Poussière retournera à la poussière [Clou]

Quartz s'était laissé emprisonné comme un imbécile sur l'Île Fantôme. Il s'y était rendu dans l'après-midi par élan de nostalgie pour rende visite à une des seules choses qui n'avait pas bougé entre le monde avant l'Apocalypse et celui d'après : la tombe de son père. Il était probablement le dernier loup qui venait le voir et il n'était même pas certain que ça puisse compter puisque lui-même ne faisait plus partie du même monde que les vivants.
La nuit était tombée vite comme chaque jour en cette saison, la nuit était claire, pas un seul nuage pour couvrir le ciel comme ça l'avait été tout le long de la journée, le temps avait dû être glaciale pour les autres. La lune n'était pas pleine ce soir mais suffisante pour révéler l'apparence des Damnés au monde. En retrouvant un corps physique, bien que désespérément cadavérique, Quartz retrouvait un soupçon de sensation, c'est sentir le vent entre ses os et la terre entre ses griffes qui lui fit prendre conscience de l'heure. Hé merde, avec un temps aussi clair, traverser la mer pour rejoindre la terre n'était même pas envisageable, il n'y avait rien de plus désagréable de sentir l'eau froide là où devrait être vos organes et sentir le sel vous agressez les os. Et puis sait-on jamais, Quartz n'avait jamais été blessé mais pouvait-il être soigner dans ces cas là ? Mieux valait ne pas finir pleins de trous.

Il regarda quelques instant la lune se refléter sur les vagues en soupirant. Il pouvait aller à la bibliothèque tuer le temps avec un bouquin mais il était si sélectif dans ses choix que les seuls qu'il aimait, il les avaient lu une bonne dizaine de fois chacun. Alors il retourna au cimetière à défaut d'avoir autre chose à faire. Sait-on jamais, il pouvait y avoir un peu d'activité comme une bande de gamin qui s'amusaient à se faire une épreuve de courage auquel cas Quartz se ferait un plaisir de venir leur gâcher la fête en surgissant de la brume, mâchoire ouverte et l'oeil fou.
C'était gratuit de faire ça, et pas forcément très sympathique mais être un fantôme n'avait pas rendu Quartz plus agréable, bien au contraire. On tuait le temps comme on pouvait, c'était pas comme si quelqu'un allait lui courir après pour l'envoyer sous cette terre où il n'avait jamais été n'est-ce pas ?

Alors qu'il avançait entre les tombes, ses pattes cliquetant parfois sur une pierre d'un vieux sol pavé, la brume dispersant la lumière lunaire par ses particules, il entendit comme un mouvement de vie aux alentours. Il lui semblait même discerné une forme bien que sa vue n'étant pas excellente sous son apparence squelettique. Le regard du fantôme se fit mauvais, il n'allait peut-être pas s'ennuyer cette nuit, du moins sur les premières heures.

Un sentiment d’accomplissement prenait 'Clou.
Tout le jour durant,durant tout le mois, il avait déblayé, dépoussiéré et ramener de l'ordre dans le cimetière. Des efforts sans retenue qui finissaient enfin par payer ! Le passage était libre et on distinguait enfin des tombes plus vieilles que les dieux sans doutes ! Il n'était pas peu fier. Clou avait décidé à son arrivée devant le piètre état de cet endroit, de le remettre petit à petit en état, mais il avait enfin pu réellement commencer sa tâche. Pour le moment, les racines et autres plantes qui avaient élus domicile et tout envahit avaient été enfin relocalisées en-dehors des murs de pierres vieillis. Et la dite pierre, souvent brisée et croulante, avait été stockée vers l'entrée. Il savait qu'il pourrait user de ce matériel autrement, puis-ce qu'il pouvait reboucher avec son pouvoir. Un aspect bien pratique, au moins les cavités crées par le temps pouvaient être comblées ainsi. Mais il ne pouvait rien enlever alors pour le reste il avait bien dû s'y atteler à la seule aide de sa force.
C'était, en tout cas, un bon début de travail. Le début seulement car la tâche était bien plus longue que ce qu'il n'y paraissait.
Lui restait encore à éclairer, si possible, au vu des nappes de brumes.
Et le plus ardu, le réel travail d'orfèvre : essayer de restaurer les pierres aux noms oubliés.
Peut-être, sans doutes même, devrait-il travailler avec l'archiviste du clan, des clans ? Tout ceux qui pourraient donner des généalogie, des noms, qui connaissaient la pierre et avaient un sens fin de l'esthétique, de la taille. Ainsi pourrait-il décrypter à qui appartenait quoi et apprendre comment redonner un coup de jeune à ces pauvre stèles défraîchies. Avec tout cela, le cimetière pourrait être un endroit un peu moins lugubre, et un peu plus propice à son travail à lui et aux visites des familles éplorées ? Le loup se posait cependant quelques fois la question de si son entreprise était bien fondée. Si les dieux avaient ainsi refait l'endroit après l'apocalypse, peut-être que c'était de cette apparence là qu'ils le désiraient. Cela le plongeait parfois dans une réflexion intense. Mais l'hésitation n'était pas le propre du loup clouté, et il se dit qu'il serait foudroyé sur place, sinon. Dans le pire des cas, il irait voir son dieux, et expliquerait qu'il n'y avait pas plus valeureux ! Aka comprendrait. S'il le fallait il irait dans tous les temples, mais pensait bien que toutes les divinités là-haut communiquaient entre elles. Du moins l'espérait-il, c'était alors des relations plus saines.

