Léviathan [solo]

Il paraît que les vieux animaux quittent leurs groupes pour mourir, Paprika avait un peu fait pareil avec les Raeders. Pourtant elle était toujours là, avec eux, enfermée sur l'île maudite de Pontos, participant aux soirées communes, passant un peu de temps avec les siens. Mais Paprika ne dirigeait plus, ce n'était plus elle qu'on suivait et au moment où Illidan eut suffisamment de courage pour accepter que ça soit lui qu'on regarde maintenant, il était devenu indéniable que les choses avaient définitivement changées.
Rapidement, un peu comme Thyara et Hyozan, l'ancienne capitaine avaient senti son corps subir des changement brutaux, si ses cadets semblaient l'avoir assez bien supporté, Paprika admettait enfin être une vieille louve et elle avait passé son temps caché dans une grotte au détriment de l'excitation de l'exploration, à grogner sur tout ce qui approchait. La transformation avait été douloureuse et difficile, d'autres en serait probablement mort dans ce genre de cas mais la louve avait une vie de guerrière derrière elle et une fierté bien trop grande pour mourir bêtement d'une saloperie refilée par un crustacé colérique d'avoir raté la marée.
Ses doigts s'étaient allongés, une membrane les reliant entre eux pour former des palmes. Sa queue aussi s'étaient allongée, les os devenant un peu peu cartilagineux pour former une nageoire caudale. Son poil était devenu plus graisseux et imperméable pour une meilleur adhérence dans l'eau et une fine membrane couvrait ses yeux pour supporter la mer bien que la vision en dehors était devenue complètement floue. Son corps s'était également paré de nouvelles bactéries, développant une bioluminescence qui rendrait n'importe quel porteur de glowstick bien que la non habitude agaçait la vieille louve. Le seul hic de sa transformation, comme de l'arthrose persistant, d'épais coquillages s'étaient attachés au niveau de ses épaules jusqu'à ses os, rendant leurs mouvements difficile et douloureux.
S'habituer et apprendre ce nouveau corps avait également profondément agacé Paprika qui de base n'avait jamais été très bonne élève, ne l'avait plus été depuis une éternité. L'humeur facilement irritable de la vieillesse n'arrangeant rien. Elle avait passé ces six derniers mois à apprendre à nager avec aisance, s'entraînant à chasser les créatures marines, explorant Fort Abyssal.

Et puis un jour, elle fit Sa rencontre.

L'océan enfermait bien des choses, de multiples espèces, des trésors, des cités perdues et parfois des choses qu'on ne voudrait pas rencontrer. Sauf lorsqu'on s'appelle Paprika. Au départ, lorsqu'elle s'était retrouvé en face de lui, elle avait bien cru que ce jour serait le dernier sans même qu'elle ait à choisir. Elle maîtrisait à ce moment là, bien trop peu son nouveau corps pour sortir victorieuse d'un combat, si jamais on pouvait en sortir victorieux contre une telle créature. Ses yeux fixaient les siens, son corps ondulait à sa respiration, rendant ses points de bioluminescence hypnotisant. Les deux étaient resté un moment, comme ça à se regarder puis finalement Il était parti, sans la toucher. Elle reviendrait, il le savait, mais ce jour là n'avait pas été le bon jour.

Aujourd'hui par contre...

Paprika avait quitté l'endroit où elle avait pris l'habitude de dormir tôt dans la matinée, la veille elle n'avait pas beaucoup parlé non plus mais personne n'était venue la faire chier pour ça, c'était comme s'ils avaient senti. Paprika partait pour un dernier combat, une dernière chasse au monstre, une dernière bataille guerrière contre une créature sortant du plus profond des enfers marins. Ensuite, elle prendrait véritablement le temps d'être une vieille louve, elle essayerait si elle gagnait.
Si... il n'y avait jamais eu de si dans sa vie, elle s'était toujours dit que si on mettait un si, on était certain de perdre... peut-être qu'aujourd'hui, elle ne cherchait pas à gagner. Drôle d'idée et pourtant.
La louve se laissa couler dans la fosse océanique, rapidement l'eau devint de plus en plus froide, la pression plus forte, plus étouffante. Plus l'eau devenait sombre, plus la bioluminescence rendait Paprika lumineuse, devenant seule maîtresse de ce monde englouti.
Et elle le vit, brillant comme elle dans les profondeurs, glissant entre les rochers de la fosse dans laquelle la louve disparue aussi. C'était comme s'il l'avait attendu.
Vint ensuite éclairs lumineux, agitation d'eau, fracas de rochers dans ce monde habituellement sans bruit. Ça ne dura pas longtemps, l'espace de quelques instants puis un long cri marin retentit, résonnant dans l'océan avant que l'habituel silence abyssal ne retombe avec sa nuit éternelle.

Jamais Paprika ne revint des Abysses, demeurant éternellement avalée par les profondeurs.