L'étrangère venue de la mer [Ft Cendres & Eva]

« L'étrangère venue de la mer »
Mavis

Elle avait été beaucoup plus loin que prévu, ce jour là. Il y avait eu une tempête près de l'île, comme l'avait menacé Céto et Mavis n'en avait fait qu'à sa tête et elle était quand même aller se jeter dans la mer. L'eau.. C'était un besoin vital pour elle, elle ne pouvait se résoudre à passer plus d'une journée sans que son corps ne se soit baigné dans le liquide salé de la mer. Le ciel était chargé près de l'île et noircissait la mer, les poissons fuyaient les côtes de Morn Oeil et elle les avait suivi jusqu'à.. Jusqu'à cette île étrange où le soleil réapparaissait. Elle ne reconnaissait rien autour d'elle, ni les terres, ni même les poissons. Comme c'était étrange.. Et fascinant ! Elle s'approcha de la terre avec lenteur, sa tête dépassant de l'eau comme celle d'un dauphin puis peu à peu alors que ses pattes touchèrent le sable, son corps d'hybride se découvrit, d'abord sa poitrine, puis son ventre, ses pattes et enfin sa longue queue... Elle s'ébroua, redressa son bandeau et sa mèche au dessus de ses yeux vermillons et vérifia que personne n'était dans le coin.

Bon et bien, c'est parti pour l'aventure..

Elle longea la plage et admira des oiseaux qui se battaient pour un poisson, c'était un peu comme son île finalement.. Mais il y avait quelque chose de lugubre dans l’atmosphère, une petite brume inquiétante stagnait au dessus du sol et faisait monter l'angoisse dans son petit cœur.

Mavis

Ses prunelles vermillons analysèrent au loin les silhouettes sombres de vieux édifices inconnus, ils étaient si grands que si elle s'approchait elle se sentirait comme... Un vulnérable bébé crabe. Mais Mavis était curieuse, peut-être qu'il s'agissait d'une nouvelle découverte et qu'elle pourrait ramener un souvenir à sa famille, alors elle accéléra le pas. Plongée dans ses songes de princesse, elle s'imaginait déjà revenir avec un gros trésor et illuminer le regard des autres pirates. Elle s'imagina les billes éclatantes de Skavel lorsqu'il verrait son butin.. Il serait peut-être même jaloux.

Une voix l'arracha à ses rêveries et elle se figea soudainement comme une statue coupée de son mouvement. Ses oreilles se couchèrent derrière son bandeau et sa queue s'enroula en dessous ses cuisses. La première réaction qui jaillit dans sa tête fut sa propre voix criant «  Une continentale ! » et elle recula doucement vers la mer, le regard bloqué sur l'étrangère.
Non Mavis, pas question de faire ta peureuse encore une fois. T'es plus une mioche bordel.

Comment savez vous que je...

Ses arcades s'abaissèrent sur ses grandes prunelles et elle plissa les paupières, méfiante et un peu hautaine. La Corneille.. N'était-ce pas une déesse ça ? Ce nom lui rappelait quelque chose...

C'est ton capitaine cette... Corneille ?

Elle détailla la continentale et réprima un cracha en voyant ses ailes.. Ça lui rappelait un peu trop ces maudits piafs qui voulaient becter les poissons. Parfois ils la confondaient avec l'un d'eux et lorsqu'elle traînait trop près de la surface ils venaient lui picorer la tête, arh !

Mavis

Pour reconnaître l'odeur d'un des siens il fallait que la louve en ai déjà croisé, pour sûr. Donc elle devait sûrement connaître l'un des siens, et cette hypothèse était suffisante pour attirer sa curiosité. Barth ? C'était donc lui ? Il était déjà venu sur le continent ? Mavis plissa doucement les yeux et recula une patte, la mer vint aussitôt l'engloutir et elle s'enfonça dans le sable.

C'est mon frère oui.. Comment tu le connais ?

A première vue cette étrangère semblait honnête quoi que son petit air malicieux ne lui inspirait pas du tout confiance. Elle semblait amochée avec ses cicatrices sur ses ailes, elle avait donc été au centre d'un conflit et Mavis préférait les éviter, elle. Ses yeux s'arrondirent soudainement lorsqu'elle prononça le nom de sa meute, elle venait de comprendre où elle était tombée. N'était-ce pas la « meute » qui a arraché certains des siens à la mer ? Ils avaient quitté leur famille pour.. cette corneille ? C'était qu'une rumeur mais peut-être qu'il s'agissait bien de sa meute.

Cette.. Corneille.. Vaut-elle mieux que notre capitaine ?

