Drôle de rencontre [PV Narcisse]

Mère et mère râleraient.

N’avaient-ils pas l’interdiction de s’éloigner de trop loin, seuls ? La queue féline de Narcisse remua doucement, parfaitement détendue malgré l’interdit qu’il bravait. Sheina faisait une de ses siestes de plein jour, la tête à l’envers, si certains trouvaient ça cool, le louveteau lui ne savait pas où se mettre, se sentant trop bien surveillé. Aussi, il en avait profité pour s’éclipser. L’Etelkrus aurait pu en profiter pour s’entraîner à aiguiser ses griffer, à s’endurcir en escaladant toujours plus haut les arbres, mais l’envie ne le prenait guère, préférant en ce jour découvrir le territoire alentour. Ce territoire qu’il ne connaissait pas.

Ce fut lorsque Narcisse aperçut un autre loup, qu’il posa son arrière-train sur le sol. Armé jusqu’aux dents. Seul lui aussi. Pas si vieux que ça comparé à lui. Une apparence plutôt entretenue. Hum…

Les longues oreilles du jeune hybride étaient parfaitement droites, attentives, alors que ses yeux étudiaient son interlocuteur.

Un Lazulis.

Le premier.

Qui le sous-estimait de par son jeune âge…

Bien sûr qu’il était sortie seul, bien sûr qu’il prenait des risques, mais qu’étais-ce face à la beauté de la vie ?

La queue féline de Narcisse remua doucement, parfaitement décontractée, bien que son interlocuteur semblait lui, nettement moins à l’aise. Pourquoi les autres trouvaient-ils le silence si oppressant ? L’Etelkrus laissa échapper un sourire las, jouant avec la terre de ses griffes, se décidant enfin à répondre au Lazulis.

« — Parce que je ne suis pas d’ici. Du moins pas de ton clan. »

Cela lui suffirait-il ? Ou lui faudra-t-il plus de mots ? Ce loup n’aimait clairement pas être le centre de l’attention, peut-être avait-il l’habitude de se fondre dans la masse… Probablement était-il issu d’une fratrie importante si tel était le cas, comptant sur ses frères et soeurs pour ne pas être le centre du monde. Hum…

Un vestige alors.

C’était tout ce qu’était ce loup, un simple vestige du passé, une trace d’une ancienne meute désormais vaincue. Narcisse ne ressentit nulle tristesse à cette pensée, cela lui était complètement indifférent, la faiblesse n’avait pas lieu d’être en ce monde. L’hybride pointa du bout du museau la direction d’où il venait. Le chemin jusqu’au temple de Kiro n’était pas très loin.

« — De l’autre côté. »

Un simple passage, d’un point à un autre, d’une terre fertile à une terre désolée.

La queue féline de Narcy remua doucement, alors qu’il faisait quelques pas, ses griffes s’enfonçant dans la terre desséchée, qui fut probablement jadis riche en eau.

Le loup se veut intriguée par la présence d’un gamin ici. Narcisse ne relève pas, quand bien le fait d’être sous-estimé l’agaçait.

« — Pourquoi, tu comptes t’en prendre à moi ? »

Narcisse planta ses prunelles mauves dans celle du loup qui s’approchait. Il n’avait rien de menaçant à ses yeux.

« — C’est… Ordonné. Toute chose est à sa place, là où il se doit. Mieux que ce qui fut jadis ta meute je pense. »

Un simple constat qui ne voulait offensant, mais on ne savait jamais vraiment comment les étrangers pouvaient réagir.

Les oreilles du louveteau remuèrent à la question de loup équipé d’un armure. Qu’il était étrange.

« — Les Etelkrus ne sont qu’une seule et même famille. »

Le fier petit Etelkrus qu’il était ne pouvait se permettre de dénigrer sa meute, peut-être les valorisait-il un peu trop, mais qu’importe. Un solitaire n’avait pas à connaître les possibles points faibles de ses adversaires.

« — La tienne si ? »

Pourquoi serait-il là sinon, à errer et à causer à un louveteau ?

Hum, dans ce cas il fallait supprimer les éléments perturbateurs.

La queue féline de Narcisse remua doucement, alors qu’il conservait silence à cette remarque. Une famille peut s’entre-déchirer ou mieux déchirer ses ennemis.

L’hybride bondit sur le sol, s’approchant en peu plus de son interlocuteur en l’étudiant avec attention du regard.

« — Pourquoi rester ici, si tu n’as plus de meute qui t’y rattache ? »

Pourquoi ne pas en rejoindre une existante ?

Réparer ce qui fut détruit.

Une quête admirable. Beaucoup devaient partager le point de vue de ce loup, l’idée de l’injustice en ce monde. Pourtant… Pourtant, des fois la nature se portait bien mieux sans la trace d’autrui. Parfois, la nature préférait sa propre destruction pour mieux renaître.

« — La destruction… est parfois un appel à la vie. »

Et non pas une fin à cette dernière.

L’hybride leva la tête vers le ciel, observant les nuages un moment.

De l’eau… Encore et toujours l’eau. Ce sujet semblait l’obséder. À tel point qu’il ne pensait lus qu’à ça ce loup.

« — Pourtant la vie dans les déserts n’a pas disparu… »

Discrète, mais bien présente pourtant… L’Etelkrus se releva, étirant ses pattes engourdies.

« — La vie est déjà là, il suffit de savoir où chercher. »

Sur ces paroles, Narcisse fit volte-face, n’ayant rien de plus à ajouter à cette discussion. Retournant ainsi auprès des siens.