[EVENT - PV Solelio] Vivre ailleurs

• 2 ans et demi •
F A E I

Solelio aimait prendre le temps d'observer les troupeaux d'herbivores en contrebas des roches où elle séjournait souvent. Elle y avait une place préférée, qu’elle avait un peu aménagée pour rendre le coin plus distrayant : armés de ses griffes et crocs et de son imagination, elle avait fabriquer des espèces de petits totem représentant sa famille et ses amis. Il y avait là Athelstan au regard sévère et à la longue chevelure en lianes de saule pleureur, Elvazio et ses fleurs tropicales pour représenter son poil roux, Orthalice et sa collection de cailloux en guise d'écailles, ainsi qu'Anita et son corps mince et souple en mue de serpent. Bon, elle avait fait avec les moyens du bord... Mais ça semblait leur convenir à tous, car aucun ne s'était plaint de son apparence jusqu'à maintenant. Il arrivait souvent qu'Ortie grogne lorsqu'il faisait trop froid à son goût où que son père la reprenne lorsqu'elle en oubliait ses bonnes manières de chevalier. Discutant de la meilleure façon de chasser un ces grands cerfs qui paissait non loin dans la vallée avec la fille de l'Alpha, la rouquine s'agaça un poil. Elle n'appréciait pas le ton trop guilleret de sa comparse et décida de la planter là pour aller s’aérer la tête en forêt. Elle avait besoin d'exercice, alors elle partie chasser pour calmer ses nerfs.

Rapidement, elle débusqua un lapin grimpeur qui tenta de filer vers le tronc le plus proche dès qu'elle sortie à découvert de son bosquet. Alors qu'elle allait l'atteindre et planter ses griffes dans sa cuisse, un concert de brames et autres cris d'effroi d'herbivores retentit. La cacophonie attira son attention une seconde de trop, car la proie en profita pour filer trop haut pour la louve. En grondant de déception, elle décida d'aller voir ce qui causait tant de troubles aux tranquilles mangeurs d'herbes... De son point de vue, elle eu tout loisir de voir un large et épais fauve s'attaquer sans la moindre hésitation au mâle dominant de la harde. Il n'eut aucun mal à l'égorger avec ses très longues dents dépassant de ses babines. Inquiète, l'Etelkru se chercha un point de vue sécuritaire aux creux du feuillage dense d'un arbre. Elle ne voulait certainement pas risquer d'être sentie ou vue par un tel monstre ! Dans un coin de son crâne, une voix désagréable et et persiflante s'insinua pour la rabaisser. Quelle lâche ! Se cacher au lieu d'aller affronter le danger pour te nourrir ! Tu es une honte à ton sang... Pas étonnant que personne ne soit venue te sauver. Tu ne veux rien. Lâche. Lâche. Lâche. Peut-être devrais-tu te jeter des grands rochers pour éviter à tous la peine de te côtoyer... Le ton semblait si vibrant de dégoût et de haine, qu'un instant Solelio fût persuadée que sa mère lui chuchotait directement à l'oreille.

Elle se retourna vivement, pour ne voir, interloquée, que du vide. La rouquine secoua le museau, les larmes aux yeux. Elle ne supportait plus d'entendre les remontrances mesquines de Nachos, les paroles glaciales et dédaigneuses de la louve morte. Comment pouvait-elle lui faire encore tant de mal alors même qu'elle avait disparue ?! Et si ce n'était pas le cas ? Et si... Et si c'était elle qui avait été tuée ? Peut-être que son arrivée ici était simplement son âme perdue dans les limbes, rejetée par ses Dieux... Sans qu'elle s'en rende compte, les larmes avaient inondés ses joues. La femelle chocolat et piment resta un moment dans son arbre, a se battre contre sa propre conscience. A se détester d'être si faible, si médiocre. A culpabiliser de ne pas être à la hauteur des attentes de sa génitrice, ou des espoirs du Conseiller Chevalier. Ce n'est que longtemps après le départ du tigre à dent de sabre, que la louve osa s'approcher de la carcasse du cerf pour voir s'il n'y avait rien à récupérer. Un peu de viande fraîche lui permit d'apaiser son estomac pour un bon moment. Elle avait prit l'habitude de manger lentement et moins afin d'entraîner son corps à être plus résistant et à puiser dans ses réserves moins brutalement à chaque effort. Cela lui permettait également de se contenter de peu et de rationner le fruit de ses chasses.

