J'ai rencontré un démon ✩ Nocera

Spoiler:

Elle cherchait Sobieski, car après être rentrée et s'être écroulée dans un coin seule pour une fois, elle voulait le retrouver et renouer avec lui. Le distance entre eux ne l'inquiétait plus, mais il lui manquait malgré tout encore. Dans ce besoin de proximité, elle avait rallié la bibliothèque, presque sûre de pouvoir l'y trouver s'il n'était au dédale ; il s'agissait là d'un de ses endroits de prédilection. Famine derrière elle observait joyeusement, pendant qu'Étoile s'était logé dans les plumes de sa capeline. Deux vies désormais qui l'accompagnaient.
Et ce n'était pas finit.
Sur sa route, dans la Vallée des murmures, elle avait trouvé un autre œuf. Ces apparitions de créature presque coup sur coup lui avaient fait initialement tourner la tête. Elle n'avait su si elle devait prendre cet œuf ou non, mais seul au milieu de l'herbe, loin d'un abri, d'un nid ou encore même d'un terrier elle... n'avait pu s'y résoudre. Elle avait blâmé son récent instinct maternel envers Étoile, et avait enroulé et attaché l’œuf dans sa longue queue. Ainsi il flottait au chaud et elle n'avait aucun problème à le transporter. Elle avait réellement hâte de montrer à son frère ces créatures fraîchement trouvées.

Au détour d'un rayonnage, elle perçut la voix de son jumeau.
Elle sentit ses oreilles tressaillir à ce son, et une vague de chaleur et de sérénité arriver sur elle. Quand elle captait les voix de ses proches, elle se sentait enfin, enfin de retour chez elle. Auprès des siens était sa demeure, pour toujours. Elle commença à trotter, incitant Famine à forcer le pas également, pour aller le rejoindre et enfin découvrir son visage.

Quand une lumière jaillit.

Aveuglée un instant, elle ferma les yeux et se stoppa. Ses paupières papillonnèrent de longues secondes durant pour chasser l'emprunte de cette éclat soudain. La vue à peu près retrouvée, elle posa quelques pas incertains, ne pressentant pas de danger de par l'absence de réactions de sa goule. Méfiante, elle passa la tête pour voir finalement ce qui c'était passé pour qu'une telle chose se produise.

Elle trouva là Sobieski avec un livre dont l'encre semblait s'en échapper, comme un sigil brûlé dans le sol, des restes de coquille et... une créature. Elle cligna à nouveau des yeux, de confusion et de surprise cette fois. Elle se souvint qu'il avait eu un œuf dont il prenait soin avant qu'elle ne parte. Un regard vers Sobi' lui appris qu'il n'avait rien, c'était juste comme si le flash était venu de l'éclosion de son œuf, alors. La chose, toute faite semblait bouger sans assurance, découvrant à peine sa propre motricité. Elle lui rappela un instant le démon de Yersine, mais il n'était pas semblable outre sa couleur sombre.

Elle décida que cet instant serait un bon moment pour s'approcher. Elle arriva près de son frère et se frotta à lui, posant à nouveau ses yeux sur la chose.

"Bi', ton coeuf a éclot !"

Le petit... démon, elle n'aurait pas de meilleur terme, les ralliait pour se diriger vers son frère. Elle supposait car il l'avait imprimé comme étant son protecteur. Elle se décala un tout petit peu pour qu'il puisse, et surtout pour laisser réagir proprement son frère et installer son nouveau protégé.
Elle se permit de se mettre sur le coin aménagé près de l'âtre, qui était, elle devait le dire, très cosy. Elle appréciait tout ce que faisait son frère certes, mais ces petites piles de coussins étaient réellement confortables. Un endroit parfait pour accueillir une personne ou une créature à la fois quadrupède et bipède ressemblant un peu à un démon. Pas qu'elle puisse juger : elle avait une goule de compagnie. Goule qui, d'ailleurs, s'approcha de Sobi et de son démon et observa avec curiosité, agitant sa queue desséchée.  
Ce temps mort passé, elle reprit la parole.

"J'ai gagné deux surprises aussi." Elle délogea de sa capeline le petit draginsecte. "Il vient comme d'une drôle de dimension des rêves, où l'ont récupérait maintes et maintes œufs... Je te présente Étoile."

