Nos chemins différents | ft. Ottar

Ottar faisait un peu de peine à sa mère, ce qui était un affront terrible pour la jeune louve. Piquée à fleur de peau avec ses premières vraies chaleurs, elle faisait les cents pas, s'irritait pour un rien, et surtout ruminait beaucoup dans son coin.

Et surtout elle vivait avec beaucoup d'émotions beaucoup trop de choses, tentant tant bien que mal de penser à autre chose que son ventre qui semblait se tordre avant de se libérer. Et recommencer, encore et encore.

Maman était triste ...

Hell'Swing soupira en quittant la grotte, elle peinait maintenant à sortir d'une tanière lambda sans avoir à se contorsionner un peu. Et elle huma l'air sans retenue. Où était Ottar, maintenant ? Il vadrouillait beaucoup, revenant parfois avec des odeurs de solitaire, de terres libres. Il avait envie d'aventure depuis si longtemps, ce qui n'avait pas aidé à leur relation ... Mais ils restaient unis par le sang, et c'est ce qui importait le plus.

La grosse louve se mouvait jusqu'au Lac. Ici, les odeurs étaient plus fortes, son frère ne devait pas être bien loin. Elle inspecta les lieux, scannant la zone, ses oreilles tournaient dans tous les sens.

- Ottar !!!

Avec évidemment toute la féminité qui s'en émanait.

Il était là.

Il était là et elle en était sûre plus que jamais. Ne rien trouver l'agaçait beaucoup, jouait encore plus avec ses nerfs bien à vifs. Et sa couleur terreuse n'aidait pas à identifier le sol du gros loup, la force tranquille et calme qui pouvait faire une sieste n'importe où.

Et avec de la compagnie ...

Hell' n'était pas dupe, son frère revenait souvent avec des odeurs différentes des siennes. Un atout hérité de son sang primitif. Un nez excellent. Mais apparamment pas assez pour détecter celui avec qui elle avait grandi ces dernières années. Elle gronda, la grande louve. Elle grognait.

[Dé ING si elle trouve son frère]

Son énervement notable la faisait creuser le sol de frustration, arracher quelques fougères. L'odeur s'estompait, elle devait sans doute s'éloigner, ou pire encore, lui n'était plus là et était maintenant loin.

Le bougre, il se montra enfin ! Alors elle vint en trottant à son niveau, gardant un espace de confort entre eux deux.

Depuis quand n'étaient-il plus aussi proches l'un de l'autre ?

A quel moment ont-ils pris des chemins de vie différents ?

Elle y pensa un peu. Beaucoup trop, en fait. Et elle soupira, chassant un maximum de mauvaise énergie qu'elle cumulait. Ils étaient de nouveau réunis donc elle se sentait moins tendue. Elle releva aussi la tête, le toisant.

- Qu'est-ce qui ne va pas ?

Swing était persuadée que son frère adoré couvait quelque chose pour peiner autant sa famille. Il n'avait jamais été très proche du côté féminin de la nichée il fallait dire, assez froid ... comme papa, un peu.

- Maman est triste.

Et c'était quelque chose de grave.

En seule réponse, il posa son cul sur le sol, regardant juste bêtement sa soeur comme si elle avait elle-même les réponses. Et elle, elle l'inspectait aussi, plein de questions dans le regard ... Attendant. Mais rien.

Sa queue fouaillait l'air d'agacement. Elle fronça les sourcils, ses canines sorties se montrant un peu plus.

Qu'il manquait de reconnaissance et d'honneur !

- ... Tu t'éloignes de nous, Ottar.

Déjà, son peu d'intérêt flagrant pour sa meute était blessant. Il s'intéressait un peu plus au Nord, à l'au-delà des frontières. Qu'est-ce qu'il y avait d'aussi chouette là bas pour autant attirer son attention.

- Tu sais, si ça ne va pas ... Tu peux m'en parler. Quelqu'un te fait du mal, te repousse à la maison ?

