Jump ▬ ft. Ska

Sujet: Jump ▬ ft. Ska Mar 17 Nov 2015, 19:34

Le vent soufflait fortement là-haut. Il jouait dans les quelques brins d'herbes, faisait voltiger les fleurs rares et sauvages au bout de leur tige, leurs pétales dansant dans l'air. Du sol, on pouvait distinguer autre chose, voguant sur le vent tout en restant maintenu sur place par quelque attache. Cela ressemblait à du feu, ou alors à des cheveux. Peut-être quelqu'un avait-il allumé un petit foyer tout en haut de ces rochers flottants, se réchauffant tout en profitant de la vue magnifique. Cependant, si l'on escaladait les lianes, périples dangereux et difficile, et que l'on montait jusqu'à ce plus haut rocher, on trouverait, non pas un feu, mais une louve, étendue dans un carré d'herbe émeraude. Sa longue crinière ondulée était ce qu'on pouvait voir du sol. Elle se mouvait dans les airs, donnant un air presque irréel à la scène. Sur le fond enflammé des cheveux se détachait le visage d'une louve au pelage rougeoyant, ses yeux couleur acier dégoulinant de tristesse. À son ventre rebondit de femelle pleine, on s'étonnerait peut-être de la voir tout là-haut, mais on ne pouvait pas savoir qu'elle n'avait cure de perdre sa portée. Elle se tenait là, avachie de tout son long, son regard perdu sur l'horizon qu'elle ne voyait pas. Son esprit était ailleurs.

Elle avait été faible. Peut-être avait-elle mérité ce qui lui était arrivé. S'éloigner ainsi de la meute, s'isoler si loin de toute aide, alors qu'elle était dans cet état. Il était inévitable qu'un incident se produise. De son propre chef, elle avait couru vers ce dénouement. Elle avait été incapable de se défendre. Incapable d'arrêter l'inarrêtable. Si cela avait été n'importe qui d'autre, cela aurait été horrible, mais acceptable. Elle aurait pu vivre avec cela. Mais elle ne pouvait accepter que ces gestes aient été posés par lui. Comment pourrait-elle poser les yeux sur les fruits de cet être immonde ? Les aimer ? Jamais elle n'en serait capable. Elle cauchemardait à toutes les nuits, voyait de petits louvards bruns, bleus et roses la regarder avec cet air moqueur sur le visage. Chaque fois qu'elle se réveillait, elle n'avait qu'une envie : se jetter du haut de ces mêmes rochers. Son corps se briserait au sol, de même que les vies qu'elle portait en elle. Ces vies qu'on l'avait forcé à porter. Ces vies qui tiendraient inévitablement de leur père. Edan.

Elle avait toujours voulu être mère. C'était même son ultime but dans la vie. Elle voulait avoir des enfants, faire mieux que ce que ses propres parents avaient fait. Mais pas comme cela. Pas ainsi. Pas à cause d'un viol. Elle avait pourtant tout fait pour être forte, solide. Elle avait vécu toute seule assez longtemps. À ses six mois, lorsqu'elle avait rejoint les Séides, elle chassait déjà les petits rongeurs et les lapins ! Elle avait survécu à son père ! Elle était devenue Soldate, elle avait relevé le défi de Kiro ! Au final, rien de tout cela ne l'avait aidé. Au contraire, son Glowstick l'avait fait couler, l'affaiblissant plus que jamais, la réduisant à une simple chiffe molle incapable de se défendre. La soumettant aux bassesses d'Edan. Un soupire s'échappa des lèvres de la louve. Elle regardait le sol. Il lui semblait bien accueillant. Il lui suffirait de se lever et de faire deux pas, deux petits pas qui la précipiterait vers sa fin et, enfin, le repos. La femelle se leva difficilement. La montée l'avait exténuée. La force du vent frappant son poitrail de plein fouet la fit reculer d'un pas, mais elle se avança de deux. Plus qu'un petit pas. Elle regardait en bas. Elle ne pouvait pas. Ce n'était pas qu'elle ne désirait pas la mort, elle était si tentante. Mais Fireheart ne pouvait sciemment condamner ces louveteaux innocents. Ils n'avaient rien fait de mal. Malgré ce que ses cauchemars lui montraient, les petits ne seraient pas ainsi. Il n'en tiendrait qu'à elle de s'en assurer.