Elle découvrit donc que le goût de cet animal était à tomber, mais que comme il lui était potentiellement suicidaire de s'attaquer seule à l'un d'eux, cela resterait comme un repas de fête. D'ailleurs, peut-être était son anniversaire ? Elle ne l'avait pas fêter, et ne tenait même plus le compte des jours de... Depuis qu'elle était là. Depuis qu'Evan était mort. Par ta faute. Parce que tu es faible et inutile. Tu aurais mieux fait d'être mangée à sa place. Inlassablement, le même discours. Et chaque fois, il assombrissait l'esprit de Solelio plus encore. Enfermée dans sa solitude, écrasée du poids des remords, la femelle commençait à souffrir de crise incontrôlable et imprévisible. Elle sentait la pression l'étouffer, des tremblements la faisait tanguer jusqu'à parfois porter atteinte à son équilibre. Il arrivait qu'elle se sente suffoquer, ou nauséeuse. Cela durait généralement quelques minutes, puis tout redevenait normal. Comme si rien ne s'était passé. Parce qu'il ne se passait rien physiquement. L'isolement et l'auto-flagellation l'a rendait si nerveuse parfois, que sa tête lui jouait des tours et lui donnait cette impression d'être atteinte d'elle ne savait quel mal... Sans compter les mots acerbes de Nachos, qui lui assenait encore et toujours toutes ses erreurs passées. Les souvenirs de son frère et de son doux sourire, où ceux d'avec Athelstan qui l'a mentorait lui semblait si lointains, si flous aussi, qu'elle en venait à douter de leur véracité.

Personne ne t'a jamais aimé. Personne ne t'aimera. Tu mourras seule. Aussi seule que tu es déjà.

• 2 ans et demi •
F A E I

Tu n'es qu'un insecte. Une vermine.

Minuscule au milieu des proies bien trop grandes pour espérer un jour les chasser. Insignifiante au sein de cette forêt immense aux plantes et fruits géants. Un galet entre tous ces lézards gargantuesques. Solelio n'était rien. Sa conscience le lui rappelait sans cesse, brisant ses espoirs et ses rêves jour après jour. Chaque matin, la louve se réveillait en pleurs, un goût amer collant à son palais alors que les dernières images de ses songes s'évaporaient et qu'elle se retrouvait de nouveau prêt des sources chaudes, sans personne pour la consoler. Sa mémoire s'effilochait, perturbée par le temps mais surtout par la folie qui elle, gagnait du terrain. Fonctionnant principalement à l'instinct pour survivre, usant de sa capacité de réflexion aux seules fins de se nourrir ou de rendre son campement plus confortable, la rouquine était devenue plus sauvage, plus farouche. Elle se sentait perdre la capacité de perpétuer un dialogue avec ses compagnons de bois, de pierres ou d'os. Son père avait séché et était parti en miette. Idem pour Elvazio qui avait fané avant de s'envoler aux quatre vents. Quant à son amie, un de ces gros lézard -celui qui avait mangé l'Aviaire coloré sur la banquise vu l'odeur pestilentiel qu'elle avait retrouvé- avait éparpillé les morceaux de son corps et tout écrasé. Ne lui restait donc plus que la souche grincheuse, le tronc tordu et la pierre mousseuse de la forêt pour encore accepter de lui tenir conversation. Et encore.

Il y avait aussi Evan, qui partageait son nid le soir venu, mais il se contentait bien souvent de l'enlacer dans un regard bienveillant sans savoir trop quoi dire. D'ailleurs, elle décida de lui apporter un cadeau aujourd'hui, pour le remercier d'être le seul à être encore là pour elle. Finalement, il n'y avait que le Nakhu pour se soucier d'elle. La louve brune et orange prépara une délicieuse salade de fruit qu’elle sépara dans deux bols en écorce séchée. Puis elle apporta le tout dans sa tanière de bois et de feuilles de fougères où patientait sagement le mâle à plumes. Elle lui sourit, Solelio, avant de commencer son petit déjeuner. La forme ailée, composée en réalité du crâne aux bois démesurés du grand cerf tué par le fauve préhistorique, et peints de rouge, de bleu et d'orange grâce aux diverses baies découvertes dans cette forêt, portait son ombre réconfortante sur le dos de la jeune louve. De temps en temps ils échangeaient un sourire ou elle lui racontait son dernier exploit de la veille. Par exemple, elle était fière de lui annoncer qu'elle était enfin parvenu en haut d'un des hauts arbres, là où le lagomorphe avait mis sa réserve de racines et autres morceaux de choses comestibles. Cela lui avait été utile pour découvrir un nouvel aliment et donc changer un peu son menu ! D'ailleurs, le goût âpre du tubercule en question avait réveillé un peu ses papilles, et donc lui avait apporter un peu de joie.

Il l'a comprenait tellement Evan. Il était tellement agréable, jovial. Le peu qu'il parlait, il avait toujours le mot pour rire et détendre l'atmosphère. Depuis qu'il était revenu -prouvant ainsi qu'elle avait eu raison de croire qu'il n'était pas mort !-, ses idées noires s'étaient un peu dissipées et surtout, Nachos s'était éloignée. Ainsi elle reprenait tout doucement confiance et acceptait lentement l'idée d'être heureuse ici, avec l'Aviaire disciple de Yurai. D'ailleurs il était tolérant et ne lui reprochait pas sa foi inébranlable pour le Grizzli et la Renarde. Tout commençait donc à aller vraiment mieux pour elle. Pour eux. Avoir récupéré son compagnon d'aventure lui avait fait un bien fou ! Quand bien même tous les autres l'avaient abandonnée, rejetée ou oubliée... Au moins, il lui restait le loup-oiseau. Tout deux filait une relation des plus tendres et épanouissantes. Evan n'était jamais en colère contre elle, même si la rouquine rentrait un peu tard de ses entrainements quotidiens, il ne l'a rabaissait jamais quand elle revenait pleins d'estafilades ou trop épuisées pour faire le repas. Il ne lui reprochait jamais ses humeurs ou ses faiblesses. Finalement, elle était heureuse de couler ses jours avec lui. Elle en était si satisfaite, au final, que petit à petit, elle oublia de prier pour qu'on vienne la chercher, elle oublia ce qui l'avait amenée ici, et elle oublia ceux qui, probablement l'avait déjà supprimée de leurs esprits depuis des lustres.

