Hors du temps | Alwine

Il était tôt, extrêmement tôt, pour que le jeune loup se trouve déjà si loin de Grand Castel. C'était à peine si les premières vapeurs lumineuses de l'aube à venir caressaient l'encre du ciel nocturne. Il régnait sur les terres Etelkrus le calme froid d'une fin de nuit d'automne. L'air chargé d'humidité et de lambeaux de brumes, qui s'effilaient aux caprices des premières brises matinales. Au milieu de cette atmosphère bien particulière, cette heure où les fauves rassasiés étaient rentrés dans leurs tanières et où tout ne semblait que calme profond, marchait la silhouette d'Athelstan. Il s'était éveillé au milieu de la nuit, secoué d'un terrible cauchemar. Un rêve sombre qui mêlait la réalité des choses et les dangereuses potentialités qu'elles engendraient. Les visages de ses parents abattus, la colère brillant dans les prunelles de ses deux soeurs désormais chefs de meutes. L'explosion de sa famille dans une guerre qui soulevait tous les loups les uns contre les autres. Il avait repris conscience dans sa tanière en un sursaut, le souffle court, et n'avait pu se résoudre à retrouver le sommeil. De lassitude, il avait fini par enrouler sa fidèle chaîne autour de son poitrail et sortir silencieusement en saluant ses camardes en patrouille de nuit.

A la plus noire des heures, il était étrange comme le monde changeait de visage. Les odeurs, les sons, les images n'étaient plus les mêmes. Il avait traversé le territoire Etelkrus jusqu'à parvenir au bord de l'océan, et avait ensuite profité de la marée basse pour passer le bras de mer qui séparait la terre de l'Île Abysse. Il y était déjà venu chasser plusieurs fois, mais il eut pourtant l'impression de pénétrer un lieu qui lui était complètement inconnu. Le paysage avait perdu ses couleurs et, à la lueur d'une lune timide à demi masquée par de lourds nuages, tout avait revêtu un noir profond rehaussé d'argent. Un troupeau de grands herbivores s'était rassemblé près d'un arbre solitaire, tous étaient immobiles comme de hautes statues. Seule ne changeait pas la douce température, plus tiède que celle du continent et si reconnaissable.
Alors le jeune loup avait pris place lui aussi sous un autre petit arbre, couché sur le ventre et ses longs cheveux cascadant sur ses épaules musclées. La tête posée sur ses pattes avant, il avait laissé s'en aller les remugles de son rêve de bien mauvais augure. Puis, doucement, s'était assoupi jusqu'à soulever les paupières alors que la nuit touchait à sa fin.

Bien que parfaitement éveillé, il ne se leva pas et se contenta de parcourir les alentours de son regard vairon. Il doutait fort qu'on vienne le trouver ici à cette heure - mais savait-on jamais.

[Je considère que cela se passe avant la rencontre avec Churro et Nachos sur la Rougelande]

Ce fut un son pour le moins surprenant qui le tira des réflexions dans lesquelles il s'était doucement replongé. Un bâillement profond. Le jeune Garde redressa la tête alors que l'odeur d'une louve de sa meute venait lui chatouiller la truffe. Il se rabroua intérieurement d'avoir été si peu attentif à ce qui se passait autour de lui. Si ce n'était pas une jeune louve fatiguée mais quelque-chose de plus dangereux qui avait pointé le bout de son museau, il n'aurait pas eu l'air bien malin. Un sourire poli de circonstances se peignit sur son museau alors qu'il tirait sur ses muscles endormis pour se relever. Il ne lui paraissait que très peu courtois de rester ainsi couché au sol à l'apparition d'une dame. Cette dernière arborait un pelage d'un joli camaïeu de chocolat, rehaussé de mouchetures orangées. Ses cheveux qui tiraient vers le blanc étaient rassemblés en une tresse épaisse ornée d'une fleur, et une rose maintenait une partie de ses mèches hors de son champ de vision. Elle était légèrement plus petite que lui - mais le brun savait qu'il avait hérité de son paternel une taille tout à fait respectable. Il la connaissait de vue pour l'avoir déjà croisée au camp, mais ignorait tout de son nom.

