{Ile de Morne-Oeil} Différents ? ○ Hypoxie {Déverouillé par une perle}

« Différents ?

« Ptah & Hypoxie


Le mâle hybride restait en suspens dans l'eau fraîche à observer cette île dite maudite. Sa longue queue reptilienne lui permettait de stagner sans difficultés et donc sans trop se fatiguer à sa battre contre le courant qui voulait l'attirer vers la plage. Ptah n'avait pas envie d'arriver trop vite là-bas. Sa curiosité et son besoin de savoir l'avait poussé à venir, mais maintenant... Il entendait tellement d'histoires au sujet des habitants de l'île : des horreurs pour faire peur aux loupiots comme des choses aussi étonnantes qu’impressionnantes. Or, pour un loup hybride qui avait du mal à porter son héritage de crocodile, imaginer qu'il existait un lieu où les loups partageant des gènes avec d'autres espèces tels que les poissons ne pouvait que l'intriguer ! Mieux, on disait d'eux qu'ils vivaient tous en harmonie malgré leurs difformités. Ptah devait voir ça de ses propres yeux. Forcément, il rêvait de ne plus être juger par autrui sur son apparence. En dehors de sa famille et de la louve cornue récemment rencontrée, tous lui jetaient des regards en coin parce qu'il était bizarre avec sa large mâchoire, ses pupilles fendues et sa queue de gavial. Le disciple de Dairo était persuadé que c'était la cause à tous ses problèmes de sociabilité. -si seulement !- aussi imaginait-il croiser ici, des loups qui le comprendrait. De l'autre côté, il n'avait pas hâte de se m^zler aux pirates et autres fous joueurs de canons donc...

Dans un soupir, le mâle gris se laissa couler finalement quelques instants pour profiter de la quiétude de la mer. Sous la surface, aucun bruit ne venait agresser ses oreilles et la couleur bleu et sombre du fond marin l'apaisait. Il était si bien dans l'eau, si à l'aise, si... A sa place. Depuis la disparition de Nout, Ptah ne savait plus à qui confier son amour de l'océan. Grimm ne pouvait pas comprendre même s'il pouvait éventuellement imaginer, parce qu'il ne partageait pas autant de gènes crocodiliens. Geb, quand à lui, avait assez confiance en lui pour se moquer des regards pas toujours chaleureux ou se rendait utile à leur meute, et puis il avait sa compagne, ses enfants et même s'il aimait aussi l'eau, il n'y passait pas autant de temps que son cadet et était trop occupé pour prendre le temps de juste nager, sans s'entraîner... Cela dit, Ptah aussi se rendait utile aux siens, à réfléchir et planifier des choses qui pourraient leur faciliter la vie ! Comme le barrage à poissons qui permettait d'en attraper très facilement ! D'ailleurs, il lui faudrait aller vérifier qu'il était toujours en état... D'un mouvement vif de sa queue d'écaille, l'hybride Etelkru se propulsa en avant jusqu'à atteindre le sable pleins de coquillages où il lui suffisait de lever la tête pour sortir les narines de l'eau salée. Ensuite, il fit un peu, puis deux... Et se trouva debout sur le sable sec un peu plus loin que là où s'arrêtait l'écume. Il s'ébroua vigoureusement avant de poser ses prunelles d'or autour de lui et d'observer ce nouvel environnement.

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Une voix lui parvint et Ptah se retourna brusquement, les oreilles rabattues en arrière. Il découvrit, derrière lui, une louve au pelage qui se fondait sur le fond d'océan. Sans doute pour ça qu'il ne l'avait pas vue plus tôt. Il remarqua tout de suite ses prunelles ambrés, semblables aux siennes mais sans la pupille fendue de reptile. Il en était étonné : il avait jusque là crut qu'il s'agissait d'un trait de famille. Les seuls autre loup portant un pareil regard à sa tribu et lui était Jagh, et du coup sa fille mais Grimm avait découvert qu'ils auraient a priori un ancêtre en commun. Était-ce la cas avec cette louve dont le poil oscillait entre le violacé et le bleu ? Il supposa qu'elle habitait l'île, vu son comportement. mais il ne remarquait rien d'anormal sur elle, à première vue. L'hybride se retourna pour faire face à la femelle, rapprochant sa longue queue de reptile autour de lui. Elle était trop normale, donc forcément il se méfiait d'office qu'on le juge pour son apparence.

