Chacun est libre de faire ses choix [ft Salazar]

Salazar

Depuis sa rencontre avec Ao, Salazar était ... différent. Cependant, jusqu'ici, personne n'avait été témoin de ce changement. En effet, il avait décidé de vivre reclu quelques semaines de façon à mieux appréhender l'avenir. Tôt ou tard, Anette et Pepper allaient laisser leur place à leurs successeurs, et malgré les efforts, il savait qu'il ne serait pas l'un d'entre eux. Il disparaissait totalement dans l'ombre d'Hollyhock, alors que lui seul était le digne héritier du trône. 

De toute façon, que pouvait-il y faire ? 

Las de ces histoires, il s'était rendu sur cette île Etelkrus pourtant si loin du reste du territoire. Au moins, là-bas, il allait pouvoir trouver un repas à l'abri des regards. Le premier objectif du chevalier fut de trouver un point d'eau. Là où il y avait de l'eau potable, il y avait de la vie. Pourtant, une fois sur place, il ne vit aucune présence. Il semblait seul, et cette solitude le fit frissonner. Il coula un regard à gauche, puis à droite, avant de soulever légèrement son épaulière du bout du museau pour réveiller Aspis. Lui saurait si des rongeurs trainaient dans le coin, et il serait plus à même de les capturer que lui.

Salazar s'assit en attendant que son ami ramène le maigre repas du jour. Il n'avait que très rarement mis les pattes ici, de ce fait il chercha à identifier les alentours. Si un prédateur venait à lui, il saurait vers où courir. Un imbécile ne ferait pas attention et irait en direction de l'océan. Mais lui était tout de même plus malin. En entendant un petit cri, il dressa les oreilles. Son compagnon venait d'attraper le repas, visiblement. Il s'approcha donc d'Aspis qui laissa tomber au sol un rongeur de taille conséquente qui ressemblait grossièrement à un écureuil. La proie dans la gueule, il s'approcha du point d'eau avant de s'allonger, décidant d'attaquer son repas dès maintenant. Des poils, des poils, toujours des poils. Difficile de consommer une proie lorsqu'elle est constituée à 90% de poils. 

Son repas fut interrompu par un bruit de course. Des pas lourds mais agiles, il s'agissait sans doute d'un cervidé. Cependant, il n'avait pas la précision de sa mentor pour déterminer le sexe ou encore l'âge d'une proie aux bruits et vibrations de ses pas. Salazar plaqua instinctivement ses oreilles sur son crâne, conscient que si la bête était en fuite, cela signifiait qu'il y avait un de ses congénères dans le coin. Ou un prédateur.

C'est alors qu'il apperçut Tawana. Quelle surprise de la voir ici, elle était bien loin de sa tanière. Cherchait-elle à changer de voie ? Caché à l'ombre et derrière quelques feuilles, il comprit rapidement qu'elle ne l'avait pas remarqué. Ce n'était pas plus mal, mais il savait que sa présence allait vite être remarquée. D'un sifflement, il intima à Aspis de grimper sur lui. D'une patte il envoya en arrière les restes de l'écureuil à peine entamé, et s'approcha lentement de la louve. Il ne savait pas pourquoi il faisait ça. Pourquoi n'était-il tout simplement pas parti ? 

Tout ce qu'il s'avait c'était que la présence de Tawana lui faisait du bien. Bien qu'il ne sache dire pourquoi, il était intérieurement content de voir un Etelkrus dans le coin. Salazar fit donc le rapprochement entre la fuite du cervidé et la présence de la soigneuse. Au vu de son état, inutile de la saluer, elle ne le remarquerait même pas. De ce fait, il prit directement la parole.

« Ce n'était pas la proie la plus facile ... »

Et malgré ce qu'il se passait en son intérieur, il était toujours aussi détestable qu'avant.

Salazar

La louve marquait un point, mais il était évident que ce n'était pas lui qui ferait ça pour le plaisir. Tawana était déjà habituée à se salir les pattes, cela ne devait pas beaucoup la changer. Lui restait sur ses acquis, et il le vivait parfaitement bien. Les autres étaient là pour effectuer le reste, alors à quoi bon se forcer ? Malgré les efforts, la malédiction de la Dragonne perdurait, et il se sentait toujours aussi vide malgré les apparences. Bien trop fier pour laisser les autres lire en lui, il redressa subitement la tête, les sourcils froncés, lorsqu'elle annonça qu'elle le trouvait songeur. Comment osait-elle ainsi pénétrer dans son esprit ? Le chevalier était presque outré par cette intrusion. 

