Se souvenir d'où on vient ♖ Spleen

« Se souvenir d'où on vient...

« Spleen & Teddy


Son reflet lui apportait mélancolie et chagrin. Spleen délaissa l'image que lui renvoyait le cours d'eau pour s'éloigner de quelques pas et respirer un grand coup. Son voyage sur Morne-Oeil avait été bien plus difficile que tout ce qu'elle avait imaginé. Elle avait espérer retrouver sa mère telle qu'elle l'avait laissée des années plus tôt. Au lieu de ça elles étaient tombés sur deux jeunes mâles se présentant comme les fils d'Heever. Cette dernière étant portée disparue par delà les abysses de l'océan. Ainsi elle avait des petits frères et Pontos avait récupéré l'âme maudite de sa génitrice. Tant de temps avaient passé ou Spleen n'avait pu se résoudre à rentrer sur l'île des Pirates où elle n'avait jamais été vraiment chez elle. Cinq années s'était écoulé et Heever y avait succombé. La culpabilité d'avoir abandonné sa mère serra la poitrine de la femelle blanche qui eu le souffle coupé de peine. Dire qu'elle n'avait jamais dit au revoir à celle qui l'avait élevée, fuyant sous le couvert de la nuit vers des horizons peut-être plus en phase avec elle même. Elle avait voulu retrouver Roy et cela lui avait finalement coûté bien cher : la Prêtresse de Mido avait gagné un père effacé et lointain et perdu une mère peu tendre mais aimante à sa manière. Spleen se sentit comme si elle n'avait jamais mérité une vie de famille simple et heureuse. Son existence même était un événement orchestré par les divinités. Elle savait que jamais elle n'aurait dû voir le jour, personne ne l'avait attendue, personne ne l'avait vraiment voulue au départ.

Le coeur en miette mais la tête froide, la femelle calma ses nerfs en méditant sur la seule chose de positif dans sa vie : une meute et un dieu qui l'avait choisie, elle, pour le représenter sur terre. Le seul être à avoir recherché sa présence était sa divinité. Cette idée rendit un peu de légèreté à la disciple du Raptor. Ici au moins elle était à sa place, elle était là où on avait besoin d'elle. Son chagrin un peu calmé pour l'instant, la Lazuli décida de rentrer au temple où elle avait plus ou moins élu domicile depuis sa nomination. Croiser sa demie-soeur lui était si étrange qu'elle n'osait pas l'approcher et Roy était effectivement le roi des fantômes, tombé sur lui était un coup de chance. Un sourire nostalgique passa sur les babines de la louve pâle. Ses prunelles glacés se perdirent sur le chemin du retour. Il lui fallait pourtant aller au devant de tout ça. C'était ici qu’elle se construisait une nouvelle vie, et elle ne voulait plus la passer à espérer silencieusement ou à se laisser entraver par cette culpabilité infondée d'être de ce monde. Maintenant elle ne se définissait plus par l'enfant cachée d'Heever et de Roy, désormais elle était la voix du Raptor et un guide spirituel pour ses pairs Lazulis. Il était temps qu'elle en prenne toute la conscience. Et c'est sans étonnement que Spleen découvrit quelle âme perdue Mido mettait sur sa route, comme un dernier pas à franchir pour se libérer de son passé douloureux.

L'apparition de cet ancien Raeder dans le palais du Raptor serra son coeur meurtri mais ne fit que renforcer sa résolution. Elle ne devait plus s'attacher à la mémoire de cette façon qui la morcelait mais plutôt dans un sens où elle pourrait en tirer profit pour aider son prochain. Et son prochain se manifestait sous les traits de Teddy. Ils avaient plus ou moins grandis en même temps sur Morne-Oeil, mais leurs chemins s'étaient très vite séparés. Spleen avait entendu qu'il avait rejoint la meute quelques temps plus tôt, d'où la facilité à retrouver son nom. Ensuite était revenus ceux de ses frères et soeurs, ses parents et à peu près tous les autres habitants de l'île maudite. Le croiser était comme donner vie à un souvenir flou et en même temps, ce n'était pas une surprise de le voir ici. Un sourire engageant fiché sur les babines, la louve blanche avança jusqu'à lui sans hésitation en acquiesçant à son interpellation. Aider un ancien compatriote serait son épreuve définitive pour se prouver à elle-même qu’elle avait bel et bien trouver sa place dans sa nouvelle vie.

