› Hayndriel › Femelle › 3 ans› Nakhus
Les oreilles dressées, la jeune louve écoute, le craquèlement, les odeurs. Quelque chose de sucré et doux à la fois. C’est si agréable que ça lui fait remuer la queue avec douceur. Elle aime cette odeur, ça la rassure et lui fait du bien. La bruine est fraîche, elle est douce est caressante. Un sourire effleure ses babines quand la voix résonne. Elle sait au fond de son cœur que c’est à elle de savoir si elle est prête ou non. Elle l’est, elle le ressent, elle le désir, mais est ce qu’elle est digne de passer cette épreuve si noble et importante dans la vie d’un loup ? Elle n’en est pas sûre, elle hésite et réfléchit. Elle n’est qu’une louve, une simple mortelle ordinaire, aveugle qui plus est.
Elle finit par s’asseoir, calmement, humblement, les yeux clos, à quoi bon les avoir ouverts. Le rire de Yurai se répand dans le silence, il fait écho partout, il est doux est agréable. Rassurant comme celui d’une mère. Qui es tu Hayndriel ? Les oreilles de la louve s’agitent… Pourquoi porter les couleurs de la Corneille ?
A quelle question répondre en premier ?
Les deux s’entremêlent-elles ? Elle finit par baisser la tête, soufflant longuement, pensant. Elle ne sait pas qui elle est. Qu’est ce qui définit cela d’abord ? Notre prénom, et nos parents ? Non, ce n’est pas cela Hayndriel. Et elle le sait très bien. Elle secoua la tête, relevant la truffe, humant les odeurs. Un sourire effleura ses babines. A si ses frères et sœurs sentaient cela ils poseraient tant de questions. Elle n’est pas leur sœur de sang, mais son cœur y est, elle le sait, c’est écrit dans sa chair, ces petits monstres polissons qui grandissent si vite son sa famille. Elle, la louve meurtrière. A cette pensée elle baissa les oreilles. Détournant la tête.
«
J’ai… tué une ancienne Lazuli… »
Cela la fit frissonner, elle était pleine de regrets à l’idée de l’avoir tué, cela faisait plus d’un an, mais chaque jour que les dieux faisaient, elle pensait à cette louve. Pourtant elle avait conscience de ne pas être une meurtrière. Elle avait sauvé sa vie, mais en avait prise une autre, et maintenant, elle voulait en sauver d’autres, des millions d’autres. Hayndriel ne voulait plus jamais donner la mort, c’était hors de ses pensées. Elle ne cherchait pas à se racheter, elle le savait, la vie n’a pas de prix, rien ne pourra réparer l’acte odieux qu’elle avait commis.
C’est sa faute, elle est coupable, elle est responsable, elle ne se le pardonnera pas. Elle s’est repentie, elle ne veut pas recommencer telle horreur. Un goût amer et ferreux se glisse dans ses mâchoires, le souvenir la frappe. Hayndriel a conscience d’être parfois virulente, comme folle, il y a eut de ces instants où sa colère est telle qu’elle ne se reconnaissait pas. Elle avait apprit la tempérance, seule… Elle avançait dans le noire, consciente de ses lacunes, elle avait lentement prit conscience de ses capacité. Mais elle avait tué… Elle voulait s’excuser, souvent, auprès de Raison, d’Evan, de Lestat…
«
Je veux m’excuser auprès de ceux qui ont souffert par ma faute… »
Elle s’était déjà excusée de vive voix auprès d’eux, mais elle agissait souvent, dans le but de ne pas les blesser encore. C’est sa famille. Cette famille que Yurai lui a offerte, elle est comme une mère, la déesse Corneille. Une mère bienveillante qui guide ses pas. Elle avance dans l’ombre en se demandant chaque jour si ce qu’elle a fait était le meilleur choix. Parfois elle en a la conviction, des fois elle doute… Elle sait que ce sont ses actes qui la définissent, qui font d’elle qui elle est. Elle qui est apparue de nulle part, elle sent au fond d’elle parfois une présence comme une ombre, et ces voix qui ne veulent pas partir. Elle veut être digne d’être la fille de Raison, elle souhaite être forte pour les Nakhus. Elle était si heureuse de partir en mission avec Kerguelen, elle s’était sentie utile, tout comme elle se sent bien quand elle s’occupe des plus jeunes. Siem, Pierre, Jude, Thomas, Jacques. Ses cadets qu’elle chéri.
Elle est une grande sœur et une fille, une amie aussi, une enfant encore, elle sera toujours une enfant sans doute aux yeux de certains. Mais elle est aussi une adulte en devenir. Elle est tellement de choses que sa queue s’agite nerveusement. Elle est tout cela à la fois, mais elle n’est rien sans les autres. Et ça elle le sait parfaitement. Vivre seul est impossible seul, on n’existe pas, seul, nous n’avons ni prénom, ni identité, ni caractère… Nous sommes justes une coquille vide et sans vie. Elle n’a pas beaucoup d’importance, elle n’en veut pas, elle veut seulement être elle-même, ce qu’elle arrive a être parmi les Nakhus, c’est grâce à eux qu’elle est devenue quelqu’un. Grâce aux enseignements de Raison qu’elle a apprit, grâce à la Corneille qu’elle se sent en sécurité, grâce à Ajani qu’elle s’est trouvé des objectifs, grâce à ses cadets qu’elle se sent forte. Elle se sent si forte quand elle a quelqu’un à protéger, quelqu’un à aimer. Elle se sent prête à affronter le monde entier pour soutenir sa meute.
