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 Brotherhood [Pv.Abel]

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MessageSujet: Brotherhood [Pv.Abel]   Brotherhood [Pv.Abel] EmptyDim 20 Déc 2015, 14:16


    Aujourd’hui, il neigeait.
    Ce n’était en soit pas une chose extraordinaire, notamment lorsqu’on avait connu les terres recouvertes d’un épais manteau blanc durant plusieurs années, et que l’on avait appris à vivre en se nourrissant peu, et en acceptant de rentrer bredouille au camp après une séance de chasse à travers le bois qui prospérait non loin.
    Caïn n’avait rien de particulier à dire sur ce temps. Certains l’appréciaient, notamment les louveteaux qui s’amusaient à soulever la poudreuse, et les parents heureux de voir ainsi leur progéniture s’amuser. Mais lui n’en avait pas, de progéniture. Il n’avait plus de parents non plus. Et c’était bien ainsi, finalement.

    Ses parents n’étaient pas du genre à veiller sur eux d’un regard tendre, ni à multiplier les attentions pour le satisfaire lui et sa fratrie.
    Son père était brut, sans pour autant être violent. Disons qu’il les brusquait un peu, pour parfaire leur éducation, les faire marcher droit et assurer sur eux son autorité. Il était surtout présent lorsqu’il s’agissait d’apprendre à chasser ou à se battre. C’est de lui que Caïn tenait cette aisance naturelle à pister, traquer puis tuer, et qui lui avait valu le rang de chasseur. Rang qui lui avait permis de se démarquer suffisamment pour monter les échelons de la hiérarchie des Séides, et occuper actuellement le rang de Bêta aux côtés d’une louve qui n’était pas sa compagne mais avec qui il s’entretenait cordialement.
    Quant à sa mère… C’était une louve rêche, difficile à supporter bien longtemps. Elle les avait vite sevrés, les nourrissant de cafards et d’insectes visqueux lorsqu’elle était trop oisive pour récupérer une véritable proie. Elle ne s’était pas reproduite pour combler un côté maternel, ni pour redistribuer un surplus d’affection qu’elle ne possédait pas. Non, elle s’était contentée de répondre à un instinct primaire, celui de faire perdurer l’espèce en enfantant.
    Comme bon nombre de ses camarades, par ailleurs. Qui le répugnait fortement, il fallait l’avouer. Dès qu’un mince béguin s’installait entre deux loups de sexe opposé, ils se montaient très vite dessus pour pondre quelques paires de semaines plus tard une portée. Et, malgré un âge souvent jeune –comprenez par-là inférieur à cinq printemps- , portait déjà le qualificatif de parents.
    Pourquoi gâcher ainsi sa vie, à vouloir à tout prix avoir des enfants si tôt ? Caïn ne comprenait pas. Certes, il fallait bien que des loups y viennent, à cet acte. Mais plus tard, quand ils avaient déjà vécus tout ce qu’il y avait à vivre, dans une liberté totale que l’on ne pouvait avoir que lorsqu’on ne possédait pas de famille. Car même si l’on délaissait la progéniture, la refourguant à ses parents ou à une nourrice, on avait tout de même répondu à cet appel de la nature, qui disait qu’il fallait faire perdurer l’espèce. Conformiste au possible.
    Ce que Caïn n’était pas, par ailleurs. Rentrer le moins possible dans les rangs, se démarquer des autres. Il était un personnage particulier, tantôt détesté tantôt apprécier. Rare était les loups rencontrés qu’il n’avait pas un minimum marqué, finalement. Et dieu qu’il en avait rencontré, des loups.
    C’est qu’il n’était plus tout jeune, du haut de ses huit ans et demi.
    Et là, tapis au fond de son antre de vieux garçon -bien qu’il eut une compagne, loin de sa meute d’origine-, avec sa patte qui l’élançait à cause du changement du temps, il paraissait encore plus vieux.
    Des poils gris plus clairs commençaient à apparaitre sur ses babines, doucement, lui conférant un air plus sage qui ne lui allait pas si bien que ça.

    Bien qu’il s’était assagi, avec le temps, c’étaient indéniable.
    Lorsque sa nourrice, une louve aussi dure qu’enrobée, l’avait apporté au clan après l’avoir trouvé affaibli dans le bois. Il s’était perdu après avoir poursuivi une proie, tentant d’impressionner ainsi son père. A force de s’éloigner, il n’était parvenu à retourner sur ses pas, et confondait les odeurs de sa famille et celle d’autres loups. Finalement, c’est épuisé qu’il avait perdu connaissance, pour s’éveiller aux côtés d’autres jeunes dans la jeune cordillère.
    Elle avait vite déchantée, sa nourrice, de voir quel gamin il était. Une boule de nerfs, un sourire moqueur toujours étiré sur ses babines. Infernal.
    Et puis, il avait grandi. Il avait obtenu son glowstick, devenant disciple de Mido, et avait découvert son pouvoir dans les mois qui suivirent. Là, il fallut apprendre à vivre avec, ce qui lui mit un petit peu de plomb dans la tête. Juste un peu.
    Transformer n’importe qui en zombie juste au contact de ses fluides, ce n’était pas rien après tout.
    Il n’avait qu’un an à ce moment-là. Sept ans c’étaient ensuite écoulé.
    Sept années durant lesquelles il avait appris à se battre, à détester, à aimer. Surtout à aimer. Il avait fait face à des adversaires de tailles, des fois par simples intrépidité, des fois pour répondre aux ordres de la hiérarchie. Il avait tué, aussi. Des êtres vivants autres que des proies consommables. Des êtres comme lui. Des loups. Deux, exactement. Est-ce que cela l’avait marqué ? Non, pas particulièrement.
    Peu de choses pouvaient bouleverser Caïn, de toute façon.

    Parmi les peu de choses, le fait de voir son frère cadet débarquer une nuit au camp des Séides.
    Dire qu’il ne l’avait même pas reconnu, au début. Son odeur, son apparence, rien ne lui avait rappelé le louveteau qu’il avait jadis connu durant quelques petits mois. Aussi l’avait-il traité de la même manière qu’il aurait traité un ennemi, un intrus. Ce sale solitaire ! Il avait manqué de lui faire la peau, ce soir-là. A ce loup qui de toute façon semblait vouloir mourir, car atteint d’une maladie qui détériorait sa santé au point qu’il en crachait du sang.
    Mais en y réfléchissant, maintenant, son frère n’était peut-être pas venu pour mourir. Ce n’était là que des paroles pour cacher ses véritables intentions. Certes, Abel n’était pas du genre à craindre la mort, mais n’était pas non plus celui qui se suicide bêtement. Caïn en avait alors déduit qu’il était venu pour lui. Pour le retrouver, lui permettait d’assouvir sa curiosité. Qu’était-il devenu, après tant d’années ?
    Caïn aussi, était curieux. Lui aussi voulait savoir ce qui l’avait mené jusqu’à lui. Et ce qu’était devenus leurs parents. S’ils faisaient partie du monde créé par Cronos, ou s’ils étaient des descendants d’une lignée bien plus ancienne.
    Tant de questions qui demeuraient sans réponses. Qu’Abel pourrait sans doute lui fournir, persévérait-il à croire.

    C’est pourquoi il se décida à sortir sous cette neige qui tombait lentement.
    Une discussion avec Illa, qui datait de quelques mois désormais, avait fait naitre cette détermination qui le poussait à enfin retrouver ce frère. Il l’avait cherché, parfois, abandonnant à la moindre fausse piste pour ne pas trop perdre son temps.
    Mais en ce jour, tout était différent.
    Après avoir manqué de périr face aux Précursors, le Bêta Seide avait ouvert les yeux. Il fallait qu’il parle à son frère. Il fallait qu’il retrouve Abel. Car une fois mort, qu’importe de qui il s’agissait, il serait trop fort.
    Et Caïn ne voulait pas périr en laissant tant de zones d’ombre sur son passé.
    C’est boitillant qu’il quitta le camp, laissant derrière lui la chaleur de sa petite grotte pour se laisser transir par le froid.