« Bonjour. Tu as bien changé... »

C'était une constatation alors qu'elle ne réalisait pas encore à quel point. Peu à peu la capacité à lire à travers le coeur des loups offerte par le dieu vert résonna dans son propre coeur. Deux âmes loins de leurs origines qui se forgeaient un avenir bien à eux.

« Bienvenue. »

Bienvenu dans le temple de Mido. Bienvenu chez les Lazulis. Bienvenu dans cette nouvelle vie. Bienvenue chez toi Teddy.

« Se souvenir d'où on vient...

« Spleen & Teddy


Il y avait comme un léger malaise. A croire que tous deux vivaient dans cette culpabilité pesante d'avoir abandonné les leurs, tout en s'efforçant d'avancer vers un futur plus en phase avec leurs désirs. L'éternel conflit entre l'offense faite aux parents délaissés et l'égoïsme tout naturel de la survie. Qui avait-il de mal à avoir chercher la prospérité ailleurs ? Ils n'étaient pas leurs géniteurs, n'avaient demander une vie d'exil et de fourberies sur une île prison. Et pourtant, pourtant la Prêtresse entendait résonner dans le coeur de Teddy les mêmes doutes que ceux qu'elle voulait evacuer. Elle croisa les prunelles violines du loup brun, écouta les mots qui coulèrent de son museau. Non effectivement, elle n'aurait pas cru non plus le revoir un jour, ayant tiré un trait sur tout ce qui représentait sa vie d'avant. La femelle blanche sourit plus largement au petit éclat de rire de son congénère qui retrouvait un peu de confiance dans la bonhomie et la franche camaraderie. Les épaules de Spleen se relachèrent imperceptiblement. Elle n'avait même pas réaliser la tension dans ses muscles juque là. A croire qu'elle appréhendait instinctivement un dialogue concernant ses origines. Leurs origines.

« Bien sûr, j'en serais ravie. »

La disciple du Raptor n'était pas très expressive, encore moins expansive, aussi Teddy devrait-il se contenter d'un sourire confiant et d'une attitude décontractée pour comprendre qu'elle était vraiment favorable à se créer du lien social. Chose qu'elle avait été bien incapable de faire toute seule malgré ses trois années et quelques passée au milieu des Lazulis. Aussi la question du mâle cornu la décontenança. Pouvait-elle répondre avec franchise ? Ou devait-elle taire ce sentiment lourd comme un boulet de galérien qui la taraudait encore ?

« Tu ne peux traverser l'océan, si tu as peur de perdre de vue le rivage... »[/b]

Le mensonge n'était pas dans ses habitudes, même si ça aurait pu s'inscrire dans ses gènes, vu l'histoire rocambolesque de ses parents.

« J'ai mis du temps à réaliser la chance que le Seigneur Mido m'offrait. Sortir de sa zone de confort et se pardonner n'est pas chose aisé. »

Les prunelles de givre de la louve fuirent un instant pour fixer les murs du temple de terre battue. Dans de spiritualité dans un carcan de simplicité. Peut-être était-elle trop honnête ? Pourtant Spleen sentait qu'ici son histoire personnelle ne pourrait qu'aider son compagnon de meute à affermir sa décision et asseoir son bon droit d'une vie chez les Lazulis.

« Pourtant je ne voudrais être ailleurs, j'ai trouvé plus que des liens familiaux ici.  »

Les oreilles de la femelle se dirigèrent vers Teddy alors qu'elle le regarda à nouveau. Elle avait trouvé une existence propre, elle avait découvert une vraie foi, elle avait appris à faire confiance et à s'ouvrir, tout doucement certes, aux autres sans avoir besoin en retour de quelque chose. Il existait dans la vie d'une meute, un principe d'entraide et d'entente que des solitaires ne retrouvaient qu'au travers du troc ou des services rendus en échange d'autres coups de pattes. Ici, on soutenait gratuitement et sans arrières pensées ses congénères.

«  Et toi, Teddy, qu'est-ce que tu cherchais chez les Lazulis ? »

Et l'a tu déjà trouvé ?