Elle veut répandre la sagesse de la Corneille, que la sagesse touche les loups, qu’ils apprennent à s’aimer malgré leurs différences de clans, de caractères, de vie, de pouvoir, ou de divinité. Elle veut seulement être l’enfant de la Corneille, elle n’est plus seule, elle le sait, Raison la soutient, Judas aussi, Crystal également, Kerguelen aussi sans doute. Elle est leur fille, leur sœur, leur amie… Elle agita les oreilles.
«
Dame Yurai, je crois que je suis beaucoup de choses, mais que je ne suis rien sans les autres. Je suis une louve qui a ses péchés et ses erreurs, qui cherchent à les réparer, et ne pas les refaire… Au fond, je suis une louve ordinaire, qu’on a nommé Hayndriel, qui ne se souviens pas d’où elle vient, ni pourquoi elle est arrivée de la mer, mais qui a été élevé par des loups si bienveillants qu’elle est devenue la Nakhus Hayndriel, fille de Raison, sœur adoptive de Lestat, Crystal, et Coton, sœur ainée de tout les enfants de Raison, Judas et Jésus, et enfin disciple de la Corneille... Et qu’elle souhaite le rester jusqu’au bout de sa vie… »
Elle hésita, Yurai devait sans doute le savoir le lire en elle. Mais Hayndriel la voyait comme un guide, une mère et une protectrice. Elle l’aimait tant, la Corneille. Elle ne voulait pas la décevoir, ce serait si dur pour elle à supporter… si elle décevait la Déesse… Elle ne voulait pas y penser. Elle ne voulait pas non plus décevoir sa famille qui avait tant fait pour elle. Elle ne voulait pas décevoir la meute non plus.
Elle croyait fermement en la déesse, en l’idée que celle-ci guidait chacun des Nakhus. Hayndriel avait été guidé par les Nakhus aussi, ils avaient montré le chemin. Ils étaient ses mentors, ses proches, ses guides aussi, sa famille, et la déesse leur mère à tous. Elle la voyait ainsi, comme une mère aimante, qui guide ses petits sur le chemin de la sagesse et de la paix. La louve sombre étira un vague sourire, sa truffe se rabaissant, un murmure lui échappant.
«
Je suis guidée par tant de monde… Je crois tant en vous… »
Elle croyait au choix de la déesse, si elle la refusait, cela voudra dire qu’elle n’était pas prête. Elle secoua la tête, oui, une mère sait ce qui est bon pour ses petits. Une mère ne veut pas les faire souffrir, ni les voir malheureux, elle veut les voir grandir et s’épanouir. Et si la Mère des Nakhus lui refusait son Glowstick, alors ce n’était sans doute pas pour son mal, mais pour son bien. Parce qu’elle avait encore à apprendre, encore à découvrir, parce que son cœur n’était peut être pas prêt.
Elle le voulait certes, mais Hayndriel se demanda un instant si ce n’était pas par pur caprice ? Elle voulait ce glowstick pour se sentir plus forte dans l’ombre quand elle se dit qu’elle est seule, alors qu’elle a conscience de ne pas l’être. Elle voulait aider chaque loup à trouver la sagesse au nom de Yurai, et voulait donc porter son Glowstick pour être pleinement sa disciple et son messager. Elle voulait ce Glowstick pour aider sa toute jeune fratrie à trouver la voie qui les rendra heureux. Mais n’en était-elle pas capable seule sans Glowstick ?
Pourquoi voulait-elle sincèrement porter les couleurs de la Corneille ? La réponse était épineuse… Hayndriel se coucha en sphinx, baissant la tête, prenant une inspiration calme et lente. Elle détendait ses muscles. Cherchait à trouver au fond de son être la réponse à ce pourquoi. Parce qu’elle savait que le pourquoi elle le voulait, les premières réponses qui lui étaient venues à ce sujet, étaient erronées. Au fond, elle se sentait capable d’avancer même sans Glowstick car elle se savait protéger par la Corneille. Au fond elle savait qu’elle n’était jamais seule… Au fond elle pouvait très bien être messagère de la sagesse de Yurai sans avoir de Glowstick… Au fond elle pouvait aider sa jeune fratrie à trouver leur voie sans porter de Glowstick…
Alors pourquoi voulait-elle se glowstick ? Elle se sentait attirée par lui, elle se sentait attirée par Yurai, une force d’attraction puissante qu’elle ne contrôlait pas. Elle voulait ce Glowstick pour se prouver à elle-même qu’elle était pleinement de ce monde ! Parce qu’elle avait peur, de devenir un jour une étrangère ? Elle aimait tellement ce monde, cette terre où elle n’était pas née mais qui l’avait accueillit. Cette meute qui lui avait sauvé la vie, et lui avait apprise que même aveugle, elle était capable de temps de choses. Elle aimait cette Déesse dont elle ressentait la présence chaleureuse à travers chaque Nakhus. Elle sentit que des larmes perlaient à ses yeux aveugles. Elle ne se savait pas capable de pleurer pour cela… Sans doute l’émotion.