Invité

Ska la trouvait fascinante.
Cela faisait quelques minutes qu'il était là, restant en arrière et se faisant le plus discret possible -ce qui n'était pas une mince affaire au vu de sa taille- pour ne pas alerter la femelle orangée. Il était venu à l'écueil par hasard, songeant vaguement au glowstick qu'il arborerait lorsque Suète le jugerait apte à passer l'épreuve. Et puis, au fil des pas, ses yeux s'était posés sur cette silhouette au ventre rond. Malgré toute la tristesse lisible sur ses traits, il ne pouvait s'empêcher de la trouver belle. Pas une beauté tapageuse aux longs cils de biche qui vous allumait par un simple regard, non, une beauté toute simple, toute naturelle qui ne le voyait même pas. Une beauté qui serait peut-être passé inaperçue pour bien des mâles. Pour lui aussi, d'ailleurs, si elle n'avait pas arboré cette longue chevelure aux couleurs chatoyante et si elle n'avait pas semblé assez désespérée pour s'approcher du vide. Le loup clair frissonna en imaginant son corps frêle se fracasser contre les rochers. Mais elle n'en fit rien, à son grand soulagement. Les enfants qu'elle portait devaient la retenir sur cette terre et Ska s'en sentit affligé. Cette louve avait du souffrir pour qu'il n'arrive pas à apercevoir l'ombre du sourire le plus discret sur ses babines et pour que ses prunelles bleues se trouvent voilée par le chagrin. Et tout trublion qu'il était parfois, Ska doutait pouvoir lui donner, aujourd'hui, suffisamment de bonheur pour lui permettre de continuer sa vie la tête haute.
Cependant, rien ne l'empêchait de dissiper un peu le chagrin qui semblait l'accabler le temps d'une rencontre.

S'arrachant à sa contemplation qui, si à ses yeux semblait tout à fait normale aurait pu rendre n'importe qui mal à l'aise, il marcha lentement vers l'inconnue pour ne pas l'effrayer. Arrivé à sa hauteur, il sentit comme un air de déjà-vu. Cette louve, ce n'était pas la première fois qu'il la voyait. Combien même il n'avait jamais pu avoir une réelle discussion avec elle. Cela devait remonter du temps ou il était encore Séide. C'était même certain au vu de son odeur et, maintenant qu'il y pensait, il se rappelait d'elle comme d'une jeune soldate douce et aimante. Muette aussi, si ses souvenirs étaient bon. Mais cela n'avait pas d'importance. La valeur d'une personne ne se mesurait pas à la qualité des paroles qui sortaient de sa gueules mais à ses actes, et cette louve avait montré la sienne plus d'une fois.
Et elle, se souvenait-il un petit peu de lui ? C'était probable. Il n'avait pas été le louveteau le plus calme des Séides. Pas tant au niveau de son caractère, il avait toujours été un être particulièrement doux, mais au vu des nombreuses escapades qu'il faisait en solitaire lorsque la peur le prenait aux tripes et, bien sûr, c'était souvent les Soldats qui se lançaient à sa poursuite avec, en décor de fond, les maternelles inquiètes.
Ça remontait, tout ça.

L'heure n'étant pas aux réflexions ni au remuage de passé, il offrit à la louve un sourire sincère. L'un de ceux qu'il donnait à tous les loups croisés dont les têtes lui revenaient. C'est à dire 99,9 % de ses congénères.

▬ Bonjour !

Il remua joyeusement la queue.

▬ Est-ce-que tu veux bien venir marcher avec moi ?

Il n'y avait rien de mieux qu'une balade accompagnée d'une discussion animée pour se changer les idées. Et si cela ne fonctionnait pas, il aurait toujours essayé. A part se voir repoussé par la louve, Ska ne risquait d'ailleurs rien du tout.

