Quand la Tigresse ouvre la voie... ○ libre

Entourée de ses compagnons de route et d'éveil, Artëmis posa les pattes sur ce pont de ronces entrelacées. Bien que sa foi et sa confiance envers la Tigresse soient inébranlables, il fallait que la grise teste la fiabilité du chelin offert. Comme le pont ne ployait pas sous son pas, alors elle continua d'avancer vers cette autre morceau de terre perdue au milieu de la mer. Grâce à l'intervention divine, bien que floue, avait rassurée la femelle et surtout apaisée ses craintes. Moiro était encore auprès d'elle, même si la communication semblait voilée. Peut-être bien que c'était ainsi que le Panthéon accordait leur aide aux mortels, peut-être était-ce là leur mode de partage à leurs disciples ? Était-elle seulement encore mortelle ? La manque des crampes caractéristiques de son estomac ou de son non besoin de repos musculaire lui indiquait que non. Pourtant, elle ne se sentait pas particulièrement forte, puissante, ou invincible. Juste... Normale et fade ? Ce mot décrivait si bien son état émotionnel et physique. Elle ne ressentait plus les hauts et les bas d'un rythme cardiaque effréné ou d'un respiration haletante. Or cette découverte, ce pont créer par la magie de la Tigresse aurait de quoi vous couper le souffle et la voix ! Artëmis jeta un regard en biais à ces autres loups. Elle ne savait que penser de ceux-là. Roxx seule lui semblait relativement non hostile. Son sourire et son optimisme étaient communicatifs et petit à petit, à mesure que la grise côtoyait la louve coloré, elle se laissa avoir par un bout de cette bonne humeur. Un tout petit bout, cela dit.

Elle n'avait pas spécialement confiance dans les autres, n'ayant eu l'occasion de comprendre leur état d'esprit ou de percevoir des bribes de leur caractère. Roxx était franche, et n'affichait pas de masque où se dissimuler. Elle semblait si jeune dans sa façon d’approcher le monde. La disciple de la Tigresse se demandait ce qu'avait pu vivre l'arc-en-ciel ambulant ? Probablement rien de trop difficile. Sans doute une enfance choyée et entourée ? Une vie facile avec papa et maman autour ? Les longs cheveux de la louve effleuraient le sol, une mèche resta agrippée dans une épine de ronce et força Artëmis à s'arrêter une fraction de seconde. Était-ce un signe de la déesse ? Un qui ne serait destiné qu'à elle seule et à sa méfiance perpétuelle face aux autres ? Sans doute. Elle était un peu médisante, la Solitaire avait l'air sympathique, pourquoi lui chercher des noises ? Dans un vague haussement d'épaule, la Bêta Acid reprit son chemin en s'assurant qu'on ne la dépasse pas. Elle voulait être la première à poser la patte sur cette île étrange et c'est ce qu’elle fit lorsqu'enfin ils eurent traversé ce pont formidable et fleuri. Touchant enfin terre et perdant cette sensation de vertige qui l'avait accompagnée tout du long, aussi désagréable que de voyager avec des inconnus soit dit en passant, Artëmis se détourna vers l'île de Moiro et la remercia de tout son être mort et vide. Mais avec beaucoup d'amour et de gratitude quand même. Être un cadavre ambulant ne lui ôtait pas sa déférence à l'égard des Dieux et puis c'était la première fois qu'elle ressentait aussi fortement la présence à ses côtés de sa déesse... De quoi faire grimpé en flèche sa côte de foi !

Cela fait, la grise aux yeux glacés commença à observer le paysage. De belles collines verdoyantes et grasses s'étendaient derrière les dunes de sable doré. D'un côté de l'île, sur leur gauche, de grandes voiles claquaient dans le vent, probablement une épave échouée dont on ne voyait que la cime des mâts. C'était probablement le plus intéressant ici ! Sans plus de cérémonies, la femelle aux cheveux roses décida de partir vers ce truc là.

