Un jour à effacer de ma mémoire - Joaquin

Il avait connu plus accueillant.
Etait-ce uniquement dû au fait que tout était mort, ou cet endroit était-il aussi lugubre du temps où tout allait encore pour le mieux, ici ?

De prime abord, cet endroit avait tout l'air d'avoir jadis servi de repère à la meute Lazuli — si on y croyait les odeurs surannées qui s'y entremêlaient, glissant, invisibles, entre les nombreuses cavités que comportait la structure. Ce n'était plus désormais qu'un gouffre triste où la poussière se mêlait aux cadavres de rapaces.
Il n'était à vrai dire pas sûr de la démarche. Etablir son camp dans un endroit que n'importe qui pouvait surplomber était-il une bonne idée ? Ce genre d'endroit avait le don de foutre Joaquín à cran, chez lui : c'était typiquement le coin idéal pour tendre une embuscade, aussi s'y aventurer ainsi en total touriste lui foutait les nerfs à fleur de peau. Sans doute que les récents évènements impliquant des arachnides hybridés avec des plantes du désert n'avaient rien fait pour l'aider à appréhender la vie de manière sereine et détendue.
Il continuait néanmoins son exploration des anciennes terres Lazulis, avide de découvrir de nouveaux lieux, et surtout de tromper l'ennui. Ce continent avait beau l'agacer prodigieusement, parfois, avec ses meutes dévouées corps et âmes à leurs foutues divinités, et ses aberrations génétiques, il devait reconnaître qu'elle regorgeait mille et un secrets, dont la source semblait ne jamais tarir.
Et puis, il pourrait peut-être trouver des plumes intéressantes, qui sait. Même si les oiseaux du coin n'étaient clairement pas aussi colorés que ceux de chez lui.

Cela faisait un bon quart d'heure qu'il était descendu dans le gouffre, se coulant parmi les ombres, allant d'une tanière à l'autre, foulant de ses pattes des souvenirs qu'il ne pouvait voir, mais qu'à défaut, il pouvait imaginer. Il était au final assez facile de s'imaginer ce qu'avait pu être la vie ici, par temps de paix et d'abondance. Avec des gamins qui courraient en braillant, passant d'une tanière à l'autre, ses rires et ses pleurs, ses discussions, ses battement d'ailes dans le lointain.
A voir comme ça cette aire de vie désormais dévastée, Joaquín se sentait vaguement mélancolique. Ça ne pouvait que lui rappeler une époque bien lointaine qu'il regrettait amèrement, quand bien même elle n'avait pas été idéale non plus. Un petit bar perché en haut d'une falaise, où les chants allaient bon train, là aussi.
Sentant bizarrement sa gorge se serrer, il battit des cils, s'empressant de chasser des mémoires dont il pensait parfois qu'il aurait préféré les oublier, quand bien même elles étaient ce qu'il avait de plus cher au monde.
Son poitrail se gonfla, ses narines prêtes à laisser s'échapper un long soupir, lorsque l'écho d'une pierre qui roule, quelque part en contrebas, le fit s'arrêter net. Les oreilles dressées, il huma l'air avec attention, et son poil se gonfla. Etelkru.
Quoi que.
La marque de la meute semblaient défraichie, se mêlant étonnamment avec celle des Lazulis, bien plus récente. Intrigué, Joaquín quitta la petite tanière qu'il visitait, et se mit en marche, silencieux. Moins d'une minute plus tard, le voilà qui se perchait sur un haut rocher plat qui surplombait une petite esplanade. Son attention fut attirée par une silhouette recroquevillée en contrebas, et son sang ne fit qu'un tour.
Là, juste en bas, la louve teigneuse qu'il avait sérieusement mis à mal lors d'une petite incursion en territoire Etelkru qui s'était finie de manière brutale, il y avait bien des mois de ça.

Il demeura immobile, silhouette noire au-dessus d'elle, l'observant sans mot dire, et chacun des muscles de son corps commença lentement à se contracter.

La respiration de Joaquín se faisait irrégulière.

Déchiré entre des sentiments contraires, il demeurait de marbre, perché sur son mur de rocaille.
Chacune de ses rencontres avec la louve avait était extrêmement désagréable.
La première fois, il l'avait grièvement blessée, bien malgré lui. Il avait enfreint la seule et unique règle morale qu'il s'était jamais vraiment fixée en s'en prenant à une femelle. Expérience malencontreuse qui continuait de le hanter aujourd'hui encore, quand bien même la douleur que provoquait son souvenir était moins cuisante depuis qu'il avait eu l'occasion de recroiser la route de la louve.
La deuxième fois, elle avait tenté de s'en prendre à lui, avec son père. Dans une période de sa vie où il avait clairement autre chose à faire — pour une fois. Si l'altercation avait été brève — les évènements s'étaient enchainés à une vitesse folle et elle s'était tout simplement éclipsée de sa mémoire, ayant visiblement disparu à un moment, sans qu'il ne s'en rende compte, trop occupé qu'il était à tenter de s'escrimer avec une putain de brèche spatio-temporelle –, elle lui avait une fois de plus laissé un goût amer sur la langue. Il avait cependant pu constater que la gamine était une véritable garce, et si cela l'avait vaguement aidé à se justifier ses exactions de quelques mois plus tôt, au final, le mal demeurait le même.
Il avait blessé une femme.
Ca aurait pu être sa soeur, putain.

