Il était une fois ○ Sly

« Il était une fois...

« Spleen & Sly


Tapie dans un bosquet entre plusieurs palmiers, la femelle blanche attendait que le temps passe. Une rencontre à la faveur de la nuit l'attendait ce soir et depuis quelques temps, Spleen découvrait l'impatience de retrouver un congénère. Et pas n'importe lequel ! Le premier à l'avoir accueillie sur ces terres. Ou ré-accueillie plutôt puisqu’elle avait passé sa première année sur ces côtes. Son premier ami en ce monde. Longtemps perdu de vue et retrouver plusieurs années plus tard. La vie était drôlement bien faite... En tout cas, petit à petit, la Prêtresse avait appris à voir les choses différemment et à sentir, parfois, son coeur s'emballer sans raisons. Un petit sourire étira ses babines alors qu'elle piétinait le sable. Sly et elle s'était revu plusieurs fois pour chasser et manger un bon gibier ensemble. Toujours furtivement et toujours caché. Ce qui commençait à agacer Spleen. Elle était triste de devoir dissimuler cette belle relation -la seule de son existence en vérité- sous prétexte que leurs meutes étaient opposées. C'était si idiot ! Enfin... Finalement, le ciel s'assombrit peu à peu et la disciple de Mido descendit le long de la plage pour aller tremper les pattes dans l'eau salée en attendant le mâle gris. La femelle aux yeux de glace ferma les paupières et inspira profondément les embruns de sa jeunesse. Un élan de nostalgie lui enserra les tripes. Elle repensa aux frères qu'elle ne connaissait pas, loin là-bas sur leur île maudite. Prison dont l'avait sauvée le Raptor...

Avait-elle raison de jouer avec le feu en côtoyant un Etelkru ? Devait-elle mettre fin à ces moments de complicité où elle découvrait chaque fois ce que c'était que d'être heureux ? Son Dieu la priverait-il des ces élans tendre dont les mortels avaient tant besoin ? Spleen soupira en ouvrant les yeux et revint vers la plage. Non, elle était certaine de ne pas vouloir mettre fin à ces entrevues, même si cela faisait d'elle une espèce de... Traîtresse ? Quelque part elle l'était déjà, pour les Raeders et ses petits-frères pour qui elle n'avait jamais été là... Elle l'était pour l'océan et pour sa mère disparue dans ses profondeurs. Elle prendrait son mal en patience et continuerait de voir Sly en secret. Le disciple de la Renarde lui était devenu si cher. Il la faisait se sentir vivante comme jamais. Dire qu'il avait fallu qu'elle attende ses huit ans révolue pour découvrir un nouveau monde à côté de lui. C'était si bête ! Tout ce temps perdu. La Lazuli huma l'air, espérant y trouver l'odeur musquée et fumée du gris, mais il semblait ne pas encore être là. Elle espéra qu'il aurait toujours envie de venir, et que rien ne l'empêcherait de traverser discrètement sa frontière pour venir passer une soirée sous les étoiles en sa compagnie. Impatiente mais inquiète, la louve blanche s'assit dans le sable encore tiède et leva le museau vers le ciel, observant les premières étoiles scintiller alors que le soleil fuyait derrière l'horizon.

« Il était une fois...

« Spleen & Sly


Un froissement derrière elle, des pas dans le sable. Spleen avait fini par savoir reconnaître le pas du mâle Etelkru. Un sourire se dessina lentement sur son museau alors qu'elle tournait la tête vers, oreilles en avant.

« Bonsoir Sly. »

La queue blanche de la femelle se balança de droite et gauche, traçant un arc de cercle léger et régulier dans le sable. Elle observa le loup gris approcher dans la demie pénombre du jour baissant. Une espèce de clair-obscur qui donnait plus d'épaisseur à la carrure du disciple de la Renarde. Il était impressionnant ainsi, large, fort. Nul doute qu'il était un atout de choix pour sa meute. Spleen priait pour que les clans n'entre pas un guerre un jour... Il était déjà bien assez difficile de jongler entre ses devoirs envers Raptor et son attachement aux habitants de Morne-Oeil... Les narines de la louve frémir alors que l'odeur fumée de Sly venait les lui chatouiller.