Son museau se plissa un court instant avec dégoût et jalousie alors qu'elle releva un peu plus la tête. Elle redevint neutre en observant le bébé qu'elle portait sur son dos, il semblait si innocent. Mavis adorait les enfants, elle en était toujours une dans son cœur et dans sa tête, mais c'était la première fois qu'elle en voyait un aussi petit. Dans sa meute il y en a tellement peu.. Voir plus du tout en fait, elle fait partie des plus jeunes avec sa fratrie et Skavel.

Mavis

Les côtes de Nacre.. Cet endroit lui était inconnu et pourtant beaucoup des siens semblaient y être aller, peut-être ira-t-elle plus tard elle aussi alors. Cette étrangère connaissait beaucoup des siens aussi, et pour qu'elle connaisse leur prénom c'est qu'ils devaient avoir confiance en elle. Elle détendit doucement sa queue derrière elle et baissa un peu la tête, le regard toujours braqué sur la Nhakus. Mavis était de ceux qui prônent les sacrifices et qui défendent les siens même dans leur connerie. Les continentaux ont tellement de privilèges.. Pourquoi eux sont maudits et isolés ?

Elle haussa des épaules, indifférente à la politique du continent.

Je fuis la tempête, nous n'avons pas tous la chance d'avoir une déesse compréhensive pour nous protéger.

Elle s'avança d'un pas, un peu hésitante mais curieuse en voyant la petite chose bouger.

Il a quel âge ton gamin ?

Mavis

Et peut-elle en causer, des tempêtes ? Interrogea la pirate en détournant pour la première fois son regard de l'étrangère pour le poser sur les nuages sombres qui planaient de l'autre côté de la mer. Les tempêtes qui menaçaient leurs côtes n'avaient rien d'ordinaires, elles étaient causées par Céto pour les punir et les isoler davantage.

Puis elle tourna son attention sur la grande bâtisse qui n'était pas très loin, cette immense tas de pierres était donc une bibliothèque ? Mavis ne savait pas lire, ce n'était pas donné à tous le monde ce genre d'éducation. La remarque de l'enfant lui fit dresser les oreilles et elle plongea ses billes vermillons dans l'or rayonnant de ses prunelles.

Je me méfie de ceux que je ne connais pas, c'est tout. Je n'ai pas l'habitude de croiser des continentaux.

Elle fronça légèrement les sourcils.

Ta maman ne t'a jamais appris à te méfier des étrangers ?

Elle leva ses yeux sur la louve ailée et se mit à sourire d'un air espiègle.

Je ne sais pas lire mais je peux quand même visiter..

Mavis

Ah en voilà des manières, sur-protéger son enfant et le surveiller sans cesse.. Comment pouvait-il apprendre les épreuves de la vie dans ces conditions ? Mavis elle, avait passé son enfance seule et parfois accompagnée de sa fratrie mais sinon elle avait appris seule la plupart des choses. Avec une mère décédée et un père débordé.. Et puis chez les pirates ils étaient élevés à la dur. C'est qu'il devait bien s'emmerder ce gamin si sa mère le couvrait tous le temps. Elle haussa les épaules et roula son regard sur le lieux de leur destination. Elle suivit la disciple violette en restant à une distance respectable, gardant un œil sur la mer qui serait son chemin de retour.

Elle est sûrement plus magnanime que Céto alors. Conclut-elle d'une voix un peu songeuse.

Tout en avançant, elle écouta et répondit avec honnêteté :

Peut importe le nom que porte notre ennemi, si il nous menace ou nous insulte nous n'hésitons pas à l'éliminer.

Elle plissa les yeux, le regard toujours posé droit devant elle. Elle n'était pas très combative elle, elle préférait laisser les autres se battre et prodiguer des soins dans le pire des cas. Pour ça il lui faudrait déjà apprendre la médecine.. Peut-être que cette endroit avait des connaissances là dessus.

Je m'appelle Mavis.

Elle rendit son regard au petit qui la fixait étrangement et se mit à sourire, se méfiait-il d'elle ?

Je serais ravie de pouvoir apprendre.. Mais ne te force pas à le faire si tu as d'autres occupations, je me débrouillerai autrement..

Elle n'était qu'une étrangère venue de la mer après tout, pourquoi voudrait-elle lui accorder son précieux temps ?