Puis elle ramena sa queue et inspecta l’œuf en son sein quand elle détacha les longs poils. Sa couleur ne payait pas de mine, mais il n'était plus aussi froid. Elle espérait sincèrement que la vie qui pouvait résider à l'intérieur n'avait pas périt. Elle le garda finalement posé sur le coussin et contre elle, sa queue toujours comme une couverture pour lui.

"Celui-ci, je l'ai trouvé plus tôt, en venant. J'espère qu'il se porte mieux, maintenant qu'il est réchauffé."

[Oeuf spécial Pâcques, récompense de vote de la Tombola, lvl ??]

Tant de choses et de paroles !
Les secondes semblèrent s'accélérer à la vitesse d'une tornade, emportant tout sur leur passage. Volèrent quelques gouttes de thé, un autre petit œuf, des miettes de coquille, et un enfant affamé. Nocera pointa la tête dans toutes les directions à la fois ou presque, perdue et un peu affolée. Elle battit des paupières pour se reconnecter à la réalité, raccrochant enfin les paroles de Sobieski aux événements. Eclipse, voilà qui allait bien à cette petite lagomorphe qui teintait déjà d'une note. Elle dû cependant l'étreindre en vitesse pour l’accueillir, et diviser son attention. "Kee" comme l'appela son jumeau, s'était accroché à la queue de Famine, et la goule se joignait déjà aux protestations de son frère.

Eclipse et Étoile sur elle, Nocera se leva d'un bond.
Fougueuse et sans peur, elle foula le sol pour aller séparer les deux familiers. Elle gronda, non sans réprimer un peu de tendresse dans sa voix, vers la créature juste née ; bien qu'un peu plus âgée que sa propre petite dernière. Elle posa sa patte sur ce qui ressemblaient aux dents pas encore totalement formée du démon... démonet... démoneau. Qu'importait. C'était émoussé, elle n'aurait sans doutes pas mal.

"Allez, lâche-"

L'ordre donne et les mâchoires écartée de force, non sans lutte, elle siffla vers Famine qui avec un jappement comme reconnaissant fut bien heureuse de s'enfuir. Nocera aurait douté que l'intellect mène sa goule jusqu'à un réel remerciement, mais fit confiance à son instinct de conversation. Elle s'adressa à son frère en posant son familier devant lui.

"J'en conclue qu'il a faim et aime les momies. Ça va compliquer la tâche de le nourrir, sauf si tu as fait sécher une proie."

Les lézards séchés, un met un peu trop oublié quelques fois, mais pas ce qui courrait les parois du dédale de Nakhus. Il étaient plutôt laitues et potirons, par ici. Eclipse émit un nouveau son, et Nocera put lui accorder enfin toute son attention. Nocera se rallongea à côté du thé servit et posa la petite lapine cloche sur un coussin. Docile mais pas encore apprivoisée, celle-ci se déplaça erratiquement, clairement perdue. Nocera eu une moue et approcha son visage pour qu'elle se familiarise avec.

Elle tourna ultimement la tête vers son frère et frotta sa tête contre la sienne.

"Tu m'a manqué aussi."

Sourire, sur ses babines.
Car elle aussi se sentait complète quand il était là ; il apaisait les vagues dans son âme et y faisait plutôt jouer une douce cascade. Elle avait appris à aimer les Nakhus comme une famille, avait apprivoiser le ciel que dressait la présence de Yersine et la lueur d'intérêt que lançait le loup couronné d'os.  Avec lui elle retrouvait les étoiles, le voile céleste qui les caractérisait. Elle renouait avec une sensation familière et inéchangeable, une vibration interne comme ordonnant à leurs cœurs de battre à la même cadence. Une harmonie.
Même éloignés, toujours liés.

Eclipse sembla se calmer, ou plutôt se rangea dans un endroit à l'abri non loin d'eux, sous un coussin. Ainsi s'apaisait-elle, en toute vraisemblance. Nocera supposa que cela avait du sens : comme un terrier. Elle l'enterra alors un peu plus confortablement sous la surface molle, qu'elle ne s'étouffe pas. La clochapinne laissée en paix, elle passa une passe sur la tête d'Étoile sans trop faire attention. Les paroles de Sobieski furent le sujet de sa concentration à la place.

"Brièvement, je ne suis pas sûre d'avoir tout suivit. Un nouvel abri, le dédale n'est plus sûr ?"

