Fire [Feat. Joshua]

La liberté est un concept que seul chaque individu, dans son for intérieur le plus profond, arrive à déterminer pour sa propre vie.
Pour le ver de terre qui s'extirpe péniblement du sol lors des jours de pluie, arriver à parcourir un petit mètre sans se faire repérer par un prédateur volatile quelconque est l'accomplissement d'un exploit considérable, une liberté que très peu de ses congénères arrivent à se procurer plusieurs fois dans leur vie. Pour l'aigle qui de ses ailes chaque jour fend l'air avec la plus grande des puissances tranquilles, parcourir ce petit mètre signifie un clignement de paupière dans l'espace d'une minute. Pour cet aigle, la liberté signifiera parcourir monts et vaux quand la météo le permettra, découvrir de nouvelles contrées abondantes en proies et vivre sa vie d'oiseau bien tranquillement au rythme des saisons et des jours.

Pour beaucoup, surtout la jeune peuplade des meutes, encore innocente et emplie de rêves, être solitaire signifie être libre, tellement libre que le concept en soit en devient particulièrement effrayant pour ces jeunes esprits en ébullition de vie et de vitalité. Considérés presque comme une race à part, les solitaires sont synonymes de mystère et d'interdit, pris pour des parias aux glorieux passés oubliés ou de vieux sages des collines n'attendant que ces loupiots des meutes franchissent le pas pour venir leur enseigner leur savoir sans limites. En grandissant, ils se forgeront l'idée que les solitaires sont des criminels ayant fui leur frères à cause de terribles crimes commis contre l'autorité et l'intégrité du groupe. Souvent sujets à la haine fervente des loups de meute, ils sont considérés comme d'égoïstes monstres paresseux et pervers préférant la tranquillité de la nature et de la solitude que d'aider la meute à se tenir debout.

Il se trouve que beaucoup se trompent.
Je n'ai ni passé glorieux, ni passé sanglant, je ne suis loin d'être un sage au sommet de sa colline et je ne suis pas non plus particulièrement paresseux.
Je suis simplement Joshua. Un jeune loup en quête de vérité.
Et je ne me sens pas libre non plus.

Comment pourrais-je ? Enchaîné à mes gènes, mélange de honte, de colère, de mystère, enchaîné à mes liens que j'entretenais autrefois avec ma famille, brisés, réduit en poussières par les actions posées, je suis parti mais l'enfant que j'étais autrefois restera toujours là-bas, un cadavre perdu quelques part dans les Bois de l'Oubli. Le petit qui coursait les corbeaux et qui jouais aux grands chevaliers est mort depuis longtemps, enterré par le départ d'une mère lâche et d'une sœur suiveuse et faible chez une meute ennemie. Enterré par l'exclusion que le physique et le regard d'Edan à travers mes yeux et mon corps on créé chez les Séides, ces bâtards qui ont laissé l'une de leur membre se faire violer avec la plus grande cruauté de l'âme sans ne bouger le petit doigt. Enterré par le chagrin de Blair qui a terminé de réduire mon cœur en miettes.

Que reste-t-il de moi maintenant ? Hein ? Qui me le diras ? Qui ?
Une enveloppe de peau et de poils bien vidée de tout bons sentiments.
Seul persiste la haine et la tristesse, comme toujours elle s'accroche à ceux qui se noient dans leur destin.

Le soleil d'un été tout jeune plombait désagréablement sur mon crâne depuis le début de la journée, et je sentais que je commençais à être sérieusement déshydraté. Il faudrait m'arrêter pour boire, et pourquoi pas ne pas rester en ce lieu pour quelques jours tant qu'on y est. Maintenant que je n'ai plus nulle part ou aller, nul foyer pour m'attendre le soir quand viendra l'heure de se coucher, nul frère, sœur ou mère pour m'attendre à la tombée de la nuit, chaque endroit que je visite deviens mien pour l'instant où j'y reste.

Un bruissement sur le côté attira mon attention et une soudaine odeur Brethen assailli mes narines. Mon poil s'hérissa soudainement et je réprimai un grondement. Ne manquait plus que ça. Sérieusement.


"Bonjour l'ami, qu'est-ce qui t'amène ici ?"

Mon regard bicolore se posa sur une paire d'yeux orangés et une chevelure de flammes qui me fixait avec douceur. Des flammes ? Serait-ce possible que... ?
L'idée désagréable que je me trouvais peut-être en présence de mon demi-frère me dérangeait au plus haut point. Je ne voulais rien avoir à faire avec les enfants d'un mâle Brethen que je ne connaissais pas et de ma mère, ma traître de mère, qui nous avais abandonné moi et Blair chez les Séides.

Les crocs à demi dévoilés je reculai de quelques pas, les oreilles plaquées sur le crâne et le regard luisant d'une colère des plus pures qu'il soit.

- T'es qui ???, lui lançai-je sèchement, un léger tremblement perceptible dans ma voix.

"T'es qui ???" a-t-il alors dit sèchement d'une voix presque tremblante.