Et puis il y avait eu ces retrouvailles surprises avec la petite louve crème de la plage, quelques jours plus tôt. Retrouvailles à la saveur douce-amère, puisque cette dernière avait rapidement confessé s'être faite sérieusement emmerder par ces putains d'Etelkrus.
Elle.
Misiek.
La candeur incarnée. Putain.
Que les Etelkrus s'en prennent à des rustres comme lui était une chose : il savait être de mauvaise foi lorsqu'il le fallait, mais fait était qu'il le cherchait bien.
Mais qu'ils attaquent gratuitement quelqu'un d'aussi fragile, qui plus est elle, ça lui foutait la hargne. Il commençait à ce dire que ces sacs à merde ne valaient strictement rien. Tous des sauvages, autant qu'ils étaient.
Alors il se disait que ce n'était peut-être pas si terrible que ça, s'il s'en était pris à une femelle, après tout, ce n'était qu'une Etelkru.
Aurait-elle fait la part des choses, elle ? Il en doutait sérieusement.

Outre ça il y avait eu ce putain de scorpion dans son terrier, et toute la merde que ça avait engendré par la suite, et petit à petit, à force de laisser les choses s'accumuler sans jamais rien dire ni jamais rien faire, Joaquín commençait à saturer. Et à ce demander si ça en valait vraiment la peine.
D'être gentil.
Enfin, gentil. D'être sympa. Vaguement. De faire des efforts.
Puisque les autres, puisque la vie, n'en faisaient aucun.

Alors il était là, juché sur son promontoire, observant la louve qui avançait maladroitement sur la roche, visiblement loin de se douter de sa présence. Elle faisait une proie si facile. Il lui suffisait de bondir, et il serait sur elle.
Il réalisa que la tentation était grande.
Il réalisa qu'il avait envie de le faire.
Mais il restait en lui cette part de clarté qui le retenait de bondir, tous crocs dehors sans crier gare. Bondir et laisser s'exprimer sa haine. Celle qu'il cuvait depuis trop longtemps. Une haine qui ne s'adressait pas qu'aux Etelkrus : ceux-là n'étaient que les derniers en date à lui avoir sérieusement tapé sur le système. Une haine qui s'adressait à tout ce qui était. Une haine qui prenait sa naissance dans sa plus tendre enfance, et qui n'avait su être tempérée que par la présence rassurante et clairvoyante de sa grand-mère.
Arabella partie, il n'y avait plus rien eu pour le protéger de la cruauté du monde. Et la haine avait pu croître.
Cette clarté, c'était le souvenirs de ses soeurs. D'Arabella, aussi. De vieux restes d'un pays qu'il ne reverrait jamais, vestiges d'une vie décente qui lui était désormais interdite, auxquels il s'accrochait comme il pouvait, comme il se serait agrippé à une bouée, ballotté par les flots du grand chaos qu'était devenue son existence.

Joaquín prit une profonde inspiration, un souffle chaud s'échappa de ses narines.

— Tu es loin de chez toi.

Sa voix rocailleuse résonna dans le gouffre, se répercutant contre les murs, et finit par se perdre dans l'obscurité.

Il la regarda qui se décomposait devant lui, reculant jusqu'à se retrouvée acculée contre un mur. Ombre noire hirsute, demeurait immobile ; ses yeux, eux, restaient résolument fixés sur elle.
Elle semblait bien moins hardie que les deux dernières fois où il avait pu la croiser. La gamine devenait-elle couarde, lorsqu'il n'y avait personnes à ses côtés pour la protéger ?
Agaçant.
Il éluda sa question d'un battement de cils. Ses doigts se crispèrent lentement, le noir de ses griffes allant chercher la pierre sous ses pattes.
Elle était là, ramassée sur elle-même, le poil gonflé, montrant les dents. Elle empestait la peur. Une vision qui l'aurait désolé quelques mois seulement auparavant — et qui l'aurait sans lui aurait sans doute filé une sacrée gerbe s'il avait alors su qu'il en était la cause et qu'il ne faisait strictement rien pour y remédier – et qui le laissait désormais de glace. Pathétique était le seul mot qui lui venait à l'esprit.

— Si tu viens finir ce que tu avais commencer, je te préviens, ce ne sera pas si facile cette fois.