Sujet: Re: Jump ▬ ft. Ska Mar 17 Nov 2015, 22:06

Un oiseau volait au-dessus des arbres. La chose n'était bien sûre par rare, mais c'était les couleurs, magnifiques, de l'animal qui avaient attiré le regard de la louve carmin. Bleu, vert et or. Étrangement, le volatile lui semblait un véritable symbole de pureté, de joie et de liberté. Il flottait, léger, virevoltait, adroit, sur les vagues impétueuses du vent. L'oiseau était le roi des cieux, maître des vents, et pourtant il était si fragile. Ses os, vides afin de lui permettre le vol, se brisait si facilement. Si, par malheur, il lui manquait quelques rémiges, il était alors cloué au sol, maladroit et veule. Tant de force dans ses battements d'ailes, tant de puissance dans son allure, et pourtant, au fond, l'oiseau n'était que faible créature, une proie pour les prédateurs. Exactement comme elle. Elle avait beau exhiber son armure à pointes, prendre un air méchant, elle était faible. Elle n'était qu'un petit oiseau qui se pensait maître des cieux, jusqu'à ce qu'un grand méchant loup saute en l'air et referme ses crocs sur son aile, l'handicapant à jamais. Destinée à rester au sol, à se contenter de rêver à ses anciens exploits aériens, elle dépérissait, donc, désormais consciente de sa faiblesse. Sans ses ailes, elle n'était rien.

Elle était si prise dans ses pensées sombres qu'elle n'entendit même pas le jeune loup blanc approcher. Elle qui était si nerveuse, si effrayée, avait un instant oublié d'écouter. Elle se figea soudainement lorsque la grande tache blanche apparue dans son champ de vision périphérique, beaucoup trop près. Elle tourna lentement son regard horrifié vers le loup. Le fait qu'il soit un mâle était encore pire pour ses pauvres nerfs. Elle eu d'abord un bond maladroit de recul, la peur exsudant de ses pores. Puis elle le reconnu. Son odeur respirait le Brethens, mais c'était bien lui. Ska. L'un des petits loups qui venaient dont ne savait où. Ce fameux loup blanc qui n'arrêtait pas de fuir le camp, et après lequel elle avait du courir plusieurs fois. Ce jeune loupiot - enfin, il était alors beaucoup plus jeune - qui était si adorable. Elle se détendit considérablement. Brethens et Séide devait supposément ne pas s'aimer beaucoup, mais elle ne pouvait voir d'un mauvais œil ce petit, pour lequel elle s'était tant inquiétée. Il était de la famille, d'une certaine façon.

La louve baissa le regard, mais battit légèrement de la queue en réponse à son bonjour. Elle s'excusait ainsi de sa réaction première et le saluait à son tour. Parce qu'elle ne pouvait parler, ses conversations s'en tenaient normalement à cela. Personne n'aimait partager son silence. Personne n'aimait monologuer à une louve qui ne répondrait jamais. Elle savait bien comment cela se terminerait. Il s'ennuierait de parler tout seul et là planterait là. Comme tout le monde quoi. Mais elle hocha quand même la tête et s'avança vers lui. Parce qu'au fond, elle avait toujours de l'espoir. L'espoir qu'on la comprendrait. L'espoir qu'on verrait en elle ce qu'il y avait en tout autre loup, une voix. L'espoir que tout finirait bien.

Invité

Il l'avait effrayée. Terrorisée, même.
Quelque chose lui disait pourtant que sa personne n'était pas la cause réelle de cette réaction paniquée. En partie par ce que la louve s'était calmée et avait esquissé un geste d'excuse lorsqu'elle l'avait reconnu. Ska resta hébété quelques secondes, avant qu'elle ne s'avance vers lui avec un regard rempli d'espoir. Elle devait attendre quelque chose de lui. Mais quoi ? A défaut d'entendre la voix qu'elle ne possédait pas, il ne pouvait que se baser sur des suppositions plus ou moins fondées. Et carrément maigres. Il ne connaissait que très peu Fireheart et ne s'était jusqu'alors jamais interrogé sur ce qu'elle aimait, sur ses rêves, ses peurs, ses peines et ses espoirs. Ce n'était pas de sa faute. Il ne pouvait pas non plus connaître parfaitement toutes les personnes dont il croisait la route. Ceci dit, cette rencontre était peut-être le moyen de combler un peu cette défaillance.

