Révélations | Brethens

Valka était arrivée pile à l'heure du rendez-vous, la fourrure hérissée d'appréhension.

Si elle tombait sur un Solitaire ou sur un Brethen un peu trop hargneux alors qu'elle transportait ses précieux documents, s'en était fini de ses explications. Mais fort heureusement, elle retrouva bien vite Suète, qui l'accueillit chaleureusement et la conduisit à l'intérieur du Palais. Apparemment, la meute avait été prévenue, car l'endroit était rempli à l'arrivée de la chamane. Elle s'appliqua à lisser son pelage et à paraître la plus sereine possible, mais elle ne se sentait pas très à l'aise. Elle chercha Aendil des yeux, et le trouva bien vite. Il semblait terriblement abattu. Très inquiète, elle chercha ensuite Eandir, et ne le trouva nulle part.

Que se passait-il ?

Elle ne pouvait pas y réfléchir tout de suite, car Suète faisait déjà le point avec les Brethens, et l'invitait à prendre place sur un petit piédestal pour pouvoir faire son annonce. Valka s'assit dessus, se râcla la gorge et fit le vide dans son esprit. C'était bien plus facile à dire qu'à faire.

- Brethens ! Je suis Valka, Zélote chez les Séides. Si Suète m'a menée parmi vous aujourd'hui, c'est parce que j'ai des révélations à vous faire. Depuis plusieurs années, je mène une enquête en solitaire sur les origines de notre territoire, et sur nos propres origines. En découvrant des traces de langages et de cultures différentes dans les ouvrages de la Bibliothèque, ma curiosité m'a poussé à chercher si Punk Wolf n'avait pas connu une autre ère que la nôtre. A en croire Cronos, nous sommes un peuple très récent, puisque notre alpha Raw est lui-même descendant direct du Créateur. Or, Punk Wolf a bel et bien connu des peuples avant nous, et cela, Cronos s'est bien appliqué à nous le cacher depuis le début.

Elle se pencha sur les documents. Du bout de la patte, elle les arrangea dans l'ordre, puis se redressa de nouveau pour observer l'assistance.

- Toute notre histoire est retracée ici, ainsi que le grand arbre généalogique de notre race, dans ces parchemins que j'ai trouvé dans des endroits impossibles. Cachés dans le marbre, à même le bois des étalages, dans les ruines des statues. On ne voulait pas que tout cela soit trouvé. Les Séides ne sont pas la meute ancestrale : ce sont les Acids et les Toxics qui sont à la base de tout. Chaque meute était dévouée à trois divinités précises, les premiers à Moiro, Kiro et Ao, les seconds à Dairo, Aka et Mido. A cette époque, personne ne connaissait Yurai, ou même Cronos. Pourtant, ce sont bel et bien nos ancêtres, qui ont toute une histoire, et tout un héritage, que nous portons en nous aujourd'hui, mais que l'on nous a forcé à oublier.

Elle marqua une pause, histoire d'évaluer si tout le monde l'écoutait encore, ou s'il pensait plutôt à lui trancher la gorge. Visiblement, elle pouvait encore se permettre de parler. Néanmoins, sa fourrure la picotait désagréablement dans le cou.

- Je vous épargnerai l'histoire détaillée de Punk Wolf, car il s'agit d'un très, très long récit. Je l'ai retranscrite sur ce parchemin, avec l'aide des jeunes Archivistes qui ont bien voulu se dévouer à ma cause. Si elle vous intéresse, n'hésitez pas à la lire. Notez qu'il y demeure de nombreux trous, car malgré tous mes efforts, je n'ai pas pu reconstituer tout notre passé avec mes seules recherches.

Valka désigna le parchemin en question du bout de la patte.


Spoiler:


- Voici les faits. Cronos nous a dissimulé toute notre histoire et nos véritables origines, car il a détruit l'ancien monde pour en créer un nouveau. Pourquoi l'avoir détruit ? Car il déviait de la soi-disant bonne trajectoire qu'il avait espéré le voir suivre. Comment cela s'est-il produit ? En détruisant toute forme de vie existant alors sur Punk Wolf, c'est à dire en annihilant tous les loups vivant. Et ensuite ? Il a façonné une nouvelle génération de loups, la nôtre, qui a finit par se reproduire, et en engendrer une seconde, puis une troisième, et ainsi de suite jusqu'à ce que toute trace de l'ancien Punk Wolf soit disparue à jamais. Si je vous parle de cela aujourd'hui, ce n'est pas pour monter une guerre contre Cronos. Ce que j'ai découvert à fini par me dépasser. Je ne voulais pas que l'on vous cache quelque chose d'aussi important. Alors, j'en ai parlé à Aendil, Suète et Eandir, qui ont jugé bon de vous en informer. Faites ce que vous désirez de cette information. Sachez seulement que si vous voulez retrouver vos souvenirs, nous pouvons vous y aider. Nous pensons que Cronos ne maintient pas le blocus sur nos mémoires, du moment que nous avons conscience de ces faits-là. Se souvenir est à notre portée : moi, j'ai bien réussi, alors vous aussi. Du moment que vous le désirez un minimum. Si cela vous est indifférent, qu'il en soit ainsi. Il était juste de mon devoir de vous relater les faits.