"Il n'y a pas de mal, Dame Alwine." Répondit-il. "Je ne puis moi-même affirmer que je me présente à vous sous mon meilleur jour."

Il avait conscience que la fatigue devait légèrement tirer ses traits, que ses cheveux étaient sans doute un peu en bataille et son poil légèrement hirsute de sa longue randonnée nocturne. Il étouffa un bâillement lui aussi lorsqu'un nouveau étira les babines de la louve brune.

"Enchanté de vous connaître, ma Dame. Mon nom est Athelstan." Ajouta-t-il pour lui rendre la pareille. "Ce n'est pas une heure commune pour sortir, j'en conviens. Puis-je avoir l'audace de vous demander ce que vous faîtes dehors à pareille heure, vous aussi ?"

Il était convaincu qu'il resterait seul encore un bon moment, certainement jusqu'à ce que les premières patrouilles de chasse de la matinée ne se mettent en route. L'Île Abysse était un territoire prisé, en tout cas pour le moment, car elle regorgeait de proies en tout genres. En était pour preuve le troupeau d'herbivores qui continuait non loin son sempiternel déjeuner, prêtant à peine attention aux deux énergumènes qui discutaient là.

Le jeune loup suivit poliment le mouvement et s'allongea de nouveau au sol. La raison de la présence de la louve était des plus singulières. Ainsi donc, elle était à la recherche de son frère, activité qui, prétendit-elle, occupait une grande partie de ses journées. Athelstan supposa presque naturellement qu'il s'agissait d'un jeune frère, encore dans l'âge polisson du louveteau trop jeune pour sortir en sécurité seul, et trop vieux pour accepter d'être consigné dans la tanière maternelle ou d'une nourrice tout au long de la journée. Cette pensée lui rappela tristement ses propres cadets, qu'il n'avait pas revu depuis le scission des meutes. Ils seraient bientôt assez grands pour choisir leur voie, mais devaient sans doute pour le moment rester auprès de leurs parents. Parents qu'il n'avait pas revu depuis le funeste jour où Méléagant était venu lui annoncer la disparition d'Esterno. Plus le temps passait et plus lui apparaissait la possibilité que, peut-être, ils aient rejoint l'autre meute et Anastasia. Il ne savait trop ce qu'il ressentait à cette idée, d'ailleurs. Il se fit la réflexion qu'il tenterait un de ces jours d'aller s'aventurer sur les terres de la meute rivale pour tâcher d'éclaircir tout cela, peut-être de parler avec sa soeur de portée également. Il ne lui venait pas à l'esprit qu'elle puisse lui en vouloir pour son choix - après tout, c'était un choix piège dans tous les cas - et éprouvait l'envie de la revoir. Ils avaient passé leurs jeunes années ensemble, de plus ou moins loin. Pour lui, cela ne s'oubliait pas.

"Il semble bien difficile de s'occuper de votre frère." Répondit-il en tournant vers elle son regard vairon. "Est-il toujours dans les malices de la prime jeunesse ?"

Il lui adressa un sourire complice à cette remarque. Il n'avait que peu joué les baby-sitters avec ses jeunes frères et soeurs, mais il savait pour avoir côtoyé Elaine jeune combien aventureuse pouvait se montrer la jeunesse.
Une goutte froide qui frappa sa truffe l'arrache soudain à l'attention qu'il portait à Alwine. Il releva la tête vers le ciel. Un troupeau de nuages noirs et épais s'étaient amassés dans le ciel. Le regard sur l'horizon qui arborait encore les belles couleurs du levant, il n'avait pas prêté attention à ce qui montait dans leur dos. Et apparemment, ils étaient bien partis pour être victime d'une formidable saucée. D'autant que l'Île Abysse n'était pas vraiment réputée pour sa densité forestière et consistait surtout en une vaste plaine creusée au centre. Quelques arbres rachitiques se dressaient non loin, mais leurs branches à peine pourvues de feuilles ne leur seraient' d'aucune utilité.

Le jeune loup se redressa, alors que la pluie tombait de plus en plus dru, striant son pelage de petits points foncés.

"Je crains que nous ne devions changer de lieu de conversation, ma Dame." Dit-il en élevant légèrement la voix pour couvrir le bruit de l'averse.