« Et toi louve des mers ? »

Répondit-il d'abord, suspicieux. Histoire d'être fixé ? Pirate ou non ? Ce fût seulement dans un second temps d'observation qu'il remarqua les branchies qui ornaient les deux côtés de son cou. Oh. Donc c'était bien une habitante de l'île... Les oreilles du loup-gavial se redressèrent et il releva le menton. Au moins il avait finalement appris à répondre par une novuelle question quand il ne souhaitait pas répondre trop vite. Ce n'était pas un mensonge, ni même une omission, c'était juste détourner le sujet pour gagner du temps.??

« Ptah. C'est mon nom. »

Sauf quand on a du mal avec sa vie sociale et qu'aucun filtre ne venait nous aider dans cette dure tâche qu'était de se construire une vie sociale. La vérité finissait toujours par sortir de toute façon, alors pourquoi vouloir cacher des informations ? Et puis, au pire, que pouvait-elle faire de son nom ? Le fils cadet du Viking et de la Matriarche hybride s'assit et pencha la tête sur le côté. La femelle aux yeux dorés ne semblait pas particulièrement agressive ou en colère, aussi estima t-il non dangereux de chasser un peu de stress de son esprit. Il se concentra sur les particularités physiques de la bleue par curiosité et pour se rassurer aussi. Alors les histoires étaient vraies, du moins en partie... Peut-être que ce serait plus facile ici de se faire des amis ? Enfin... Si les Pirates n'étaient pas des cannibales buveur de sang... Savait-on jamais, entre les mythes et la réalité... Geb se serait sûrement moqué de lui pour sa naïveté. Grimm aurait été content, probablement, de le voir se prendre en patte un peu. Non ? Qu'en savait-il, après tout, il n'avait pas vu venir la fuite de son aîné préférant une femelle à ses frères. D'avance il détestait cette Vinara parce qu'elle lui volait son grand frère. La longue queue écailleuse de l'hybride se baladait dans son dos de droite à gauche, formant un un grand V dans le sable tiède. La louve sortie de l'eau en silence n'était quand même pas tant différente d'un loup lambda, et puis elle avait l'air plutôt de celles qui sont entourés de pleins d'autres loups, surtout des mâles. Sans doute ne connaissait-elle pas les difficultés qu'il pouvait rencontrer en société.

Peut-être devrait-il continuer sa route tout de suite ? Dans cet optique, au cas où elle se révélerait moins sympathique que jolie, il se remit sur ses quatre pattes et jaugea instinctivement les capacités de la femelle.

Il courait vite, mais elle était plus légère que lui et pourrait le rattraper sans trop de mal. Sauf si elle était lente. Avec un peu de chance... Tout dépendait de la réaction de l'habitante de Morne-Œil quand à son intrusion sur ce territoire maudit. D'ailleurs, faisait-elle partie des damnées ? Était-elle seulement une Raeder ? Peut-être même qu'il se fourvoyait totalement et que à l'instar de la biquette, il s'agissait là d'une solitaire aux mutations génétiques complètement indépendantes d'une quelconque malédiction ? Comme lui en somme, sauf que lui faisait parti d'une meute. Et si finalement, tous les solitaires étaient différents des loups normaux ? Et si c'était pour cela qu'ils étaient des parias ? Devait-il lui aussi quitter son clan et vivre seul ? Était-ce une des raisons qui avait poussé son frangin à s'en aller, aussi ? Il faudrait qu'il le retrouve pour lui demander d'ailleurs. Bah, il le trouverait aux alentour de la Bibliothèque. Grimm était un vrai dévoreur de livre, il ne tiendrait pas longtemps sans quelque chose à se mettre sous les yeux... Toujours en attente de la femelle aux yeux d'or, Ptah retint son souffle, immobilisant finalement jusqu'à sa queue pleine de piquants, dans l'expectative. Madame je me cache trop facilement dans l'océan parce que mon poil est un camouflage parfait dans l'eau pour qu'on me voit pas pour surprendre les honnêtes loups déjà angoissés de venir sur cette île de fou aux multiples histoires rocambolesques et terrifiantes. Merci.

