Délit de désobéissance [Agravain]

Élaine

Une douce brise soufflait ce jour-là, il faisait chaud et le ciel était d'un bleu électrique hypnotisant et dénué de nuages. La Passe Ventue avait retrouvé sa splendeur d'antan, avant Everbloom, l'herbe était redevenue grasse et florissante, les arbres étaient tous feuillus, certains ornaient de belles fleurs au bout de leurs branches. La Passe Ventue était également le plus bel endroit de tout le territoire Brethen. Un avant-goût du monde extérieur tout en restant protégée, Élaine ne pouvait rêver mieux comme première sortie encore plus loin que le Dolmen des Perdus. Elle s'avançait d'un pas plus assuré, elle avait maintenant un peu moins de quatre mois. Elle courrait, à présent, et elle était capable de sauter. Elle s'était éclipsée, échappant à la surveillance de ses parents, pour enfin découvrir le monde, seule. Élaine voulait être comme son papa, courageuse et surtout sans peur. Elle arriva devant un long chemin sinueux, assombri à cause des arbres, et elle préféra rester sur la plaine, le ravin lui semblait trop dangereux. Elle s'assit, et pencha sa tête sur le côté, déjà quelques mèches ondulées noires pendaient autour de son regard émeraude.

Elle se laissa tomber en arrière, amortie par l'herbe et elle observa avec curiosité l'immense étendue bleue au-dessus d'elle. Le soleil n'était pas encore assez haut pour l'aveugler, et Élaine imaginait mille et une possibilités. Elle leva encore la tête et vit, à l'envers, un insecte plutôt gros. Elle se releva d'un coup faisant fuir l'insecte. Elle poussa un petit cri sur-aiguë d'excitation et son corps fut pris d'un tremblement. Il était temps de s'entraîner à être une chasseuse hors-pair, elle huma l'odeur comme si elle était capable de reconnaître la piste du cafard. Au loin, elle vit le petit être noir s'enfuir vers un arbre. La truffe collée au sol, elle respirait à moitié l'herbe. La petite brune marchait vite, un peu au hasard de ses pas, persuadée qu'elle tenait une piste. Elle heurta cependant ce qu'elle croyait être un arbre, elle releva les yeux et vit que l'arbre était poilu. Elle remonta le regard, interloquée et vit le regard sévère d'Agravain, le frère de son papa. Elle se sentit soudainement honteuse et prise en flagrant délit de désobéissance. Que dirait son oncle ? Elle sentit ses joues se réchauffer, et elle s'assit, le dos droit, balbutiant des excuses inaudibles. Elle espéra que Tonton Agravain ne sera pas trop sévère envers son indiscipline, et elle pria à qui voulait l'entendre qu'il ne répète surtout pas à son papa et à sa maman qu'elle s'était aventurée seule et loin.

Agravain était allongé au soleil, devant sa tanière, profitant des quelques heures avant le prochain tour de garde pour se réchauffer au soleil. Il avait vainement cherché Manji et sa jeune fille Revma, et c'était finalement dit qu'il pouvait se reposer un peu, en attendant . La patrouille serait composée de lui, un loup au prénom imprononçable et de Tendô, un Lanterne qui s'était proposé.

Le lieutenant se roula sur le dos, et replia ses pattes contre son torse, avant de soupirer.
Il n'aimait pas rester là sans rien faire, mais comment occuper les plusieurs heures qui arrivaient ? Il n'était pas censé sortir non-accompagné, et ça devenait fatiguant.
C'est alors qu'il se rappela de quelque chose. La passe Ventue.
C'était à quelques bonnes minutes de course, et presque une heure de marche, mais quand même. Et puis il pourrait dire qu'il était allé chasser les plus gros insectes. Il fallait garder une patte sur ces bestioles, sinon elles allaient proliférer.
Il se leva donc, bien décidé à aller quelque part seul … Lorsqu'une louve débarqua.
Elle était plutôt petite, avec de très, très longues oreilles, et un grand regard mignon qui avait fini par l'exaspérer. Ah Aldréanne.

« Dame Aldréanne ! » s'exclama-il, avant qu'elle ne puisse dire quoique ce soit.
« Pourriez-vous prendre ma place lors de la patrouille, ce soir ? Il faut que j'aille au temple avec ... » vite trouve le nom d'un loup qui serait susceptible à t’accompagner là bas... « … Manji. » s’exclama-il.

Il s'en voulut un peu, lorsqu'un regard triste parcourut le visage de la louve, mais elle le fatiguait à le coller ainsi. Elle hocha la tête, feignant un joyeux sourire, puis s'en alla, les oreilles basses . Aagravain hésita, puis souffla en baissant la tête. Dieux, ces femelles.

Puis il se redressa, et prit le chemin de la passe ventue, sous le ciel bleu, courant dans l'herbe.