▬ Tu es nerveuse. Pourquoi ?

Il fronça les sourcils, soucieux.

▬ Et est ce que je peux t'aider ?

C'était la sa principale préoccupation.
Sans être le stéréotype du petit loup tout gentil et parfait -il avait beau être doux, il était aussi parfois capable des pires colères lorsque ses émotions prenaient le dessus- il n'aimait néanmoins pas sentir un congénère malheureux et, bavard, il était bien placé pour savoir qu'extérioriser était la meilleure façon de se sentir mieux. Et même si elle ne pouvait pas parler au sens propre du terme, il sentait que Fireheart était capable de faire passer un message à force de mimiques.

Sujet: Re: Jump ▬ ft. Ska Ven 20 Nov 2015, 19:59

Elle poussa un léger soupir, l'air s'expulsant doucement de ses poumons pour franchir ses babines délicatement. La question que jeune loup lui posait en était une à laquelle elle n'aurait pas voulu répondre, même si elle avait eu une voix. Qui aimait raconter sa déchéance ? Qui aimait voir la pitié - ou pire, le dégoût - teinter les prunelles de son interlocuteur ? Car c'était ce qui arriverait, elle en était persuadée. Si elle avait pu parler, si elle avait raconté ce qui était arrivé, il l'aurait regardé avec l'une ou l'autre de ces émotions dans les yeux. Et elle ne pourrait le supporter. Elle les voyait déjà dans les regards en coin qu'on lui lançait de loin au creux aux loups. Elle entendait les gens chuchoter, supputer. Elle entendait les histoires qui couraient. Les rumeurs qui se répandaient. Et la majorité d'entre elles étaient vraies. Le père n'était, après tout, pas Séide. Cela lui méritait donc plusieurs regards dédaigneux, voir hostiles. La meute était assez stricte sur le sujet, ils ne devaient pas se reproduire avec des loups extérieurs à la meute. Après, il y avait ceux qui soupçonnaient un viol, le désespoir et la dépression de la louve carmin aidant plusieurs à ce faire une telle idée. C'était d'ailleurs celle qui prévalait dans les rumeurs. Mais personne n'avait une idée de qui avait pu faire cela, ni comment il s'était pris pour violer la femelle au pouvoir du feu.

Elle secoua donc simplement la tête, non pas pour dire non, mais pour indiquer au jeune Ska de ne pas s'attarder sur le sujet, de ne pas s'inquiéter. Après tout, plus personne ne pouvait quoi que ce soit pour elle à présent. Elle jeta néanmoins un regard en direction de son ventre rebondit, une certain rancœur côtoyant la peur et le désespoir dans ses yeux. Elle se força ensuite à sourire au Brethens ; il n'avait rien qu'il puisse faire, mais sa considération lui faisait du bien, profondément. Elle réfléchis. Elle voulait lui faire comprendre qu'il en faisait déjà bien assez. Sa solitude, bien que désirée, ne lui faisait aucun bien et elle le savait. Que quelqu'un cherche à l'aider, à la comprendre, cela l'aidait aussi. Il ne savait pas ce qui était arrivé, bien sûr, cela aidait. Il ne pensait pas que cela puisse être de sa propre faute si elle était dans un tel état. Et de ne pas être considérée comme une victime ou l'instrument de son propre malheur lui faisait du bien. C'était temporaire et elle le savait, mais cela lui faisait quand même un peu de bien. Malheureusement, elle ne trouva pas une façon de communiquer tout cela. Alors elle s'approcha simplement davantage et lui donna un coup de langue sur haut de la tête afin de le remercier, simplement.

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