est au moment où Grimalk pense imploser de toute cette tension retenue à l'intérieur que finalement le géant de métal esquisse un mouvement. Le loup sursaute, en bondit presque - mais il se prépare, muscles tressautant pour faire face à toute éventualité.
Dans un cliquetis lugubre qui se répercute entre les murs de pierre, le grand corps pivote et une jambe se lève.
Et... Il passe à côté de lui, sans leur accorder une seconde d'attention supplémentaire, ni à lui qui était venu lui faire face ni à la louve qui s'était glissée vers ses arrières et se retrouve découverte, au milieu du couloir, dévoilée par le départ de la créature.
D'un pas lourd qui fait vibrer le sol, la marche du géant s'éloigne jusqu'à n'être plus qu'une lointaine mélodie de fond, sa silhouette avalée par les ténèbres d'autres chemins du Dédale.
...

Après encore plusieurs secondes d'un immobilisme total, Grimalk relâche la pression d'un grondement sonore qui dévoile ses crocs. Le poil gonflé de frustration, les articulations des doigts crispées jusqu'à griffer le sol dans un crissement métallique, ses yeux dorés brûlent d'un feu sauvage en fixant la direction dans laquelle le Gardien a disparu.
Avant de se retourner vers Dysis, encore crépitant de déception et peut-être un peu de colère d'avoir déployé tant d'efforts pour rien, laissant sortir une voix grave et amère d'à travers ses crocs serrés.

— J'en déduis que celui-ci ne gardait pas grand chose, finalement.

Ils ont l'air malins, maintenant, les deux fins stratèges laissés au milieu du couloir sans aucun secret à découvrir.

Après s'être tant et si bien convaincu de la théorie de Dysis et s'être senti impliqué dans la résolution de ce mystère, on pourrait aller jusqu'à dire que Grimalk boude.

La lueur qui crépite encore dans dans les yeux de Dysis ne laisse pas beaucoup de place au doute quant à ses intentions.
Insensible à sa décharge de frustration, elle garde toute son attention rivée vers l'ombre qui a englouti le géant de fer comme si le couloir qu'il avait emprunté n'était qu'une autre étape vers la résolution d'une énigme.
Grimalk, lui, demeure encore crispé dans la décharge irrégulière d'énergie qui se défragmente dans tout son corps, vague d'une tension qui avait grimpé rapidement pour être forcée de redescendre à peine quelques instants plus tard, sans résultats. Son envie première, à lui, n'est pas de placer plus d'espoir dans l'importance de cette créature qui n'a pas eu pour eux plus d'égard que des cerfs n'en auraient pour les minuscules insectes qui pullulent pourtant à leurs pieds.
S'il y a quelque chose à trouver dans ces souterrains, ils peuvent aller le chercher ailleurs sans être dépendants des aléas d'une armure peut-être vide et sans but.
Mais l'autre Nakhu veut le suivre. Leurs regards se croise, le sien toujours sombre, celui de la louve déterminé. Le poil du mâle se gonfle encore momentanément alors qu'il fait le tri entre les multiples stimulis et pensées qui défilent dans son esprit comme des nuages d'orage, se battent comme des bêtes sauvages pour prendre le dessus.

Puis il relâche un soupir entre des crocs serrés, hausse les épaules et enclenche un premier pas raide dans la même direction qu'elle, occupée à ramasser un nouvel objet égaré dans l'obscurité du Dédale.

— Et si c'est une coquille vide ? Une armure sans intérêt qui ne bouge qu'avec un peu de magie pour la tenir en place et nous faire perdre de vue ce qu'il y a d'autre ?

La chasseuse semble convaincue d'avoir affaire à un autre monstre, mais elle n'a aucune preuve que quelque chose de vivant et de pensant se dissimule sous le masque lisse. Lui, d'ailleurs, n'a senti aucune odeur. Ni entendu le moindre souffle.
Mais à défaut d'avoir une autre piste précise à suivre et le temps d'échanger sur leurs options, le loup accepte pour le moment d'engager la marche dans la même direction que celle qu'emprunta le géant pour les abandonner.
En espérant que quelque chose de plus intéressant les tire de ce qui devient peu à peu une errance.