    De là, Caïn commença sa traque.
    Même s’il avait cessé de chasser, sa patte arrière gauche ne le lui permettait toujours pas, encore plus maintenant que la température avoisinait le zéro, Caïn n’en gardait pas moins un flair excellent. Aucune odeur ne pouvait lui échapper. Il humait celle de la végétation humidifiée par la neige, des gibiers qui se terraient au fond de leur galerie en attendant le retour de la belle saison, celle des loups ayant traversé l’endroit.
    Celle d’Abel.
    Une lueur traversa ses yeux, et sa détermination n’en fut que plus grande. Il accéléra un peu l’allure, trottant à moitié, ignorant la douleur qui élançait sa cuisse, et regretta de ne pouvoir aller plus vite.

    Le retrouver.
    Il ne ferait pas demi-tour tant qu’il ne l’aurait pas retrouvé.

    C’est ainsi que le gris se retrouva à proximité du saule qui abritait la fontaine du dieu jaune.
    Là. Son frère n’était plus loin, il pouvait presque percevoir sa présence, malgré sa volatilité importante et le fait qu’il soit capable de disparaitre avait même d’être perçu.
    Le mâle releva le museau vers les cieux, les yeux plissés, humant l'odeur de son cadet. Jamais il n'avait été aussi proche de lui, si l'on exceptait le jour où ils s'étaient brièvement confrontés à la jeune cordillère, lorsque l'anthracite avait décidé de venir saccager les denrées et semer le désordre dans le camp des Séides.
    La gueule du gris s'ouvrit alors, dévoilant le bout de ses crocs. Et puis, il parla.

    « Abel. »

    Net, sec, sans fioritures ni once de sentiments.
    Il n'en avait que faire, de l'amour fraternel. Tout ce qu'il voulait, c'était en savoir plus sur son passé qui demeurait dans le flou. Et de mettre une bonne fois les choses au point avec ce mâle qui partageait son sang.

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MessageSujet: Re: Brotherhood [Pv.Abel]   Brotherhood [Pv.Abel] EmptyMer 23 Déc 2015, 19:51


    C'était une aurore boréale.
    Je n'expliquerai pas ce doigt d'honneur météorologique - sur un île où se confrontent, sans réelle logique, montagne, désert de sable, banquise, toundra froide et savane étouffante - mais cela ne faisait aucun doute : étirant ses méandres de turquoise, de pourpre et de bleu roi, comme un chemin céleste et irréel, comme un arc-en-ciel déchu, c'était bien une aurore boréale que l'on pouvait admirer, ce soir là, sur les hauteurs de la Cordillère. C'était un phénomène apparemment rare, puisque Abel ne l'avait jamais noté jusque là ; mais il regardait si peu le ciel que cela pouvait aussi bien lui avoir échappé durant les quelques temps - jours ? Semaines ? Années ? - qu'il venait de passer sur les hauteurs de la jeune chaîne de montagne.

    C'était une aurore boréale.
    Et Abel la fixait d'un œil vide.
    Parce qu'il n'en avait rien à foutre.

    La beauté faisait partie de ces concepts abstraits que le solitaire avait bannis de sa vie bien des années auparavant, avec entre autres l'amour, la joie, la tristesse et tous ces autres sentiments insaisissables qui nécessitaient d'être cultivés pour s'épanouir. Ne restait plus dans son cœur qu'une vague et cynique rancœur à l'égard du monde, une rancœur qui s'évaporait parfois au profit d'une joie froide et sans plaisir, comme une ombre d'émotion sans consistance, comme une trace irréelle de ce qu'il avait pu, un jour, ressentir et qui resurgissait à l'occasion. C'était à peine s'il ressentait la faim et la soif, à peine si les basses préoccupations matérielles que constituaient ses besoins vitaux l'atteignaient. Souvent, au cours de ces longs monologues qui se tenaient à l'intérieur de sa caboche, l'anthracite se disait qu'il risquait de mourir pour avoir oublié de respiré.

    Ce serait tellement pathétique.
    Et d'une ironie acide.
    L'idée lui plaisait.

    C'était peut-être pour cela qu'il se trouvait ainsi, les yeux fixés sur l'aurore boréale alors qu'il n'était même plus en capacité d'en apprécier la splendeur. Cet arc-en-ciel défunt, cette trace laissée par quelque dieu - en lequel il ne croyait pas - parcourant les cieux lui rappelait certainement ses propres sentiments, qui n'étaient plus que de vieilles réminiscences fatiguées qui s'évertuaient tout de même à s'attarder au firmament de son esprit. Même s'ils devaient être moins lumineux et brillants, puisque n'ayant existé qu'un court moment dans le début de sa vie, et qu'ils avaient été brûlés sur l'autel sacrificiel de son existence, quand il avait été renié par ses parents, déchu par son frère. Ce jour fatidique où il avait chu, ce jour fatidique où le regard de ses géniteurs s'étaient voilés d'ombre devant sa patte cassée, était le jour où il avait renoncé à vivre.

    Il n'y avait plus personne sur cette Terre aux yeux de qui il existait.

    Ç'avait été très drôle, cette nuit où il s'était pointé à l'improviste à la tanière où logeait son frère, servant docile et ridicule d'un petit roi fièrement juché sur son tas d'ordures. Il avait tenté de foutre le bordel, presque amusé par son acte puéril, dans l'unique but de voir se réveiller son frère. Dans le pire des cas, il se serait retrouvé avec les gardes de l'endroit sur le dos, gardes qui auraient peut-être même poussé la politesse au point de prendre la peine de l'occire. Ça aussi, ç'aurait été tellement ironique. Abel voyait parfaitement les yeux de Caïn glisser sur sa dépouille sanglante sans même le reconnaître. Mais non : comme répondant à son injonction divine, le gris clair s'était éveillé, et comme dans un ballet morbide, ils s'étaient l'un l'autre entraînés dans cette funeste danse. Provoquer, répondre, provoquer encore. Comme leurs échanges d'antan, comme à l'époque où le solitaire existait encore. De vrais sentiments, entiers, bruts, avaient alors jailli de son subconscients, souvenirs endormis réveillés par l'afflux brut d'images passées, le secouant comme il ne l'avait plus été.

    Son frère ne se rappelait de rien.
    Et le solitaire avait lu, avec délice, la sensation âcre d'un souvenir brutal qui s'imposait à Caïn.
    Et pour la première fois depuis de nombreuses années, Abel s'était remis à exister.

    Sans réellement s'en rendre compte, le vieux loup - qui n'était pas si vieux, en fait, simplement devenu un vieux con avant l'heure - se remit à marcher. Le boiteux voyait son errance sans but comme une course infinie, sans début ni fin, sans objectif, comme s'il avait toujours marché et qu'il le ferait toujours. Cette galopade au ralenti était le fondement même de son existence, puisqu'il savait pertinemment que le jour où il s'arrêterait, il se laisserait mourir sans autre forme de procès. Le gris ne savait pas pourquoi il continuait malgré tout à avancer entre les ombres, à se maintenir dans ce cercle infini et désespérément routinier du 'marcher manger boire dormir' ; désœuvrement, certainement ? Ou peut-être n'avait-il pas trouvé de raison réelle de mourir. Un peu des deux certainement.

    Pas que l'échéance lui fasse peur, d'ailleurs ; Abel n'avait pas peur. C'était abstrait aussi, la peur, et il avait laissé ce sentiment au bord du chemin, il y avait des centaines de milliers de kilomètres de cela. On n'avait peur, finalement, que d'avoir mal et de perdre ; pour la douleur, le solitaire y avait certainement plus goûté que la plupart de ses invisibles contemporains, et pour la perte... Il n'avait depuis fort longtemps plus rien à perdre. Et puis mourir n'était soit qu'un passage vers autre chose - où il pourrait certainement continuer à marcher - soit la fin de tout, ce qui serait en un sens libérateur.

