L'Impératrice & la Pie sorcière [ Ft Eva ]

Eva retournait à ses racines.

La pie chantante la pie dansante la pie exploratrice. Elle redevenait cette jeune louve insouciante et piquante qui avait quitté ses terres, quitté ses parents et sa famille pour venir explorer de nouvelles terres. Un sac en bandoulière, son museau pour fureter les vents et ses ailes pour chevaucher les bourrasques.

Elle n'avait besoin de rien d'autre.

Elle avait survolé nombre de fois les ruines. Tellement, qu'elle pourrait presque en cartographier les salles vues d'en haut, une à une. Là, un lit. Là, une salle de bain. Là, un immense trône dans une salle si grande, si longue, qu'en étendant ses ailes on pouvait en caler trois comme elle entre deux colonnes de marbres qui soutenaient autrefois un toit magnifique.

La pie explorait. Elle furetait, glissant son nez sous un objet dont elle ne comprenait l'utilité (des... Cercles ? Des bols plats ? Quelle idée !) et découvrant mille artefacts qu'elle récoltait dans sa besace.

Comme une pie.

Intéressée par tout ce qui brillait. Elle pourrait en faire des colliers, des bracelets, ou surtout en offrir à Sobieski lui qui raffolait tant de ce genre de petites attentions. Ah ! Elle avait devant elle chose qui lui résistait. Une sorte de petite table, mais avec un compartiment dedans. Mais il y avait une clé, qui le fermait, et elle n'arrivait pas à la tourner. Ah ! Quel enfer, ça crissait contre les dents, berk ! Mais ah, voilà que ça tournait, voilà que le cliquetis délivrait le trésor !

Et quel trésor !

Un rat mort et trois mouches entourées de larves. Berk.

Eva gloussa et referma le tout, agitant les ailes.

C'est là qu'elle vit apparaître Tawana. Oh. Cendres lui avait rapporté leur entrevue. Sans gêne, Eva la dévisagea. Avant de lui adresser un grand sourire :

Bonjour Tawana ! Cendres m'a rapporté ta nouvelle condition. Je constate que la mise bas a eu lieu ! J'espère que ça s'est bien passé.

Elle glousse et chasse la seconde question :

Oh ! Tu sais, tous les endroits m'intéressent.

On va dire ça.

Il n'y avait pas meilleure façon de dire non, si ce n'était son regard sombre et morne. Eva soupira doucement et un sourire attristé fleurit sur ses babines. Elle s'approcha à pas lents de la lycaon. Elle allait bien, elle. Donc si malheur était arrivé, c'était aux enfants. Elle - ou lui ? - qui quelques mois auparavant lui disait n'être pas prêt à être père, quand ils parlaient de sa progéniture. Comme quoi ! Eh, les gens changent. Elle effleura son museau du sien, agitant ses oreilles :

Je suis heureuse de te voir en bonne santé, alors. Ca n'a pas du être facile.

Elle recula d'un pas, agitant une aile pour effleurer le meuble qu'elle venait de fouiller. Dans son esprit, ses méninges tournaient :

Le même qui t'as fait découvrir la bibliothèque ?

Elle se souvenait bien de la façon dont, sans jamais y avoir mis les pattes, le loup qu'il était alors avait trouvé son bonheur du premier coup. Même le plus malin des loups ne pouvait faire ça sans aide.

Je vais bien, merci. L'été n'apporte pas malheureusement son lot de bonnes nouvelles, mais on fera avec !

Elle avait pour contrer ces temps sombres qui arrivaient les sourires de Bibi, Kerguelen, Lewis et Noé ses apprentis ; ainsi que ceux de ses amis.

Souvent sollicité. Mmh. Eva n'y avait même pas pensé mais il était vrai que de fait, Tawana pouvait donc invoquer Hanna ou Volstein... Ses pensées allèrent à Kerguelen. Ce... Pouvoir la mettait mal à l'aise, finalement, même si elle n'en montra rien de son sourire jovial. Au moins la louve lycaon n'avait pas l'air d'en souffrir, c'était le principal. Peut-être ne croisait-elle jamais que ceux qu'elle n'avait jamais connu, et ne se questionnait pas assez sur leur repos ou leur. Vie ? Pour que ça la touche réellement.