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Hypoxie. Un nom étrange, qu'il n'oublierait pas de sitôt tellement la similitude avec le mot asphyxie le titillait. Toutefois elle souriait, semblait sympathique et relativement accueillante. Si tous les maudits étaient comme elle, alors Ptah n'avait pas trop à s'en faire. Cela dit, peut-être qu'il s'agissait d'une tactique d’apprivoisement de l'adversaire pour mieux le poignarder dans le dos. On ne savait jamais avec les pirates. Il remarqua qu'elle restait les pattes dans l'eau, comme si elle ne souhaitait pas mettre les pattes sur le sable, ou sur terre. Vivait-elle dans l'océan ? Quelle douce et paisible vie que de pouvoir siéger dans les fonds marins pour plusieurs heures, dans le silence et la quiétude de la mer. Bon, il avait une préférence pour l'eau douce mais il comprenait aisément le sentiment de sécurité et de plénitude qu'apporter la vie sous-marine. Parfois, lorsqu'il était reptile et pouvait se permettre de rester plus longtemps sous la surface sans chercher à emplir ses poumons d'oxygène, il rêvait secrètement de ne jamais redevenir loup hybride. Ce serait si aisé de laisser derrière lui tout ce monde étrange et versatile qu'il ne comprenait qu'à demi pour se fondre parmi les poissons muets et se laisser porter par un courant tiède. Ptah secoua le museau pour chasser cette image de son esprit. Il devait resté concentré sur la femelle au pelage océan. Il fit bien, car elle le mit en garde de ne pas chercher a continuer sa quête. Pourquoi donc ? Si tous les Raeders étaient comme elles, alors il serait vite accepté et entouré de loups comme lui. Il ne cherchait qu'à pouvoir tisser des liens, trouver des gens qui comprendrait la difficulté d'être différent et qui l'aiderait à assumer ce qu'il était.

Oh. Ils brisaient des glowsticks ? En avaient-ils vraiment le pouvoir ? L'hybride loup-gavial claqua de la mâchoire et recula d'un pas. Le pouvoir offert par la Renarde lui permettait justement d'être complètement crocodile et non plus un ersatz de moitié l'un, moitié l'autre. Jamais il ne laisserait personne lui enlever ces instants de détente et de bien-être qui compensaient suffisamment pour qu'il accepte de rester au milieu de ces loups qui le regardait de travers ou ne l’appréciait pas. Venir ici était sans nul doute une erreur donc. Il ne voulait pas quitter sa déesse et renier sa foi. Les yeux dorés du mâle gris quittèrent Hypoxie pour fixer le sommet des dunes de sable, de l'autre côté. Il était venu ici en s'imaginant croiser des loups difformes comme lui mais jamais n'aurait pensé quitter les siens, les Etelkrus. Or si on lui brisait son glowstick, il n'aurait d'autre choix que de laisser derrière lui le monde qu'il connaissait pour un inconnu plus effrayant encore. Non. Impossible. Le museau plissé et la tête basse, l'hybride retourna dans l'eau, là où il avait à peine pattes et que son corps flottait légèrement. Ainsi il pourrait fuir plus vite grâce à sa longue queue de crocodile si on tentait de lui extirper son étendard orange d'appartenance à un culte et à une meute. Sourcils froncés sur ses orbes rendus plus sombres par le reflet de l'eau, l'artisan bâtisseur fixa la louve. Sous cet angle, il voyait mieux ses branchies et comprit pourquoi elle restait à proximité de la mer. Il étudia un instant les traits de la jolie mais vile femelle avant de daigner répondre, un peu bougon :