Il parcourut les alentours du regard, à la recherche d'un refuge potentiel. Déjà l'eau alourdissait ses mèches et les plaquait le long de son museau, de ses joues et de ses larges épaules. Avec le vent qui se levait devenait de moins en moins bonne l'idée de se rendre jusqu'au bras de mer qui les séparait du continent pour le traverser à la nage. D'autant que la louve qui se trouvait à ses côtés possédait une silhouette harmonieuse, plutôt petite et gracieuse, mais en aucun cas n'inspirait une grande résistance physique aux yeux du Garde. Son côté chevaleresque le poussa à se considérer comme protecteur de cette demoiselle jusqu'à ce qu'ils ne soient hors de portée de la tempête.
Et ça n'allait apparemment pas être une tâche facile.

"Auriez-vous aperçu quelque refuge sur l'Île en y venant ?" Cria-t-il pour que sa voix porte à travers le fracas de l'eau sur la terre et les pierres, et du rugissement lointain de la mer qui s'éveillait sous les assauts du vent.

Le mâle venait lui aussi d'avoir la bien mauvaise surprise de recevoir un morceau de glace, qui lui avait heurté l'épaule avec une violence assez surprenante, pour une si petite chose. Il put remercier la génétique de lui avoir donné une épaisseur de cheveux assez conséquence pour lui faire un semblant de protection contre ceux déterminés à marteler son cou et sa nuque. Toutefois, il fut soulagé lorsque la silhouette de la louve devant lui se glissa soudain dans un repli du terrain pour entrer la fameuse grotte. A bien y regarder, c'était une sorte d'hybride entre une grotte et une tanière. Ses parois étaient à moitié constituées de la roche qui bordait les côtes de l'île sur certains abords, à moitié constitué de cette terre épaisse et que la pluie rendait gluante, caractéristique du sol du centre de l'île. Cependant, il n'y avait largement pas de quoi se plaindre et ils avaient de la chance que la louve ait repéré dans ses escapades ce refuge. Elle avait précisé qu'elle n'était pas très grande, aussi le jeune mâle supposa-t-il qu'elle était y était déjà venue. Ladite grotte, d'ailleurs, n'était effectivement pas bien grande en effet. On y casait tout juste les deux loups et le petit espace exigé par les conventions sociales entre eux. Athelstan repoussa le léger malaise qui l'envahit à l'idée que la louve pourrait se méprendre sur ses intentions. Il aurait bien le temps d'y réfléchir plus tard - et elle les avait menés ici en connaissance de cause, donc n'était sûrement pas dérangée à l'idée de devoir partager avec lui cet espace réduit. Il s'assit et s'efforça de demeurer le plus contre la paroi possible. Sa haute taille faisait qu'il devait garder le cou légèrement incliné pour ne pas s'arracher les oreilles le long des aspérités du plafond. Il adressa un sourire qui se voulait rassurant à la louve brune.

"A merveille, je vous remercie." Répondit-il avec sincérité. "Et vous ? Vous n'avez pas été blessée par la glace ?"

Athelstan avait toujours été quelqu'un de foncièrement bienveillant. Certes, à cet instant, même si la louve était blessée il ne pourrait pas y faire grand chose car il n'avait pas été formé en détails aux arts de la guérison. Toutefois, il n'avait put s'empêcher d'avoir à son égard cette inquiétude légère, manifestation de cette attitude chevaleresque que son éducation lui faisait avoir avec la plupart de ses congénères. Il lui vint d'ailleurs la pensée que, peut-être, elle était elle-même guérisseuse. Leur conversation avait pour le moment été si courte qu'il ne s'étaient présentés que par leur nom, et il ignorait tout des fonctions qu'elle pouvait occuper dans la meute. Sa première supposition fut qu'elle n'était pas une guerrière, toutefois il se garda bien de s'y fier aveuglément. Nombre de loups étaient surprenant par les ressources bien cachées qu'ils possédaient, et peut-être cette dame à l'allure presque aussi innocente que sa mère, dame Winnifred, cachait-elle sous ses yeux de biche une guerrière féroce.

