Some way to live - [Pv Cro']

C'était l'aurore. Le soleil se levait à peine, étirait les ombres là où habituellement elles n'allaient jamais. Elles donnaient au paysage un côté à la fois féérique et monstrueux. Dans les recoins sombres, des yeux brillaient, reflétaient la lumière de l'astre brillant. Le pelage humide de rosée des mammifères produisait le même effet, avant de se fondre dans ces ombres si intenses provoquées par les hauts arbres feuillus qui parsemaient l'endroit. Quelques pépiements d'oiseau brisaient le silence de temps à autre, annonçant cette nouvelle journée qui s'annonçait chaude mais sous le signe d'une douce brise. Cette dernière ébouriffait le poil épais de Sh'Eym. Le loup fit quelques pas, ses griffes s'enfonçant dans la terre poudreuses, creusant de fins sillons dans cette dernière. Il baissa la tête et son museau effleura quelques fines touffes d'herbe qui poussaient là. Elles tremblèrent doucement et vibrèrent sous son souffle lorsqu'il exhala. Le loup releva la tête. Plissa les yeux. Devant lui, une terre arable parsemée de végétation, accueillante et douce qui ne donnait qu'une envie : se rouler dedans en fermant les yeux de délectation. Sh'Eym était dans une sorte de petite clairière à l'herbe rase, entouré de feuillus, principalement des bouleaux et des chênes. A la futée de ces derniers, des oiseaux passaient d'un arbre à l'autre.

Le loup s'étira, roulant des épaules et du bassin pour chasser toute tension de son corps fin mais musclé. Il commença à se diriger vers le bord de la terre... Le bord de la terre ? En cet écueil magnétiques, des bouts de terres, attirés par les champs magnétiques puissants et aléatoires disséminés ainsi par Dame Nature, des centaines de tonne de terre flottaient, n'attendant qu'un fou ou qu'un courageux s'aventure en son sein. Sh'Eym n'était ni l'un ni l'autre - ou peut être les deux. Il laissa ses pattes effleurer le vide, alors qu'un petit rire naissait au fond de sa gorge, un sourire naissait sur le bord de ses lèvres, créant un sourire de loup.

Las de regarder le vide sous ses pattes, il commença à avancer le long d'une liane. Cette dernière, loin de ces lianes de la jungle qui ne faisaient que quelques centimètres de diamètre, faisait plusieurs mètres de large et permettait le passage de plusieurs loups de front. Epaisse, dure comme une racine de plusieurs centaines d'années, elle permettait l'accès à une seconde plateforme, plus large celle-ci. Plus haute encore, aussi. La fin de la montée était plutôt raide, et le loup dut enfoncer ses griffes dans la liane pour se hisser sur les derniers mètres, avant d'atteindre la "terre ferme" (si l'on pouvait seulement dire ainsi). Il regarda autour de lui. Il devait être... Six, sept heures du matin ? Il allait sans se presser, d'une terre à l'autre, ne cherchant rien, et trouvant calme et bien être. De la brume légère emplissait le paysage par langues, cachant certains détails, et en dévoilant d'autres. C'était comme si la nature se parait d'une robe et dansait, dévoilant tantôt le galbe d'une cuisse, tantôt la courbe d'une hanche, et parfois ne montrant rien. Et Sh'Eym était particulièrement touché par cette danse, tentant tour à tour de deviner ce qui allait apparaître, tournant sur lui-même, cherchant du regard les formes cachées de cette nature, que le soleil montant dévoilait peu à peu. Là où auparavant il n'y avait qu'une ombre, il y avait maintenant une forme, une vie. De la vie. Sh'Eym aimait tout ce qui l'entourait, tout ce qui composait la nature. Jour, nuit, fleurs, herbes vivaces, il se sentait dans ce tableau comme chez lui. Il s'agissait de sa maison. Autour de lui, les couleurs pastel ravissaient ses pupilles, faisaient danser des étoiles dans ses yeux. Un sourire s'étira plus largement encore sur ses babines, laissant légèrement dévoiler ses fins crocs couleur ivoire. Il se mit a trotter doucement sur sa petite île, comme un roi en son royaume. A cette heure, nombreux étaient ceux, en cette période douce et chaleureuse, qui dormaient encore. Les fous ! Ils ne savaient pas ce qu'ils loupaient. Mais comme lui prouver le contraire, une ombre lupine sembla alors se dessiner non loin de là. Sh'Eym secoua la tête, comme pour chasser un insecte. Un peu de discussion, voilà qui ne lui ferait pas de mal...