« Je cherchais d'autres monstres, comme moi. Pour être moins seul. »

Avoua t-il finalement. C'était étrange mais malgré que l'autre soit une Raeder qu'il ne parvenait pas à placer dans la case des sympathiques ou des non-sympathiques, son regard ambré lui inspirait une certaine confiance alors que tout le reste lui dictait méfiance. Sans doute était-ce donc à cause de ce regard brillant et cuprifère si semblable au sien qu'il se dévoila sans plus de crainte ou d'hésitation.

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Voilà donc une maudite. Une vraie. Et pourtant elle ne semblait pas plus maudite que belle. Ptah imaginait mal a quoi pouvait ressembler ses journées de femelle damnée... Jusqu'à ce qu'elle l'exprime en quelques mots. Différente. Oui, il souffrait exactement de cela. Etre différent était sa propre malédiction. Le poids qui l'étouffait peu à peu et chaque jour l'éloignait un peu plus des loups de sa meute. Pourtant, pour Hypoxie, cette difformité -bien plus charmante que la sienne avouons-le- semblait ne pas poser de problème. C'était plutôt l'inverse, comme si devenir peu à peu louve-poisson était une force. Comment pouvait-elle se ficher de l'avis des autres ? Comment arrivait-elle, à l'instar de son frère Geb, à faire abstractions des autres et ne pas culpabiliser de ne pas être comme on voulait qu'il soit ? Comment parvenir à vider son crâne des piques peu amènes et des regards mauvais qui le faisait se sentir de trop. L'habitante de l'île ne pouvait pas souffrir de son image. L'Etelkru en doutait fortement. Son museau lisse constellé de tâche plus sombres, ses grands yeux d'or, sa robe océan. Il était hautement improbable que qui ce soit ai osé être mesquin avec elle. Même pour ses branchies en forme de fougères où sa nageoire dorsale. Ils étaient là, tous les deux suspendus dans l'eau, à produire le minimum de mouvement nécessaire au surplace, leurs prunelles ambrées s’entrechoquant en silence. Puis la sournoise femelle sourit avant de plonger et les oreilles de Ptah se redressèrent sur sa tête à ce signal. Il chercha à discerner le corps bleuté de la pirate et dû se concentrer pour remarquer le glissement de sa silhouette sous l'eau.

Elle s'était arrêtée et souriait. Ou riait ? De petites bulles vinrent crever la surface de la mer au dessus d'elle. L'hybride donna un coup de queue plus puissant pour se maintenir en place malgré le doux courant qui l’attirait vers le large. Il fronça les sourcils. Jouait-elle avec lui ? Pourquoi diable avait-il tant de mal à comprendre les intentions des autres ?! Il inspira profondément pour se laisser couler mais Hypoxie le devança en reparaissant face à lui, un peu plus proche qu'avant. Il remarqua ses mèches plaquées sur ses tempes, dégoulinantes et qui ruisselaient sur son museau fin. Il tiqua aussi sur ses cils assombris et allongés par l'humidité et évidemment par les houppes branchiales de part et d'autre de sa tête déployées en de délicates ramifications. Et puis le suppôt de Satan, jusqu'à présent très avenante avec lui, lui proposa un tour dans les profondeurs de son monde. De leur monde en fait. Parce qu'il avait cet amour des fosses marines. Combien d'heure avait-il passé dans la sécurité et la placidité du fond d'un lac ? Combien d'heure était-il resté au point le plus bas du lit d'une rivière à observer le monde d'en dessous, voilé de sérénité ? Combien d'heure aussi à reposer dans les barrières de coraux ou entre deux rochers à profiter d'une accalmie, à se préserver des agressions extérieures ? Le plus souvent sous sa forme de gavial évidemment mais parfois, le métamorphe se laissait aller plus simplement en étant lui. L'Hybride mi loup mi crocodile. Celui qui n'appartenait ni vraiment à la caste des canidés, ni à celle des reptiles à sang froid. Les iris fendues d'une pupille rectangulaire de Ptah cessèrent de fixer la louve pour se perdre vers l'abîme sous leurs pattes. Enfin, un sourire étira ses babines.

