Souvenirs lointains égarés [Ft Eva]

Elle s'était réveillée un matin avec des drôles d'images plein la tête et des drôles de présents. Deux drôles de présents. Un oeuf énorme, qui vibrait et n'avait pas de couleur ni de forme vraiment définie, sous ses yeux étonnés. Et un petit lapin. Le petit lapin avait un masque coloré de catcheur qui ajoutait monstrueusement à son charme. Oh la la. C'était trop trop mignon. Et cet oeuf...

Elle tressaillit.

Les oeufs des créatures.

Elle passa une patte dessus. Qu'il était beau... Qu'il était étrange ! Elle se mordilla les lèvres. Comment s'en occuper ? Devait-elle s'en occuper ? Le réchauffer ? Le... Mettre à l'abri ? Dans combien de temps pouvait-il éclore ? Des jours ? Des années ? Il semblait presque impossible de le saisir, elle avait l'impression que sa patte passerait au travers. Elle fit claquer sa langue sur son palais, et partit dans le Sanctuaire à la recherche... D'un contenant. Il lui fallait une sacoche. Depuis le temps qu'elle en parlait de toute façon... Elle savait qui aller voir. S'il était préposé aux tatouages, Sachiel lui donnait aussi l'impression de toujours savoir où trouver ce dont on avait besoin. Et en effet ! Il avait encore en rab une large sacoche de cuir, semblable à celle de son frère, qu'il lui noua autour du col en l'ajustant délicatement. D'un merci joyeux, elle emporta le présent sans vergogne et revint auprès de l'oeuf. Ce dernier n'avait pas bougé - qui aurait pu le voler, chez les Nakhus ? Raison, peut-être, pour s'en occuper. Mais c'est tout.

Eva fit délicatement rouler la chose dans la sacoche et ferma cette dernière avec application. Pas question de le perdre !

Le lapin venait de s'éveiller. Il fronça les sourcils et agita ses pattes, avant de pencher la tête sur le côté.

Mmh.

Elle devait... Lui donner un nom, oui. C'était un bon début.

... John.

Le prénom s'imposa de lui-même.

John, c'est bien, non ?

Et le lapin ne semblait pas en souffrir.

Depuis ce jour, donc, elle avait un oeuf, et un lapin catcheur nommé John qui la suivait partout. C'est donc ainsi accompagnée qu'elle allait dans le Dédale, jusqu'à ce que le petit lapin agite ses oreilles pour la guider à travers les boyaux lumineux. C'est alors que se dévoila devant elle une silhouette qui lui fit plisser les yeux.

...

...


.......

Tawana ?

Devant sa réaction, elle sut qu'elle avait touché juste, et gloussa. Ca pour une surprise ! Elle avisa le glowstick jaune de son camarade d'oeufs :

Moi aussi. Tu as fait tout le trajet jusqu'ici ? Et tu sembles en convalescence... Ca n'est pas très sérieux.

Elle pouvait parler, avec sa patte cassée qu'elle brinquebalait dans tous les sens comme si de rien n'était. Mais ses ailes lui permettaient de bien se déplacer quand même et elle était incapable de tenir en place. Elle préférait de loin se blesser une patte plutôt qu'une aile... Elle rit et invita son interlocuteur à le suivre d'un mouvement.

Mais quelle idée de venir se perdre dans le Dédale... Certains n'en sont jamais ressorti, tu as de la chance. Viens, je te montre le Sanctuaire.

Ca n'était pas en une ou deux visites, de toute façon, qu'il pourrait en trouver le chemin... Et elle doutait qu'il leur fasse du mal de toute façon.

Eva gloussa à sa réponse avant de se tourner en sa direction et le gourmander d'une réponse courte :

Peut-être, mais je suis chez moi !

Bon, elle n'y restait jamais longtemps bien entendu, mais ça il n'avait pas besoin de le savoir. Ils ne mirent pas longtemps pour atteindre l'entrée du Sanctuaire qui, au final, n'était pas très loin mais demandait de connaître les lieux avec précision. Son sourire s'élargit :

Tu aurais du attendre devant, il y a pas mal de passage en journée. Mais ça n'est pas grave. Voilà le Sanctuaire, où les Nakhus... Cliché, attention : vivent en harmonie.

Elle rit de sa propre blague, avant d'écouter sa dernière question avec étonnement, ne pensant pas la pie si méconnue en ces terres :

Une pie ! On en trouve en plaines et en forêts, beaucoup à proximité d'ailleurs. Je t'en montrerai, si tu veux.

Quel est ton rôle au sein de la meute, Eva ?