Est-ce pour cela que tu fricotes avec des étrangers ?

- On se questionne avec Maman. Elle a peur pour toi, parce que tu ne lui parles pas.

Ce qui était bien chez Ottar, c'était son authenticité. Il s'agita un peu, trahissant aussi son agacement. Les yeux de Swing le fixait toujours, entre inquiète et inflexible. Et sa voix ne fut plus ce qui intéressait la louve.

Des mots, beaucoup de mots, elle en fut ravis. Certains plus durs que d'autres, mais elle ne voulait pas l'arrêter. Il faisait ce qu'elle attendait de lui : vider son sac. Et tout fit sens rapidement.

Un mal-être. Mais pas celui qu'elle redoutait.

Ses yeux étaient grands ouverts, l'air bénet, un peu sur le cul.

- Otty ...

Elle chuchota. Et le prit entre ses pattes pour l'y serrer fort, veillant à ne pas l'étouffer non plus.

- Merci.

C'était la moindre des choses.

- Tu seras toujours fils de Sakura et Olis, mon frère. Quoi que tu choisisses, ou que tu fasses. On t'aimera toujours.

Elle s'écarta un peu pour le laisser respirer et le revoir dans son ensemble, et lui adressa un petit sourire.

- On a bien remarqué que tu te passionnais pour Papa et son monde. Mais tu devrais tout de même en parler aux parents pour mettre les choses à plat. Je te soutiendrai.

Et c'était là une promesse, la même qu'elle se fit en prêtant allégeance aux Etelkrus déjà toute petite.

Ah, il en avait déjà parlé à Papa ? Elle se sentait un peu trahie, comme s'il ne lui disait rien, mais ravie d'un côté que ce soit quelque chose qui semblait assez réfléchi pour l'officialiser auprès d'un des parents. Elle retrouva son sourire habituel avec ses canines en dehors de sa gueule.

- Ramène-nous des souvenirs de là-bas.

Elle lui fit un clin d'oeil taquin. Elle rêvait aussi du Nord ! Mais n'osait pas vraiment franchir le pas, pas assez confiante en elle pour s'y aventurer et s'y débrouiller aisément. Elle devrait sans doute en parler à ses parents, juste une petite visite, comprendre ses origines ?

- Tu n'es pas obligé de tout lui dire, si t'es avec papa, elle devrait accepter ...

Qu'elle savait la relation mère et fils un peu chaotique et difficile, n'était-ce pas d'ailleurs la raison de sa venue ? Il fallait mettre les choses au clair de façon simple. Ne pas dire toute la vérité n'était pas un mensonge après tout.

Il s'en suit un long moment sous silence. La louve savait son frère peu bavard, très neutre, peu expressif. Il était toujours compliqué de deviner à quoi il pensait ou ce qu'il ressentait, mais on s'y faisait, Swing le sentait tendu, un peu agacé de la situation.

Sa soeur comprenait parfaitement.

Il se lève et marche, le gros loup, toujours placide dans ses mouvements, au plus simple et sans détour. Une démarche lourde. Hell'Swing lui emboite le pas, plus légère mais frappant le sol aussi. Sa colère passait un peu plus maintenant que des mots avaient été posés.

- Je te cherchais.

Elle hausse les épaules.

- Pour mettre la situation au clair. Je n'aime pas ne pas savoir ce qui tourmente la famille !

Ils étaient déjà si peu et surtout si éloignés des uns des autress, tant bien par leurs tempéraments, que les parents géographiquement. Olis passait parfois pour montrer un signe de vie, mais il persistait un blocage du fait de ne pas avoir une fratrie unie, comme les autres enfants normaux.

Et ça affectait la louve, quelque part, bien qu'elle ne souhaitait pas en parler, encore moins le montrer.

- Et toi ?

Est-ce d'ici que tu ramènes de drôles d'odeurs à la maison ?