Les yeux du disciple de la Renarde semblèrent s'illuminer de paillettes alors qu'il lança un regard de défi à Hypoxie.

« Je peux. »

Venait-il de trouver une compagne de jeu ? Lui qui, enfant n'avait jamais eu d'amis pour partager ses intérêts ? Lui qui avait grandit seul, en bon petit dernier dont les grands frères et sœurs étaient plus occupés par leurs propres apprentissages, leur entraînements, leur vie extérieur à la tribu, ou encore leurs histoires pour l'un et leur propre famille pour l'autre... Si Ptah avait toujours été choyée par ses parents et ses aînés, il n'en avait pas moins été le seul jeune enfant. Et ce n'était pas chez les autres louveteaux de son âge qu'il avait su se chercher des pairs. Alors, soudain sa méfiance à l'encontre de la harpie s'envola et elle ne fût plus une vile et hypocrite femelle. Juste une jolie et douce potentielle amie ? Ce serait la première ! Enfin. Leikn pouvait prétendre à cette place, quoi qu'il ne pouvait dire s'il avait réellement lié quelque chose avec cette étrange femelle cornue ou s'il se fourvoyait complètement. Il ne savait jamais vraiment de toute façon et gardait dans son esprit cartésien, que peut-être la biquette n'avait d’intérêt pour lui uniquement pour pouvoir mieux l'étudier en bonne scientifique qu’elle prétendait être. Quoi qu'il en soit, il lâcha ses doutes et espéra, pour une fois, pouvoir s'amuser avec quelqu'un d'autre qui l'acceptait comme il était. Et ça c'était vraiment très rare.

« Mais peux-tu me suivre ? »

Son sourire s'élargit, dévoilant un râtelier un peu plus large que la moyenne, des crocs épais et de fait, des fossettes au coin de son museau. Les yeux plissés, il se laissa couler subitement et battit puissamment des pattes et de la queue. Grâce à ses doigts palmés et la force de sa longue queue écailleuse, il nageait vite. Plus vite que Geb, plus aussi que sa mère Nout, qui pourtant lui avait tout appris au travers d'heures d'entraînements interminables et de balades dans les fonds marins. Et puis Grimm... n'en parlons pas. Sans queue de crocodile, il ne pouvait même pas prétendre à les suivre ! Cela dit, si elle était bien damnée et que des gènes de poisson venait renforcer son organisme, alors elle n'aurait pas de mal à le suivre, sans doute pas non plus à le dépasser et le perdre. Mais il n'était pas prétentieux, il n'aspirait pas à être absolument le meilleur. Il voulait juste jouer un peu. Danser dans les ondulations des courants et profiter de ce monde si merveilleux et paisible qui s'offraient à eux. Il n'avait jamais partager cela avec personne jusqu'alors, hormis sa maman.