La question la perturbe, bien plus qu'elle n'aurait du. Quel était son rôle ? Volstein lui avait proposé celui de Sortcelier, mais au final maintenant qu'elle y pensait elle ne se reconnaissait plus du tout en ce dernier. Peut-être devait-elle en parler à Ajani... Elle n'était pas capable d'apporter soins comme Kerguelen, Bibi ou Raison. Oh, bien sûr elle pouvait soulage, en partie, la douleur d'un corps et celle d'une âme. Peut-être était-ce de cette façon qu'elle pouvait se démarquer ? Il lui semblait saisir les opportunités qui s'offraient à elle pour tenter d'apporter son aide comme elle le pouvait, quels que soient les sujets.

Mais devait-elle lui dire être l'équivalent d'un Panseur, et se ridiculiser devant la maigre connaissance qu'elle avait des plantes et de leurs vertus ? Mais c'était pourtant son titre. Comment exprimer ces nuances de façon précise et concise, sans mentir ni faire de raccourcis.

Je fais partie du rang des Sorcelier, ceux qui apaisent les maux et les moeurs. Mais en réalité je donne plus un coup de main là où je le peux, en fonction des besoins. En travaillant aux champs, en entrainant les jeunes loups du clan...

Elle rit doucement.

En m'occupant des gamins, aussi.

Dont les siens.

Elle souriait en observant l'activité dans le Sanctuaire. Elle les couvait du regard, fière et douce, mais avec un petit quelque chose de... dur. Il n'y avait pas à négocier, le moindre signe d'agressivité de qui que ce soit envers n'importe lequel des membres de la meute se solderait d'une intervention parlée ou... Musclée. Au besoin.

Perdue dans ses pensées, elle ne vit pas la question du mâle bariolé arriver et se tourna vers lui un peu surprise avant de lui répondre :

Oui ! J'ai trois enfants. Momon, Ruine et Cendres. Tu n'es pas père, je crois ?

Elle lui retourna la question, curieuse. Ah, tiens, c'est justement Cendres qui s'avançait vers eux et aller se glisser entre les pattes d'Eva, fixant Tawana de ses grands yeux dorés sans rien dire. Silencieux, mais attentif, légèrement malaisant peut-être de la façon dont il fixait le lycaon.

Cendres, dis bonjour allons !

Elle gloussa et le poussa du bout de la patte. Obéissant, le loup bleuté obtempéra :

... Bonjour.

C'était un son à peine audible, mais bien présent.

Pour le moment du moins, il l'envisageait donc un peu. C'était rigolo. Jamais Eva n'avait envisagé d'être mère avant que ça ne lui tombe sur le coin du museau, de façon tout à fait... Magique. C'était le cas de le dire. Mais, eh ! La vie est ainsi faite, et bien que surprise elle ne pouvait le regretter. Entre ses pattes Cendres ne bougeait pas, intimidé par l'apparence du nouveau venu, et très silencieux de nature.

Il n'est pas très causant.

Elle ne l'excusait pas, c'était plus une... Façon de commenter son attitude. Eva parcourut le Sanctuaire du regard.

Tu es... Curieux de quelque chose en particulier ?

Elle ne savait pas trop quoi lui montrer. Tout ici lui paraissait naturel, après tout.

La jeune mère pousse Cendres du bout de ses pattes mais ce dernier n'en a que faire. Il finit même par venir gratter à l'épaule de sa mère, qui se penche en avant pour lui permettre de venir se lover sur son échine, entre ses deux ailes, entre les dernières plumes de sa crête. Lieu qu'il affectionne tant. Eva se redresse et reporte son attention sur le nouveau venu :

Pas de soucis. C'est un lieu très utile qui regorge d'histoires plus étonnantes les unes que les autres. C'est un peu loin par contre, par delà la vallée, sur l'Île Chuchotante. Es tu prêt pour un si long voyage ? Il faudra nager.

L'inquiétude était légitime ; en terme de temps mais aussi en terme d'énergie : Tawana ne semblait pas au meilleur de sa forme pour effectuer si longue marche.

Elle hésita un instant. Elle savait que s'il en venait à avoir une faiblesse en traversant à la nage la langue d'eau les séparant de l'Île Chuchotante, elle ne pourrait probablement pas lui venir en aide. Elle ne savait pas très bien nager, et pourrait difficilement soulever sa haute stature et, surtout, les deux énormes cornes qui ornaient sa tête. Toutefois, elle n'était pas sa mère et s'il avait déclaré pouvoir faire la traversée, elle n'allait pas l'en empêcher. Elle hocha la tête.

Très bien. Suis moi !