Au delà des cauchemars [Libre]

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★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
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Il avait fait une besace, de facture convenable bien que grotesque. D'une peau de cerf tué, il l'avait cousu du poil de la bête, usant de sa ramure effilée par ses crocs pour coudre. Cela lui avait prit tant d'heures, qu'il en avait finit par oublier la viande fraîche, rongée par les insectes et autres parasites. Cela, pourtant, ne l'avait pas stoppé. Il devait manger. Il devait récupérer le plus possible de viande, d'ingrédients, de présents. Des forces pour nourrir sa conviction. Sa raison. Et cette besace n'était que la première d'une longue série.
Et il était désormais là. Devant cette montagne dont le pic labourait les nuages, tremblant, impuissant, et si déterminé qu'il pouvait sentir le sol vibrer sous sa conviction. Quatre sacoches prenaient sur ses flancs, lanières de cuir, ébauche d'une longue cape de fourrure qu'il s'était empressé de réaliser dans les froids jours approchant. Lui, le petit être apeuré, était désormais l'ombre d'un érudit. Et pourtant, il lui semblait que son but était encore loin.

D'un bond maladroit, il sauta de rochers en rochers, grimpant la paroi de l'immensité apique, atteignant en quelques heures, et bien trop d'efforts, les premières neiges. Sur ce qui semblait être une plateforme glacée, il se posa, recherchant son souffle et de quoi grignoter en vu du chemin qu'il restait. Et quel chemin. Levant les yeux aux cieux, il n'en vit pas plus la fin que le début, sol si loin et pourtant encore trop proche. Etait-il à la moitié ? Cette pensée le réconfortait autant que l'effrayait. Lui, si déterminé, se sentait désormais effrayé par l'erreur qu'il venait de commettre. Comment pouvait-il, lui, petit corps chétif, atteindre le sommet de cette rageuse montagne ? Comment Yurai pouvait elle juste imaginer que quelqu'un comme lui pouvait aider qui que ce soit, ne pouvait pas même s'aider lui-même ?

Il ferma les yeux, cherchant à balayer ses noires idées de son esprit.
C'était terminé. Il n'était plus ce Yersine craintif. On comptait sur lui. Peut importe pour quoi, pour quelle raison, ou quel motif. Il voulait agir. A s'en briser l'échine. Il voulait aider.

Ce ne fut que lorsque son souffle et ses muscles furent calmes qu'il se releva dans la nuit tempétueuse, continuant sa difficile ascension vers les monts lointains. Le vent vint à plusieurs reprises lui glacer les côtes, et ce malgré l'épaisse cape qu'il arborait. Les rochers, glissants, coupants, lacérèrent ses pattes. Et à chaque maladresse, il se retrouvait ainsi pendu par ses derniers muscles, son espoir, ses convictions, au dessus d'un vide qui semblait l’appeler. Serrant les crocs, il continuait pourtant, insatiable de sa ferveur, à gravir. Chaque mouvement le lançait jusqu'au plus profond de son corps. Chaque saut était un supplice. Et la nature elle-même semblait lui en vouloir. Vent et neige s'étaient entremêlés dans une danse chaotique et revêche, criblant le pauvre loup de toute sa glaciale horreur.

Pourquoi n'avait il pas hérité des ailes de ses ancêtres ? Il ne le savait pas. Mais qu'importe. Cela ne serait qu'une preuve de plus que le plus commun des loups pouvaient agir. Pouvait changer les choses. Car il allait réussit. Il devait réussir. En avait il réellement le choix ? Redescendre était inimaginable. A vrai dire, il ne savait même pas comment faire une fois en haut. Mais ça, il s'en soucierai qu'une fois sur les neiges éternelles, au delà des nuages et des rêves. Au delà de la tempête qui posait ses griffes acérées dans son corps comme dans son être.

Et c'est avec cette pensée qu'il allait poser sa patte sur le tout dernier rocher. Que ses forces, maigres et épuisées, avaient réussies à porter. Comme un message, une étincelle dans les braises vacillantes.