En attendant, le grand loup avait bien travaillé et commençait à manquer d'énergie.
Quoi de mieux y avait-il que de prendre un repos bien mérité ? Dans cette optique, il était reparti vers l'entrée, allongeant des pas économisés pour rejoindre peut-être au petit matin sa tanière chez les Etelkrus. Le chemin était long, et la nuit avait déjà pris place depuis un moment au-dessus des esprits assoupis. Il n'avait que peu d'espoir de terminer son chemin avant que le petit matin ne prenne le relais, et que s'embrassent les éclats des étoiles et de l'astre solaire dans le firmament. Peu importait cependant, personne n'embêtait le croque-mort pour revenir aux aurores, tout son clan connaissait son rôle. Ou au moins son visage atypique, il faisait au pire peur, au mieux inspirait un peu de respect pour sa tâche.
Mais lors-ce qu'il avança, quelque chose l'alerta.
Une silhouette. Quelqu'un en ces lieux n'était pas surprenant. Mais à cette heure ? Un autre vagabond de la nuit pris de l'envie de visiter les sépultures ?
L'hypothèse tomba à l'eau lors-ce que le loup s'avéra être en partie fait de chaire, en partie fait d'os. Une cage thoracique ou résidait un feu-follet en guise de cœur. Au milieu de la nuit, alors qu'il avait remué le cimetière de fond en comble, un être à l'apparence surnaturelle surgissait ? Dans son esprit, ce n'était pas une coïncidence. C'était un mort-vivant, un esprit, une liche ? Un mort qui n'était pas à sa place ! Voilà qui bouleversait l'ordre, lui qui avait tant fait d'effort pour que tout soit à sa place.

Nullement intimidé -le caractère téméraire voir inconscient de Clou n'était pas à prouver-, le grand clouté surveillant des lieux se figea.
Lui et ses pattes en canard plantés dans le sol, il aboya comme le loup à l'apparence de chien qu'il était, presque vexé de la présence de ce défunt sorti de sa pierre tombale.

· OI', C'PAS LA FÊTE LÀ !

Et de ses grand pas bien coordonnés pour son défaut physique, il s'approcha presque en lui fonçant dessus. Foncer dans le tas, aussi bien au sens littéral que figuré, une spécialité de la tête pleine de clou. Et il en rajouta une couche, d'un ton autoritaire.

· Les morts c'dans la tombe qu'c'est leur place. Alors on y file, fissa !

En général, lorsqu'ils le voyaient sous cette forme, l'incarnation de leurs cauchemars, les loups avaient soit tendance à fuir, soit tendance à attaquer. Au final, ils avaient tous peur, et ça, ça amusait Quartz. Egoïstement, il aimait hanter les autres, leur jouant des sales tours juste pour le plaisir d'avoir l'impression qu'on lui donnait de l'importance, ça contrastait avec le quotidien d'être inexistant de la journée. Mais l'animal qui lui aboyait dessus à cet instant n'était pas apeuré pour deux sous, en fait, il semblait même un peu agacer comme lorsqu'on trouve un gamin en train de vous voler les pommes de votre verger.
Alors que le fantôme avançait d'un pas léger, l'absence d'organes et de chaires lourds aidant beaucoup à la chose, il se stoppa net aux premières paroles du loup trapu. Il avait l'impression d'être pris la main dans le sac et ce n'était pas le genre de chose dont il avait l'habitude sans forcer, surtout que là, il ne voyait pas vraiment ce qu'il avait fait puisqu'il n'avait encore rien fait. Une anticipation peut-être ?

C'est alors que l'autre petit gros se mit à foncer sur lui, une boule de muscle qui gagnait en vitesse à fur et à mesure que la distance qui les séparaient diminuait. Le dos de Quartz s'arrondit, ses épines dorsales blanchit par la lumière lunaire alors que le loup reproduisait une ancienne attitude de vivant. Il aurait du pelage qu'il serait hérissé.
Finalement, le fantôme détala de quelques enjambées sur le côté avant de se prendre l'espèce de boule furieuse, ses os cliquetant entre eux à cause de l'effort.

« Woh on s'calme ! Je suis pas un résident des lieux moi ! »

Nan mais franchement, il croyait vraiment qu'il faisait parti de cette bande de tocards enterrés six pattes sous terres qui étaient si inintéressant qu'il n'y en avait pas un seul pour bouger ne serait-ce qu'un os plein de chair pourri ou une queue ectoplasmique ? Quartz se serait peut-être fait des potes si c'était le cas mais même lorsqu'il était gamin et chasseur de fantôme au corps encore non spectrale, il n'en avait pas trouvé un seul tristement.