Eva, elle, n'aurait pas aimé avoir à trait avec les défunts de cette façon.

A la question de la louve, la pie sourit et en réponse laissa s'échapper le don de Yurai. Aussitôt, l'air sembla se réchauffer. Un peu comme si une chape doucereuse et délicate les envahissait.

La Corneille apaise les tensions et bannit les violences.

Elle n'était pas fière de son don, mais ravie il est vrai de pouvoir l'utiliser pour calmer les tensions. Il lui avait déjà grandement servi. Pas assez à son gout, elle avait perdu beaucoup de batailles en se laissant submerger par des colères stériles, mais c'était déjà bien.

Utile pour éviter une guerre. Oui, c'était vrai. Eva agita une oreille :

J'espère bien ne pas en avoir à arriver à de telles extrémités pour que guerre n'éclate pas.

Elle s'avance de quelques pas vers un énorme fauteuil et l'encercle de quelques pas rapides. Elle se ramasse sur elle-même et bondit sur un accoudoir, avant de grimper sur le dossier, se refusant à poser une patte au centre de l'objet. Comme si elle n'en avait pas le droit. Elle mordille le cuir, élément rigolo et étrange. Si bien travaillé ! Un ouvrage bien plus impressionnant que les quelques peaux qu'elle a réussi à rassembler en cape.

Que cherchais tu, Tawana, en ces lieux défunts ?

Ils n'inspiraient, après tout, pas vraiment la joie.

Elle écouta avec attention les paroles de Tawana et lorsque cette dernière s'interrompit, un petit sourire en coin naquit sur ses lèvres.

Allons Tawana, les disciples de la corneille savent écouter. Je t'en prie.

Continue.

Elle ouvrit un nouveau tiroir, et en sortir une petite collection de billes colorées qu'elle fit rouler au sol, vers la haute silhouette de la lycaon.

Pourquoi souhaites-tu détruire ?

Le ton était si doux, un murmure qui se dispersa à travers les ruines comme s'il n'avait jamais existé.

Un sourire en coin apparaît sur les babines de la pie, Tawana ne le prends pas mal, elle n'a pas la tête à cela de toute manière, tout prendre mal. Elle parle doucement, lui faisant remarquer que les enfants de la corneille savent écouter, et si elle avait la foi nécessaire, la lycaon lui dirait que certains loups Etelkrus aussi savent écouter, elle en avait eu la preuve lors de sa période de grossesse.

Elle se couche finalement sur le sol gris, un craquement se fait entendre, mais cela n'inquiétait guère la panseuse, ici c'était assez solide, donc aucun risque qu'elle ne tombe dans un trou béant.

Pourquoi souhaites-tu détruire.

Demanda la Pie, d'un ton calme, un murmure qui disparût aussi tôt dans cette endroit lugubre. Personne de ses connaissances, en dehors du Castel ne savaient, ce qui lui était arrivé, Tawana ne comptait pas non plus le crier sur tout les toits, car c'était quelque chose à ne pas vraiment dire à n'importe qui. Mais Eva ne l'était pas, la lycaon la considérait comme son amie après tout ! La fille de la Corneille ne pourrait rien y faire, mais saurait peut-être l'aidée

« _ Parce qu'on ma détruite. » Une question qui semblait simple aux premiers abords, mais qui était tout autre dans le fond. Elle soupire « _ On ma détruite car j'ai donné mon choix. La Bête fût traquer et tuer, laissant son Poison, pourtant je ne pouvais me conduire comme cette Bête et j'ai privilégié la vie de celle qui maintenant, partage la mienne, que je dois éduquée et aimer. »

La voix ici est tout aussi calme. Le museau vers le ciel gris constant, elle entends les battements de son cœur, qui son lent

« _ Je ne me reconnais plus. La colère et la Rage me rongent, ne demandant qu'à tout réduire à néant, un tourbillons qui prends le pas, parfois sur ma raison. Ma volonté. Ma raison d'être.»

