Une entrée triomphale dans la cour des grands | LIBRE

✠ Godric


Ce matin, Godric avait décidé de faire une exploration de folie, il avait marché, avec ses petites pattes pataudes vers l’ouverture de la grotte des nourrices, là où il était avec son frère et sa sœur. Il avait envie de voir le dehors. Alors il avait marché, gros petit machin, vers la sortie de sa grotte. Une fois qu’il y fut arrivé, il regardé autour de lui, dans l’énorme grotte du camp des Etelkrus, avec la bouche bée.

Whoooo c’était tellement grand ici ! Il regarda autour de lui, son regard tombant sur un tas de grottes creusés dans les murs de pierre. Mais il n’était pas satisfait de juste les voir, il voulait rentrer à l’intérieur, et rencontrer les autres loups qui habitaient ici avec.

Il agita sa petite queue, ravi en continua d’avancer. Il était particulièrement rondouillet, sa taille avancée pour son âge compensée par ses rondeurs de louveteau. Pouf, pouf, il avançait sur les pierres plates vers la grotte la plus proche. Curieux comme un chaton de la taille de lionceau, il pointa ses oreilles en avant vers l’ouverture, qui se rapprochait peu à peu. Tout était énorme, super grand de son point de vue si près du sol. Il était encore tout jeune, probablement 2 mois au maximum, une petite aile verte et dorée sur son flanc droit, ses cheveux châtains bouclés en bordel impossible sur sa petite tête souriante, ayant échappé à la toilette de sa nourrice avec un art du camouflage qui consistait à pousser son frère jumeau à sa place.

Il était décidément le plus costaud des trois, et il avait tendance à faire la loi dans la fratrie.
Il pointa enfin son petit museau dans la grotte adjacente, la gueule ouverte, langue pendante, en souriant.

« Il y a quelqu’un par ici ? » demanda-il, avec un petit jappement de jeune.

Le début de journée était plutôt calme et semblait indiquer qu'encore une fois, rien d'exceptionnel ne viendrait se produire aujourd'hui. Coucher au fond de sa cellule, le pelage épais le protégeant du froid de la pierre, Lucky n'avait même pas levé une oreille  lorsque le garde décida que c'était la fin de son tour et qu'il n'attendrait pas une minute de plus cette relève qui devait traîner de la patte, car si être enfermé n'avait rien de passionnant, surveiller celui qui l'était devait l'être encore moins. Lucky n'avait jamais rien tenté encore, semblant avoir accepté le sort, ayant même été jusqu'à survivre au début où il vacillait dangereusement entre ce monde et le suivant. La routine, il n'y avait rien de plus cruel pour l'attention, on prenait des habitudes mécaniques, on laissait le prisonnier seul, on ne voyait pas l'enfant s'approcher.
Ce fut le bruit de petits pas rapprochés qui incita le mâle beige à sortir de sa nuit. Curieux de savoir ce qu'il se passait, il se leva étirant pattes arrière et aile en même temps avant de s'approcher des barreaux de sa cellule afin  de tenter d'apercevoir l'entrée de la grotte. Une voix aiguë retentissant dans l'écho de la cavité lui indiqua finalement la présence du môme bien avant qu'il ne l'aperçoive, tirant une grimace à Lucky qui plaqua quelques secondes en arrière et releva une de ses babines déchirées.

Il prit le temps de bailler puis de s'étirer à nouveau, étendant ses pattes avant devant lui avant de s'asseoir afin de se gratter l'encolure d'une arrière dans cet état semi comateux de réveil matinal.

« Retournes voir tes parents gamin, avant de te faire engueuler. »

Il se releva, tourna un peu sur lui même avant de se laisser tomber lourdement et en boule sur le sol de pierre, le dos contre les barreaux, son aile contre son flanc, cachant à demi ses pattes et sa tête, fermant à nouveau les yeux pour continuer sa nuit.