    Mais si on lui avait demandé son avis, à cette ombre grise qui clopinait vers l'Eclat Saule, il aurait demandé d'attendre un peu. Parce que depuis Caïn, il se montrait presque avide de ce sentiment de vie qui l'avait assailli. Il ressentait l'envie - un truc oublié, encore - de le voir, de se confronter de nouveau à ce frère qui n'en était plus un, de le tester, de le provoquer. C'était amusant, en un sens : ce frère qui avait détruit sa vie - à qui il n'en voulait plus depuis des millénaires, il l'avait presque oublié dans la brume immobile qui nimbait son esprit - lui donnait à nouveau un sens, un objectif. Et ce soir - enfin, il était bien tard dans la nuit - le mâle sombre avait la certitude que ses pas le menaient vers lui.

    Quand il arriva à l'Éclat, l'aube poignait.
    Et la neige tombait.

    Il était là. Caïn se trouvait sous le Saule. L'animal lui montra les dents, avant de prendre la parole.

    — Abel.

    Comme à son habitude - et parce que les conventions sociales étaient quelque chose de particulièrement accessoire dans sa vie - Abel ne répondit pas immédiatement. Il dévisagea l'animal clair, promenant sans gêne aucune son regard de givre - qu'il partageait avec le chasseur Séide - sur le corps du chasseur en question. L'être était musculeux, même si pas très grand : il avait l'air propre - en tous cas, moins galeux et boueux que lui-même, ce qui ne représentait pas un exploit - et se tenait assis.

    Un détail attira toute l'attention de l'anthracite.
    Sa patte arrière.
    Dans une position anormale.

    Et là, Abel sourit. Il sourit comme il n'avait jamais souri à son frère, ni à personne depuis des décennies. Un sourire qui aurait pu illuminer son visage s'il n'avait été aussi froid et narquois, si empli de haine et de fiel. Tout resurgissait brusquement : ce combat inégal et ce coup de patte vicieux, qu'il aurait certainement administré à Caïn si ce dernier ne l'avait pas fait le premier. Cette chute sans fin, et sa maigre vie qui défilait devant son regard, comme si sa vie le contemplait du rocher, comme si sa propre vie avait fait une croix sur l'être qu'il était. Il se rappela de la première douleur, qui n'avait été que le prémisse de toutes les suivantes, une douleur qui avait explosé en lui en même temps que son os iliaque sur les rochers. Et la haine, le renoncement dans le regard de ses géniteurs, qui n'avaient plus d'yeux que pour le grand vainqueur.

    Vainqueur qui se trouvait désormais atrophié de la même façon qu'il l'était lui-même, avec ce membre détruit, déchiqueté et mâchouillé avec méthode. Abel le regardait, sourire narquois aux lèvres, l'imaginant se traîner de lieux en lieux, faible alors qu'il avait été fort, infirme alors qu'il avait été glorieux. Il souffrait désormais comme lui-même avait souffert, exactement de la même façon, à la différence près qu'il avait vécu, avant. Qu'il avait eu une vie, une gloire, une importance aux yeux du monde. Tout ce que le solitaire aurait pu avoir si c'était lui qui avait précipité Caïn du haut de cette falaise ; tout ce que le chasseur Séide lui avait volé.

    Et qu'il lui rendait désormais au quintuple.
    Puisque perdre ce que l'on avait était bien pire que de ne jamais l'avoir eu.

    — Quelle ironie, pauvre con.
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MessageSujet: Re: Brotherhood [Pv.Abel]   Brotherhood [Pv.Abel] EmptyMer 30 Déc 2015, 15:15


    « Quelle ironie, pauvre con. »

    Avant d'entendre ces quatre mots, il s'était écoulé un long moment. Ce n'était guère surprenant, quand on connaissait un minimum l'énergumène. Abel était un marginal, un être totalement en décalage avec le reste d'une société qu'il méprisait.
    Éclairé par les maigres rayons du soleil, il pouvait voir ses crocs polis luires, dans ce qui semblait être un large sourire moqueur et sarcastique.
    L'échine du gris se hérissa.

    Non pas qu'il eut peur.
    Il n'avait aucune raison de craindre son frère. Durant bien des années, Caïn s'était développé. Il était devenu fort, très fort. L'un des loups les plus puissants de ces terres. Il aurait pu sans problème mettre son frère à terre, lui trancher la gorge, éclabousser son torse et faire dégouliner ses lèvres de son sang. Mais tout cela n'aurait mené à rien. Un combat stérile, débouchant à une issue sans surprise. Et après ? Après, il n'aurait plus eu possibilité d'avoir des réponses à ses questions, et il aurait sur ses griffes le sang du dernier membre vivant de sa famille. Il n'avait donc aucun intérêt à le tuer.
    Non pas qu'il eut été en colère.
    Après tout, Caïn était connu pour être de tempérament colérique, assez chaud de sang. Il supportait très peu les paroles allant à l'encontre de sa personne. On ne lui manquait pas de respect, on ne se foutait point de sa gueule. Car si l'on venait à ainsi le traiter, il tâchait alors de vous humilier, ou de vous faire mordre la poussière. Et pourtant, il ne ressentait guère d'animosité à ce moment précis.
    Non, ce qu'il sentait en lui, c'était...

    Un soulagement profond, une sourde plénitude, une joie incongrue ?

    Tout cela était bien flou, et Caïn était perdu.
    Pourtant, c'était bien un cocktail de tout cela qui se mêlait en lui. Car Caïn avait craint de le laisser filer une nouvelle fois, de ne pas le retrouver à temps. De se retrouver face à son enveloppe charnelle dépossédée de toute âme. Un goût acre monta dans sa gueule. Lui qui s'était cru le dernier représentant de cette famille sûrement créé par Cronos, il avait retrouvé l'un de ses plus proches semblables.
    Putain, Abel.
    Un fin sourire s'étira sur les babines de l'ancien chasseur, faisant disparaitre ses crocs et son museau froncé.

    « Ainsi va la vie, connard, il faut faire avec. »

    Caïn fit alors un pas en avant, réduisant la distance qui les séparait. Ils se retrouvaient face à face pour la première fois depuis huit ans.
    Certes, il se retrouvait handicapé par cela. Lui qui avait longtemps parcouru les terres de Punk Wolf au pas de course, sans jamais ralentir l'allure. Jamais essoufflé, jamais fatigué, il était capable d'enchainer les kilomètres sans se stopper.
    Et maintenant...Maintenant, il marchait. Il se risquait parfois à trotter, sans grand succès, trébuchant et trainant rapidement de la patte. Pourtant, il se forçait à continuer d'essayer. Depuis qu'il avait été nominé au poste de Bêta, succédant à Aarod qui lui même avait prit place après Lieutenant, et qu'il était désormais lié à Illa par ce sentiment enchainant qu'était l'Amour, Caïn n'avait plus eu de but dans la vie. Coquille vide, loup sans plus d'avenir.
    La perte du plein usage de cette patte avait alors réveillé en lui le goût du défi. C'était un nouveau challenge qui s'opposait à lui. Un putain de but. Il se réveillait désormais le matin en espérant parvenir à trotter plus de dix mètres sans mordre littéralement la poussière.

    Cette blessure l'avait rendu plus vivant qu'auparavant.
    C'était pareil à une longue relation amoureuse qui prenait brusquement fin. Certes, au début seul le désespoir prédominait. Et puis, petit à petit, on reprenait goût à la vie. Ne restait alors que les bons souvenirs, triste nostalgie, rendus possible grâce à cette fin.
    Jamais il ne s'était sentit aussi vivant que maintenant, avec ce corps au membre douloureux et au cœur gonflé de fierté et de sentiments.
    Car malgré le fait qu'il était désormais blessé à vie, on ne l'avait point laissé tombé pour autant. Ses amis étaient restés ses amis, son alpha lui laissait conservé son rang de Bêta au lieu de briser l'échelle et le faire déchoir au rang d'Oméga. Il était suffisamment respecté au sein du clan pour que de jeunes loups le veuillent comme maître chasseur.
    Et tout ça faisait que Caïn pouvait encore conserver son orgueil.