Elle se tut, puis se tourna vers Suète. Elle descendit de son promontoire et recula pour lui laisser la place, avant de reculer dans l'ombre. Maintenant, c'était à elle de jouer, elle avait fait son rôle. La louve fit volte-face puis se déplaça sans un bruit, mettant directement le cap sur ses propres terres.

Des mots bien étranges. Des mots qui résonnaient dans les têtes comme un tintement curieux. Mâat ne savait pas trop quoi en penser. Des histoires de dieux, de Cronos dieu le père qui aurait tout anéantit pour recommencer. Des nouvelles générations créées, des souvenirs implantés. Comment savoir démêler le vrai du faux. Noximilien prit la parole avec des questions justes et réfléchies. Les prunelles de l'hybride se levèrent vers Valka, ex-congénère Séide, attendant ses réponses. Pourquoi révéler cela maintenant alors que l'harmonie entre tous semblait être trouvée ?

Sekmêt elle, rejoignit son demi-frère pour s'appuyer contre son épaule. Elle le savait solitaire et imaginait qu'un peu de soutien l'aiderait à s'exprimer. De toute façon, elle n'aurait mieux su dire ce qui la questionnait. Puis elle vit Khal et se rua vers lui dans un grand sourire. Au fond cela ne lui importait pas tant que ça. Si le Dieu créateur avait fait cela, il avait sans doute une raison bien au delà de la compréhension des simples mortels, et qu'on soient loup avec des souvenirs falsifiés ou loup crées, pour elle, on restait loup. A l'approche de celui qui resterait toujorus son mentor, même maintenant qu'elle avait atteint sa première année, elle décélera et se tint plus droite, sérieuse. En trottinant, elle vint s'assoir prêt de lui. Il avait cet ascendant sur elle, de la maintenir un peu plus calme un certain laps de temps et surtout de garder son attention concentrée sur lui. Elle l'aimait beaucoup. Le seul soucis que lui apportait les révélations de la Séide, c'était la peur de voir des conflits éclatés. Car même si elle n'hésiterait pas à se battre pour les siens et ses convictions, elle n'aimait pas la violence.

Sa cousine était arrivée pile à l'heure. Et lorsque son regard clair croisa le sien, il lui sembla y lire interrogation et crainte. Sentiments sûrement liés à l'absence d'Eandir. Mais là n'était pas le moment pour discuter de cela. La louve fauve l'avait compris en même temps que lui puisqu'elle s'empressa de faire part de ses découvertes aux autres Brethens. Comme il le craignait, l'un d'entre eux lui fit par de ses inquiétudes. Qui étaient plus que légitimes.
Décidément, plus le temps passait et plus il cherchait l'utilité de ces révélations. A part permettre au monde entier de se coucher moins bêtes... si ils arrivaient seulement à s'endormir après ça au vu du nombre de questions existentielles qui devaient hanter leurs esprits. Le membre du conseil adressa un sourire rassurant au jeune Noximilien.

▬ Rien ne changera. Nous avons trouvé notre équilibre dans ce nouveau monde et c'est très bien comme ça. Au cours d'une réunion, nous avons seulement jugé important de vous mettre au courant de la situation. Vous avez le droit de savoir, même si vous ne comptez pas utiliser ces informations.

Il marqua une pause.

▬ Certains d'entre vous avaient une famille qui vivait avant ce renouveau... Peut-être qu'ils vous reste des cousins vivants, ici et maintenant ?