Bien loin de s’en aller, le môme se rapprocha, Lucky le sentait dans son dos, sans même le voir, il savait ce qu’il faisait. Jeunesse curieuse, il aurait suffit pour le mâle de se retourner vivement pour faire tomber le petit par la surprise mais il préféra royalement l’ignorer, au moins si un parent débarquait, il verrait bien que lui prisonnier, n’avait rien à voir avec leur fils.  Et pourtant, le môme se mit alors à piailler quelques chose de complètement absurde. Lui ? De la famille d’un de ces barbares d’etelkru? Plutôt crever. Et pourtant, la curiosité fut suffisante pour que Lucky relève la tête et regarde par dessus son épaule pour y voir le petit gamin roux à l’aile unique... comme sa mère. Ce n’était pourtant pas une preuve qui satisfaisait le mâle, ni celle ci, ni la suivante.

« Des coïncidence gamin, on est loin d’être les seuls loups dotés d’ailes »

Il reposa sa tête au sol, devant lui, menton sur la pierre et cet air de solitaire fatigué par l’enfermement avec ses babines déchirées et cette cicatrice en forme de croix sur son front offerte par les alphas. Il répondit d’un ton presque agacé à la seconde question du gamin.

« comme tout le monde »

Il n’avait pas noté l’évocation du petit sur le fait qu’il ne savait pas à quoi ressemblait la sienne. Lucky n’avait pas trop envie de penser à sa mère, ni à sa sœur d’ailleurs, parce qu’il les aimait malgré leur fragilité, parce qu’il savait qu’il ne les reverrait sans doute jamais.
Il se retourna un peu plus vers le môme, relevant à demi une babine par habitude, bien qu’il n’y avait plus de crocs à montrer.

« Tu devrais vraiment partir petit. Ils t’ont pas dit que j’étais méchant  tes vieux? »

Un de ces redoutables solitaire qu’ils maintenaient fièrement en cage.

Alors que le gamin commençait à comparer son aile avec celle de Lucky, le mâle ferma doucement les yeux dans l’objectif de se rendormir. Il fut cependant évident que le môme n’était pas prêt à le laisser tranquille. Il couina que lui n’en avait pas de mère, la frustration teintant sa voix mais lui de le prendre en pitié, Lucky ne rouvrit même pas les yeux, ne lui répondait que par un « Pas de bol » sans aucune compassion. Il piailla encore quelques mots, baragouinant un truc que le solitaire comprit à peine, n’accordant pas d’effort pour le faire non plus.


Le gamin en fit lui des efforts, il se pressait tellement contre les barreaux que Lucky sentait presque son haleine à l’odeur de lait lui souffler dans la truffe. Alors il releva soudainement le haut de son corps, trônant le petit roux de sa hauteur, ouvrant sa gueule.

« Parce que je mange les petits etelkrus qui viennent m’agacer »

Et il lui attrapa la tête, passant son museau entre les barreaux avant de se laisser retomber mollement au sol. Oh il ne lui faisait pas mal, il le serrait même pas, un simple pas en arrière et le petit s’échappait mais la gueule d’adulte de Lucky était tout de même assez grande pour attraper la quasi totalité de la tête du louveteau.
Ah mieux valait pas qu’un adulte etelkru débarque, il aurait encore des ennuis et pourtant, il n’y pensait même pas à cet instant, ne lâchant même pas le gamin pour répondre à sa dernière question.

« T’as qu’à demander à ton père, il doit savoir »

Lucky n’imaginait même pas à quel point.

< Joy ;

La femelle était fatiguée. Ses yeux d'or étaient irrités de tant d'heures sans dormir. Il fallait qu’elle fasse mieux, toujours plus. En rentrant de patrouille, Geb lui avait demandé de faire encore quelque chose avant d'aller se reposer. Elle avait répondu avec fierté qu’elle n'avait nul besoin de temps calme mais au contraire qu'elle voulait encore servir sa meute. Elle s'oubliait presque autant que le vieux guerrier qui ne prenait presque plus le temps de se sustenter. Il avait beaucoup maigri le beige, mais cela renforçait son aspect reptilien et il aurait été malheureux de croire qu'il s'en voyait affaiblit. Il semblait que l'organisme de l'Hybride se contentait de peu là où elle possédait un grand appétit pour renflouer son énergie manquante. Donc pour ne pas se montrer faible, elle avait accepté avant même de savoir de quoi il retournait. Ses crocs se dévoilèrent alors quand il ris de bon coeur en lui affectant sa dernière mission. Nourrir le prisonnier. Elle aurait préféré le voir mort, de faim ou exsangue. Peu importait. En grommelant, Joy accepta et récupéra un bout de viande de lapin sur le tas de gibier du jour. Une idée germa doucement dans son esprit : elle pourrait peut-être l'étouffer avec sa bidoche ? Ainsi il ne le coûterait plus rien et aura payer sa dette. Un sourire mauvais étira ses babines alors qu’elle s'engouffra dans la haute caverne du campement. Un étrange éclat brillait dans ses iris de miel où se reflétait dans la pénombre la seule source de lumière : le rouge sanglant de son glowstick.