    C'est pourquoi il continuait de fixer Abel avec ce petit sourire au coin des lèvres et cette lueur supérieure au fond des yeux. Parce qu'il avait mieux réussi que lui. Il s'était hissé du rang de déchet trouvé au fond des bois et abandonné par sa famille pour devenir sous-chef d'un clan prospère. Il avait tissé des liens importants, avait trouvé sa place en ce bas monde.
    Et lui, là-bas, qu'était-il devenu avec le temps ? Il était devenu solitaire au cœur noirci.
    Caïn aurait peut-être dû s'en vouloir. D'avoir été un enfant turbulent, d'aller un peu trop loin dans leurs jeux. De l'avoir fait basculé au fond de ce ravin. Même si le fossé n'avait pas été bien élevé, la chute avait été mauvaise, n'ayant pas laissé la moindre chance à ce louveteau anthracite.
    Caïn aurait pu blâmer leurs parents, aussi. Après tout, c'était de leur faute, en partie. A les encourager à s'amuser de façon violente, à les pousser à se battre pour qu'ils deviennent des brutes épaisses une fois passé à l'âge adulte. A appliquer la loi du plus fort au sein même de leur fratrie.
    Mais Caïn se fichait de tout cela. Cela ne l'importait que trop peu. Qui plus est, ce qui était fait était fait : l'on ne pouvait modifier le passé. Autant apprendre à vivre avec.

    Le gris reprit donc la parole, une fois les salutations faites, sans quitter des yeux son cadet.

    « Je ne m'attendais pas à te voir en si grande forme, je pensais que cette maladie t'emporterais bien vite. »

    Mais c'est qu'il tenait le coup, le frangin.
    Il était encore là, tenant sur ses quatre pattes aussi bien que lui. Chose qui par ailleurs ne faisait que renforcer leur ressemblance.
    Et puis, les yeux du gris perdirent leur lueur, gagnant un air plus sérieux. Il en avait terminé, de jouer au parfait idiot. Lui balancer des phrases de la sorte ne le mènerait pas à ce qu'il voulait savoir après tout, et Abel devait tout aussi bien savoir qu'il n'était pas simplement venu pour lancer de pareils stupidités.
    Ainsi, Caïn passerait rapidement aux choses sérieuses, en ayant finit de tout cela...
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MessageSujet: Re: Brotherhood [Pv.Abel]   Brotherhood [Pv.Abel] EmptyJeu 14 Jan 2016, 17:09

Ambiance:

    En Abel bouillonnait la rage.
    Une rage violente et destructrice qui, si elle avait été une tempête physique, aurait détruit ces terres en une poignée de secondes. Une rage qui l'avait habité en silence, s’immisçant dans chacun de ses pores, se terrant dans son inconscient à mesure que son esprit se murait dans cette forteresse d'indifférence et de mépris à l'égard du reste du monde.
    En Abel bouillonnait la joie.
    Une joie sauvage et destructrice, une joie malsaine et perfide, une joie sadique de regarder agoniser celui qui souffre et qui va souffrir encore longtemps. Une joie qui résultait d'années de haine oubliées, de mois à tourner et retourner cette scène en boucle, cette chute, cette explosion de douleur dans le bas de sa colonne vertébrale.
    En Abel bouillonnait la haine.
    La rancœur envers ce frère qui avait été aimé quand il avait été renié, en ce frère à qui tout avait réussi et ce frère qui n'en était finalement un que par le sang commun qui coulait dans leurs veines. Il n'était que son ombre, que son pâle reflet, que ce semblable déformé, que ce destin possible si c'était lui qui, à la place d'Abel, avait chu du haut de la falaise.

    Enfin.
    Abel ressentait.
    Ces sentiments mêlés en un amas sombre et nébuleux, étrangement luisant et organique, déferlaient en lui, abattant les digues armées derrière lesquelles ils étaient retenus depuis des années. C'était comme si le monde entier lui sautait au visage, comme s'il prenait d'un coup conscience de la totalité du reste de l'univers en une fraction de seconde. C'était comme une seconde naissance : rien à voir avec une renaissance ou un renouveau positif d'une quelconque manière. Cette naissance-ci, c'était la vrai naissance, la naissance violente, l'air qui brûle les poumons, le froid, le sang, la douleur, les mille couleurs qui explosent après la douceur tamisée du ventre maternel, les millions de senteurs qui agressent vos narines et le froid qui transperce, la solitude, la séparation. En rencontrant son frère, il était brusquement expulsé du royaume de coton à l'abri de la douleur qu'il s'était forgé.

    Il n'en laissait cependant rien paraître, hormis un sourire sarcastique qui demeurait suspendu entre ses deux oreilles, comme une partie émergée de l'iceberg. Sourire que, sans qu'ils se soient concertés, son frère lui rendit. Ils étaient étrangement semblables à malgré leurs différences, malgré les années, malgré leurs corps à des années lumières l'un de l'autre. Ils se retrouvaient rassemblés sous la même bannière, également infirmes puisque la vie avait toujours pris un malin plaisir à leur chier son putain d'humour noir à la gueule, à reprendre en chœur ce combat entamé dix ans plus tôt sur le rebord abrupt d'une falaise. Seules les armes avaient changé : les griffes et les crocs s'étaient émoussés, ne restait plus que leurs réparties acerbes et violentes, mêmes armes inutiles envers lesquelles l'un comme l'autre était parfaitement capable de se défendre.

    Mais l'enjeu n'était plus le même.
    Il n'y avait plus de victoire possible, aucun vainqueur ne pourrait jamais être désigné dans cette joute d'orgueil pur.
    Caïn brisa le cercle lent et hésitant qu'ils formaient alors, comme deux fauves qui se jaugent avant de se bondir à la gorge, pour couvrir la distance qui le séparait de son frère.

    — Ainsi va la vie, connard, il faut faire avec.

    Ainsi donc, il s'était résigné.
    La joie morbide grandit encore en Abel. C'était pur délice que de voir cet ambitieux inarrêtable, ce menteur, manipulateur, traître arriviste prêt à tout à l'énergie infinie qu'était Caïn se résigner. Au lieu d'espérer une guérison ou de faire le deuil de son corps valide, il se retrouvait à accepter de boiter au milieu des jeunes galopants, à rêver de course quand il se fatiguait en quelques pas, peut-être même à se réveiller au milieu de la nuit à cause de douleurs lancinantes dont ce membre qui était mort qui alourdissait et déséquilibrait son corps, ce membre qui ne brillait que par son absence était le seul responsable, rappelant dans une brûlure sa présence et ce qu'il serait à jamais, c'est à dire un amas de muscles et d'os trop lourd pour un corps vieillissant et inexorablement déclinant. Une douleur que l'anthracite ressentait également, à la différence près que lui n'avait jamais possédé ce corps léger et alerte qui lui avait fait haïr son frère, jadis.

    A l'époque lointaine et révolue où il avait encore quelque chose à perdre.
    Il devait tomber de haut, le frangin.

    Je ne m'attendais pas à te voir en si grande forme, je pensais que cette maladie t'emporterais bien vite.

    Ainsi reprenait le combat dérisoire de coqs désabusés, un coup de serre dans le vide pour un coup de bec dans l'eau. Oui, il tenait, Abel, pelé et galeux, boueux et rachitique, boiteux et maladif à cause de cette maladie qui le rongeait de l'intérieur, le faisant parfois cracher du sang au milieu de ses glaires, entre deux quintes de toux à réveiller un mort. Mais il faisait de la résistance, le solitaire. En bon parasite qu'il était, il continuait sa course inexorable et infinie à travers l'existence, comme une écharde qui s'enfonce un peu plus à chaque geste sous la peau de l'ongle, comme cette maladie qui s'insinuait chaque jour un peu plus profondément dans ses glandes pulmonaires. Il ne savait pas pourquoi il luttait, mais il était robuste, le gaillard. Il ne se faisait aucune illusion sur l'issue de cette course perdue d'avance contre une montre qui s'était arrêtée de tourner des années auparavant ; la seule interrogation qui subsistait résidait dans le temps que mettrait la tuberculose à accomplir son œuvre.