Finalement, l'élément déclencheur.
Un grognement monta rapidement dans sa gorge, bientôt succédé par un aboiement rauque. Joaquín se ramassa sur lui-même et en un éclair il bondissait de son rocher pour atterrir souplement à quelques pas devant elle, distance qu'il commença à raccourcir considérablement en marchant d'un pas lent jusqu'à elle. L'échine hérissée.

— C'est toi y tus compadres qui m'ont attaqué. Les deux fois, gronda-t-il en dévoilant ses crocs, son visage désormais tout proche de celui de la louve.

Mais que faisait-il, au juste ?
Il n'en avait pas la moindre idée. Il ne savait à vrai dire pas grand chose, en cet instant. Il n'y avait plus de pensée concrète ou de rationalité pour venir circuler dans son esprit et court-circuiter le surplus d'émotions négatives qui menaçait à tout moment de noyer le peu de self-control qu'il avait. Il n'y avait plus de mère, de soeurs. Il n'y avait plus Arabella. Femelle ou mâle, cela ne faisait guère de différence — à l'exception peut-être du fait que s'il avait eu un mâle en face de lui, il aurait sans doute déjà attaqué – : tout ce qu'il voyait, c'était un Etelkru.
Par malheur, elle était la première de la meute dont il croisait la route depuis que Misiek lui avait raconté ses déboires avec son clan. Pour ne rien arranger, elle était tout simplement la première personne qu'il rencontrait depuis ses retrouvailles avec la petite louve. L'information était toute nouvelle, la colère était fraiche. Il n'y avait aucune prise de recul. Aucune subtilité, aucune nuance.
S'il s'était mieux contrôlé, s'il avait pu réfléchir, ne serait-ce qu'un tout petit peu, il se serait sans doute interrogé sur l'odeur de la louve, chez qui la marque olfactive des Etelkrus était désormais largement diluée avec celle des Lazulis. Il aurait sans doute également remarqué le léger déséquilibre hormonal qui laissait penser qu'elle était pleine. Il aurait pu se poser des questions, et envisager de laisser à l'autre la possibilité de répondre, possibilité qui lui avait été refusée à lui les deux fois où leurs chemins s'étaient croisés par le passé. Mais il ne voyait rien. Il ne sentait rien.
Il ne pensait pas.

— Tu parais moins courageuse, maintenant que tu es toute seule.

Les mots avaient été soufflés à quelques centimètres à peine de son oreille, dont sa gueule était désormais très proche.

Et toujours pas la moindre réaction de la part de la femelle.

Pas une pique acerbe, pas une insulte crachée à son visage. Pas même ce regard empli de haine et de dégoût qu'elle avait dardé sur lui lors de leur dernière altercation.
Joaquín n'y comprenait plus rien.
Il était là, il était prêt, il était ce jour tout à fait disposé à accéder à ce qu'elle semblait auparavant désirer ardemment : un affrontement. Il était sur la même longueur d'onde qu'elle. Prêt à se plier au rôle de solitaire sanguinaire, sans honneur et surtout sans morale, prêt à être ce qu'on attendait de lui. C'était bien la première fois. Il était prêt à s'abandonner. Tirer un trait sur le peu d'éthique qu'il avait jamais eu. Il n'attendait même que ça !
Mais non, voilà que la louve se remettait à parler, doucement, et sa voix n'était pas colère, non, sa voix n'était pas rancoeur, sa voix n'était que tempérance. Pacifique. Etait-ce encore l'un des tours absurdes qui se jouaient sur ces terres imbibées d'une magie qui décidément lui sortait par les yeux un peu plus chaque jour ? Un revirement brutal de caractère ? Encore un ? Etait-il lui-même en train de changer ? Il n'en avait pas l'impression. Oh, certes, il était actuellement très éloigné de celui qu'il était quelques années plus tôt à peine, de celui qu'il aurait alors voulu être, mais ça n'avait rien à voir avec cet étrange échange à la Passe Ventue, quelques semaines plus tôt, au cours duquel un tour absurde de l'existence les avait conduit, lui et les deux individus en sa compagnie, à se comporter de manière totalement grotesque. Là c'était différent. Là c'était naturel. Ca coulait de source et ça découlait de tout.
Mais.
Elle.
Ne.
Répliquait pas.
Joaquín prit une profonde inspiration, et lorsqu'il expira son souffle était brûlant. Comme ce brasier qui le ravageait de l'intérieur, et qui refusait de tarir.
Ca faisait longtemps que Joaquín ne s'était pas franchement foutu dans la merde. Ca faisait longtemps qu'il n'avait rien fait de stupide, d'inconsidéré, de passablement dangereux. Beaucoup trop longtemps.
Et pourtant elle ne répliquait pas.

— Je ne voulais pas te blesser, articula-t-il lentement. C'est toi qui ne me lâchais pas.