Quelle ne fût pas la déception de la louve lorsqu'elle entendit la voix d'un marmot. Bien sûr elle avait beaucoup de tendresse pour la nouvelle génération, et d'autant plus pour les rejetons du mentor de son amie mais la présence ici d'une âme sensible l'empêcherait d'égorger le solitaire. En faisant la moue, Joy se força à la discrétion pour écouter les quelques échanges entre l'assassin et le louveteau. Lorsqu'elle parvint enfin dans le boyau humide qui servait de prison, elle bondit de colère en voyant le solitaire s'en prendre au fils d'Athelstan. Dans un grognement elle fondit sur eux et frappa de sa patte le côté du museau du captif pour le faire lâcher. L'impulsivité de Joy n'avait d'égale que son impatience. Elle poussa doucement l'enfant pour l'éloigner et jeta le bout de viande à la truffe de Lucky.

« Et heureusement que ton père les lui a enlevé jeune sire, car il t'aura avalé tout rond pour se venger. »

Grinça t-elle en lançant un regard mauvais au prisonnier.

< Joy ;


Joy se rendit compte que l'enfant était trop jeune pour écouter ce genre de macabres histoires, cependant il était trop tard pour reculer, cela ne lui ferait poser que plus de question et risquaient d'imprimer dans sa petite tête de fausses images cauchemardesques. La louve s'assit donc, restant face à la cellule pour surveiller le solitaire et son repas. Telle une bête blessée -qu'il était d'ailleurs- il s'enfonça dans la pénombre du fond de sa petite grotte a barreaux pour profiter de la viande trop généreusement offerte, selon la Bouclier. Enfin non. Lucky gagnait sa pitance par quelques travaux épars. Et puis tuer un loup dans cet état n'avait rien d'honorable. Elle baissa le museau vers Godric pour finalement lui répondre, quand le mouvement du beige et rouge lui fit plisser les yeux, suspicieuse. Sa réponse eu le don de raviver la colère de la femelle qui gronda vers lui pour lui intimer le silence.

« C'est facile quand il n'y a plus personne pour te contredire ! »

Les prunelles d'or de la louve revinrent vers le louveteau pour reprendre là où elle en était, c'est à dire, inspirer et lui expliquer la situation :

« La décision a été prise par le heaume au complet, en punition de ses actes. Il a tué l'un des nôtres. »

Elle marqua une pause, jeta un coup d'oeil au prisonnier. Un élan de pitié la traversa qu’elle rejeta bien vite. Hors de question d'avoir de la compassion pour lui. Cependant, Joy restait une louve fondamentalement fidèle et intègre, et ne pouvait dissimuler la moitié de l'histoire au jeune fils du mentor de sa meilleure amie.

« Il aurait tué notre guerrier, Thunder, par vengeance parce qu'il lui aurait arraché une aile dans son enfance. »

Joy chercha le regard du prisonnier. Elle voulait qu'il entende bien ses derniers mots.

« Mais il n'y a aucune preuve. »

L'échine de la louve sablée était légèrement gonflée, parce que, à bien y réfléchir, et surtout, depuis qu'elle avait pu s'extraire de la spirale infernale de violence et de haine qui l'avait rendue mauvaise et brutale, sa jovialité et sa patience reprenait place dans son âme et elle parvenait à retrouver un schéma de pensée qui n'était plus suggérer que par le besoin de venger sa meute et de tuer tous les solitaires qu'elle croiserait. Peut-être le fait d'être devenue une meurtrière à son tour l'avait-il apaiser ? Ou bien cela lui avait donner le recul et l'expérience nécessaire pour être moins catégorique.