Mavis

Elle entra la première — bien qu'avec méfiance — et constata avec émerveillement les étagères de livres ainsi que les décors grandioses qui habillaient les murs. Tout était si.. chaleureux et minutieux qu'elle avait l'impression d'entrer dans un château comme elle en avait entendu parlé dans les comptes pour enfant. La tête relevée à s'en faire craquer la nuque, elle observa tout ce qui l'entourait avec fascination. Ses oreilles remuèrent en guise d'attention aux paroles de la disciple violette mais elle ne répondit pas tout de suite, bien trop concentrée à admirer la grandeur de ce lieu et les livres de toutes les couleurs qui peignaient les murs.
La voix de l'enfant la tira de sa rêverie et elle posa ses prunelles vermillons sur sa mère qui regardait déjà un livre. Mavis hocha la tête pour accepter et suivie les deux Nakhus jusqu'à la cheminée où quelques coussins annonçaient une ambiance sereine et conviviale.

Euh.. Et bien..

Elle fixa le coussin un instant puis s'assit dessus, c'était si confortable qu'elle avait l'impression d'être sur un duvet de mousse et ça lui donnait envie d'y dormir. Sur leur île il n'y avait aucun confort.. Ils étaient habitués à dormir sur du sable ou de la terre.

J'aimerai beaucoup apprendre la médecine mais pour apprendre à lire je ne suis pas sûre que ce soit le plus facile..

Mavis

Elle n'eut pas vraiment le temps de la retenir que la disciple violette s'était dirigée vers les étagères et Mavis la suivit du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse. Ses prunelles vermillons revinrent vers le petit et elle baissa les oreilles lorsqu'il s'approcha. N'avait-il pas peur d'elle ? L'idée qu'il pouvait la prendre pour une amie lui réchauffa un peu plus son muscle dans sa poitrine et elle se mit à sourire timidement à son tour.

Oui.. Bien sûr. 

C'était un peu gênant comme situation, un môme qui allait lui apprendre des trucs. Heureusement personne n'était là pour voir ça.. Ils se foutraient tous de sa gueule sur Morne Oeil. Mavis se coucha pour se mettre à la hauteur du lardon et sa queue s'enroula comme un escargot près de son flanc. Elle pencha la tête vers le livre qui lui était tendu et attendit les instructions en admirant ces symboles étranges. La chaleur du feu n'était pas désagréable et son crépitement était plaisant à écouter en arrière plan.

Mavis

Ses sourcils se froncèrent légèrement lorsqu'elle observa l'image montrée par l'enfant. C'était bel et bien une ancre comme il venait de le prononcer mais il semblait ignorer sa forme et son utilité. N'avait-il jamais vu de navire ? Pas étonnant lorsque l'on vient du continent..

C'est ce qu'on utilise pour arrêter notre navire et pour l'immobiliser. C'est très lourd et on doit être parfois à plusieurs pour le balancer dans l'eau.

Elle espérait qu'il comprenne, elle n'était pas très douée pour expliquer les choses. Au moins il apprenait des choses tout autant qu'elle et ça la réconfortait de garder le rôle de l'adulte. Elle serra sa patte près de l'autre et jeta un regard derrière son épaule. Eva semblait avoir complètement disparue dans les allées. Cela ne la rassurait pas vraiment car elle préférait garder un œil sur elle au cas où elle voudrait lui tendre un piège. Au moins si elle tentait quoi que ce soit, elle avait l'enfant comme otage à portée de crocs bien que cette idée soit à l'encontre de ses valeurs. Son regard se reposa sur le livre pour essayer de chasser sa nervosité et elle fixa la seconde lettre ainsi que l'image qui l'accompagnait. Il s'agissait d'un fruit jaune et long avec une peau épaisse que l'on épluche. Une autre sur le côté représentait un objet rond, troué et couvert de rayures rouge et blanche.

Une Banane.. Une Bouée..

Elle accentua la prononciation de la première lettre pour essayer de la deviner.

Mavis

En constatant l'émerveillement du petit, Mavis se mit à sourire avec plus de chaleur. Surtout quand cela concernait ses origines, elle était plus fière et plus bavarde, il y avait tant à raconter !

Oui il est gigantesque, mais il est un peu amoché on doit terminer de le réparer avant de pouvoir le refaire naviguer. C'est qu'il est plus vieux que toi et moi réunis !

Son regard pétilla alors qu'elle visualisait l'immense bateau.

Peut-être un jour, qui sait.

Elle se reconcentra sur le livre et répéta les lettres prononcées par Cendres à voix basse. L'atmosphère sembla se détendre un peu mais Mavis resta encore un peu sur ses gardes. Lorsque le nom de Lewis fut prononcé le visage de Mavis se raidit et elle n'afficha plus aucune gaieté. Ce nom là faisait partie de ceux gravés dans la pierre des traîtres alors il n'évoquait rien de bon pour elle.