Ses mâchoires se crispèrent et il inspira de nouveau, plus lentement cette fois. La louve faisait mine de pivoter lentement, il le remarqua, mais la laissa faire.
Ce brasier qui ne tarissait pas.
Qu'était-il en train de faire ? Ca n'avait pas le moindre putain de sens. Bordel de merde, Joaquín. C'était ça que tu souhaitais devenir ?
Ce brasier qui ne tarissait pas.
La mine triste de la petite louve couleur crème. Ses cicatrices trop nombreuses, sa fragilité apparente, le soulagement qu'elle avait semblé éprouver en le revoyant. Comme si quelqu'un pouvait être soulagé de le voir, tiens.
Ce brasier qui ne tarissait pas.
Qu'aurait dit Arabella, si elle l'avait vu ainsi ? Qu'auraient pensé ses soeurs en le voyant tomber si bas ?
Ce brasier qui ne tarissait pas.
Nacho se serait sans doute bien fendu la gueule. Voilà ce que tu es. Et voilà comment tu vas mourir.
Ce brasier.
Ces putains d'Etelkrus. Prophètes de destruction. Barbares dépourvu de toute considération. Comment pouvaient-ils s'en prendre à elle ?
Ce besoin qu'il avait de toujours tout foutre en l'air.

— C'était accident, gronda-t-il, la voix rauque.

Et il recula d'un pas.

Et pas une seule fois elle ne faisait preuve d'agressivité.

Cela ne rimait à rien. Le feu finissait pas s'éteindre, s'étouffant lui-même. C'était comme hurler après une peinture en espérant qu'elle vous gueule dessus en retour. Histoire d'avoir un prétexte, pour la déchirer ensuite. Sans trop savoir pourquoi.
Il ne trouvait pas ce prétexte.
Rien qui ne justifie qu'il se montre agressif comme il l'était à présent, en dehors d'éléments extérieurs qui, quand bien même il l'aurait vraiment voulu, n'avaient de prime abord pas de rapport avec elle.
C'était vrai que l'odeur des Etelkrus se faisait fugace sur son pelage, désormais. Elle n'était peut-être même pas au sein de la meute lorsqu'il y avait eu ce problème avec Misiek. Elle ne l'insultait pas. Ne faisait rien de ce qu'elle avait pu faire par le passé, rien de ce qu'il attendait d'elle, en cet instant précis.
Il aboyait après un fantôme.
Et pourtant il avait tellement besoin d'aboyer.

Il se força à prendre une nouvelle grande inspiration, un frisson parcourant tout son corps tandis qu'il réprimait à grand mal la hargne qui le déformait tout entier.
Il accueillit ses mots les mâchoires serrées, plantant son regard sur le sol à ses pattes, luttant pour garder une respiration régulière, étouffer les dernières flammes. Lentement, son poil regagna un volume normal. Pulsant parfois légèrement, comme doté d'une volonté propre, prêt à se hérisser au moindre faux pas. Comme si tout son corps, encore plus que son esprit, désirait la bataille.
Ca faisait longtemps qu'il n'avait affronté personne. Personne qui ne soit loup, en tout cas.

— Je n'attaque pas femmes... maugréa-t-il entre ses dents, le regard toujours rivé au sol.

En étais-tu si sûr, Joaquín ? Tu semblais pourtant prêt à la mettre en pièce il y avait encore quelques secondes à peine. Un grognement se perdit dans sa gorge. Pas pour elle. Pour lui. Ce qu'il était devenu. Ce qu'il se voyait devenir.
Eux.
Tout ce qu'il avait toujours méprisé, ce qu'il avait fui, laissé loin derrière-lui, au pays.
Il devenait comme eux.
Un putain de monstre, enfanté dans la douleur par un désert qui n'engendrait décidément jamais rien de bon.

Au moins en apprenait-il un peu plus sur les raisons qui pouvaient pousser les Etelkrus à se montrer aussi reclus sur eux-mêmes et réfractaires à l'autre. Au solitaire, plus exactement.
Cela ne justifiait cependant pas qu'ils aient pu s'en prendre à la petite louve crème.

Il laissa son regard se balader autour de lui, cherchant à chasser les idées noires qui revenaient de plus belle se bousculer dans sa tête. Fait était que le paysage n'incitait pas vraiment à la détente et à un état d'esprit positif. Tout était tristement mort et désolé, ici. Bien malgré lui, son attention se reporta sur la femelle qui lui faisait face. Quelques mois semblaient avoir suffi à la changer du tout au tout : à présent qu'il avait les idées un peu plus claires, il devait admettre que la différence entre son comportement actuel et celui dont elle avait fait preuve lorsqu'ils s'étaient croisés la dernière fois était plus que remarquable. Son odeur, aussi : il y avait quelque chose qui changeait. Pas dans la marque olfactive du clan Lazuli qui s'était ajouté à celle, maintenant bien faiblarde, des Etelkrus. Autre chose. Hormonal. Il baissa les yeux, tentant de discerner son ventre, en dépit de l'angle qui ne l'aidait guère.
Ah.
Ca expliquait peut-être pas mal de choses.