« Comment était la journée ? »

Elle se redressa, s’ébroua doucement pour faire tomber le sable accroché dans ses poils. Sa longue natte ondula et quelques mèches s'en échappèrent. Cela faisait quelque jour qu'elle n'avait pas prit soin de bien démêler ses cheveux et de les retresser plus strictement. En même temps, même si elle pouvait se montrer foride ou distante en apparence, elle avait un caractère doux, confiant et ouvert. Un esprit libre et sauvage forgé par les Pirates et emmuré pour les Lazulis. Les prunelles de givre de la Prêtresse fixèrent Sly. Son sourire s’agrandit.

« Que dirais tu d'un bain de minuit ? »

Le museau de la femelle se plissa en affichant une mine amusée, heureuse. Il n'y avait qu'avec lui qu'elle se laissait aller à autant de sérénité, qu'avec lui qu’elle laissait tomber le masque sérieux pour retrouver la joie simple des instants complices.

« Il était une fois...

« Spleen & Sly


Il y avait dans l'attitude du mâle, dans ses gestes et ses paroles, une douceur quasi infinie. Une tendresse qu'elle rencontrait pour la première fois chez un autre, destinée à son seul égard. Si elle doutait encore souvent d'elle-même, et de la possibilité d'un avenir commun, elle devait avouer qu'à chaque fois Sly lui faisait monter le feu aux joues, et réchauffait son petit cœur. Muscle qui grandissait à vue d’œil et se gonflait de sentiments positifs pour le gris. A chaque fois il lui semblait que le revoir la rendait plus heureuse et épanouie. Heureusement que personne ne prêtait trop d'attention à la Prêtresse toujours discrète et effacée, vivant presque dans le temple du Dieu qu’elle servait. C'était à la fois u excellent alibi et un moyen efficace de tenir à distances la majorité des Lazulis. Toutefois, elle devait se méfier et porter plus d'attention, peut-être que certaines âmes timides n'oseraient pointer leur truffe jusqu'à la Vasque de la Lune... C'était aussi à elle de fureter et de trouver les loups perdus ou en manque de confiance en eux... Tout comme Mido, puis Sly avait apporté une stabilité émotionnelle à son existence, elle devait à son tour transmettre ce don aux suivants.

Un doux frisson la parcouru lorsque l'Etelkru s'approcha d'elle et se glissa à ses côtés. Elle peinait à croire qu'on lui accordait cette bulle de bonheur. Quelque chose en elle restait méfiant, comme persuadé que tout cela n'était qu'une mascarade. Soit que le mâle gris se jouait d'elle, soit que le Destin lui-même s'accordait à lui laisser gravir la montagne de la sérénité pour la faire chuter quelques pas plus loin... Après tout, qu'avait-elle de si particulier pour attirer sur elle l'attention d'un guerrier aux larges épaules ? Un loup de meute opposé en plus ? Et s'il était là pour la séduire et lui soutirer des informations ? Ou pire ? Etait-il là pour l'attaquer une fois la confiance installée ? Comme leur ancien Alpha, disciple de la Renarde, avec la Prêtresse de Moiro ? Spleen peina à croire que la chance qu'on lui offrait était bel et bien réelle. Elle s'attendait constamment à un retour brutal à la réalité... La louve blanche s'ébroua pour chasser ses idées sombres et reprendre courage. Non. Il était impossible de feindre autant de tendresse non ? Elle fixa Sly quelques instants avant d'avancer avec lui dans l'eau fraîche. Ses oreilles se dressèrent sur son crâne alors qu'elle ouvrit des yeux ronds, surpris, sur le mâle gris.

Il venait de le dire. Ce qu’elle n'osait pas croire tellement cela lui paraissait improbable. Et pourtant... Pourtant ?