    Le sourire d'Abel s'élargit.

    — Tu me présenteras celui à qui tu dois cette jolie balafre - Abel désigna d'un geste vague la patte de son frère - que je l'embrasse.

    Le solitaire eut une de ces violentes quintes de toux rauques, qui donnait l'impression que son corps était parcouru de convulsion tant elles étaient violentes. Son échine se relevait par à-coups à mesure que son thorax se contractait, comme essayant d'expulser par des tentatives aussi violentes que vaines le mal qui le rongeait. L'accès laissa Abel pantelant et suffoquant, la tête proche du sol, l'échine courbée. Il pris quelques secondes pour reprendre son souffle, relevant la tête vers son frère. Le sourire sarcastique n'avait pas quitté ses lèvres.

    Il était éminemment pathétique.
    Il n'avait rien à perdre.
    Rien à prouver.
    Il n'en avait éminemment rien à foutre.

    — Léger rhume d'hiver.

    Tout cela était ridicule, cette scène n'avait aucun sens.
    C'était terriblement vain.
    Les choses n'étaient décidément jamais aussi belles que quand elles ne menaient personne nulle part.
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MessageSujet: Re: Brotherhood [Pv.Abel]   Brotherhood [Pv.Abel] EmptyLun 18 Jan 2016, 23:00


    Cette discussion n’avait pas bien de sens, et Caïn ne savait pas vraiment où la mener. Ils tergiversaient sur des banalités. Et lui, comme son frère, n’étaient guère du genre à s’embarrasser de cela, préférant directement en venir au fait.
    Mais finalement, de fait, il n’y avait pas. Caïn aurait voulu avoir des réponses à ses questions, notamment celles portant sur sa famille : étaient-ils des descendants de l’ancien monde, ou des êtres créés de toutes pièces par Cronos ? Et cette famille, où étaient-ils partis d’ailleurs ?
    Sauf qu’un problème venait de lui apparaitre. Et si ce n’était finalement pas Abel, qui détenait ses questions. Si lui aussi, il avait été abandonné par leur famille, ce qui aurait fort été possible au vu de son état général, et le fait qu’il n’était plus qu’une carne avariée désormais, sans la moindre trace de splendeur.
    Caïn s’était obstiné à penser que son cadet saurait éclairer sa lanterne, mais il fallait désormais regarder la vérité en face : lui non plus ne la détenait pas, et devait s’en la moindre once d’hésitation s’en battre complètement les couilles.
    Parce qu’il ne regardait jamais en arrière, lui. Abel n’aurait jamais fait l’erreur d’Orphée, en se retournant quelques mètres avant ce qui aurait dû être la délivrance en perdant ainsi l’être de son cœur. Même s’il doutait qu’Abel porte quelque chose en son cœur. Et qu’il aurait sans doute fait exprès de se retourner, lui, pour précipiter à nouveau la prétendue dulcinée en enfer, juste pour bien lui foutre les glandes en lui faisant croire à sa potentielle délivrance.
    Quoi qu’il en soit, à sa dernière réflexion, le sourire de l’anthracite se fit plus grand, s’étirant sur ses lèvres gercées.

    « Tu me présenteras celui à qui tu dois cette jolie balafre, que je l'embrasse. »

    Le museau de Caïn se fronça dans une expression narquoise, tandis que son frère désignait sa patte blessée d’un vague mouvement de la patte.
    Bien entendu, que cela plaisait à son frère, de le voir ainsi dans cet état. Ramené au même niveau, privé tous deux de leur totale motricité. Au moins avait-il la chance de posséder une attelle de fer, qui rattrapait quelques peu les dégâts et lui avait permis de conserver sa patte. Raw lui avait sauvé la mise, et il ne pouvait que lui en être reconnaissant.
    Caïn daigna répondre à cette brimade fraternelle, sans bouger de sa place. C’était un inutile combat de mots, dont il ne connaissait pas vraiment l’issu, si d’issu il y avait.

    « Avec plaisir, je suis certain que vous vous entendriez bien, elle devrait bien te plaire. »

    Et ainsi voir son frangin se macquer avec Krilla, sisi.
    Enfin, même si son frère devait forcément apprécier ce qu’elle avait fait de sa patte, il doutait leur possible entente, Krilla vouant une ferveur absolue à son chef pourtant si peu crédible, et Abel étant bien trop libre pour se soumettre ainsi et approuver une telle chose. Puis merde, ça lui ferait un peu chier d’avoir des neveux et nièces partageant le sang de sa tortionnaire, le genre de truc qui vous fessez crisser des crocs jusqu’à ce qu’ils en deviennent droits et lisses.
    Puis, ne laissant point le silence s’installer entre eux plus de quelques battements de seconde, une toux violente vint secouer Abel. Son torse se gonflait et se dégonflait, tandis que son corps semblait vouloir cracher via son œsophage le mal qui le rongeait. Son échine se dressa au fur et à mesure que les quintes le prenaient, se laissant secouer par sa maladie sans pouvoir y opposer une réelle résistance. Sa gueule frôlait la mousse de la forêt, du sang en perlait presque.
    Pendant les secondes qui suivirent, le mâle reprit son souffle dans des râles rauques, sous le regard attentif de son frère. Eh bien, un peu plus et il aurait pu croire qu’il rendait l’âme pour de bon.
    Mais non, bien entendu, son frère était bien au-delà de la maladie. Il s’accrochait telle une moule à son rocher, survivant alors qu’il n’avait pourtant aucune raison de continuer ainsi à gratter des jours auprès de la Faucheuse.

    Parce qu’au moins, ils avaient ça en communs, tous les deux.
    Ils étaient forts.
    Increvables.

    Comme pour confirmer ses propos, le mâle rachitique releva enfin la tête vers lui, croisant à nouveaux leurs iris identiques. Sur son museau s’allongeait toujours son sourire sarcastique, qui fit plisser les yeux du gris dans une expression plus enjouée qu’autre chose.
    Il ne se foutait pas de sa gueule, loin de là. Il était juste surpris de le voir ainsi repousser la date de son échéance, et espérait tenir aussi bien le coup s’il venait à choper la même merdre que lui. Bien que lui aurait au moins la chance de pouvoir avoir des soins, faisant parti d’un clan prospère et ayant qui plus est une très bonne place au sein de celui-ci.
    L’autre mâle reprit alors, ne perdant point de son mordant.

    « Léger rhume d'hiver. »

    Caïn aurait pu rire à cela. D’un rire franc, un brin moqueur. Mais il n’était pas de ceux qui dévoilait aux yeux de tous l’intimité de ses émotions, aussi se contenta-t-il d’un fin sourire.
    Note à part, c’est qu’ils s’en échangeaient, des sourires, depuis le début de cette rencontre. Des sourires francs, des sourires moqueurs, des sourires sarcastiques, des fins, des petits, des larges à en dévoiler tous leurs crocs. Plus qu’avec les mots, ils communiquaient avec leur gueule.
    Les épaules du Bêta Séide s’affaissèrent alors, et il répondit sans tarder, arquant un sourcil suspicieux.