— Pourquoi tu es ici ? demanda-t-il en fronçant le nez, perplexe.

Ses babines se retroussèrent de nouveau, grimace qui traduisait sa colère et plus généralement le fait que son calme vaguement retrouvé n'était pour le moment qu'apparent, à la première réplique de la femelle. Ses crocs furent dévoilés un instant, puis disparurent presque aussitôt tandis qu'il se bornait de nouveau à planter son regard sur les roches environnantes, après un vague coup d'oeil hargneux dans sa direction.
Dans sa poitrine son coeur s'affolait toujours, faisant pulser le sang dans tout son corps. Ses muscles frémissaient, comme s'ils l'imploraient de se jeter sur elle, de faire quelque chose, à présent que la sonnette d'alarme avait été tirée et que tout son être s'était comme mis en branle, prêt à se livrer dans son intégralité à la bataille.
Mais il ne cèderait pas.
Grattant distraitement le sol de ses griffes, il garda les mâchoires résolument crispées, bataillant en silence contre les pulsions qui agitaient son esprit.

— Pourquoi je ne devrais pas être là ?

Un grondement mourut étouffé dans sa gorge, tandis que ses griffes se plantaient un peu plus vigoureusement dans la poussière sous ses pattes.
Il finit par relever lentement les yeux vers elle à mesure qu'elle se mit à lui conter son histoire, la crispation dans ses traits s'atténuant graduellement au profit d'une certaine curiosité. Ce qu'elle racontait n'avait ni queue ni tête de prime abord, mais depuis qu'il vivait ici, il avait bien vite réalisé que ce qu'il considérait comme la normalité et le plausible s'avéraient ici être des concepts extrêmement restrictifs. Preuve était que tandis que la femelle se retrouvait téléportée sous un dôme magique, lui était plus ou moins aux prises avec des monstres difformes venus d'un monde parallèle au leur, dont il n'avait jusque là jamais ne serait-ce qu'envisagé l'existence, et dont il ne savait surtout pas s'il pouvait se manifester de nouveau à eux ou pas.
Il était surpris de voir la louve s'ouvrir ainsi à lui : il ne s'était pas spécialement attendu à ce qu'elle lui réponde, vu l'aperçu qu'il avait eu de son caractère acerbe par le passé, et encore moins à ce qu'elle se perde dans un récit aussi détaillé.
L'une de ses oreilles s'agita distraitement lorsqu'elle termina son histoire. Il lui semblait cependant qu'il manquait quelque chose : quelque chose qui aurait pu aider la louve à trouver sa voie, selon lui. Et selon le bagage culturel qu'il trimballait derrière lui.

— Où est le père ? demanda-t-il en désignant le ventre de la louve du museau.

Il l'avait dit presque sans réfléchir, et réalisait à présent que ça ne le regardait absolument pas. Et qu'il n'était surtout pas son psy.
Mais cela lui semblait couler tellement de source que les paroles étaient sorties toutes seules de sa gueule, comme mues par une volonté qui leur était propre.
Et au final, pour peu qu'il y pense un minimum, son idée première n'était valide que dans le schéma traditionnel d'un couple comme socle familial. Mari et femme, comme chez lui. Gosses qui en découlaient. Famille. Et c'était reparti la génération suivante.
Au final, il n'y avait peut-être pas de véritable père. Il pouvait être mort. Ou... erh. Ce genre de choses.
A présent il réalisait qu'il avait parlé bien trop vite, et qu'il aurait dû prendre la peine de penser un tant soit peu ses mots avant de les prononcer. Et qu'il aurait juste dû ne pas les prononcer, n'ayant rien à faire avec la louve, n'ayant aucune place dans sa vie et n'en ayant de toute manière guère envie. La situation prenait une tournure qui ne lui plaisait guère. Comment en était-il arrivé là ?
Qu'est-ce que c'était que cette journée de merde ?

A la réaction désarmée qu'eut la louve à sa question, il supposa qu'il ne lui était pas venu une seule seconde à l'esprit que le père de ses gosses pouvait éventuellement être une piste pour l'aider à démêler ses... eh bien, ses tribulations existentielles. Il la regarda sans ciller, tandis qu'elle dardait sur lui un regard interloqué.
Puis il la vit changer, là, juste sous ses yeux.
Un peu comme une méduse agonisante se serait graduellement liquéfiée après avoir été rejetée par la mer sur une trainée de sable chaud. Sans rien pour l'abriter de la morsure acerbe du soleil.
En beaucoup plus rapide.
Balbutiant des mots épars, visiblement aux prises avec elle-même, avant de finalement relever le nez vers lui, estomaquée, presque accusatrice.
Il se contenta de hausser vaguement les épaules, l'affolement manifeste de la louve épongeant littéralement son énervement, ne laissant plus qu'une profonde perplexité là où quelques instants plus tôt sévissait encore une tempête d'émotions négatives et dévorantes.