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La louve se laissa à son tour descendre vers les bas-fonds plus sombres. Ses cheveux court et bleu s'étirèrent comme les bras d'une méduse autour de sa tête. L'eau semblait gonfler ses joues et ses branchies aussi. Si bien qu'ici, elle était bien plus différente que sur la terre ferme. Elle nagea vers le bas et il la suivi sans hésiter, persuadé de partager enfin avec quelqu'un d’extérieur à sa propre conscience les douceurs du monde aquatique. Bien plus adroite que lui, elle se faufila entre les rochers telles une anguilles. S'il était bon nageur, il restait toutefois large et pataud et ne pouvait pas prétendre à un contorsionnisme aussi poussé. Après tout il était crocodile et non poisson. Il était chasseur et non proie. Son atout majeur résidait dans sa longue patience et son immobilité, et forcément, son endurance. Il pouvait passer de longues heures sans le moindre mouvement et sans avoir besoin de rechercher de l'air... Enfin, il restait maladroit sous sa forme originelle, mais en se métamorphosant complètement en reptile, alors il pouvait atteindre les prouesses physiques des grands gavials. Hypoxie lui tira la langue, mutine. L'Etelkru répondit par un nouveau sourire plus détendu, plus naturel aussi. Puis elle disparue de son champ de vision, dissimulée aux milieux des algues. Ici, dans ce monde monochrome, elle était dans son élément, sur son terrain de jeu. Le mâle hybride fouilla le sol de ses yeux d'or mais ne vit plus rien que la danse lente et apaisante des coraux et des plantes marines.

Sa truffe, inutile ici, souffla quelques bulles d'air de dépit. Il sentait qu'elle n'était pas partie, mais il était tellement habitué à être seul, qu'il n'avait jamais juger indispensable d'entraîner sa vision ou ses sens passée la surface de l'eau. Bien sûr, au calme sur un rocher, il finissait par pouvoir se focaliser sur le moindre son, ou sur les vibrations émises par les mouvements des bancs de poissons. Mais lui-même en nageant, ne parvenait pas à repérer tout ça. Pas en tant que semi loup du moins. Il réfléchissait, hésitait. Pouvait-il se transformer complètement ? Comment le prendrait-elle si à la place de Ptah, elle découvrit un crocoPtah ? Si les écailles de sa longue et puissante queue venaient parcourir ses côtes, son cou, ses joues et que son râtelier un peu large devenait une gueule pourvues de dents à faire pâlir le plus fort des loups ? Tout simplement, pouvait-il faire confiance à cette femelle alors même que seuls ses frères connaissait le secret du don offert par Dairo ? A qui le raconterait-elle ? Pourquoi faire de toute façon ? Louvoyant au dessus des touffes d'algues et des cailloux, il la cherchait en se laisser poussé par le courant. Un faible battement de queue suffisait à maintenir son cap. Puis elle apparût sous ses prunelles ambrés. Elle riait, il le vit à son sourire jovial et aux spasmes qui couraient sur ses épaules. Finalement la truande semblait bien sympathique. Il rit avec elle après une seconde de doute et d'autres bulles s'élevèrent au dessus de leurs museaux. Elle l'invitait à continuer leur périple, à découvrir l'abysse. Et il avait curieusement envie de la suivre dans cet inconnu...

Loin de la sécurité des lacs clos ou des rivières tranquilles, elle l’emmènerait vers le monde océanique qui le faisait tant rêver. Elle était tellement à sa place ici, et il rêvait de trouver une telle symbiose. La Raeder ondulait et son pelage se fondait à merveille dans le paysage sobre, si bien que seul son regard étincellait témoignait encore de sa présence réelle. C'était si étrange et palpitant de partager un secret avec quelqu'un... Si nouveau et incroyable que le disciple de la Renarde peinait à y croire vraiment. D'un coup de queue, il se propulsa vers la surface pour remplir ses poumons. La première fois, il n'avait pas imaginé rester sous l'eau vraiment, là, il partait pour peut-être plusieurs heures, alors il se prépara mentalement, se mit en condition et revint tout aussi vite vers la femelle. La lumière de son glowstick palpita un petit peu alors que ses doigts s'allongeait, que des écailles transperçaient son cuir et que son museau s'allongeait. La métamorphose, bien que toujours désagréable, se faisait chaque fois un peu plus rapidement. Voilà donc que face à la pirate nageait un vrai crocodile. Pourtant son regard d'or avait la même intensité et la même lueur intelligence et... Deux oreilles de loups ! Oups. Il y avait eu un petit raté ! Les commissures de la bouche du grand reptile s'étirèrent et il secoua la tête de droite à gauche pour perdre ses oreilles. Autour de son cou, la lumière de Dairo s'apaisa. Ptah était prêt à suivre Hypoxie dans les profondeurs hasardeuses et mystiques de l'océan.