Le regard s'abaisse sur la Pie, il est si neutre. Une neutralité qui ne correspondait pas à la lycaon

« _ Ils ont brisé mon âme, et volé mon cœur. »

Ce muscle si précieux, donnant la vie, Tawana le sentait durcir, alors qu'il était mou et doux. Maintenant il était recouvert de cicatrices indélébile, que même le Temps ne pourrait effacer, ni ne pourrait faire oublier.

Eva écouta gravement, tentant de comprendre à travers les paroles alambiquées de la louve lycaon ce qu'il s'était réellement passé. Elle ne laissa paraître aucun sentiment, mais au fond d'elle tout s'agitait. La violence, subie par la lycaon. La mort, à laquelle elle avait indirectement pris part. Remontait en la pie le souvenir des prisonniers malmenés, tués parfois... Les Etelkrus décidément avaient encore beaucoup à apprendre, ils se construisaient dans la violence et l'adversité.

La louve sourit tendrement à Tawana, s'asseyant à ses côtés.

La haine n'engendre que la haine. Cette dernière se répand comme un feu et brûle tout sur son passage.

Elle laissa un temps passer. Son corps, couturé de cicatrices, montrait les épreuves qu'elle avait traversé et les monstres qu'elle avait croisé. Parfois ils avaient pris la forme des Bêtes du monde d'en dessous. Parfois, ils avaient pris la forme de forces plus grandes, naturelles. Des prédateurs. Parfois, ils avaient pris la forme d'autres loups, comme avec Safran.

Là où tu chercheras à détruire, tu te consumeras à ton tour. La haine t'a été prodiguée, et t'a contaminée. Tu as le pouvoir maintenant de contaminer à ton tour, ou tu peux choisir. Tu peux choisir d'éteindre cette haine, avant qu'elle ne te dévore complètement et n'efface ce que tu es, à jamais.

Un murmure, flottant dans l'air épais des Ruines.

La Pie écoute, ne cherchant pas à l'interrompre. Si elle semblait avoir une mine jovial, comme d'habitude, ici, son visage ne montrait rien. Aucune émotions apparente, et cela n'inquiète pas la panseuse car comme elle le savait, Eva ne pouvait rien faire. Que dire de plus, quand on vous avouait avoir été victime du Vice lui même ? Rien. Juste des excuses qui n'avaient pas lieux d'êtres, des encouragements, qui, sur le moment ne servaient, pas à grand chose non plus. Après un petit moment, la pie se lève pour venir s'asseoir près de la panseuse, qui sursaute.

Pourtant elle ne bouge pas d'un poil. Elle était gentille Eva, puisqu'elle sourit. À son tour la femelle lycon écoute. La haine ne fait qu'engendrer la haine.
Oui elle le savait Tawana, c'est ce qu'elle dirait à toutes personnes ne jurant que par cela. Il était si facile de tomber, tête la première dans ce tourbillon. Pour en ressortir c'était une autre histoire. Elle pose un regard sur le corps de la Nakhu, jonché de cicatrices.

« _ Je n'ai pas put le tuer de mes propres pattes. Du coup pour passer cette frustration, si on peut dire cela ainsi, je m'entraîne à l'endurance et au combat. » Dit-elle en se redressant lentement.

Courir lui permettait de s'évader.
Combattre lui permettrait de gagner.

Un petit vent ose venir caresser le dos de la bête cornu. Elle soupire doucement, les oreilles pointé vers la Pie.

Là où tu chercheras à détruire, tu te consumeras à ton tour. La haine t'a été prodiguée, et t'a contaminée. Tu as le pouvoir maintenant de contaminer à ton tour, ou tu peux choisir. Tu peux choisir d'éteindre cette haine, avant qu'elle ne te dévore complètement et n'efface ce que tu es, à jamais.