    « Une pastille pour la gorge, peut-être ? »

    Ainsi, son frère couvrait quelque chose digne d’une tuberculose, si ce n’était pas plus grave que cela. Il n’était point savant, et même un loup de ce rang n’aurait pu déterminer s’il s’agissait de cela ou de quelque chose de bien plus malins.
    Soit, là n’était pas la question.
    Caïn en avait marre de ce petit jeu. Si ça continuait ainsi, ils finiraient par reparler du passé, étant donné qu’ils semblaient jouer aux mêmes jeux qu’étant louveteaux. A se chamailler puérilement.
    Balayant ses anciens propos, Caïn reprit la parole sur quelque chose de bien plus sérieux. Il avança le cou, les yeux plissés, sondant son cadet de ses iris verts d’eau.

    « Qu’est-ce qui t’amènes sur ces terres ? »

    Ils n’étaient pas nés ici, après tout. Du moins, si, ils étaient nés sur les terres de Punk Wolf, mais éloigné de tous clans et des coutumes associées. Elevé par des loups sans glowstick, de parfaits solitaires.
    Mais lorsqu’il fut séparé d’eux, et qu’il devint membre à part entière des Séides, il n’avait plus sentit jusqu’à cette fameuse nuit, six ans plus tard, l’odeur d’un membre de sa famille. Pourtant, il avait longtemps arpenté les terres, en chasseur émérite qu’il était. Il captait le moindre effluve, décelait la moindre touffe de poils qui pouvait le mener à une proie.
    Et jamais, jamais, il n’avait douté de la présence de son frère sur ces terres.
    Il était impossible qu’il lui ait échappé aussi longtemps. Aussi, Caïn venait à penser qu’il avait vécu sur d’autres contrées, aux abords du continent Punk Wolfien sans doute. Là où il n’allait jamais, peu curieux de voir ce qui se trouvait en dehors de ces frontières.
    Alors, son frère était volontairement revenu ici. Il l’avait trouvé.
    Mais pourquoi s’abimer à une telle chose ?
    Cela restait un mystère, qu’il n’arriverait à percer à moins que le mâle ne le lui dise clairement.
    Son frère regorgeait de tant de part d’ombres. Cela l’intriguait, titillant sa curiosité.
    Aussi Caïn soutint son regard, attendant de lui une réponse, même vague. De toute façon, il ne pourrait s’attendre à un récit fort détaillé de sa part, et n’en aurait guère l’utilité.

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MessageSujet: Re: Brotherhood [Pv.Abel]   Brotherhood [Pv.Abel] EmptyDim 31 Jan 2016, 19:18

    — Avec plaisir, je suis certain que vous vous entendriez bien, elle devrait bien te plaire.

    C'était plus qu'improbable, quand on savait que par principe, Abel n'aimait personne. Même si c'était du second degré - l'anthracite le savait, pratiquant le cynisme comme un véritable sport national en bon apatride qu'il était - il aurait, lui, parfaitement été capable de se taper la femelle simplement pour emmerder son frère. Même si la simple idée de s'attacher à quelqu'un, que ce soit de manière durable ou simplement le temps de se vider les couilles le dégoûtait profondément, il sentait bien que de voir le Séide souffrir un peu à cause lui valait bien une petite entorse à sa misanthropie.
    Bien qu'il sache qu'il ne le ferait probablement jamais, il aimait bien l'idée, et il aimait encore plus la perspective de coller à cette image de gros connard qu'il s'évertuait à conserver à travers les ans et le peu de rencontres qu'il faisait.

    — Une pastille pour la gorge, peut-être ?

    Abel ricana en toussotant. Il n'aurait pas craché contre un placebo aussi efficace qu'un sparadrap sur une jambe cassée, malgré tout, d'autant que ses rires eurent pour effet de déclencher chez lui une seconde quinte de toux de moindre acabit. Il sentit une substance épaisse et chaude monter de sa gorge pour couler sur sa langue, un peu liquide, au goût acre et métallique, qui lui offrait au passage une merveilleuse façon de répondre à son frère. Le solitaire avait su apprécier la plaisanterie du séide à la juste valeur de son cynisme, et appréciait cette absence totale de pitié à son égard ; rien ne provoquait plus son mépris que les regards hypocritement compatissants, que les sourires pseudo-amicaux et les remarques qui se voulaient délicates de parfaits inconnus. Pauvres cons.

    Et son frère, lui, lui faisait le plaisir de l'envoyer chier avec flegme, de lui balancer sa constitution maladive et sa mort prochaine en travers de la gueule et de s'en battre royalement les couilles. Il l'en aurait remercié de vive voix s'il n'avait pas été aussi ridiculement orgueilleux, si maladivement haineux de ce faux-frère si éloigné de lui tout en étant si proche, de cette réussite qu'il avait vécu grâce à un peu de chance, de cette réussite dont lui-même aurait dû bénéficier, puisqu'il était le plus puissant, le plus fort des deux. Toutefois, il pouvait bien lui faire une fleur en répliquant de manière aussi cynique et sombre que lui, d'un sourire parmi tous ces sourires qu'ils s'échangeaient, moues qui transcrivaient bien mieux leurs émotions que n'importe quelle tirade.
    Dont il n'avaient pas besoin.

    Abel sourit donc, exhibant ses crocs jaunâtres entre lesquels perlaient le sang.

    — Qu’est-ce qui t’amènes sur ces terres ?

    Évidemment, ça n'était pas un hasard.
    Ça n'était pas un hasard s'ils se tournaient autour comme des bêtes fauves. Ça n'était pas un hasard s'ils se trouvaient ici, rassemblés par la neige et une aurore boréale, à éructer leurs rancoeurs, à terminer un différend vieux de huit ans qui n'avait pas de finalité. Ça n'était pas non plus un hasard s'il était venu foutre le bronx chez lui, dans son clan, se repaissant tout le temps qu'avait duré sa petite visite de cette imposture, de ce quiproquos, du fait que ce garde ne voie qu'en lui un solitaire galeux et stupide, de cette lueur de compréhension dans ses yeux lorsqu'il avait donné son nom, juste son nom, sans rien de plus, avec seul vague espoir que Caïn finisse un jour par comprendre. Et il avait compris.

    Ce qui l'amenait ici, lui-même ne le savait pas vraiment.
    Il n'y avait pas de raison définie, il ne comptait pas prendre sa revanche d'aucune façon, puisqu'il n'était pas capable de le faire lui-même et n'avait pas de complices qui puissent s'en charger à sa place. De toute façon, il n'était même plus sûr d'en avoir envie, après des années d'errance et de fiel, de silence dans son crâne et de désert sentimental. Le solitaire avait seulement répondu à un besoin profond, une sorte de pulsion étrange qui l'avait menée, un matin, à se dresser la truffe au vent, le corps endolori et rouillé, vers ce lieu ou se trouvait son frère. Il avait marché plus que jamais, mangeant peu, ne se couchant qu'à bout de force. Comme si avec l'âge, il avait eu besoin de retrouver ce peu de famille qui lui restait, comme si il s'était rappelé, le temps d'un soupir, qu'il existait peut-être quelqu'un pour qui il existait.

    Il ne contrôlait rien.

    Mais que pouvait-il répondre à son frère ? Qu'il était venu pour lui parler, pour le tuer, pour entendre une dernière fois sa voix avant de crever ? Ou bien comptait-il lui avouer qu'il n'en avait aucune idée, et ils allaient se regarder en chiens de faïence, à se contempler comme s'ils n'en revenaient pas de croiser un semblable jusqu'à la fin de leur vie ?

    — J'étais foutrement curieux de savoir ce que je serais devenu si je n'étais pas mort aussi jeune. Et finalement, je me dit que j'ai bien fait de crever.