Crabe.. Le plus gros que tu as vu faisait quelle taille ?

Mavis était à moitié poisson et elle pouvait respirer sous l'eau, elle avait donc l'habitude de côtoyer les habitants de la mer et elle avait vu les plus gros ainsi que les plus rares dans les profondeurs de la mer. Cette traître de Lewis n'y connaissait rien elle.

Mavis

Ne t'en fais pas pour ça, il est robuste et obstiné ce Navire.

Car il avait un âme mais ça, le petit ne pouvait pas le savoir.. C'était quelque chose que même Mavis n'était pas certaine de comprendre.

Moi non.. Pas encore. Mais j'ai hâte de voir les grandes voiles fouetter le vent et le faire avancer sur les vagues !

Dans les histoires qu'on lui avait raconté, c'était vraiment extraordinaire comme expérience à vivre. Les vagues qui se brisent sur la coque, les voiles qui sifflent et qui se gonflent contre les bourrasques, les cordages et les poulies qui tintent, cette sensation d'immense liberté et de liaison avec la mer lorsque nos poumons se remplissent d'air iodée.
Mavis s'était imaginée de nombreuses fois dans un de ces scénarios et elle en rêvait même souvent la nuit, c'était là l'atout majeur des pirates et leur fierté.

Un Tourteau ? C'est gros oui c'est vrai, il y en a de plusieurs tailles aussi.

Elle examina la taille que le petit tentait de montrer entre ses pattes écartées et en conclut que Lewis était pas si nulle que ça.

Le plus gros que j'ai vu était presque plus grand que toi et il ressemblait plus à une araignée. Ses pinces son si grandes qu'elle peuvent te casser des os !

Heureusement pour elle que cet animal restait dans les fonds marins et qu'il était rare. Elle examina l'autre lettre qui s'afficha sur la page d'à côté ainsi que les images.

Un D-dauphin.

Mavis

Elle le regarda, un peu surprise.

Je n'ai pas dit qu'il le ferait, mais qu'il peut le faire. C'est donc une possibilité à ne pas écarter, au moins tu sais de quoi il est capable et tu peux appréhender, comme pour les autres prédateurs.

Bien qu'elle doutait qu'il puisse en rencontrer un jour. Ce genre de spécimen ne se montre presque jamais, ils préfèrent la noirceur des profondeurs.

Son regard se posa sur le livre pour observer l'image, l'air pensive.

Non.. Jamais. Mais un jour peut-être, à force de voyager dans chaque recoins de la mer.

C'est qu'ils étaient incroyablement beaux et rapides d'après les histoires qu'on lui racontait. Peu de pirates en avaient vu pourtant.. Elle se penche sur l'image suivante.

Waw c'est donc à ça qu'ils ressemblent ! J'en ai entendu parlé mais jamais vu. Ils vivent plutôt dans les eaux froides eux.

Elle leva ses prunelles sur le jeune garçon.

Tu sais nager toi, au fait ?

Mavis

La grève gelée.. Ce nom lui était encore inconnu. Bien que son corps soit adapté à supporter la température froide et l'humidité des eaux, elle n'avait encore jamais plongé son corps dans une eau de glace. Ce genre d'endroit était réservé aux animaux polaires, elle n'y avait pas sa place. Elle observa le pelage étrange du gamin et releva une babine en guise de grimace déçue.

Je vois.. C'est dommage.

Bien qu'il n'avait pas d'ailes comme sa mère, il tenait de son plumage.. Il était un volatile en quelque sorte lui aussi, et sûrement un de ceux qui chassent dans la mer. Cela faisait donc d'eux des êtres totalement opposés.

Euh et bien.. Tous les pirates savent nager, parce qu'on est reliés à la mer. Mais si jamais l'un de nous devait être handicapé.. Et bien il n'est pas exclu pour autant.

Elle repensa à son père, Creek. Lui, il avait une patte de bois et ça l'handicapait beaucoup pour nager.

Heureusement nous avons notre Navire, qu'importe notre état ou le temps, nous pouvons toujours voyager sur la mer grâce à lui.

Elle sourit calmement, puis elle se leva et détendit sa longue queue d’hippocampe derrière elle. Ses prunelles tournèrent vers les rayons de livres où la louve noire et blanche s'était éclipsée.

Je pense que je devrais y aller maintenant.

Elle baissa son doux regard sur l'enfant.

Je peux l'emprunter ? Je le ramènerai dès que je l'aurai fini c'est promis.

Et qui sait, peut-être qu'ils se reverraient..