— Ce n'est pas à moi qu'il faut demander ça, je n'y suis pour rien.

Dieu merci.

Etait-il sûr ?
Assez, quand même. Il avait eu l'occasion de voir des louves enceintes au pays, et avait grandi entouré par des filles, son oeil et plus globalement sa perception étaient par conséquent assez affutés lorsqu'il s'agissait de noter des variations chez les femelles. Et dans la mesure où il s'agissait là pas seulement d'une fluctuation hormonale mais également d'une manifestation physique — oui, son ventre était légèrement enflé, donc c'était soit ça soit elle était dans un état de dénutrition assez prodigieux, ou quelque chose du genre –, il était peu probable qu'il s'agisse d'une grossesse nerveuse.
Elle avait l'air remarquablement pleine, en somme.
Et remarquablement dans le déni, aussi.
Pas besoin de jouer les mijaurées avec lui. Il venait certes d'un pays extrêmement conservateur avec une vision particulièrement rétrograde de la condition féminine et du comportement idéal attendu des femelles, mais il s'estimait relativement plus avancé que ses compatriotes sur ce sujet-là. Force était de reconnaître qu'il avait eu la chance d'être élevé par une mère et une grand-mère très libertaires et absolument pas disposées à se soumettre au diktat du patriarcat tel qu'il était établi dans son Canyon depuis moult générations, et à même de vivre leurs vies telles qu'elles l'entendaient grâce à la protection des autres mâles de la famille dont elle bénéficiaient qu'importent les circonstances. En somme et contre toute attente, un terrain propice à l'ouverture d'esprit. Pour peu qu'on ait été un petit mâle un tant soit peu intéressé par la question féminine et plus généralement ce qui se passait chez les filles : ce qui était le cas.

Quoi qu'il en soit, au vu de la mine déconfite de la femelle en face de lui, cette grossesse était inattendue. Réaction un peu naïve. N'était-elle pas au courant que certaines actions, menées une certaine partie de l'année, avaient de très fortes chances de mener à une portée ?
De manière assez puérile, il songea que le pauvre bougre qui l'avaient — involontairement ? – engrossée risquait de s'en mordre les griffes, vu le sale caractère dont elle était capable de faire preuve.
C'était dans ce genre de moment qu'il se disait que sa vie était quand même bien sympa, dans le fond. Il faisait des conneries, il était banni de chez lui, et il manquait régulièrement de crever, mais au moins il n'était pas un pater familias, avec ses devoirs et ses contraintes, sa bonne femme toujours sur le dos et sa tripotée de marmots braillards pour lui courir sur le haricot à toute heure du jour et de la nuit.
Ah, qu'il était bon d'être libre.

A mesure que la louve semblait s'adonner à un débat intérieur, la perplexité de Joaquín grandissait. Il lui paraissait assez fou d'être à ce point dans le déni quant à quelque chose d'aussi trivial, néanmoins, lorsqu'elle se mit à baragouiner quelque chose comme quoi la grossesse actuelle n'avait pas lieu d'être puisqu'elle ne résultait d'aucun ébat avec qui que ce soit, ses traits se crispèrent.
C'était. Un. Sketch.

Il était bien une louve dans l'Histoire que Joaquín connaissait comme ayant enfanté sans le moindre rapport sexuel au préalable, et le gosse de cette dernière était celui-là même autour duquel avait été bâtie la putain de religion monothéiste qui gangrénait désormais son pays après y avoir été apportée par les colons, bien, bien longtemps avant qu'il ne vienne au monde. Il n'avait jamais vu dans cette histoire que des sornettes, la plus belle arnaque de l'histoire, qu'elle ait été inventée par un gosse mythomane en mal de reconnaissance et potentiellement déçu par son propre paternel, ou une femelle volage désireuse de cacher à son mari — crédule, ou sérieusement porté sur le déni lui aussi – ses infidélités.
Et voilà qu'on lui faisait le coup.
A lui.
Lui, le mec qui bavait tout son saoul sur cette putain de chrétienté, à ses yeux la cause de la plupart des malheurs du monde, ou en tout cas du sien.
Un prêtre lui aurait sans le moindre doute dit qu'il était par là-même le candidat parfait, un être parjure et pécheur, mis ainsi face au divin par un Dieu décidément très taquin.
Il aurait probablement bouffé le prêtre en question par la suite, incapable de supporter d'être associé à pareille bêtise.
Voilà qu'il se trouvait face à la Nouvelle Vierge Marie.
Il en aurait grogné de colère si l'absurdité de la situation n'avait été aussi grande.
Pouvait-on imputer cette potentielle grossesse spontanée aux divinités locales, qui étaient apparemment bien plus tangibles que l’Idole invisible et chimérique qui faisait se hérisser de croix blanches les falaises de sa patrie ?
Les enfants étaient déjà un terrible contrecoup des plaisirs charnels, si on risquait désormais de s'en coltiner sans même avoir la possibilité de tirer un coup auparavant, il y avait de quoi se demander si la vie valait véritablement la peine d'être vécue.