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MessageSujet: Re: Brotherhood [Pv.Abel]   Brotherhood [Pv.Abel] EmptySam 06 Fév 2016, 22:19


    Au moins ses remarques eurent-elle le don de décrocher un bref rire au loup anthracite.
    Rire qui déclencha une nouvelle quinte de toux, et le sang qui allait avec, lui rappelant constamment son état pitoyable qui semblait tout de même se stabiliser. Il avait beau avoir touché le fond, il continuait à s'accrocher. Et alors que cette maladie en aurait déjà fauché plus d'un, lui était là.
    Encore.
    Toujours.
    Les yeux de Caïn gardaient cette même lueur. Sans une once de pitié, de regrets, de compassion. Juste un brin de moquerie, du sarcasme, du cynisme, un soupçon de joie et peut-être aussi de nostalgie.
    Il se rappelait encore vaguement de leurs jeux, de la violence de leurs mouvements, des crocs que l'on plante dans l'encolure pour mimer une mise à mort. Du regard des parents, que l'on essayait de capter sur soit, rien que sur soit. A ce moment là, il n'y avait plus grand honneur que d'être élevé au rang de favori, d'espoir pour leur famille de solitaire, pour pouvoir aussi prétendre à la place de chef lorsque leur père n'aurait plus été en mesure d'assurer la cohésion familiale.
    Mais ça, c'était bien loin derrière eux. Loin, très loin.
    Ils n'étaient plus qu'eux deux. Sans trop savoir ce qu'il advenait du reste de leur dynastie.
    Et ils se contentaient de se fixer. Non, ils ne se jetteraient sans doute pas l'un sur l'autre. Pas ce soir, du moins. Caïn garderait cela pour plus tard. Voir pour jamais, seul l'avenir le lui dirait. Mais au fond de lui, tâche sombre dans ses entrailles, il mûrissait depuis toujours l'envie d'en finir, d'aboutir le dénouement de leur combat.
    D'en finir avec son frère, à armes égales.

    Abel, qui s'était contenté jusqu'à présent de répondre à ses pics par de simples changements d'expressions, prit enfin la parole, le sortant du déluge de pensées qui s'étaient progressivement emparé de lui. Il lui avoua alors pourquoi il était venu là, errer tel un fantôme sur les terres de Punk Wolf.
    Parce qu'il voulait voir, de ses propres yeux, ce qu'il serait devenu s'il n'était pas mort si jeune. Et que finalement, il préférait que cela soit ainsi.
    Caïn hocha la tête, un sourire toujours aussi cynique sur les babines.

    « Vraiment, être à la botte d'un couple Alpha, au sein d'une meute prospère qui te fournit soins, nourriture et logement contre une servitude volontaire est donc une chose qui t'attire si peu que cela ? »

    Bien entendu, que la vie qu'il vivait ne pouvait convenir à son frère.
    Lui avait accepté qu'on lui passe une chaine autour du coup -littéralement, qui plus est-, s'intégrant dans cette meute, gravissant les échelons jusqu'à parvenir à celui de Bêta, alors que finalement il n'en était même pas natif. Juste un gamin retrouvé un jour dans les bois de l'Oubli, puis confié aux nourrices.
    Quant à son frère, il avait conservé toute sa dignité de sauvage, cette liberté digne de celle d'un chien fou. A se moquer des gens, des lois, des frontières. A rejette la vie, à se considérer déjà comme mort dans un pathétique pessimisme.
    Le sourire du gris se fit plus large, témoignage de sa mesquinerie.

    « Je t'aurais épargné une telle vie, voit cela comme une bénédiction. Si tu es ce que tu es aujourd'hui, c'est en parti grâce à moi, cela mérite quelques remerciements. »

    C'est presque s'il se retenait de rires aux sottises qu'il déblatérait là. Lui même ni croyait pas, finalement. Mais que dire de plus ? Ils étaient enfermés dans un cercle de sarcasme et d'une pinçante cruauté, s'enlisant dans des propos tous plus futiles les uns que les autres. Pour aboutir sur une rencontre improductive qui n'aura apporté qu'une perte de temps considérable. Au moins se seront-ils amusé un peu, avant de se quitter, pour ne se revoir peut-être jamais.
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MessageSujet: Re: Brotherhood [Pv.Abel]   Brotherhood [Pv.Abel] EmptyMer 17 Fév 2016, 18:45

    Curieusement, à mesure que la conversation avançait, le flot de sentiment qui avait submergé son esprit semblait se tarir ; après cette vague de sensations inconnues, après la surprise et la colère de la découverte de Caïn, la tempête se calmait et le solitaire commençait à reprendre le dessus sur ses émotions. La colère, la haine, la joie morbide, la rage, tous ces sentiments qui avaient ravagé la plaine morne et aride de son indifférence s'estompaient peu à peu derrière l'épais brouillard de son mépris nonchalant. Ce loup gris en face de lui redevenait un inconnu sans intérêt autre que le déversement monocorde de son fiel.
    Et il préférait cette situation.

    — Vraiment, être à la botte d'un couple Alpha, au sein d'une meute prospère qui te fournit soins, nourriture et logement contre une servitude volontaire est donc une chose qui t'attire si peu que cela ?

    Techniquement, oui, c'était enviable.
    Son frère était estimé et écouté au sein de son clan ; sa voix comptait plus que celle de bon nombre de ses semblables, il possédait une sorte d'immunité diplomatique, était nourri, logé et blanchi. Mieux que ça, il avait droit, avec ce clan, avec ce rang, à ce pan d'existence non négligeable puisqu'il était aimé, admiré même. Un pan d'existence que, quelques années - ou décennies, était-il donc si vieux ? - Abel lui aurait envié, en se cachant derrière cette même façade de mépris et d'indifférence alors même qu'il se noyait dans l'envie et la jalousie. Désormais, il ressentait juste une vague pitié à l'égard de cette férocité, cette abnégation, cette liberté sans concessions qui avait été la marque de fabrique de son frère et qui laissait désormais la place à un arrivisme intéressé, à une soumission librement consentie au profit de quelques miettes de gloire.

    Alors que lui, il n'avait rien.
    Alors que lui, il était resté brut, libre et sauvage, insaisissable et féroce, immortel et invincible puisqu'il ne craignait rien et ne comptait pour personne. C'était ça, sa plus grande force : il n'était rien pour personne, n'avait peur de rien que lui-même : il était en somme parfaitement libre puisque prisonnier de son propre corps, attaché seulement à la terre par sa démarche boitillante. Elle était là, sa revanche contre son frère : dans son infirmité précoce, dans sa distance au monde, dans ce fantômatisme et dans son inexistence. L'autre avait des comptes à rendre, une famille certainement, des amis, une hiérarchie, des ordres et un rang, parce qu'il avait soumis sa force au joug d'un clan, domestiquant cet animal impétueux qui sommeillait en lui pour le transformer en une simple bête de somme.

    Non, Abel ne l'enviait pas.
    Plus maintenant.
    Plus maintenant que sa colère était passée et que sa rancœur avait été refoulée au fond de son esprit.

    — Je t'aurais épargné une telle vie, voit cela comme une bénédiction. Si tu es ce que tu es aujourd'hui, c'est en parti grâce à moi, cela mérite quelques remerciements.

    Les babines d'Abel s'étirèrent, une fois de plus, en un sourire narquois.
    Inlassablement, le combat continuait ; coup d'épée dans l'eau contre balles à blanc, toujours cette ironie de l'un qui ne pouvait atteindre l'autre, comme s'ils n'avaient jamais eu aucune idée de comment communiquer autrement. Comme s'ils voulaient blesser sans aucune conviction. Le voulaient-ils vraiment ? N'attendaient-ils pas plus de cette rencontre vaine, l'un comme l'autre ? Ne désiraient-ils pas autre chose que cette joute infinie, que cette ronde de fauves qui se jaugeaient sans attaquer, creusant un sillon dans la poussière à force de se tourner autour ? Ils étaient ridicules, ils étaient pathétiques à s'envoyer des piques parce que ni l'un ni l'autre ne savait communiquer autrement. Parce qu'ils auraient pu se poser deux minutes et entamer une discussion comme deux adultes, parler de cette dispute vieille de huit ans qui n'en valait plus la peine puisque Abel aurait précipité son frère dans le trou autant que l'avait fait ce dernier. Ils auraient pu s'accepter, se jauger, se contempler, accepter de se pardonner puisque tout ça n'avait plus d'importance, désormais, maintenant qu'ils étaient dans le même bateau, soumis au même corps atrophié, puisqu'on ne changeait pas le passé.