Suète s'était tue.
Dans la précipitation, elle s'était contentée d'accueillir Valka sans davantage de cérémonie. La chamane était ponctuelle et visiblement enthousiaste de faire part de sa découverte. Connaissant l'attachement qui la liait aux jumeaux - une histoire de famille, apparemment, ce qui était peu étonnant quand on savait que leurs deux lignées étaient anciennes - elle avait jugé bon de passer le drame qui avait secoué le clan sous silence. Elle comptait bien lui en faire part à un moment donné, ou alors Aendil s'en chargerait, mais ils attendraient la fin de ces révélations importantes. Peut-être qu'elles n'auraient aucune répercussion, après tout, mais ce n'était pas vraiment cela qui importait. Ce qui comptait, c'était que la vérité était rétablie.

▬ Noximilien, ce que tu dis est pertinent mais, quand nous avons entendu ce que Valka avait à dire, nous avons jugé bon de vous en faire part. Nos principes prônent une confiance entre le Conseil, les Lanternes et les Éclaireurs, et il nous paraissait inconcevable de connaître cette importante vérité sans vous en faire part, il en va de l'intégrité du Clan. Nous préférons prendre un risque en étant honnête avec vous que vous mentir.

Son ton était calme et posé.

▬ Comme l'a dit Aendil, peut-être avez-vous encore une famille sur ces terres ?

Krilla marchait d'un pas assuré, Zerfall et Papol à ses cotés.
Aujourd'hui, son chef bien aimé lui avait confié une mission. Et toute dévouée qu'elle lui était, la femelle sombre n'avait pas perdu une seconde avant de se mettre en route vers les terres Brethens. Cette visite, probablement imprévue, leur ferait une jolie surprise, après celle des têtes déposées tout autour de leur dolmen. Pendant une seconde, ses traits se firent moins durs et on put même lire l'ébauche d'un sourire sur ses babines.
Sourire qui s'élargit lorsqu'elle aperçut le QG des Brethens se dessiner sur la ligne d'horizon. D'un mouvement de la tête, elle incita ses camarades à hâter le pas afin de rejoindre l'endroit plus vite. Ses désirs accomplis, elle poussa un hurlement sonore afin d'attirer l'attention des Brethens. Un nouveau rictus fendit son visage lorsqu'elle les aperçut venir dans leur direction. Cependant, il ne s'agissait pas, bien que cela soit plutôt tendant, de leur sauter dessus. Là n'était pas le but de son chef. Du moins pour l'instant.

▬ Eh bien, pourquoi ces visages surpris ? Vous vous demandez qui nous sommes, n'est-ce-pas ? La réponse est toute simple, nous sommes un groupe de loup, tous réunis sous un même nom. Celui des Precursors.

Son visage reprit une expression neutre et c'est d'une voix tout à fait posée qu'elle continua son explication.

▬ Comme vous pouvez le voir, nous sommes des loups, tout comme vous. A la différence que… vous avez tout oublié. Vos racines, le pourquoi de votre existence, vous ne saviez même pas, pour la plupart qu'avant ces terres, il en existait d'autres. Des terres sur lesquels vivaient certains de vos aïeux. Et nos aïeux.

Pause.

▬ Mais ces loups sont morts, tués par Cronos. Chose surprenante, ce monstre à permis à certaines lignées de continuer leur existence… et vous êtes arrivés. Et c'est là que nous somme différents. Vous n'êtes que des coquilles vides aux souvenirs volés. Nous, nous nous souvenons de tout. Nous sommes les héritiers de cet ancien monde. De ce vrai monde. Celui ci n'est qu'une illusion, vous n'allez pas dans le bon sens, Brethens. Souvenez vous. Remémorez vous vos parents et vengez les ! Reniez le traitre Cronos ! Vous ne pouvez croire en un être qui, par ce qu'il était mécontent, à anéanti un monde entier. Ce que vous avez vécu ces derniers temps, je veux bien sûr parler des têtes déposées sur vos terres, n'étaient qu'un avertissement. Acceptez la vérité, ouvrez les yeux ou les choses deviendront pires encore.

Sourire.

▬ A vous de choisir. Rangez vous à nos cotés ou mourrez.