« Je suis contente de t'avoir retrouvé dans la montagne... »

Spleen se glissa contre le poitrail de l'Etelkru, doucement, comme si elle avait peur de le voir s'enfuir. Elle avait conscience de ne pas répondre exactement comme elle aurait dû, mais elle n'était pas prête à le dire. Pas prête à complètement accepter sa chance. Pas certaine que tout cela ne finirait pas mal. Un sourire vint fleurir sur son museau alors qu’elle releva ses prunelles glacés vers lui. L'eau grimpant progressivement, léchant leurs coussinets, puis leurs pattes. Ils avancèrent un peu encore jusqu'à avoir le poitrail mouillé.

« Plus encore, que tu sois là ce soir... »

Elle ne savait pas vraiment comment formuler son idée. Comment expliquer ce qu’elle ressentait, sans vraiment le comprendre elle-même ? Par surprise, et pour faire fuir la gêne avant qu'elle ne s'installe, la Prêtresse de Mido bondit plus loin dans l'eau en riant, éclaboussant le museau de Sly au passage.

Il vint la rejoindre quelques secondes après. Peut-être l'avait-elle surpris par cette soudaine envie de jouer ? Spleen était en général peu démonstrative, cependant, aujourd'hui, à défaut de trouver les mots nécessaires, elle s'efforçait de lui montrer ce qu'il avait fait pour elle, ce qu'il avait créé en elle, ce qu'il avait libérée aussi. Il lui avait montré le chemin d'émotions douces et tendres, il lui avait permis d'apprendre à apprécier la compagnie d'un autre et d'en vouloir plus jusqu'à ressentir son manque quand cela faisait de trop nombreux jours qu'ils n'avaient pu se voir... Et il avait aussi ouvert en son coeur des envies de promiscuité, un besoin de contact. Et même quelques idées qui la faisait rougir d'elle-même. Si de premier abord elle avait simplement voulu l'aider à s'épanouir et à a retrouver le bonheur, elle devait avouer que c'est lui qui lui avait offert tout ça. C'était en fait, très semblable a ce qu'elle avait pu voir entre sa mère et Volstein. La réserve en moins. Elle savait maintenant pourquoi, et comprenait parfaitement que le loup blanc et noir ai été peiné, et même blessé, de ne pas avoir été le père de l'enfant d'Heever. D'avoir été seulement le second choix, ou du moins, que celle qu'il aimait ne se soit pas rendu compte de ce qu'elle voulait avant de commettre l'irréparable. Fût un temps, la blanche aurait aimé que le loup aux ailes de cristal soit son géniteur. Elle supposait que sa vie aurait été bien différente. Maintenant, elle se rendait compte qu'elle-même aurait été bien changée et qu'alors, peut-être n'aurait-elle jamais pu rencontrer Sly. Ce loup Etelkru qui faisait voler une nuée de papillons dans son ventre et qui souvent, faisait battre son coeur tellement vite qu'elle en avait le vertige. C'était exactement ça qu'elle devait lui montrer, lui avouer. Exactement ça, qu'elle ne savait comment formuler à voix haute sans risquer de lui paraître idiote.

Ils bondirent quelques instants dans l'eau salée, au couvert de cette nuit silencieuse qui n'appartenait qu'à eux. Jouant à s'attraper, à se pousser, à s'arroser. Le moment était simple bonheur. Le moment était idéal. Alors que le disciple de la Renarde bondissait une dernière fois sur son dos, elle n'esquiva pas. Comme figée, le sérieux revenu sur son museau de neige, appréciant l'étreinte bien sûr, elle se lança, usant alors de tout le courage qu'elle avait :

" Sly. Je... Je voudrais. Enfin. Je souhaiterais que nos avenirs n'en fassent plus qu'un. Je sais que nos deux meutes sont opposées et que nous voir ainsi en cachette est... Difficile. Mais tu as rendu ma vie merveilleuse. Je voudrais que ça ne s'arrête jamais. "

