Il était encore tôt quand l'alpha Lazulis ouvrit les paupières dans l'obscurité de sa caverne.
C'est vraiment infernal ces ronflements ! Si je trouve celui qui fait ce vacarme je le fais dormir dehors. S'énerva-t-elle tout en plaçant ses pattes sur ses oreilles, grimaçant de fatigue et de colère.
Un grondement s'échappa de sa gorge et elle se leva finalement, le regard tranchant.
Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter une telle horreur..Morrow avait horreur de dormir en meute. C'était quelque chose de nouveau pour elle, la vie en groupe, la solidarité. Elle avait l'habitude de son petit coin tranquille et de sa solitude, c'était silencieux et libre. Mais depuis qu'elle avait accepté toutes ces responsabilités, elle devait se lever tôt, être courtoise, avoir des cours barbant sur les dieux et l'histoire.. Que des choses lassantes qui lui faisaient regretter sa vie de solitaire.
Elle étira ses pattes en avant et fit craquer tout son corps, puis un grand bâillement s'échappa de sa gueule, découvrant deux imposantes rangées de crocs blancs.
Elle passa à côté des canidés nichés dans le hall central, donnant un coup de patte sur celui qui soufflait plus fort que les autres avec une certaine satisfaction, puis se dirigea vers la sortie qui était encore peu éclairée.
Lorsque la fraicheur de la brise lui fouetta son épais pelage, elle en eut un long frisson et serra les crocs.
Arh, encore une journée pourrie. Pensa-t-elle, voyant que le soleil tardait toujours plus à se lever.
Elle scruta les alentours de ses iris ambrés et se mit en marche pour dégourdir ses pattes encore lourdes. Rares étaient ceux réveillés à cette heure matinale, mis à part les gardes de nuit et les insomniaques. Même les petits rêvaient encore, sages.
Après quelques minutes, les premiers rayons matinaux vinrent effleurer les iris de la rouge, projetant une ombre chaleureuse sur le sol. Généreux mais timide, l'Astre du jour distribuait sa lumière sur les arbres teintées des couleurs chaudes d'automne, faisant scintiller des millions de gouttes de rosée sur leur feuilles.
C'était joli, et plaisant à regarder, mais elle ne s'attarda pas et continua son chemin, le dos droit, les yeux rivés dans le vide.
Un rire résonna jusqu'à ses oreilles duveteuses et capta son attention.
Un solitaire ? Se questionna-t-elle, soupçonneuse.Elle orienta ses pas vers la source de cette jovialité et atterrit près du grand lac argenté, dont le soleil recouvrait de traînées éblouissantes. Une louve aux cheveux rose pâle s'y baignait, son teint gris se fondant dans l'eau gelée qui ondulait autour d'elle. Elle avait un certain charme qui n'échappa pas à l'alpha, mais elle resta de marbre, observant le spectacle sans dire mot.
En temps normal, elle serait partie ailleurs afin d'esquiver toute rencontre et formalités hypocrites, mais son rôle de chef l'obligeait à rester courtoise et bienveillante. Bienveillante, ça, c'était raté. Mais courtoise, elle pouvait au moins s'efforcer de le faire, même si elle n'y mettait que très peu du sien.
Son regard brûlant et pourtant froid à l'intérieur croisa les iris lilas de l'inconnue, et elle resta silencieuse un long moment sans ciller, les paupières mi-relevées. Finalement, elle se résolut à un bref salut d'un mouvement du museau, une expression impassible collée au visage.