Horreur et inquiètude vrillèrent le coeur de l'hybride louve-crocodile, Mâat, lorsqu'elle vit arriver ces étrangers, et les écouta parler. Elle eut peur pour Sekmêt et la chercha des yeux alors que les intrus menaçaient. La jeune louve s'était faufilé rapidement prêt de sa mère, soulagée de la voir. La louvette brune bouillonnait. Comment osaient-ils les menacer ainsi ? Qui leur permettait ? La femelle brune aux yeux bleu tropique grondait, offusquer que ces loups osent venir chambouler leur vie tranquille de pacifiques. Peut lui importait ces histoires d'hérédité réelle ou inventée par les dieux. Tous étaient des loups, tous méritaient la vie. Ils repisraient le même air, souffraient des mêmes maux, adoraient le même soleil. La jeune femelle s'avança en avant de sa mère, en protectrice. Sekmêt savait que sa génitrice abhorait la violence au point de risquer de ne pas se défendre en cas d'attaque. La femelle chocolat ayant eu le meilleur des mentors, elle avait develloper un courage entêtant parfois dangereux pour elle-même. Mais au moins, elle protégeait les autres et le prouvait dans ses actes. Mâat était si fière de sa fille et de ses progrès, mais cela ne l'empêchait pas de craindre pour elle et de lui intimer le calme et la patience. Il ne fallait pas se précipiter, on ne savait pas de quoi étaient capables des loups pareils... Aussi, Sekmêt accepta d'un signe du museau de rester à sa place, auprès de sa mère hybride, tout en fixant le géant sablé, au moindre signe de sa part, elle chasserait les intrus, foi d'adolescente ! è_è

Suète n'état pas quelqu'un qu'on menaçait.
Suète s'était construite au fil des ans sur des bases stables, strictes, presque radicales. Elle s'était imposé un rythme de vie rigoureux, sans n'y faire jamais aucun écart. Si elle restait toujours animale au point d'en ressentir la peur, elle avait appris à se faire d'elle une alliée, domptant cet avertissement que lui donnait son esprit pour en faire un médiateur décuplant sa concentration, utilisant cette adrénaline comme un boost de ses capacités physiques déjà démentielles. La guerrière était un soldat façonné de toutes pièces, une arme de destruction massive dotée d'une conscience du sens commun, ainsi que capable de stratégie et de réflexion. Jamais elle n'avait cessé de progresser ou de remettre en question ce qu'elle savait, sans jamais se reposer sur ses acquis, apprenant de chaque combat, créant de nouvelles tactiques pour gagner en efficacité, sans cesse tirée vers le haut par son propre entraînement.

Si Suète acceptait ses propres imperfections, elle n'en demeurait pas moins un être fier.
Non, clairement, Suète n'était pas quelqu'un qu'on menaçait.

Si cela n'avait tenu qu'à elle, elle se serait jeté sur ces fauteurs de trouble dans un feulement de rage. Ainsi donc, c'était eux qui avaient profané le Dolmen, et causé torts et peur dans le cœur de chaque habitant de Punk Wolf. Ils les avaient menacés en les traitant d'aveugles. Ils les avaient menacés par ces têtes autour du Dolmen, ils les avaient menacés en tuant le petit de Tequeela et en sabotant leurs vivres. Ils les avaient menacés, attaqués même, en jouant impunément sur la peur et le doute qu'ils semaient en eux, espérant les diviser, espérant les faire douter et les détruire de l'intérieur.

Le pire, c'est qu'ils avaient presque réussi.
Elle se sentait humiliée.

— Qui pensez-vous menacer, vermines ?

Sans réfléchir et presque sans en avoir conscience, Suète s'était portée au niveau de Khal. Tout son corps était tendu, tant elle contenait sa rage. Outre l'injure faite à son peuple, elle sentait en leurs mots une injure profonde faite à sa personne, à sa légitimité et à ce qu'elle avait contribué à construire. Elle sentait une remise en cause de ses capacités, comme si ces rats pouvaient, en un claquement de doigts, les détruire tous, et la détruire elle. Comme si leurs paroles pouvaient à elles seules suffire à saper cet édifice qu'elle avait passé une vie à créer pierre par pierre à raison d'efforts gigantesques.

Comme si eux détenaient la vérité.

— Vous osez vous présenter ici après avoir profané le Dolmen, après avoir assassiné un enfant, après avoir semé le trouble ? Vous pensez peut-être pouvoir nous impressionner, ou nous faire peur ? Mais que croyez vous ?

Suète éructait. Le fiel et la haine s'écoulaient de sa gueule en un flot ininterrompu.

— Vous êtes trois criminels, trois chiens galeux, et vous êtes en minorité. Cronos n'est peut-être qu'une vaste supercherie mais il nous a créé, et nous, nous sommes réels, nous sommes légitimes et nous pouvons parfaitement vous faire payer ce que vous nous avez fait subir. Ici, nous sommes sur nos terres, et c'est vous qui risquez de mourir.

Elle marqua une pause.

— Khal a résumé ce qui risquait d'arriver si vous ne partez pas sur le champ. Disparaissez.