Le jeune mâle bouge légèrement et planta ses pattes dans le sol pour trouver une position assez confortable. Un regard dehors lui confirma que la tempête redoublait. Ils ne seraient donc pas sortis d'ici tout de suite. La grêle faisait un rideau grisâtre devant l'entrée du refuge, qui masquait le paysage. Le fracas des glaçon qui explosait sur le sol couvrait tous les autres bruits extérieurs, y compris le rugissement de la mer. De temps en temps, une bouffée d'air froid et humide les atteignait en ébouriffant leur pelage.

Athelstan gratifia la louve d'un regard reconnaissant lorsqu'elle se décala légèrement pour lui laisser un peu de place. Il se sentit soudain étrangement grand comparée à ce petit bout de femelle qui s'était tapie apparemment sans inconfort de l'autre côté de leur abri.

"Je vous remercie, ma Dame." Répondit-il en s'allongeant à son tour, détendant les muscles de son cou de quelques mouvement sur les côtés.

Quel étrange début de journée c'était là. Il eut la pensée amusée que si son oncle Agravain apprenait d'aventure ce qui s'était passé, il ne manquerait pas de taquiner son neveu sur cette entrevue tout à fait spéciale avec la demoiselle. Nul ancien Brethen n'ignorait les circonstances dans lesquels son père Méléagant avait fait connaissance avec sa compagne Winnifred. Ils avaient tous les deux été coincés par une tempête de neige, au coeur de l'hiver, contraints de passer la nuit dans un recoin étroit avec pour toute chaleur celle que pouvait offrir l'autre. Connaissant son père, Athelstan devinait que ç'avait dû être pour lui une révélation d'être capable de sacrifier, pour sauver la vie de la louve, tout ce qui était socialement correct à ses yeux. Il n'était pas sans savoir que, de là où venaient Méléagant et Agravain, passer une nuit dehors aux côtés d'une femelle dans de telles conditions aurait fait jaser, voire pire.
Son oncle n'avait d'ailleurs pas montré le bout de son museau depuis bien longtemps, maintenant qu'il y pensait. Il l'avait aperçu lors de la création des Etelkrus puisqu'il en avait rejoint les rangs, mais il n'avait pas l'impression de l'avoir véritablement revu depuis, pas même au camp. Il rangea dans un coin de son esprit la pensée qu'il lui faudrait éclaircir cette étrangeté aussi vite que possible. En attendant, puisqu'il ne pouvait le faire, autant tâcher d'en apprendre un peu plus sur la dame qui était en sa compagnie. Son regard vairon, qui s'était perdu à l'extérieur alors que lui se perdait dans ses pensées, revinrent sur Alwine.

"Il semble que nous devions nous résigner à bavarder tant que le temps se montre si terrible." Lança-t-il poliment. "Si cela vous sied, bien-entendu."

Certes, la dame avait eu de la conversation depuis leur rencontre, mais s'il était tombée sur une personnalité plutôt timide ou distante malgré une courtoisie fort bien apprise, il ne désirait pas se montrer dérangeant.

Athelstan perçut l'inconfort de la louve, mais il ne lui vint pas à l'esprit qu'autre-chose que sa proximité pouvait y être pour quelque-chose. Toutefois, la dame pourrait juger offensant qu'il se ravise et s'éloigne de nouveau, aussi prit-il le parti de ne pas lui faire remarquer et lui adressa un sourire qui se voulait rassurant. Peut-être que s'il lui montrait qu'il n'avait que les plus pures intentions et qu'il savait se montrer un individu courtois et parfaitement civilisé, elle se sentirait un peu plus à l'aise en sa compagnie.

"Je crois que tous les sujets de conversation me conviennent, ma Dame." Répondit-il avec sincérité. "Mais si vous acceptez de m'accorder un peu de savoir sur votre personne, oserais-je vous demander quel rang vous tenez au sein de notre meute ? Je vous y ait déjà croisée, mais je vous avoue ignorer ce détail."

