En fin de rose ♖ Asclepia

Il hume l'air. S'arrête, penche la tête sur le côté, ferme les yeux et inspire profondément, laisse les odeurs emplir ses poumons, et son cerveau travailler. Voilà bien longtemps qu'il n'a pas croisé trace aussi fraîche. Oh ! Elle est courante sur l'île, il sait qu'il y passe, mais jamais en même temps que lui.

Jusqu'à aujourd'hui.

Il agite derrière son corps filiforme sa queue de paon, tel un énorme balai, puis trotte pour remonter la piste. Un sourire égaye son visage, ses oreilles sont pointées vers l'avant et il accélère un petit peu.

Il faut avouer que des loups qui l'acceptent autant que Teddy, qui l'invitent autant à la franchise, qui acceptent ses frasques et l'y encourage sans jamais y tomber, il n'y en a pas beaucoup. Et il faut dire aussi, vu l'âge du vieux, il était pas sûr de le revoir avant qu'il cane. Aurait-il encore un seul poil de couleur sur le corps ?

Ah ! Qu'il allait pouvoir se moquer, exprimer de la plus mauvaise manière son attention pour le loup brun.

Il ralentit lorsque la piste oblique vers l'intérieur du temple, son pas se fait plus souple, plus léger. Il est plume, il est chat, planqué dans le noir à épier les nouveaux venus. Il attrape du bout des oreilles les dernières paroles de Teddy.

Nul besoin pour lui de tourner la tête pour l'apercevoir, car le trublion paon bondit de sa cachette pour s'écrouler au sol devant lui ; roulant sur le dos, visage tourné vers celui du loup le surplombant maintenant, étirant ses pattes en une vaine tentative d'attraper ses joues.

Qu'ouïs-je !

Dramatique, il laisse son cri emplir le temple, compléter son théâtre habituel.

Se pourrait-il que là, enfin, m'existe-t-il la possibilité de te séduire ?

Il secoue la tête, détourne le regard, son ton se fait las.

Je sais qu'elle était dernier rempart à notre amour flamboyant.

Il n'a pas tant de poils blancs qu'il l'aurait cru, même si un sacré paquet se disputent son museau. Asclepia se courbe sur le sol, chaton innocent exposant son ventre et complétant son manège d'une moue boudeuse :

Moiro je suis sûre approuverait notre union et la scellerait dans la pierre ici-même. Ca fait deux contre un, Teddy, c'est la règle, tu dois t'y plier.

Mais il ne peut malgré tout empêcher un sourire d'étirer sa gueule.

Une cour !

Ses pattes s'enfoncent dans le pelage épais du vieux mâle, et Asclepia le malaxe doucement. Il laisse glisser les poils entre les doigts de ses pattes, mais n'abuse pas. Il replie ses membres beaucoup trop grands et beaucoup trop fins contre son corps malingre - un peu moins depuis ses nouvelles habitudes de travail il est vrai - et hoche d'un côté à l'autre en claquant à Teddy un déshabillage appuyé du regard. Too much.

Une cour, tu me demandes, mais tu ne sais pas à quoi tu t'exposes. Prends tout le temps dont tu as besoins, mes attentions n'en seront bien entendu que plus grandioses. Je ne te lâcherai pas d'une semelle, jusqu'à ce qu'enfin tu chavires !

Il se redresse à demi, couché sur le flanc. Penche la tête d'un côté, de l'autre.

Un peu ici, un peu ailleurs. Je suis retournée faire un petit tour dans les contrées qui m'ont vues naître, et dieu sait que tu m'y as manqué.

Tout lui avait manqué, lorsqu'il avait contemplé de nouveau le mode de vie pernicieux de ses pairs. Comment pouvait-on vivre ainsi ? Là où questions il se posait, il comprenait maintenant que les prudes (et moins prudes) de cousins clament l'évitement des terres des paons à qui le demande. Eh, il comprendrait même presque la rigide et violente réprobation des cygnes (si ceux-ci n'étaient pas si cons).

Oh, j'ai croisé ton éminente progéniture une fois une deux, d'ailleurs. Toute, je ne sais pas, mais au moins une partie. Ca ne me dérangerait vraiment pas qu'ils m'appellent papa eux aussi, ils sont à croquer~