La violette aux crins de rose et d’or ne put s’empêcher de tout de suite se dire que ça avait été une grosse erreur, en voyant apparaître une image de la beauté féminine devant elle, grâcieuse, belle, avec des longs cheveux qui rendraient les mâles fous de désir d’y toucher ... Tout ce qu’elle n’était pas quoi. Il n’y avait pas de quoi se sentir très confiante, sur l’instant. De plus, elle appuya le fait qu’elle lui laissait une chance. Genre d’habitude elle était moins clémente.
C’est alors qu’elle lui présenta son ami. Un ami qui ne laissait pas à désirer, c’était vrai, mais tout de même, Brienna sentit ses entrailles se nouer.
"Mon ami n'est pas des plus aisé à charmer. Mais une vraie disciple de la Tigresse ne saurait voir en cela un obstacle."Ahah. Ahahaha. Très drôle Moiro, très sympa. La violette claire dévisagea le grand loup sombre, comme si elle se mesurait à un adversaire de taille. Fille adoptive de la famille Méléagant-Winnie, elle n’avait pas échappé à une instruction guerrière, et le regard qu’elle posa pendant une fraction de seconde sur le loup aux yeux d’améthyste était calculateur. Il était de toute évidence pas un loup qui montrait ce qu’il pensait sur le bord de son museau.
Il était plutôt grand, la lumière de l’extérieur illuminait son sombre pelage en des éclats argentés, projetant son poitrail et son regard dans l’ombre lui donnant un air encore plus mystérieux et majestueux.
Comment vais-je percer ta froideur ? se demanda-elle en réfléchissant.
L’idée n’était pas de se jeter sur lui comme un fauve, ce serait une approche facile. Peut-être que cela fonctionnerait, puisqu’elle portait toujours la fragrance des chaleurs, et que, même à son sens, elle était plus attirante qu’à l’habituelle. Elle réfléchit profondément. Qu’est-ce que Moiro lui avait donné comme indices ?
Tout ce qu’elle avait laissé passer, la rose déesse, était que son ami était dur à charmer. Son
ami était
dur à charmer. En fait, peut être que la rose n’était pas aussi froide et dure qu’il paraissait, parce que sa simple phrase en disait quelque peu, de la situation du noir loup.
Tout d’abord, s’il était si dur à charmer, il ne serait pas possible de lui sauter dessus, en appuyant les courbes et les hormones, et d’emporter son cœur et ses esprits. Il faudrait donc œuvrer plus finement, plus intelligemment que juste par le physique. Mais comment pouvait-elle deviner ce que pensait le loup ? Son type de femelle, pour pouvoir l’approcher de la manière qui aurait le plus d’effet ? Ses préférences, pour aborder une conversation qui l’intéresserait ?
Comment pouvait-elle par tous les dieux l’intéresser, si elle ne savait pas ce qui l’intéresserait personnellement ?
A moins qu’il y ait une méthode universelle, qui fonctionnait sur 90% des mâles.
La violette cligna lentement des paupières en regardant le grand loup, et fit une esquisse de pas vers lui, avant de sembler se raviser.
Qu’est ce qui plaisait toujours aux loups et aux louves dans les livres ?
Le mystérieux, l’inatteignable, l’attention.
Et le mystérieux ne se trouvait pas dans une louve ouverte et souriante, alors Brienna effaça toute possibilité de sourire de son visage, ses yeux se faisant moins grand ouverts, 1/3 fermés, et ses oreilles se faisant moins droites, comme si elle se réservait soudainement. Elle jeta un regard inquisitif au grand loup, essayant de discerner dans ses yeux, ses mouvements, un indice sur qui il était, ce qu’il voulait idéalement d’une femelle… Mais est-ce que c’était ce qu’on attendait qui nous procurait le plus de plaisir ?
La louve claire agita lentement sa queue si étrange et se tourna vers le sombre aux crins violacés. Elle mobilisa tous ses muscles par la pensée avant de passer à l’action. Le fait que la solution facile du physique ne puisse être envisageable en tant que seule solution ne voulait pas dire qu’elle ne pouvait pas en user. Et il fallait savoir que le physique d’une louve était à son meilleur lorsqu’il était mis en mouvement. En mouvement
gracieux.