Cela avait été sa première nuit dehors. Loin des siens. Loin de tout. La première d'une peut-être longue série. Cette nuit avait été courte, car glaciale. L'hybride louve-crocodile réagissait très mal aux basses températures. Elle devait avouer que son corps s'était pourtant adapter, finalement, puisqu'elle n'était pas morte d'hypothermie. Cela dit, elle ne devait pas en être loin. Heureusement qu'elle se trouvait en hauteur. Proche de la couche de nuage, la température stationnait à quelque chose de moins désagréable qu'en bas. Des fourmis rongeait ses pattes et sa queue. Chaque inspirations lui coutaît. L'air vif entrait dans ses poumons en y traçant un sillon de feu, puis ressortait en un nuage de vapeur blanc. La femelle café au lait et chocolat ferma les yeux, secoua le museau. Ses cheveux indiscipliés vinrent barrer son visage, se déversant en une cascade folle et immculée sur les épaules frêles de la petite louve. Ses oreilles s'agitèrent. Allongée au bord du précipice, elle observait le levée du soleil, cet ami si doux et réconfortant. A l'approche des rayons dorés, le monde se parait d'étoiles scintillantes et de paillettes miroitantes. Tout était magnifique. Mâat en oublia momentanément sa gène. Le spectacle méritait toute son attention. Derrière l'astre diurne montant péniblement vers les cieux, le noir de la nuit laissait place aux violets, roses, orangés. Myriades de couleurs chaudes. Sérénité et bien-être envahirent la disciple de l'Anaconda. Rien ne pouvait venir gâché cet instant magique.

Rien ? Si. Son estomac. Vide depuis bien des jours, à cause de la pénurie de proie dans son ancienne meute et parce qu'elle était tellement nulle comme chasseuse que seule, elle n'avait pu attraper qu'une grenouille gelée et quelques racines enfuit sous des centimètres de neige. Elle soupira. Elle se leva avec raideur. Etira lentement chacune de ses pattes, essayant de ramener un peu de chaleur dans son corps endolorit et engourdit puis, elle prit le partie de redescendre sur la terre ferme. Louvoyant sur les épaisses lianes et les ponts entre les épais amas de roc volant par on ne sait quel miracle, elle retrouva peu à peu un air moins riche en oxygène, facilitant l'inspiration, mais aussi plus froid. Le vent glacial lui donnait le tourni. Ses prunelles bleu glacée et or en fusion se posèrent autour d'elle. Elle avait perdu son chemin. Sur une plateforme voisine, un loup se leva, attirant son attention. La chance lui souriait aujourd'hui ! Elle chercha un moyen de le rejoindre au plus vite. Peut-être l'aiderait-il à descendre ? Et même à chasser ? Tout sourire, elle usa de ses maigres forces pour grimper à sa rencontre.

Une louve se trainait en courant devant lui. Oui, se trainait en courant. Elle était très visiblement en train de se dépécher d'avancer, ses yeux pétillaient, sa gueule était à moitié ouverte, et elle avait l'air genre super contente de le voir quand même. Cependant, son corps avait l'air engourdi, sa respiration semblait difficile - elle ne semblait pas du tout à son aise en ce terrain. L'altitude ? L'air frais du matin ? Ses pupilles fendues acier et or semblaient percer le paysage autour d'eux. Elle arriva devant lui avec un grand sourire. Sh'Eym fit une légère révérence devant ce qui était visiblement une dame - si son bel odorat ne le trompait pas. Elle lui ressemblait, sur certains points. Elle avait une base plutôt pâle et sombre, sans être pastel - bien qu'elle soit elle dans des tons terre plus que que ombre comme lui - et avait des teintes piquantes et relevées de vert. Elle arborait cependant une magnifique crinière argentée semblable à une cascade lunaire. Des tresses la parsemaient. Et sur ses pattes arrières d'étranges tatouages bleu ciel brillaient faiblement. Elle semblait plus vieille que lui, mais quelque choseen elle la faisait paraître complètement inadaptée à l'endroit où elle se trouvait. Ses flancs amaigris laissaient montrer qu'elle avait du faire diète depuis plusieurs jours, et la paresse de son corps éveillait sa curiosité.