Elle voulait seulement ce glowstick pour être la fille de la Corneille… Pour se rassurer elle-même sur l’idée que la déesse guide réellement ses pas. Pour se rassurer elle-même, du fait qu’elle fasse vraiment partie de ce monde. Elle renifla, et essuya ses larmes d’un revers de la patte.
«
C’est si ridicule et égoïste Dame Yurai… Je voudrais votre Glowstick seulement pour me rassurer … C’est si bête »
Mais est ce qu’il n’y a que ça… Hayndriel ? Elle calma son émois, reprenant de la contenance, réfléchissant encore, n’y avait-il que ça. Pourquoi était-elle venue, à l’origine ? Pour passer l’épreuve de la Corneille parce qu’elle voulait son Glowstick. Mais pourquoi voulait-elle ce glowstick, ce matin, là, quand elle s’était levée ? Qu’est ce qui l’avait décidé à enfin avancer vers l’Eglise pour demander à la Corneille de passer son épreuve ? Car si ce n’était que pour cela, Hayndriel savait qu’elle serait venue parler à la Corneille sans demander à passer d’épreuve. Elle venait souvent dans cette église pour se réconforter, se rassurer, alors si c’était seulement pour se rassurer, elle n’aurait jamais demandé à la Corneille de perdre son temps à lui faire passer une épreuve.
Elle détourna la tête, la truffe vers le bas, réfléchissant. Elle voulait ce glowstick pour plein de petites raisons qui, elle le savaient, pouvaient être mises en œuvres sa Glowstick. Mais pour quelle raison voulait-elle vraiment ce Glowstick ? Il y avait une chose au fond de son cœur, qui l’avait poussé à venir passer l’épreuve aujourd’hui. Mais maintenant qu’elle devait répondre, cette raison qui l’avait poussé de l’avant pour aller voir la Corneille, lui échappait totalement. C’était tellement évident, qu’elle n’arrivait plus à remettre la patte dessus… Sans doute parce que ça faisait partie d’elle, parce que c’était une évidence, qu’elle réfléchissait en se compliquant la vie, alors que la réponse était toute simple. La réponse était là, quelques part en elle, il fallait seulement qu’elle se vide l’esprit, qu’elle ne pense pas à la question…
Qu’elle oublie tout, qu’elle s’oublie elle-même. Qu’elle ne pense plus à rien, qu’elle laisse revenir la paix, le calme, la douceur. Elle frissonna en sentant la bruine, elle l’avait oublié à force de réfléchir. L’odeur de la pierre de l’Eglise, le silence agréable pour les oreilles surdéveloppée de la femelle. L’absence de la brise. Le noir qui l’enveloppe comme une caresse. L’absence de sa fratrie, de l’odeur forte de Judas et Raison.
La présence de ceux qu’elle aime dans son dos… La voix qui reste là, amical, fraternel, protectrice et rassurante. Elle prend une longue inspiration, calmement relâche la pression. Elle veut seulement être plus forte encore, pas pour se battre physiquement, pas pour blesser les autres, mais pour les protéger, les soutenir, être une épaule sur laquelle on peut s’appuyer, une oreille attentive qui écoute, comme elle l’a fait avec Méridor, elle veut être forte et ne plus craindre, pour soutenir ceux qui ont peur, et les guider. Elle voudrait ce Glowstick, pour devenir à son tour un véritable guide et une véritable aide moral à ceux qui sont perdu sur leur chemin, qui ne savent plus où ils en sont, ni ce qui les portent. Elle voudrait devenir pleinement la fille de la Corneille, continuait d’écouter ces ainés qui la guideront toujours, mais rejoindre les rangs de ces disciples dont la spiritualité, la finesse d’esprit et le calme, leur permettent de prendre la patte des plus démunies pour les emmener vers la lumière. Elle veut porter les couleurs de la Corneille, pour sauver l’âme de ceux qui en ont besoin et le demande. Elle veut ces couleurs qu’elle ne voit pas, pour que les autres sachent, qu’elle est prête à les soutenir et les aider. Et elle veut le faire au nom de la Corneille !
«
Je crois… que vous savez pourquoi je veux porter vos couleurs… Tout au fond de moi, je veux être plus forte, et rejoindre les rangs de ceux qui m’ont sauvé, pour aider ceux qui le demanderont en votre nom. »
Répondit-elle calmement après s’être relevée, redressant la tête et les oreilles. Elle ne savait si cela était une bonne raison. Mais c’était sa réponse à elle… Elle avait aidé Méridor, et elle voulait aider encore, au nom de la Corneille, de sa sagesse, de sa bienveillance et de sa douceur.