Ottar semblait un peu rêveur en ce moment là dans sa démarche et son attitude. Son regard se pose au loin. Là-bas, le ciel était rosé, orangé. C'était joli. L'attention de la louve revient sur son frère.

- Des rencontres ?

Un point qui intriguait déjà Swing avant même de venir le retrouver ici. Les odeurs inconnues ... Et surtout, passer autant de temps, seul, aussi loin de la maison ? Un regard pétillant et malicieux se pose sur le gros loup.

- Beaucoup ?

Ses yeux papillonnent et elle écoute les descriptions bien trop maigres, mais elle n'allait pas se plaindre, son frère peu bavard s'ouvrait un peu sur son quotidien et avec qui il le passait.

Beaucoup de "une", la louve étend son sourire taquin, et d'un côté se rassure un peu.

- Monsieur a du succès !

Elle pouffe de rire avec un semblant de discrétion, mais ne s'y attarde pas. Ottar pourrait se vexer et fermer la brèche ouverte.

- Ils sont gentils, tes amis ?

Il semblait timide mais plus avenant avec les autres loups. Swing, elle, elle se contentait de suivre les directives, les liens sociaux ne l'intéressaient pas autant. Evidemment, elle faisait quelques rencontres, mais s'avouait trop militaire, bête et disciplinée pour voir de l'intérêt à cumuler les connaissances.

Un petit temps sous silence passe sans que cela devienne gênant. Alors le pas ralentit un peu, jusqu'à ce qu'Ottar décrive comment il voyait ses relations amicales. C'était intéressant de comprendre comment il fonctionnait, il était bien différent d'elle et leur mère.

Mais tant qu'il en était heureux, n'était-ce pas là ce qui comptait le plus ? Évidemment que si. Il restait regrettable qu'il ne s'ouvre pas de lui-même et discute de ses journées ouvertement.

- Pas beaucoup ...

Elle s'en agace, mais dans un autre sens, ça lui évitait les ennuis et de se détourner de ses missions et objectifs de vie : défendre le clan. Elle le voulait du fond de ses tripes.

- J'ai pas besoin d'autant d'amis, on a le temps d'en rencontrer !

Ils étaient encore très jeunes et ils avaient la vie devant eux, des années, peut-être des décennies pour trier tout ce petit monde et s’accommoder que des meilleurs et surtout d'alliés.

Elle lui adresse un grand sourire tout doux lorsqu'il s'approche et s'assit à côté d'elle. Ces moments se faisaient de plus en plus rares et donc très précieux. Elle l'écoute parler, beaucoup, et elle est majoritairement d'accord avec tout ça. Elle s'acharnait à être la meilleure version d'elle même, prenant les choses pour acquis et ne se souciant que très peu de la possibilité de ne jamais revoir ce monde demain.

Elle rit à sa léchouille, et lui met un coup d'épaule pour le bousculer un peu.

- Tu parles peu, mais tu as raison !

Son regard croise celui d'Ottar. L'insouciance de leur enfance semblait leur échapper de plus en plus, et la louve s'y accrochait encore, attachée à ces souvenirs, entre leurs façons de refaire le monde et les quelques bêtises de chiot.

Et au fur et à mesure, Ottar semblait se détendre un peu, et revenir à ce que Swing avait toujours connu avant qu'il ne lui file doucement entre les pattes. Ca l'apaise, beaucoup. Donc elle sourit, heureuse de pouvoir profiter de bons moments ainsi. Et sa queue remue lorsqu'il parle.

- Moi aussi !

Elle jappe comme un jeune loup. Tous deux étaient le fruit d'un croisement fort et puissant, rien ne pouvait les arrêter. Elle le rejoint, sautillante, et se frotte à lui.

- Tu as une idée ?

La course ? Peut-être. Pas de bagarre, elle savait son frère peu intéressé par ça. Une exploration ?

- Une chasse au trésor ?