Pas un résident des lieux.
C'est ce que proclama le demi-squelette, qui s'était décalé sur le côté avec il fallait le dire, une grande vivacité, pour un supposé mort. Devant cette réponse et l'air outré de la personne en face de lui, Boîte à Clou se stoppa. Aussi subitement qu'il s'était mis à avancer, il se retrouva à l'arrêt pour se planter devant Quartz. Et il le fixa intensément, plissa même les yeux à mesure.
Ses orbes sombres posées sur le loup, il le détailla encore plus, mais ne trouva sous ses rétines rien de plus qu'une moitié d'être vivant. Il lui manquait définitivement toutes les chaires au niveau du milieu du tronc, ne laissant que les côtes, les vertèbres et des prémices de bassin. Le reste était absent, ni muscles ni organes. Pas de poumons, de rate, de foie, de cœur qui pulsait dans cette cage thoracique... Rien que de l'air qui passait. L'air froid de cette nuit d'hiver.

Il jugeait intensément le camarade lupin en face de lui, car non, son inspection n'amenait qu'à une conclusion sans équivoque : il ne pouvait pas le croire. Cette réponse sonnait simplement alors à son oreille comme un mensonge éhonté, où l'accusé niait simplement son état. Pas un résident des lieux, donc pas un mort, hein ?

· T't'attends à c'que j'te crois, l'machabbée ?

Statique, ses oreilles s'écrasèrent en arrière alors qu'il se ramassa légèrement sur lui-même, pour continuer à parler de sa grosse voix basse. Ne faisant évidemment pas dans la dentelle (Qui se serait attendu à cela de la part de celui qui passait ses jours à creuser des trous dans le sol après-tout ?), le fossoyeur continuait de mâcher ses mots avec ce qui ressemblait à un petit accent patois.

· T'qu'un tas d'os, 'vec ta loupiote là. R'tournes t'coucher j'ai dis !

Cette fois il ne bougea pas.
L'autre aurait à nouveau esquivé, et le chef des lieux autoproclamé qu'il était n'allait pas perdre l'énergie qui lui restait à courser un mort-vivant. Avec de la chance, il retomberait en miettes au petit matin, en plus. Alors pourquoi s'échiner ? Aboyer était tellement plus facile quand on avait la voix qui portait, comme notre grand Spikey-face, et qui sonnait toujours autoritaire pour peu qu'elle ai un peu de volume. Il en imposait, avec sa carrure et sa voix de daron.
Mais bon, s'il avait eu un grain de jugeotte il aurait évité ce malentendu.

L'animal se stoppa devant lui, les deux se fixant en chien de faïence, enfin, dans la mesure du possible, entre l'orbite vide et le globe oculaire instable de Quartz, il n'y avait pas vraiment possibilité de combat de regard. Il y avait comme une sorte de tension, l'espèce de boule trapu jaugeant le fantôme et celui-ci prêt à sauver ses os d'un éventuel choc violent à survenir, c'est que sans chairs pour amortir, c'était fragile ces choses là !
Lorsque qu'il fut appeler macchabée, Quartz se tendit encore plus, heureusement qu'il ne risquait plus d'avoir une crampe, mais le mot n'était vraiment pas plaisant à entendre. Pourtant ce n'était pas la première fois, même lui l'employait plus ou moins pour se définir mais voilà, le mâle en fasse de lui l'avait dit d'un tel naturel, aucune micro vengeance ni rien, juste une appellation basique qui passait dans un langage. Ça vexait le fantôme qui avait l'impression qu'on l'insultait avecle sujet qui fâchait. Mais pas le temps de s'indigner plus longtemps, de toute façon ce n'était pas le peu de peau pourrie qui restait sur son crâne qui allait afficher son expression de bouderie.
Voilà que l'autre se mit à aboyer de plus belle, se gonflant un peu dans un effet de molosse prêt à mordre, gueulant comme quoi Quartz devait retourner se coucher, dans une des tombes probablement.

« Va bien falloir mon gros, t'as qu'à aller regarder sur les épitaphes, j'pense pas qu'il y ait le nom de Quartz écrit quelque part »

Et en guise de réponse supplémentaire, il fit une pichenette sur la truffe du gardien par simple mécontentement d'un ainsi bousculé.

Ah ça, c'est sur que s'il se mettait à lire toute les pierres, il risquait d'être fort bien déçu. Son père était parti avant sa remise de glowstick, sa mère, il ignorait si elle le voyait ou pas, n'avait de toute façon, pas fait la moindre sépulture pour lui selon son souvenir tandis que son frère lui, le voyait. Maintenant que toute sa famille avait disparu, s'il finissait par mourir véritablement, il n'avait plus personne pour venir le déposer dans le cimetière. En fait, il était même fort probablement qu'il se retrouve à être un simple cadavre oublié eu fin fond d'une forêt oublié de tout les esprits pour avoir disparu à demi il y a bien trop longtemps. Rien que cette pensée était effrayante et bordel, y'avait l'autre là qui le faisait chier avec ses lois de gardiens de cimetière à la mord-moi-le-nœud !

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