« Je vais voir vers la mer. »

Un regard pour les autres autres femelles, puis pour le mâle, avant d'effectivement prendre le chemin rocheux de ce monstre de bois éventré.

Alors qu’elle fouillait le sable pour trouver des coquillages et encore d'autres coquillages, un crissement dans le sable lui fit relever la tête. Un loup gris, habillé de manière très classique, vint à sa rencontre. Les yeux d'Artëmis roulèrent dans leurs orbites tandis qu’elle abandonnait les étincelles provoquées par la lune sur les morceaux de nacre. C'était bien joli mais aussi bien inutile de toute façon. Alors elle détailla plutôt le mâle bien sobre en couleur comparée à Roxx où à l'autre pimbêche beige. Elle ne pouvait s'empêcher de ne pas l'apprécier. D'un part parce qu’elle portait le même pelage que le salaud qui lui avait enlevé sa fille, et d'autre part parce qu’elle lui avait adressé la parole comme si elles étaient copines comme cochons alors qu’elle ne se connaissaient pas. Bon, cela dit, l'autre solitaire trop de bonne humeur et ce triste fantôme gris ne le mettait pas tant en rogne pour quelques mots. La disciple de Moiro souffle de la truffe à l'approche du chapeauté. Non, elle n'était pas son amie. Loin de là petit père. Il observa le pont de ronce dont elle était descendu avec sa troupe de loups venants tous du même horizon sombre et humide qu'était la vie sous la pierre tombale puis la jaugea à nouveau. Aussi guidés par une divinité ? Ainsi la Tigresse n'était pas la seule à avoir offert son aide aux éveillés ? Intéressant. Donc le panthéon souhaitait les voir résoudre ce mystère ? Où simplement leur montrer quelque chose ? Ou pire ? Les amener à un endroit bien précis pour on ne savait quel but ?

Non, la Bêta Acid avait confiance en sa déesse. Ce ne pouvait donc pas être mauvais de suivre son chemin !

« En effet, Moiro nous a envoyé ici. »

S'il était là, peut-être bien qu'il fallait échanger avec lui des informations qu'un autre dieu avait pu lui communiquer ? Petit à petit, peut-être qu'en discutant, ils arriveraient à avancer ? Cela ne l’enchantait guère, surtout que l'autre louve aux cheveux vert et au regard violet revenait vers elle. Enfin, vers eux. Artëmis lança un regard alentour mais Roxx avait disparue sans doute d'un autre côté de l'île... Et l'autre, elle ne la revoyait pas non plus. Méfiante, elle fronça les sourcils. Elle n'aimait pas ça. Pourquoi le groupe s'était dissout autant ? Ah. Oui. Elle était la première à être partie... Peu à peu alors qu'elle réfléchissait, elle se rendit compte que depuis son départ elle n'avait pas prit la peine d'agir comme elle l'aurait fait juste avant sa disparition : elle était Bêta de sa meute, c'est donc en chef qu'elle devait lier ces loups pour trouver des réponses et pourquoi pas des solutions. Gonflant ses poumons, elle prit la parti de retrouver cette place d'officier liant les loups entre eux. Même s'ils étaient de différentes époques et différentes meutes, ils venaient tous d'une même endroit et partageait cela : l'expérience de la mort. Cela faisait d'eux un groupe donc. Et tout groupe avait besoin de chefs.

« Qu'est-ce qui t'a amené ici, toi ? »

Demanda t-elle moins abruptement. Etre chef, c'était aussi retrouver un peu de diplomatie. Mais juste un peu. Puis elle se tourna vers l'autre femelle au pelage de sable. Non, sourire cétait quand même trop demandé encore.

« Tu as trouvé quelque chose ? Euh... Miss Rotten ? »

Avait-elle donner son nom celle-là d'ailleurs ? Artëmis ne s'en rappelait pas, elle ne l'avait pas vraiment écoutée de toute façon. Trop hermétique à son apparence.