Arrivé à sa destination, il descendit dans la grande gorge, qui, autrefois, avait été vide de plantes, et maintenant semblait contenir toute une jungle. Il agita ses oreilles, et bondit d'un côté de la paroi rocheuse, pour atterrir sur le sol. Il renifla l'air, cherchant un odeur de proie intéressante. Il y avait un tas d’insectes à chasser ici, mais il n'avait pas envie de s'épuiser inutilement sur une de ces libellules géantes.
C'est alors que lui parvint une odeur tout à fait familière, qui n'était absolument pas celle d'un insecte.

Il se retourna, et regarda autour de lui, cherchant des yeux celle qu'il sentait, avant qu'elle n'apparaisse, comme par magie, museau au sol, semblant traquer quelque chose. Elle était brune claire, avec des cheveux noirs attachés en chignon. Agravain reconnut de suite sa nièce Elaine.
Qui n'avait absolument pas le droit d'être ici, surtout toute seule. Par chance, il ne fut pas obligé de l'appostropher d'une voix furieuse, puisqu'elle lui fonça dedans, pour relever lentement la tête, comme le fait quelqu'un qui vient de se rendre compte qu'elle s'est empêtrée dans un problème.

Elle tomba sur ses fesses, et commença à balancer toutes sortes d'excuses entremêlées. Le plus drôle avec cette jeune fille, c'était qu'elle lui rappelait comment lui, il était, quand il avait son âge.
Oui, il avait été casse cou, mais bon.

Il se pencha vers elle, semblant de mauvaise humeur, son visage dans l'ombre.
« Elaine... Tu sais très bien que c'est dangereux de t'aventurer aussi loin, et toute seule en plus, par ces temps ! »

Il se pencha vers elle … Puis regard autour d'eux, avec l'air de quelqu'un qui vérifier qu'on ne les a pas suivi.
« … Moi aussi, je suis sorti tout seul,a lors maintenant qu'on est à deux, tout va bien. Mais tu ne dois pas repartir toute seule comme ça, d'accord ? »
Il sourit à sa nièce puis regarda autour d'eux, cherchant la bestiole qu'elle avait du vouloir chasser.

« Qu'est ce que tu étais entrain de chasser ? Qu'est ce que tu as trouvé d'intéressant ? » demanda-il avec un léger sourire.
Il n'arrivait jamais à être sévère avec les enfants, de toute manière.

Élaine

A sa grande satisfaction et son grand soulagement, son Tonton ne lui cria pas dessus, il fit simplement le sermon habituel et d'une minute à l'autre, une flamme s'était allumée dans son regard. Élaine sourit, et sa queue se mit à danser derrière elle, lui aussi était sorti seul, alors ce n'était pas si grave. Si les adultes le font, pourquoi pas elle ? Elle regarda aux mêmes endroits qu'Agravain et constata qu'en effet, ils n'avaient pas été suivis. Élaine songea qu'ils étaient suffisamment discrets pour ne pas réveiller toute la jungle entière. Un brin d'excitation naquit en elle. Malgré sa vie encore bien courte, elle adorait son oncle. Il était une sorte de papa plus rigolo et moins sévère sur la politesse. Toutefois, sa voix avait un ton légèrement plus grave que d'habitude, elle ignorait ce qu'il se passait autour d'eux. Les Precursors n'étaient, pour elle, qu'un mot très peu prononcé par ses parents, et surtout prononcé à voix basse. Elle sourit d'une manière tendre, rappelant le sourire de Winnifred, puis elle souffla :

"Oui, d'accord. Pardon, oncle Agravain. Je ne recommencerais plus."

Une fois l'excuse bredouillée, ses yeux redevinrent pétillants d'excitation à la question de son oncle, elle bondit sur ses quatre pattes et adopta une attitude qu'elle voulait héroïque et aventureuse. Elle leva le museau vers Agravain, qui était définitivement trop grand à ses yeux, et s'enjoua en faisant des petits sauts un peu partout :

"Une sorte de bestiole, très bizarre ! Elle marchait vite et elle a disparu vers cet arbre !"

Elle sautilla jusqu'à l'arbre incriminé, et elle recommença à coller sa truffe sur l'écorce, reniflant bruyamment et fronçant les sourcils pour se donner l'air sérieux. Elle jeta un regard à son tonton, et poussée par le désir de rendre Agravain fier d'elle, elle tenta de grimper, sans succès, à l'arbre. Ses pattes étaient trop courtes, son corps encore trop lourd et pataud. Elle retomba mollement sur le sol, une de ses mèches brunes s'était extirpé de son chignon. Elle se redressa et secoua la tête pour virer la mèche qui la gênait puis, fatiguée, elle leva son regard vers le rouquin et s'enquit :

"Je promets, tonton, que la bestiole est passée par là ! Mais... Je ne la retrouve pas."

Visiblement déçue, ses oreilles retombèrent un peu, et elle se rassit sur ses fesses, la mine contrariée. Elle n'était pas si bonne chasseuse que ça, et pourtant, elle voulait devenir aussi efficace que son papa, elle désirait devenir aussi forte que son oncle, elle chérissait tant le rêve de devenir un jour une chasseuse experte doublée d'une chevaleresse sans peur.

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