    Ils auraient pu redevenir quelqu'un l'un pour l'autre.

    — Merci à toi, Caïn.

    Et il n'avait plus rien à dire. Rien d'autre. Il se contentait de le fixer, de plonger ses yeux dans ceux, jumeaux, de son frère, sans trouver de moyen de raviver une conversation qu'il avait du mal à s'avouer ne pas vouloir terminer. Il sentait, au fond de lui, que le moment où son frère et lui se sépareraient déclencherait une vague de frustration chez lui, réveillant la plaie fraichement cicatrisée du brusque afflux d'émotions dans son âme incapable de ressentir. Une rencontre avec ce type pas aussi banal qu'il désirait s'en persuader ne pouvait se résoudre à cette joute débile et vaine qu'il menait avec le reste du monde.

    Mais il était incapable de faire autrement.
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MessageSujet: Re: Brotherhood [Pv.Abel]   Brotherhood [Pv.Abel] EmptySam 12 Mar 2016, 23:57


    Le mâle anthracite finit par le remercier.
    Le remercier pour cette vie que jamais il n'aurait. Une vie de clan bien posée, avec toutes les petites habitudes qui allaient avec. Dans l'esprit, pas une once de révolte ou de protestation envers les supérieurs, rien qu'un tant soit peu de respect. Une compagne, des gamins, des amis. Une vie active bien remplie, puis une retraite bien méritée.
    Merde, c'était si fade.
    Sa vie était fade.
    Mais ça, ô non, il ne l'avouerait pas. Il continuerait de jouer à la tête brûlée, à celui qui transgressait librement les règles et qui pourtant relisait chaque soir le règlement pour bien les avoir en tête.

    « Mais de rien Abel. »

    Il avait finit par lâcher cette réponse qui s'accordait parfaitement à la précédente réponse de son cadet. Toujours avec autant de sarcasmes, parce qu'il ne pouvait s'adresser autrement au dénommé.
    Il lui devait entièrement son statut de solitaire. Enfin, solitaire... Ce n'est pas parce qu'il aurait été valide qu'il aurait rejoint un clan, loin de là. Lui-même, s'il ne s'était pas égaré étant louveteau, n'aurait sans doute jamais intégré la meute des Séides, et aurait continué la route aux côtés de la meute familiale.
    Mais on ne pouvait ni prévoir ni choisir sa vie.
    On se contentait de la subir.
    On surmontait les péripéties, les événements. Les bons moments, les coups durs. Les morts, les naissances.

    Son sourire s'évanouit.
    Maintenant, il n'avait plus rien à lui dire. Plus rien à souligner, plus rien à lui rétorquer, plus de pics à lui lancer. Rien que ce silence, qui continuait, qui s'éternisait.
    Et lorsque Caïn n'avait plus rien à dire à son interlocuteur, il ne perdait pas plus de temps. Le regarder droit dans les yeux n'auraient servit à rien. Ses yeux, il les connaissait déjà. Le moindre pigment, cette couleur identique à la sienne, héritage paternel. Aucun d'eux ne possédaient les yeux vermillons de leur mère, juste ce vert d'eau.
    Alors, les muscles de ses épaules se relâchèrent.

    « Maintenant que nous n'avons plus rien à nous dire... Adieu ? »

    A moins qu'il ne veuille rajouter quelque chose, dans ce cas Caïn prendrait la peine de l'écouter. Il avait soufflé le dernier mot, sachant pertinemment qu'au final il s'agirait plus d'un au revoir qu'autre chose. Ils se reverraient, c'était obligé. Il pouvait déjà sentir venir leur prochaine entrevue.
    Serait-elle aussi plate que celle-ci ? Ou maintenant que tout avait été dit, en viendront-ils au dénouement final, celui qui déciderait qui entre les deux survivraient à l'autre. La fin, telle le commencement, se finirait alors dans le sang.
    Caïn se détourna alors de son cadet, non sans lui avoir lancé un dernier regard. Les sens aux aguets, au cas où il déciderait de lui sauter sur le dos -l'on n'était jamais assez prudent, même s'il doutait qu'il n'agisse, n'était pas vraiment en mesure de le faire-, le Bêta Séide s'éloigna alors dans l'obscurité de la forêt. Il inspira une dernière fois les effluves musquées d'Abel pour parfaire la mémorisation de son odeur, prêt à le retrouver lorsque l'heure serait venue, ou que l'envie de le revoir le pousserait à le chercher aux travers des terres.
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Innuendo
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MessageSujet: Re: Brotherhood [Pv.Abel]   Brotherhood [Pv.Abel] EmptyDim 10 Avr 2016, 19:12

    Le silence, lourd et épais, étendait ses méandres entre eux à mesure que s'égrainaient les secondes, si pesant qu'il en devenait palpable. Abel était pris de cours : d'ordinaire, c'était lui qui se repaissait de ces silences et de ce malaise qu'il instaurait volontairement au sein des conversations. Il était depuis longtemps passé maître dans l'art de laisser le vide et le blanc s'immiscer dans la discussion, se contentant de balancer quelques refus de dialogue entre deux regards vrillants pour le simple plaisir de mettre profondément mal à l'aise on interlocuteur. Et voici que les rôles étaient inversés, que c'était lui qui peinait à trouver sa place et qui se laissait emporter dans la danse qu'il menait naguère. Il ne maîtrisait pas Caïn, Caïn qui lui échappait, Caïn qui provoquait en lui un million de sensations différentes et inconnues qui le mettaient à rude épreuve.

    Il détestait ça.
    Il fallait que ça cesse.

    — Mais de rien Abel.

    Symétrie, pure symétrie.
    Ça n'avait plus aucun intérêt. Ils se fuyaient, s'esquivaient sans même s'effleurer ou parvenir à se toucher, à tel point que la lutte en avait perdu toute réminiscence de beauté dans sa futilité. C'était un ballet qui en devenait répétitif et morbide, un ballet où chacun se protégeait derrière des remparts de sarcasmes pour n'avoir jamais à affronter la réalité et la violence de la relation qui les unissait autant qu'elle les opposait. Ils avaient tant de choses à se dire, tant de comptes à régler, tant de réalités qu'ils fuyaient depuis des heures alors que, précisément, ils étaient ici pour régler des comptes, pour combler ce vide de huit ans qui les séparait et ils ne faisaient que brasser du vent, l'un comme l'autre, ne faisant que repousser l'inévitable.

    — Maintenant que nous n'avons plus rien à nous dire... Adieu ?

    Oh si, ils avaient encore tellement de choses à se dire, mais ce n'était pas ici ni maintenant qu'ils allaient régler leurs comptes. Abel regarda son frère s'éloigner, caressant du doigt cette vengeance vaine et stérile, cette attaque en traître dont il n'était même pas capable. Peut-être aurait-il dû la tenter ? Frapper son frère dans le dos, moins pour le blesser que pour le voir, lui, achever la tâche qu'il avait omis de terminer quand ils étaient jeunes, quand c'était lui qui était le plus fort. Ça n'avait plus aucun sens, ou du moins ça avait encore moins de sens que tout le reste, que son existence entre douleur à la poitrine et douleur au postérieur, entre refus de conversation et remarque blessante, que ce jeu auquel il avait toujours joué sans lui-même réfléchir à la raison qui le poussait à continuer.

    Parce qu'il n'avait pas de but.
    Parce qu'il n'était personne.

    Abel soupira, s'apercevant que le soleil était désormais haut dans le ciel et que la joute qu'il venait de mener l'avait notoirement épuisé. Il se leva lentement, reprenant sa marche, se demandant vaguement quand aurait lieu sa prochaine confrontation avec Caïn.

    Parce qu'il y en aurait une.
    Et cette perspective parvint tout de même à lui tirer un sourire.
    Narquois.
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