Ils n'en avaient pas parlé à la dernière réunion de meute, n'avait pas encore réellement su si cela s'était vu ou décidé pendant son absence. Elle était désireuse d'en savoir un peu plus, et elle était certaine que Sobieski l'expliquerait avec clarté. Elle le savait plus proche de l'Oracle qu'elle, même si elle avait développé plus de respect et de dévotion pour ce dernier durant les dernières lunes.

La confession de son frère lui fit ouvrir les yeux.
Elle ne su initialement pas quoi dire, sa langue se noua dans sa gueule. Ce qu'il venait de dire, d'avouer, chamboulait une chose d'essentielle, d'initial.  Dans ce qui avait été établi comme la maison de la corneille d'abord, puis leur maison, il y avait eu quelque chose une agression. Ce qui avait été tant redouté chez les Lazulis, ce qui avait été le moteur même de leur départ, s'était invité insidieusement sous la forme d'un vile individu. Quelqu'un avait atteint la meute qui prônait la paix, la sagesse.
Leur havre de paix avait été touché.
La violence les avait rattrapés.

Elle sentait, comprenait l'impact en son frère. Il avait dû soigner Eva et se confronter à la chose même qu'il ne pouvait supporter. Elle hoqueta une envie vive qui s'alluma dans son cœur, une flamme de colère bleue dans elle était élevée. En plus de l'impact sur son autre moitié, c'était une amie qui avait été agressée. C'était aussi un membre des Nakhus, la meute à laquelle elle se sentait enfin attachée, une sœur dans cette famille trouvée.
Elle voulait... elle voulait tous les protéger.
Pour qu'ils n'aient jamais à recevoir de violence, ou à en perpétrer, elle voulait bien s'y plier elle. Elle, déjà assombrie à l'extérieur pouvait bien être le mouton noir, un peu étrange dans ce troupeau clair qu'elle appréciait, ou bien même le loup dans la bergerie, qui avait juré fidélité aux caprins.
Pour les préserver, elle voulait bien souiller un peu son âme.
Mais surtout pour Sobieski.

Elle s'approcha de lui, frotta leur visages. Jura comme elle avait juré devant Ajani. Proféra une promesse éternelle comme elle l'avait donné à Yersine. Réitéra ce qu'il devait déjà savoir. Mais affirma sa motivation grandissante pour ce but. Elle n'avait pas toujours su ce qu'elle avait voulu faire de sa vie, à part être aux côtés de son jumeau.
Maintenant, elle savait.

"Je retrouverais le glowstick de Mido, pour être capable de détecter ces âmes là. Jamais il n'y aura plus de violence ici."

Elle plongea son regard dans celui similaire de son frère.

"Jamais."

Pas tant que ses étoiles brilleraient et veilleraient sur les Nakhus. Pas tant qu'elle serait à ses côtés. Elle ferait tout en son pouvoir pour respecter les méthodes de la corneille, c'était une évidence. Mais s'il le fallait... s'il le fallait elle serait celle qui dériverait un peu de la sagesse, pour autoriser les autres à ne pas perdre la leur.

Dans ses pattes, elle ferma les paupières, et profita avec allégresse de la chaleur qui émanait de lui, qui naissait en elle à son contact. Il s'excusa d'avoir été la source de leur départ, et par conséquent de l'abandon du glowstick vert fraîchement acquis. Tout comme lui avait laissé le bleu de la dragonne alors qu'il ne l'avait pas eu plus longtemps. Elle se retint d'agiter la tête de gauche à droite, et à la place puisa dans ce que lui avait appris Volstein.

Elle ne lui dirait pas qu'il ne servait à rien de s'excuser. À la place, elle lui exposerait simplement pourquoi c'était inutile à ses yeux. Elle apporterait les réponses aux doutes qui faisaient naître ce besoin en lui de dire pardon pour ce qui avait façonné leur vie au final, pour le meilleur. Elle frotta délicatement sa tête.

"Nous sommes liés, mais c'est un choix, que d'entretenir ce lien. Un choix conscient."

D'être là, de le redire, de le prouver par les actions.
Pour eux cela avait voulu dire rester ensemble quand ils avaient perdus tous les autres. Apprendre à ne pas être là constamment aussi, faire confiance qu'ils resteraient malgré une présence non physique. Trouver leur bonheur, et aider l'autre à le saisir.
Tout simplement.

"Tout ce que j'ai fait pour toi, je l'ai fait pour moi aussi. Ça en a toujours valut le coup, et ça le vaudra toujours."

À jamais.