Avec un soupçon de logique · Reconstruction

L'énergie ne vint pas, juste les mots de l'autre louve.

Puis une nouvelle vague d'irritation, face à ses mots.
Qui essayait d'éroder sa décision de se taire.

Elle essaya de tenir la digue d'abord, de tourner le dos un peu plus de l'autre. Quelle ironie du sort que celle qui n'avait pas voulu se ménager propose une pause. Comme si c'était possible, pour ce travail de longue haleine, où il fallait plutôt fournir un effort constant mais modéré. Il fallait qu'elle se concentre sur cette idée, pour ne pas céder à la vague. Elle ne laissa passer que quelques gouttes avec une réponse acerbe, avant.

"Ferme-la, Lewis."

Qu'elle lui garantisse son silence, son espace.
Pour penser, pour réfléchir, pour se stabiliser. Pour pouvoir donner son énergie en un flot ininterrompu et calme. Suivre l'énergie oubliée de ces lieux, dont il ne restait désormais qu'un chuintement. Elle ferma les paupières, écouta, harmonisa à nouveau son être au lieu.

Entendre la mélodie du fleuve, d'autrefois.

Elle récupéra une pousse et réessaya. Dé ING.
Tout lui revint, enfin, elle réussit à aligner les plantes et dégager son esprit des fantômes et de la présence détestée. Il y avait plus que le souvenir de la végétation luxuriante, des couleurs chatoyantes. La nature, unique et diverse, brillante.

Éblouissante de beauté.

Et la promesse de faire revenir tout cela.

Elle se sentait enfin en osmose avec le monde.
Avec cet endroit.

Peut-être fut-ce cet état de détente, la chance, ou bien un cocktail des deux ; elle évita la grosse gerbe de boue envoyée, se déplaçant d'un pas de côté. Elle aurait préféré avoir les yeux fermés, ainsi aurait-elle pu les rouvrir comme dans les meilleurs pièces de théâtre, d'un air dramatique, sur la violette. Tant pis pour les effets et la grandiloquence, elle n'aurait qu'un regard égal à envoyer à la louve.

Ainsi que du silence, beaucoup de silence.
Elle s'accrochait enfin au bon chemin, elle s'élevait au-dessus de ses bassesses, ce n'était pas un peu de terre qui allait l'y ramener. Lewis elle se rapprochait des enfers métaphoriques avec ses trous, sa brutale force sans finesse. Elle, coutoierait mieux et resterait l'ensemenceuse, près des créateurs de la vie, des sept divinités.

Peut-être avait-elle une soudaine folie des grandeurs ?
Ou juste était-ce que Lewis était bien malgré tout très basse sur l'échelle de l'intelligence.
Un peu des deux.

Elle veilla à ne pas trop s'associer à plus puissant qu'elle, à se rappeler à sa mortalité tout en se rassurant qu'elle était malgré tout bien supérieur à la fiente violette à côté d'elle. Un avis sans doutes pas partagé par tous, mais elle n'en aurait cure.

Seul les plantes comptaient. Dé.
Machinal, le mouvement commençait à rentrer dans ses muscles désormais.
Sortir la pousse des sacs. Dégager et aérer les racines en malaxant doucement le terreau où elle avaient débuté leur vie. Poser délicatement dans le sol qui avait été dégagé, faire attention à la profondeur. Assuré que tout était correct, replacer de la terre et tasser suffisamment pour sécuriser l'emplacement. Prendre un peu d'eau, même si elle était sale, avec un récipient apporté aussi pour bien arroser, sans les noyer.
Puis avancer, avaler la distance jusqu'au trou suivant.
Recommencer l'opération.

Encore, et encore, en supportant Lewis et sa stupidité.
Avancer si bien qu'elles avaient pourtant déjà parcouru une belle distance, que Nocera observa en se retournant. Le temps ne filait pas assez vite, allongé par la présence de l'autre, mais le travail de trois, ou quatre, était au moins correct pour être effectué ainsi à deux.
Il faudrait continuer le lendemain sans doutes, mais la progression était satisfaisante.

Le silence les accompagna, si ce ne fut pour le chant de la faune.
Le peuple des lieux s'accommodaient sans doutes et tâchaient de vivre.
Ils offraient encore leur âme au soleil déclinant.

La louve à côté d'elle sembla se dépasser pour plonger ses pattes dans la terre, déchirer le sol des griffes en canalisant son énergie dans les pattes avant et le dos. Déblayer, rejeter sur le côté ce qui venait d'être arraché. Tailler une plaie dans ce sol comme s'il lui avait fait offense personnellement. Les yeux verts de Nocera ne firent qu'observer, distraite un instant par cet ultime effort, mais ne prêtant pas tant de mérite au-delà de cette constatation.

Encore heureux, qu'elle se dépasse.

Tout cette violence était destiné à rendre cette terre féconde.
L'une vivisectait, pour que l'autre vienne ensuite suturer ces attaques et greffe en plus le don de la vie. Ce qu'elle fit, diligente désormais dans sa tâche. Chaque apérité s'effaça et chaque plan trainé derrière elles pour cette journée avaient été placés. De quoi prendre une inspiration, et enfin relâcher les muscles.

Nocera s'étira, le dos rond comme un chat quelques secondes.
La suite ne se ferait que quand l'astre lumineux repointerais son nez, en attendant, il allait falloir rejoindre Morphée. Ce qu'elle suggéra tout naturellement.

"Retournons avec les autres volontaires et allons nous reposer."

Et aussi dur que cela put être pour elle, elle ajouta malgré tout dans son dos, tout en commençant à repartir.

"Bon boulot, aujourd'hui."

Elles avaient bien collaborés, presque sans heurts.