Finalement c'était bien plus ridicule et mièvre qu'un simple je t'aime. La Prêtresse de Mido baissa le museau, tout à coup mal à l'aise, se sentant stupide. Que faisait-elle ? Venait-elle réellement de trahir son clan en demander à un Etelkru d'être son compagnon ? Pas n'importe Etelkru bien sûr, celui qui la faisait vibrer de bonheur à chaque nouvelle rencontre. Mais vouloir vivre avec lui, malgré la distance qui les séparaient, vouloir unir leurs deux vies en une était une haute trahison. Malgré cela, la blanche aux longs cheveux ne se sentit pas coupable. Elle avait pour la première fois de sa vie l'occasion d'être heureuse. De vivre pour elle-même et non plus par procuration en imaginant ce qu'aurait pu être ou non son existence. Elle voulait être libre d'aimer ce loup formidable. Avant qu'il ne réponde, avant que le courage ne l'abandonne complètement, elle lança une dernière demande en remontant son regard pâle sur Sly. On pouvait y lire une lueur d'angoisse, celle d'être rejetée, celle de s'être mise à nue face à celui qui désormais avait tout pouvoir sur elle.

" Je voudrais fonder une famille, avec toi. "

Les dés étaient jetés. Seul le guerrier de Dairo pouvait décider du sort de Spleen...

Il y eu tout d'abord un blanc. Un vide. Un silence. Une hésitation dans la voix de Sly qui fit grimper l'angoisse de la femelle blanche. Son coeur se serra comme si tout son être se mettait sur pause, dans l'expectative d'une réponse qu'lele s'attendait être forcément négative. Malgré son pessimisme, une bulle d'espoir la tenait en place. Sinon elle se serait enfuit, de peur, de honte, de douleur. Elle n'osait plus respirer, maintenant qu'elle avait lâché cette bombe entre eux. Fonder une famille... Mais où avait-elle la tête ? Ils se côtoyaient régulièrement depuis plusieurs mois certes, mais le grand loup gris voulait-il seulement d'une relation aussi stable que ce qu'elle proposait ? Voulait-il seulement prendre cette chance avec elle de tisser des liens plus étroits et de bâtir un avenir malgré tous ce qui les opposaient ? Malgré leurs meutes ? Elle cru qu'il ne répondrait jamais. Elle cru que c'en était fini d'elle et qu'il allait la planter là avec ses émotions toutes jeunes et son incapacité à savoir comment les gérer. Elle cru qu'il allait détruire d'un mot tout ce qu'il avait tenté de nouer entre eux. Elle cru beaucoup de choses. Toutes les mauvaises choses que la petite voix dans sa tête lui dictait, celle qui la maudissait chaque jour, celle qui la rabaissait constamment. Hors, pour une fois dans son existence, cette petite voix avait tort. Tellement tort. Car le disciple de la Renarde sourit. De cet air si avenant, si chaleureux, si heureux. Alors qu'il prononçait les mots qu'elle espérait tant, le soulagement implosa dans sa poitrine et elle répondit à son câlin avec bonheur. Un murmure s'échappa alors de ses crocs. Elle n'avait plus peur maintenant. Elle savait maintenant, que c'était lui, le seul et l'unique. Lui qui la rendrait heureuse à jamais.

" Je t'aime Sly. "

Osa t-elle enfin avouer. Elle n'avait pas d'inquiétude particulière pour l'avenir. S'ils s'aimaient assez fort, et malgré leur vie à des kilomètres de distances, ils parviendraient à tout réussir. Ce ne serait pas facile, au contraire. Mais ils pouvaient y arriver. Ils pouvaient trouver une entente sur l'éducation, sur le mode de vie et de garde. Bien sûr ils apprendraient à leurs petits l'ouverture d'esprit et qu'une meute ne définissait pas forcément un loup. Que les règles étaient importantes certes, mais que le respect des autres et de soi-même l'était plus encore. Ils leurs apprendraient tant de choses. Et ils seraient heureux, tous ensemble, malgré les épreuves. Elle en était convaincue au plus profond d'elle-même.