Il réalisa alors que la louve attendait quelque chose de lui. Ses dernières paroles, enregistrées inconsciemment par son cerveau tandis qu'il cogitait, étaient ponctuées d'une inflexion laissant clairement comprendre qu'elle lui avait demandé quelque chose. Les sourcils froncés, il s'extirpa du tumulte intérieur de ses pensées, se remémorant ce qu'elle avait bien pu lui dire.

— Joaquín, finit-il par répondre après quelques secondes encore.

Il réalisa alors qu'il ne connaissait lui-même pas le nom de la louve.

— Et toi ?

Puis, après une nouvelle hésitation, il ne put s'empêcher de demander :

— Tu n'as pas eu... rêves raros, ou quelque chose comme ça ? Loup avec ailes qui te parle ? Grande lumière ? Buisson qui brule ?

Autant explorer toutes les possibilités. Il espérait juste sincèrement que ça ne soit pas le cas : auquel cas, il pourrait envisager qu'il s'agisse-là d'une énième bizarrerie de ce monde, ou juste effectivement d'une petite blague de ses Dieux — après tout, elle discutait présentement avec lui, son ennemi intime, qui plus est un étranger et plus généralement le Grand Adversaire de sa meute, sans agressivité et même avec une forme inattendue d'ouverture à l'autre. Tout, mais pas une potentielle manifestation mystique qui aurait pu prouver que l'une des valeurs principales sur lesquelles il avait choisi de bâtir sa vie... aurait pu être fausse.

— Buisson qui brûle, corrigea-t-il, la suivant attentivement du regard tandis qu'elle s'approchait.

Son esprit lui soufflait de fuir, décamper sans jamais se retourner, de mettre la plus grande distance possible entre lui et cette démone porteuse de promesses qu'il ne voulait entendre pour rien au monde, mais bien entendu, il ne bougea pas. Se raidissant tout au plus légèrement à mesure qu'elle comblait le vide qui les séparait, trop fier pour jamais battre en retraite, et ce quelles qu'en soient les conséquences, tant sur sa santé physique que sur le peu d'équilibre mental qu'il avait jamais réussi à se construire.
Car ce n'était pas comme ça qu'on faisait, chez lui.
Mais ce qu'il aurait voulu décamper, en cet instant précis. Jurant intérieurement, maudissant cette sombre idée qu'il avait eue de venir explorer ce trou sombre et poussiéreux aujourd'hui même, il la laissa venir.
Il ne savait pas trop pourquoi tout cela le chagrinait tant. Ça n'était pas ses affaires. Ça ne le concernait en rien du tout. Peut-être parce que ça faisait écho à des choses qu'il exécrait de tout son être depuis bien des années, des fantômes du passé qu'il aurait franchement souhaité ne pas réveiller. Quand bien même d'une certaine manière c'était de bonne guère, que la femelle le tourmente ainsi après ce qu'il lui avait fait endurer bien malgré lui.
Peut-être parce que tout allait au final assez bien pour lui, quelques heures plus tôt, quand il était consumé par la haine et qu'ils n'étaient qu'ennemis.
A présent, quoi ? Elle se confiait à lui comme s'il était autre chose que le sombre connard qui avait tué son mentor et manqué de lui ôter la vie à elle aussi. Alors qu'il se trouvait sur son territoire.
Ca n'avait pas le moindre sens.
Tout était bien plus facile, quand on choisissait de ne voir la vie qu'en noir et blanc.
Pas de prise de tête. Etre sympa, éventuellement neutre, ou attaquer.
La vie était si simple, au pays. Il savait au moins quoi attendre des autres. Quoi attendre de la vie.
On ne pondait pas des gosses sans copuler, putain.

Son poitrail enfla et il laissa échapper un long soupir. Si la situation avait connu une désescalade drastique, son esprit demeurait agité suite à sa dernière rencontre avec Misiek. Les pensées confuses se bousculaient dans son esprit, lui-même peinait à suivre le fil. Tout irait sans doute mieux après une nuit de sommeil.
Ou un bon combat. Il irait chercher quelque chose de dangereux à tuer quand il se serait tiré d'ici, peut-être. Ca aurait le mérite de le refroidir et de lui clarifier les idées.
Il en arrivait presque à être frustré qu'elle n'ait pas ramené un autre Etelkru endoctriné dès son plus jeune âge avec elle. La situation aurait pu être toute autre. Il pourrait avoir du sang sur la langue, en ce moment-même. Des estafilades sur le corps, une douleur vive pour l'ancrer dans le réel, et chasser ces pensées idiotes qui lui faisaient bourdonner les oreilles.
Il aurait même pu être mort. Même s'il en doutait franchement.
Ca aurait, dans tous les cas, toujours mieux valu, même si la perspective de ne pas recroiser la petite louve crème et l'étrange solitaire à poils ras, pour une raison qui le dépassait, suscitait chez lui une vague amertume.
Partir sans ne jamais avoir rien bâti. Triste destinée d'un gamin au pelage noir dont le seul accomplissement avait jamais été de détruire tout ce qu'il touchait.