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Pvs : -3/7

Sa patte se posa sur le dernier rocher glacé, et, tant bien que mal, il se hissa sur l'apique rocheux qu'offrait le mont. La neige, brillante, scintillante sous le soleil se levant, domina ses prunelles et les nuages en contre bas, tel un phare pour les étoiles perdues. Il était arrivé. Il avait réussi. Il avait-
Quelque chose glissa sous ses pattes arrières. Inévitablement, il se cramponna à la paroi lisse, se laissant happer par la gravité, le souffle court, les crocs serrés. Non. Non, pas si proche. Pas maintenant. Et pourtant, excédés par tant d'efforts, ses muscles se crispèrent en une dernière pulsation. Contraint par son poids, la roche céda.

Et il tomba.

Ce fut comme si quelque chose avait arrêtait le temps. Quelque chose, ou quelqu'un. L'apique s'éloigna de lui, sa vision ne contemplant plus que le ciel orangé qui se parsemait encore de quelques étoiles, comme un dernier adieu. Il traversa délicatement les nuages, brume épaisse et glacée qui lui voila le monde, avant d'en ressortir, humide, et s'éloignant de plus en plus des rochers. Ou plutôt, s'en rapprochant de manière drastique. Un premier choc dans les côtes le prit au souffle. Le craquement résonna dans ses organes et ses tempes, tandis que, muet de souffrance, il sembla rebondir sous la violence de l'impact pour dégringoler plus bas encore. Un énième accoue le prit dans le dos, entre les épaules, et il lui sembla voir un crachat de sang dans sa vision brouillée par l'agonie. Et il chuta, encore. Encore. Si longue chute et pourtant si rapide. Une dernière impulsion, vague de souffrance, atteignit sa mâchoire inférieure et son torse.

Et plus rien.

Plus de chute.
Plus de vent.
Plus de froid.
Juste la douleur. Son corps massacré, ruisselant de sang. Brisé. Les yeux embrumés de larmes. Muet. Son cerveau envahit par ces soudaines attaques. Paralysé. Dans la neige teintée de rouge, il était là, remerciant presque le monde de lui avoir offert une épaisse couche glaciale comme lit. Pour endormir la douleur. Pour endormir le choc.
Pour s'endormir.

Et à son tour, son esprit chuta dans les méandres.

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Pvs : 1/7

Il entendit une voix. Fluette. Innocente.
Puis une autre. Plus grave. Mais toujours aussi appréciable. Comme un doux rêve dans lequel il s'enfonçait inexorablement. Il sentit de la chaleur. Sur son corps. Sous son corps. Quelque chose de chaud oui, mais aussi de poisseux. Qui semblait agripper, le coller à ce sol. Il s'efforça d'ouvrir les yeux. En vain. Il s'efforça de respirer. En vain.
La douleur dans sa poitrine le piqua. Le sang monta dans sa gorge malmené, ses dents violemment écrasées entre elles. Et il toussa. Il inspira. Il expira. L'odeur métallique dans lequel il baignait le prit aux tripes. La douleur endormie, lentement, se réveilla avec lui. Il gémit. Il s'arqua. Il trembla.

Et il ouvrit l’œil.

Ils étaient deux. Un enfant et un adulte mâle. Au ton qu'ils employaient, aux regards qu'ils s'échangeaient, il était certains qu'ils étaient parent et enfant. Complice même dans les soins. Car désormais, il le sentait. Quelque chose d'apaisant dans toute cette souffrance. Quelque chose qui voulait grandir en lui, étouffer la douleur, pour ne plus être qu'une étoffe de plaisir, de normalité. Mais cette lueur était encore trop faible.
Il eut un spasme lorsqu'il tenta de bouger, incapable de le réaliser. Il avait du mal a respirer, et chaque inspiration semblait lui déchirer poumons et chair. Une douleur lancinante le prenait à la nuque et aux épaules, et il sentait, quelque part, qu'il avait était plus qu'écorché en cet endroit. Il ne restait que sa mâchoire. Endolorie. Mais pouvant bouger. Un simple choc frontal. Sa langue était encore là. Ses dents aussi.

- Qu'est-ce que-

Il chercha son air, tandis qu'il bougea légèrement la tête vers ses deux sauveurs.

- Non- fit il en comprenant qu'ils allaient l'emmener loin. Non... Yurai... Je dois... Je dois les aider.

Il posa son oeil sur l'enfant, puis sur sa perle. Et encore. Encore. Comme pour lui montrer qu'il avait une mission. Qu'il devait rester là. Et juste se reposer.
Oui. Dormir un peu. C'était une bonne idée.

Et il s'enfonça.