Sh'Eym entama la conversation d'une voix douce et charmante, berceuse des temps nouveaux :

"Ma Dame, la Nature ne semble pas être clémente avec vous, ces temps ci..."

Il ne s'était incliné qu'une seconde, le temps de montrer le respect du à tout un chacun. Simple signe de bonne volonté, que tous devraient selon lui avoir. Ou alors, au moins, un simple signe de tête, en tout cas est-ce dans ses moeurs. Le loup gris et vert secoua doucement son encolure, faisant claquetter les griffes de son collier entre elles. Cette île n'était pas le lieu de chasse idéal - les proies n'aimaient pas du tout les lianes et le passage réduit qu'elles offraient, et montaient donc rarement sur les îles les plus hautes. Mais en redescendant un peu de quelques îles il serait possible de se retrouver en présence d'âmes intéressantes à chasser.

Dans un sourire radieux, la louve sable et chocolat abaissa le museau pour rendre son salut au solitaire. Un peu essouflée et la tignasse ébourrifée, elle parvint jusqu'à lui, s'arrêtant à une distance respectable pour ne pas le froisser et se laissa tomber sur son postérieur. Tant d'efforts le ventre vide n'était pas une bonne idée. Mais cela passerait. Elle devait s'y faire de totue façon. C'était sa vie désormais. Les membres tremblants, elle prit quelques secondes pour répondre.

« C'est la première fois depuis bien des lunes que je dors à la belle étoile, et l'hiver n'est pas ma saison favorite. »

C'était un euphémisme. Son organisme même haïssait tant la basse saison, son corps entier hurlait de dépit par manque de soleil et de chaleur. Il ne faisait pas bon vivre pour une hybride mi louve mi gavial dans un environnement si hostile. Mais Mâat avait relevé le défi, elle était partie, avait tout quitté pour chercher mieux. Plus épanouissant. Et cette première nuit n'était pas une réussite. Elle avait trop dormi. Un frisson parcourut son échine chiffonée. Ses prunelles mordoré et bleu glacé regardait le mâle gris et vert avec la même douceur qu'elle posait sur chaque belle chose de ce monde. Il semblait gentil. Le monde manquait tant de gens simplement agréable et prenant le temps de vivre. Les oreilles de la femelle s'agitèrent tandis qu'elle observait la très lente montée du seigneur soleil qu'elle chérissait tant. Ses rayons caressèrent sa tête, picotèrent ses joues et chatouillèrent son buste. Elle inspira plus longuement. L'effort produit pour atteindre le mâle n'avait pas eu que pour effet de l'épuiser plus encore, elle sortait de sa torpeur car réchauffée et revigorée par l'action. Elle avait donc une solution pour la journée, ne pas cesser de bouger. Par contre, ce serait plus dur pour la nuit, si elle souhaitait dormir et se reposer... L'ex-archiviste ramena sa très longue queue reptilienne autour de ses pattes et changea de sujet d'étude, lâchant le merveilleux monde et ses somptueuses couleurs matinales pour fixer le solitaire.

« Je me suis enfin échappée. Cela fait tant de bien. »

Elle se redressa, tournoya sur elle-même dans une ronde enfantine, jouissant de l'air frais jouant dans ses cheveux et de la liberté ainsi retrouvée avant de s'arrêter brusquement et de lui faire face.

« Au fait, je m'apelle Mâat. Ravie de faire ta connaissance. »

Nouveau sourire, plus timide cette-fois ci.