Alors la jeune louve souleva lentement une patte antérieure pour la poser devant son autre patte avant, légèrement en angle, pourque, en se tournant vers le mâle sombre son corps bouge plus félinement, à l’image de celui de la rose déesse qui s’était assise quelques minutes auparavant devant elle. Elle sentit les muscles de son dos se contracter dans un effort pour rester bien droite, son poids posé sur une patte qui n’était pas dans l’axe habituel de l’emplacement d’une patte. Tout de même, elle enchaîna fluidement sur un autre pas, et cette manière féline de marcher lui sembla soudainement plus accessible. Elle marcha doucement, légère sur pattes mes fluide, venant se poser devant le loup.
Comment l’intriguer et l’intéresser en même temps ? Comment le déstabiliser et le rendre curieux d’elle ?
Elle s’arrêta, le visage recouvert par ses cheveux et décida de tenter. Après tout, le jeu de la séduction n’était jamais gagné d’avance, tout se jouait sur un coup de chance, et elle le voyait maintenant. Elle aurait pu lire tous les livres du monde, c’était une technique qui s’élaborait face à quelqu’un, pas coincé dans une bibliothèque.
Elle leva son museau, ses yeux dorés apparaissant subitement entre ses mèches de rose et de soleil, des yeux calmes mais légèrement brûlants, comme s’ils sous entendaient des choses indisables.
« Sire, excusez-moi, mais vous connais-je ? » souffla-elle, ses oreilles se pointant légèrement vers lui alors qu’elle ouvrait un peu sa bouche, comme douteuse. Il fallait le forcer à réfléchir à une fois où il aurait pu la rencontrer, et donc le faire réfléchir à
elle.
Les mâles aimaient-ils toujours se sentir admirés ?Elle hésita, comme soudain ayant perdu son intérêt pour lui (un peu de comportement dramatique ne ferait aucun mal à la situation) puis détourna le regard, comme ennuyé par sa présence. Peut-être qu’un mâle aussi attirant, de base, avait l’habitude qu’on s’extasie devant lui. Alors la solution était simple.
Elle devait paraître indemne à ses charmes. Ainsi, il serait légèrement surpris par le manque d’attention qu’elle lui accordait, et surtout il se demanderait pourquoi il avait aussi peu d’effet sur elle. Qu’est ce qu’elle avait de différent des autres ?
« Veuillez-vous pousser, vous encombrez le chemin. » indiqua-elle.
Au fond de son regard brillait toujours cette petite flamme qui attisait la curiosité, mais tout le physique de la jeune louve disait ‘tu ne m’intéresse pas pousse toi’. Le message contradictoire la rendait impossible à cerner, faisait d’elle une femelle à la fois toute proche mais hors de portée. Un objet d’intrigue fascinante.
Le tout était donc de le charmer de la manière la moins conventionnelle, la plus fine possible, et de ne pas passer par les sentiers battus des pattes de nombreuses femelles avant elle. Il s’agissait d’être celle dont on se souviendrait, d’être imaginative.
~Elle attendit un instant, comme si elle espérait réellement qu’il se pousse pour la laisser sortir de la roseraie, puis, s’impatientant, Brienna le poussa un peu de l’épaule en tentant de se frayer un chemin près de lui. Cheminement qui amena son corps à coulisser près de sien, d’une manière qui semblait presque inattendue, imprévue, mais qui accentua la chaleur de son corps à l’odeur sucrée contre celui plus massif du noir et violet.
Elle se détacha de lui du coup, laissant un choc physique de chaud-froid qui accentuerait le soudain contact qu’il avaient eu, et fit quelques pas vers l’extérieur, levant doucement son museau … Avant de retourner son visage vers lui, et de sourire, pour la première fois. Un petit sourire en coin, mystérieux, qui laissait envisager tant de choses … Et pourtant mettait un terme à leur interaction.
« Au revoir sombre sire, à la prochaine fois … » souffla-elle, son sourire léger toujours flottant sur son museau, avant qu’elle ne se détourne lentement, prenant le chemin de la sortie avec une grâce qui, bien qu’elle ne le semblât pas de l’extérieur, ne lui était pas tout à fait naturelle. Mais pour avoir ce qu’on voulait, il fallait parfois faire preuve de ruse, d’hypocrisie, et de cloitrer toutes ces choses qu’on ressentait, pour en laisser paraître d’autres.
Elle ferma les yeux, dans un angle où personne ne pouvait le voir, en espérant sincèrement que le loup la suivrait de quelques pas, histoire qu’elle puisse continuer sa danse.
Mais est ce qu’elle l’avait assez intrigué pour qu’il la suive ?