Choisir. C'était chiant de faire des choix, mais nécessaire pour toutes chose. Le regard de braise quitte un instant la louve pie, pour le poser sur l'horizon, bien déprimant. La haine était facilement trouvable dans la meute des Etelkrus, et elle ne pensait pas pouvoir la refiler à qui que se soit. Si elle évitait d'en parler, sa devrait aller non ? Ici elle l'avait dit à Eva, parce qu'elle en ressentait le besoin finalement, et surtout parce qu'elle aussi était mère. Bébés magiques certes, mais mère tout de même

« _ Éteindre la Haine. C'est une mission bien compliqué, quand les cicatrices, te rappellent, à chaque seconde, chaque minutes de ton existence comment tu les as eu. » Joignant la parole au geste, elle relève sa chevelure, dévoilant les marques de crocs de la Bête qui c'étaient immortalisé sur sa peau « _ En vérité je ne pense pas que je me serais sentie mieux en le tuant. Je n'arrache pas la vie d'autrui, me contentant de les sauvés. »

Elle n'avait jamais approuvé le choix de tuer. Partant du principe que le Mal rattrapait toujours celui qui l'avait propagé. Elle souffle bruyamment, laissant retomber sa tignasse brune

« _ Sa irait mieux déjà, si je pouvais retrouver mon corps d'origine. Dans celle de cette femelle, je ne me reconnais pas. Moi qui suis de nature doux et bienveillant, je me retrouve sévère et sec. Là où je ne doutais absolument pas dans mon travail, je me retrouve à douté de mes capacités, comme si finalement, je n'étais plus fait pour soigner, mais combattre. » Elle pose une patte sur son front, rabattant sa queue autour de ses pattes « _ Tout ce, en quoi je croyais à été balayé. Réduit à néant ce Jour là. Je ne sais plus à quels saints me vouer, si toutes fois ils y en a. Peut-être que m'éloigner... m'aiderait ? »

Je n'ai pas pu le tuer de mes propres pattes.

Les mots résonnent dans la salle et se heurtent aux meubles qui les entourent, Eva ne cille pas. Son coeur se serre mais rien ne pourrait laisser apparaître cette tristesse infinie qui la baigne. Tant de haine. Elle se répandait en ondes concentriques qu'Eva ressentait au plus profond d'elle, les embruns effleuraient son visages et échauffaient son poil. C'était une vague puissante, une lame de fond composée de rage et de tristesse.

La pie se contenta d'écouter, là encore. Elle n'avait rien à dire, rien besoin d'ajouter. Elle ne devait se précipiter, expliquer, prendre le pas, non. C'était à elle de s'exprimer, elle de mettre les mots, de sortir de son coeur et de son corps ce qu'elle voulait vraiment.

Lorsque Tawana parle de ce qu'elle est, de ce qu'il est et voudrait être, la voix d'Eva se fait douce et s'élève.

Tu n'es pas obligé de laisser de tels éléments prendre le pas sur ce que tu es. C'est ton corps, tu dois en prendre soin et t'en occuper car il est le réceptacle de ton âme. Mais il n'est qu'une partie de toi, et ne te définit pas. Ces... Changements sont probablement apparus au mauvais moment, et son associés à de mauvaises choses.

Elle était triste que Tawana se sente mal en étant femelle et y associe ces sentiments. Mais elle comprenait qu'elle ne pouvait pas comprendre non plus. Elle n'était pas Elle.

Peut-être ton dieu peut-il t'aider. Les dieux sont capables de grandes choses, à ceux qui leurs sont fidèles.

Eva laisse son regard effleurer le citron du tube lumineux de la louve, et aborde le point du départ.

Tu le peux, si tu le souhaites. Mais peut-être le soutien de ton clan correspond-t-il plus à ce que tu as besoin. L'âme se hâte souvent vers les sentiers inconnus, quand parfois le repos se trouve sur le porche d'une maison. Qu'en est-il de tes si nombreuses soeurs, Tawana, ne peuvent-elles pas t'aider ?

La famille. Là était la charnière de ce qui avait construit Eva, là où elle revenait toujours.