Il détourna légèrement la tête lorsqu'une bourrasque fit voleter des gouttelettes de pluies jusqu'à son museau. Quelques grêlons roulèrent depuis l'entrée jusqu'à leurs pattes. Il se demanda brièvement si le niveau de la mer pouvait monter lors d'une telle tempête jusqu'à devenir un danger. En effet, l'Île Abysse avait la particularité de voir sa majorité se trouver sous le niveau de la mer. Si l'eau parvenait à passer les rebords légèrement surélevée - et qui abritaient en particulier la grotte dans laquelle il avaient trouvé refuge - toute l'île se verrait très rapidement inondée. Il se contenta d'espérer qu'ils n'en arrivent pas là, car l'option de braver à la nage les vagues déchaînées était assez peu réjouissante. Même lui, pourtant de bonne stature et aux muscles dessinés, n'était pas certain qu'il parviendrait à dompter l'océan en furie des côtes Etelkrus.

Son regard s'arrêta brièvement sur la lueur orangée qui brillait à l'oreille de la louve brune. Elle projeta dans toute la petite grotte une lumière diffuse et chaude, qui contrastait agréablement avec l'atmosphère glaciale du dehors. Lui-même n'avait pas encore de glowstick, un constat assez évident maintenant qu'ils se trouvaient dans une demi-pénombre. Mais les grands bouleversements étaient récents, et il n'avait pas encore eu le déclic qui l'emmènerait auprès de l'un des trois dieux de sa meute. Cependant, le chemin qu'il allait prendre se dessinait petit à petit devant lui avec de plus en plus de clarté. Il aurait tant aimé que son père et sa mère les rejoignent enfin - car il ne voyait pas d'autre alternative, son paternel ayant le glowstick rouge - pour pouvoir leur demander conseil. Il se doutait bien que viendrait sans tarder le temps où les regards se porteraient sur les loups ne portant pas de glowstick et qui devenaient un peu trop âgés pour cette condition. En attendant, il faisait de son mieux pour servir sa meute autant qu'il le pouvait.

La louve sembla enfin montrer quelques signes d'aise, et il fut grandement rassuré par sa remarque au ton moins formel, qui lui arracha un petit rire. Il redressa les oreilles, attentifs à ce qu'elle disait. Elle était donc guérisseuse. Il n'était donc pas si étonnant qu'ils se soient si peu croisés jusqu'à maintenant, leurs deux rangs étant de ceux qui partaient bien souvent en expéditions, les uns pour veiller aux frontières et les autres à la recherche de tous ces remèdes qui recouvraient les murs de leurs tanières. Quoi qu'avec la mauvaise saison qui arrivait, leurs soigneurs ne trouveraient bientôt plus grand chose là-dehors. Athelstan était trop jeune pour avoir connu d'hiver encore, mais sa mère leur avait expliqué, à ses soeurs à et lui, combien la nature se refermait lorsque venait le temps du froid et des neiges. Les plantes s'endormaient pour de longues lunes et les loups devaient survivre grâce aux réserves qu'ils avaient faites auparavant. Une pensée mélancolique l'envahit au souvenir des longues discussions qu'il avait au Squat avec Dame sa Mère dans sa prime jeunesse. Même s'il se savait entièrement responsable de son éloignement envers ses parents pour suivre Elaine chez les Etelkrus, ils lui manquaient tout de même. Mais il s'accrochait à l'idée qu'ils finiraient par les rejoindre, et y croyait avec sincérité.

"Pour ma part, j'occupe le rôle de Garde pour la meute." Lança-t-il lorsque ce fut son tour de répondre. "J'ai longuement hésité avec le rôle de guerrier, très certainement pour me sentir plus à même de veiller sur ma soeur, dame Elaine. Mais je tenais à connaître également chaque once de ce territoire, en plus de savoir le défendre."

Une nouvelle bourrasque souffla depuis l'entrée et il frissonna lui-aussi dans sa pelisse humide. Il remua les doigts de ses pattes pour éviter qu'ils ne s'engourdissent trop, et tâcha de focaliser ses pensées sur la conversation plutôt que sur la désagréable sensation de froid qui les envahissait. C'était le moyen le plus efficace qu'il avait trouvé de faire face à ce genre de situation. Il était capable de longuement se plonger dans ses pensées, vestige de sa jeunesse grandement passée au milieu des livres de la Bibliothèque. Cependant, à l'heure actuelle, il était impensable de s'immerger ainsi dans un mutisme profond et pensif, aussi décida-t-il de plutôt le faire dans la conversation qui se développait entre eux.

"Et vous, ma Dame, pourquoi avoir choisi cette voie ?" Demanda-t-il avec curiosité.