« Emmène moi. »

Souffla la gueule de l'hybride devenu gavial. Sa voix était tout aussi rocailleuse et basse qu'avant mais il s'entendait probablement mieux que ce que la louve pourrait l'entendre. Doucement, le crodile se laissa glisser vers le bas, attendant que sa compagne d'aventure ne lui ouvre la voie...  

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Ptah observa le manège de la femelle qui s'approcha de lui en se grattant les oreilles. Il fût soulagé de voir qu'elle ne le fuit pas, maintenant qu'elle avait vu le monstre réel qu'il pouvait être. Il finit par réaliser qu'elle lui parlait en miroir et qu'elle désignait ses oreilles à lui. Il oubliait souvent ce détail, rendant sa tête massive à la gueule béante ridicule. L'Hybride fronça le museau et se secoua de gauche à droite dans un mouvement qui emmena toute son épine dorsale pour faire disparaître ce qui était de trop. Il finit par se retrouver sur le dos et donna un coup de rein pour revenir à l'endroit au moment où Hypoxie plongeait sans l'attendre. La femelle bleue agissait avec lui comme un n'importe quel être normal et capable. Ce qui le fit se sentir parfaitement à l'aise. Délaissant le monde d'en haut, le gavial se propulsa à l'aide de sa longue queue d'écaille à la poursuite de la louve-poisson. Quelques minutes de pur bonheur à simplement se laisser porter par l'eau, à apprécier les courants qui couraient contre son cuir où repoussaient ses pattes. Rien ne pouvait égaler un tel plaisir... L'attention de l'Etelkru se focalisa sur son guide tandis qu'elle lui intimait la discrétion. Docile, le gros reptile se laissa glisser contre le rocher pour se tapir tranquillement. Il imita la pseudo maudite et jeta un coup d'oeil par dessus la bord de son caillou.

Des bulles s'échappèrent d'entre ses crocs alors qu'il retenait à peine une exclamation de surprise. Il y avait tout un monde ici, tout un peuple de loup hybride qui profitaient sereinement du fond des océans et de ses merveilles. Ptah se retrouva comme un enfant devant un spectacle fascinant. Il y avait de la vie sous marine ! Evidemment il ne parlait pas des coraux ou des poissons... Il y avait, comme lui, des demi loups qui aimait la vie des abysses plus que celle sur la terre ferme ! Il y avait ici toute un groupe de loups qui peut-être comprenaient ce qu'il ressentait, qui, comme lui, étaient bien différents des normes du continent d'où il était né... Les prunelles d'or du crocodile pétillèrent d'émerveillement lorsqu'il releva le museau vers Hypoxie. Un sourire fendait sa poire en deux. Ce qu'elle venait de lui offrir était là le plus beau des cadeaux : il existait un monde où il ne serait un monstre... L'excitation retomba d'un coup cependant : et si ceux-là ne voulaient pas de lui parce qu'il n'était des leurs ? La louve-poisson lui avait bien dit que les Maudits n'aimaient pas les claniques... Quoi qu'il en soit, la connaissance de cette espèce d'Atlantis revisitée version loup hybride provoquait chez lui une vague d'espoir démesurée. Son sourire revint et il l'adressa à la femelle bleutée. Après quelques secondes à se délecter de la vision de ce monde caché, l'apaisement qui encerclait le coeur de l'Etelkru désactiva le pouvoir du loup qui redevint la version première de lui-même.

Comme il ne bougeait pas, son oxygène restant lui était suffisant pour rester encore un petit peu, puis remonter tranquillement. Il nagerait moins vite, mais peu lui importait. Ici, il se sentait bien, même en demi-loup.