Il frissonnait. Il était las, fatigué et transit de froid dans cette geôle au régnait l'humidité et l'obscurité. Il ne savait pas combien de jours avaient passés et il ne savait pas combien d’autres allaient encore passer avant qu’on ne daigne se rappeler de son existence. Au moins découvrait il un endroit qu’il n’avait jamais foulé autrefois. Il ferma les yeux, se rappelant sa vie insignifiante parmi les Etelkrus. Il n’avait été qu’une ombre, un oublié qui avait échoué à porter une couleur. Siam avait bien changé depuis. Il avait fallu verser le sang de son paternel pour trouver une voie où il serait lui. Il leva la tête vers le ciel qu’il ne voyait guère, une larme coula le long de sa joue. Alys … Pourquoi leur vie avait-elle pris un tel tourment ? Il se le demandait si souvent, regrettant d’avoir volé une vie qui aujourd’hui lui manquait tant. Il savait que s’il ne l’avait fait, jamais il n’aurait trouvé une plus grande famille, des frères et des sœurs de coeur, chez les Raeders. Ce qui avait coulé avait engendré un chemin de bonheur et de doux plaisir. Un chemin où il avait retrouvé la joie de sourire, où il avait appris à s’inquiéter du sort des autres … Et à aimer.
Il lâcha un soupir. Il s’était privé de son propre bonheur. Il s’était coupé de l’Océan. Il ne l’entendait que rouler de ses vagues en son être. L’odeur du sel lui manquait … Il était un poisson échoué sur une terre qui n’était qu’hostilité à son égard. Il en était prisonnier et il savait qu’il ne parviendrait pas à retrouver l’île de Morne-Oeil. Il était condamné, lui, le traître, lui, le Raeder. Il incarnait les pires ennemis pour son ancienne meute et son jugement ne serait sans aucun doute non clément. Il se redressa, il tendit les oreilles, guettant le moindre bruit mais rien ne lui vint. Il était seul et … Il toucha son médaillon instinctivement.
Il n’était plus rien loin des pirates. Non, il était quelque chose. Une chose dangereuse. Trop dangereuse. Il avait des informations qui pouvaient intéresser ses geôliers. S’il n’avait pas été jusqu’à présent torturé et embêté verbalement. Ce n’était désormais plus qu’une question de temps. Il était faible depuis que les deux femelles Etelkrus lui étaient tombées dessus. Il savait que sa langue finirait par se dénouer … Il ne devait rien dire. Il ne le pouvait pas. Il avait une famille à protéger.
Siam tritura encore son médaillon.
Il repensa à la vie sur l’île de Morne-Oeil. Son apprentissage auprès de tous, ses découvertes, son exploration du navire qui s’était fini par l’échouement de ce dernier. L’odeur du sel, le vent qui ébouriffait tous poils. L’eau qui caressait les membres avec une certaine douceur avant de devenir colérique et de tout emporter dans une haine frénétique. Une Vie liée aux éléments, liée aux caprices de la Nature et non sous la coupelle de Dieux idiots. Il esquiva un sourire. Tout cela allait lui manquer. Peut-être que dans l’Autre Monde, il pourrait continuer à veiller sur les siens. A suivre Lewis dans sa vie. A voir Limule devenir maître des rituels à la suite de Tatch. Kéran faire le chef tandis que Creek élèverait ses enfants avec Sayuri. A écouter les grommellements de Cendrillon et à découvrir Abysse et Naïade fraîchement arrivé.
Le Raeder arracha son médaillon d’un coup sec.
Le trésor de Céto roula dans un coin. Et une douleur atroce le prit. Il couina, recula de quelques pas. Il se mit à suffoquer tant il souffrait. Il sentait son corps brûlé de l’intérieur. Il était ravagé, dévoré. Il versa quelques larmes, se concentrant sur le visage des autres pirates. Alors, il esquiva un dernier sourire. Il ne provoquerait plus de souffrance. Il ne condamnerait pas les siens et son existence allait prendre fin. Il allait retrouvé celui qu’il avait tué. Il allait retrouvé l’être qu’il avait le plus aimé en ce bas monde. Il continua de pleurer tandis qu’il s’évaporait.
Et il s’envola à jamais. Siam disparut, allant retrouver son père. Il murmura un dernier message à l’Océan, priant que les siens l’entendent ...
« Que l’Océan veille sur vous, Raeders »