Salazar releva une patte, médusé par cette question indiscrète. Cela faisait bien longtemps qu'il n'était plus un louveteau, comment osait-elle le traiter de la sorte ? Une réplique cinglante sur les babines, il se retint cependant en croisant le regard bienveillant de la panseuse. Déconcerté par la gentillesse qui émanait de la femelle, il détourna le regard, avalant ses paroles acerbes. 

« Qu'aurais-je pu faire en dehors d'explorer les terres qui ne sont nôtres ? »

Son regard croisa de nouveau celui de la femelle au milieu de la phrase. Après tout, il avait gardé pour lui jusqu'ici son envie de quérir le glowstick de la Dragonne. Personne n'était au courant, pas même Saqqarah. 

Salazar

Inquiète pour lui ? 

Cela fut si surprenant qu'aucune parole ne sortit de sa gueule. Salazar se contenta de dévisager la panseuse, essayant de comprendre où elle venait en venir. Il fallait dire que le chevalier était peu habitué à ce genre de paroles, ce même malaise s'était ressenti lors de sa rencontre avec Hayndriel qui s'était montrée particulièrement gentille avec lui.

Cependant, ici, il s'agissait une Tawana, une membre de sa meute. Elle était panseuse, certainement habituée à écouter les problèmes et aider les siens à y trouver une solution, alors il semblait évident pour le chevalier qu'elle cherchait à le faire craquer, qu'elle ne faisait cela uniquement dans le but de lui soutirer des informations. Après tout, il n'était pas apprécié chez les Etelkrus parce que personne n'était capable de remarquer son potentiel. Ils ne voyaient qu'un corps de lâche, et rien d'autre. 

Et pourtant, s'ils savaient. 

La femelle ne l'aura pas à ce petit jeu.

« Je n'ai moi-même réponse à cette interrogation. »

Personne ne saurait ce qu'il s'était passé avec la Dragonne. C'était entre lui, et les dieux, et personne ne se mettrait entre eux. Il ne pouvait parler de cette rencontre. Il imaginait déjà sans mal les questions, et les remarques sarcastiques qui viendraient à lui tomber dessus :

" Pourquoi rentres-tu sans glowstick si tu l'as vue ? "

" Alors comme ça tu n'étais pas digne de la Dragonne ? "

" Tu n'es pas si spécial, tout compte fait, pour ainsi rentrer bredouille "

D'autres phrases se bousculaient dans sa tête, elles étaient sans fin. 

« Je m'en vois désolé que tu te sois inquiété de mon absence, cependant je n'ai de compte à rendre à personne. »

Le chevalier ne devait pas ciller devant la panseuse. Il ne pouvait faire confiance à personne, elle ne se souciait pas réellement de lui. 

Il était seul, et il allait devoir s'en sortir seul.

Salazar

Je suis pareille.
Les oreilles du chevalier s'agitèrent à ses paroles. Elle avait tort de penser cela, ils étaient différents, bien trop différents pour pouvoir se comparer.
Aider les autres devrait être instinctif.
Salazar manqua de siffler à ces paroles. L'aide n'était pas naturelle. La loi du plus fort, elle, l'était. Avoir besoin d'aide signifiait être faible, être faible et assumer sa faiblesse.

Tawana marqua une pause avant de reprendre la parole, cette fois-ci sur son vécu.
Pourtant, les paroles qu'elle prononça eurent l'effet inverse. Ces paroles avaient eu l'effet d'une insulte, et il sentait son sang bouillir en lui. Son regard se fit beaucoup plus dur, et ses crocs se dévoilèrent progressivement.
On se moquait de moi AUSSi.
AUSSI.
Insinuait-elle qu'il n'inspirait pas le respect ?

« Garde tes paroles de faible pour toi, cela ne me concerne pas. »

Sans attendre une seconde de plus il se mit à avancer, bousculant la soigneuse au passage avec son épaulière d’obsidienne. Il avait vécu cela comme une insulte, non seulement elle se comparait à lui, mais en plus elle insinuait qu'on ne le respectait pas. Qui était-elle pour oser parler de la sorte ?
Elle n'était pas si différente des autres, tout compte fait.
Elle était faible, et le restera. Ce n'est pas en jouant avec les sentiments qu'on parvenait à amadouer Salazar, surtout lorsque les paroles prononcées venaient à l'insulter indirectement.

Si Tawana ne cherchait pas à le retenir, alors il quitterait l’île Abysse sans un regard en arrière.