— Demande à tes Dieux, souffla-t-il, non sans un certain agacement. Si quelqu'un est responsable de ça, c'est probablement eux.

Voilà ce qu'il advenait lorsqu'on se frottait à des choses qui n'avaient pas leur place dans notre monde.
A vouloir plus que les autres, on finissait toujours perdant.
Il ne se fierait jamais qu'à ses muscles et à son esprit affûté pour s'en tirer. Ces pouvoirs dont ils étaient si fiers n'étaient qu'un écran de fumée visant à dissimuler le chaos et l'absurdité qu'ils autorisaient ces prétendues divinités à faire entrer dans leurs vies en choisissant de se soumettre à eux. Ils n'étaient que des pantins destinés à amuser une brochette de créatures capricieuses, esclaves de leurs maudits glowsticks, et le pire étaient qu'ils étaient incapables de réaliser à quel point cela les rendait faibles.

Elle lui semblait bien trop proche.

Bravant toute logique, la femelle se trouvait à quelques centimètres seulement de lui. Lui, qui refusait de lui accorder le moindre centimètre, de tressaillir, de se pencher ne serait-ce que d'un soupçon vers l'arrière.
Même s'il en crevait d'envie.
Même si tout son être lui hurlait de le faire.
Il ne ploierait pas. Il romprait s'il le fallait, mais il ne battrait jamais en retraite. Que ce soit devant elle ou devant qui que ce soit. Ca lui était tout bonnement impossible. Ce n'était tout simplement pas dans son conditionnement.

Ses babines frissonnèrent, menaçant de dévoiler ses crocs en un rictus de dégoût lorsqu'elle mentionna ses Dieux — c'était bien là la pire insulte qu'on ait pu lui faire, et elle lui décochait comme ça en pleine gueule, empiétant sans le moindre ménagement dans son espace intime, sans paraître réaliser le caractère grotesque de ce qu'elle venait de lâcher, n'envisageait-elle tout simplement pas qu'on puisse ne pas avoir de Dieux, car les Dieux, bordel, n'étaient que de vastes affabulations tout juste bonne à bercer les plus faibles dans la douce illusion d'un monde où leur existence ne serait pas vaine ?
Il se fit violence pour demeurer stoïque, bloc de granit à l'allure austère et peu avenante, de laquelle elle se tenait résolument
Bien trop proche.
Un soupir brûlant s'échappa de sa gueule lorsqu'elle mentionna celui qui était à n'en pas douter son Personal Jesus à elle, battant des paupières pour chasser l'affliction et l'agacement que cette nouvelle phrase avait suffit à faire monter en lui, pestant intérieurement contre son incapacité à faire preuve de self control. A rester détaché de tout ça. A demeurer de son côté de la ligne. Les affaires de cette louve ne le regardaient pas. Qu'elle se vautre dans l'ignorance et le déni tant qu'elle le voudrait, qu'elle y crève, même : ça ne changerait rien à son quotidien. Un quotidien bien morne, bien terne, mais libre de toutes ces fadaises.
Sans poudre aux yeux.

— Si je ne peux plaider ta cause au près des miens, je n’oublierai pas ce jour.

Pas de rancoeur cette fois-ci pour venir l'agiter de l'intérieur, bien au contraire. Une absence totale de réaction. Stupéfait, Joaquín coula ses yeux jaunes dans la direction de la louve qui s'en allait. Silhouette s'effaçant lentement dans la pénombre pour ne bientôt être plus qu'un souvenir dont il ne savait plus trop quoi penser, elle le laissa pantois un long moment, à se demander ce qui avait bien pu changer, à quel moment, et à quel point, pour qu'elle en vienne à le quitter sur ces mots. Peut-être parce qu'aucun coup de crocs n'avait été échangé, même si l'envie l'avait salement démangé. A moins qu'en se réalisant future mère elle ait eu ce fameux déclic pourvoyeur d'une infinie sagesse et d'une résilience à toute épreuve que le sacré patriarcat attendait de toutes les femmes.
Il se demanda s'il la reverrait un jour, espérait sincèrement que non, même s'il ne pouvait s'empêcher de se demander à quoi pourrait bien ressembler son enfant mystère, catapulté tout droit des cieux dans un monde hostile et aliéné dont il se serait probablement volontiers dispensé, même s'il ne le savait pas encore.
Pauvre gosse.