• 3 ans •
F A E I

Il s'en passa encore des longues journées d'automne, où la température semblait un peu descendre, surtout la nuit, où les arbres rougissaient et les feuilles se rabougrissaient. Malgré le vent plus frais, et le blizzard menaçant qui passait sur la plaine plus bas, rien de particulier n'était annoncé aujourd'hui. Tandis qu'elle se lançait dans ses exercices quotidiens à base de course d'obstacles à travers la forêt -toujours le même d'ailleurs, il faudrait qu'elle fasse un peu de repérage pour changer son parcours, elle avait l'impression de ne plus évoluer depuis quelques temps- et d'escalade de rocheuses ou de grands pins qui lui rappelaient un peu les Dents de Rocs par moment, la femelle repensa à sa discussion de la veille au soir avec son compagnon. Ils avaient évoqué leur futur, leurs attentes quand à leur relation, leurs rêves et évidemment, s'était invité la question sur les enfants. Bon. Ils étaient tombés tout de suite d'accord sur le fait de ne pas en avoir ici et maintenant. Bien que la zone soit confortable à vivre, leur sécurité restait précaire et il fallait sans cesse être sur le qui-vive. Ce n'était nullement un endroit pour élever des louveteaux turbulents. Puis bon, elle était encore jeune, elle ! Elle avait bien le temps. Sans compter que, elle n'avait pas voulu lui mentir, mais elle n'avait pas oser lui dire qu'elle ne voulait jamais porter la vie. Sa mère l'avait bien trop marquée pour qu'elle veuille à son tour transmettre quoi que ce soit de ses gênes ou de son éducation.

Solelio ralentit son allure à un pas mesuré pour souffler et s'octroyer une pause. Vraiment, elle se maintenait en forme certes, mais elle n'évoluait plus, c'était exaspérant. Il lui fallait sortir de ses habitudes. Et pourquoi pas, se trouver un nouveau terrain de jeu pour repousser ses limites à nouveau. Plutôt que de courir en cercle concentrique autour de sa tanière, elle décida de mettre en œuvre tout de suite son idée et de partir tout droit vers l'ouest pour avoir du soleil plus longtemps. Elle dépassa ainsi rapidement la limite qu'elle se fixait d'ordinaire pour être rentrée avant la nuit, estimant que pour une fois, elle pouvait bien découcher. Elle était un peu mal à l'aise à l'idée de rentrer en plus, alors qu'elle avait menti au loup Aviaire droit dans les yeux. Il risquait de lui en vouloir, non ? Probablement un petit peu, mais ça lui laisserait plus de temps pour préparer son discours d'excuses... Plus elle s'éloignait de son territoire habituel, plus fort résonnait dans son crâne le pas de course de... Lâche. Voilà que tu fuis le seul écervelé qui accepte de supporter ta misérable personne. Elle accéléra, la femelle chocolat et piment, dans le vain espoir de couvrir la voix de sa mère par le son de sa course. Ne pouvant la faire taire, elle se focalisa un maximum sur ce nouveau paysage, afin d'enregistrer le moindre indice lui permettant de une, retrouver sa route, et de deux, déterminer la dangerosité du terrain et ses spécificités.

( Réussite sur ING pour l'exploration à l'Est des Sources Chaudes - Réussite )

• 3 ans •
F A E I

L’environnement changea autant que la température baissa. Bientôt il fallu à la louve se couvrir un peu plus et rester en mouvement constant pour ne pas laisser ses muscles refroidir et attraper quelconque mal. Cela ne fût pas suffisant, car bien vite, Solelio comprit que le froid ici reprenait ses droits et pleins pouvoirs. Le climat hivernale lui était désagréable et lorsqu'elle sentit le vent se lever, elle réalisa que de ces plaines enneigées naissaient le Blizzard. Celui qui tuait d'un tourbillon de flocons gelés, celui qui statufiait même les gros dinosaures en quelques instants. Celui qui ne prévenait pas avant de vous enfermer à jamais dans le dernier geste de votre existence. Dès ce fait enregistré dans son esprit malade de solitude, la rouquine fit demi-tour pour revenir en terrain plus chaleureux à son égard malgré les mots virulents de sa génitrice. Quelle bravoure de reculer ainsi face au danger ! Quelle témérité que de fuir la queue entre les pattes plutôt que d'aller voir ce qui serait, peut-être ta seule porte de sortie ! La femelle avait pleinement conscience du manque totale de bienveillance de Nachos à son égard, elle savait aussi que tout ce qu'attendait la vieille louve aigrie, c'était de la voir la rejoindre dans l'outre-tombe. Hors l'Etelkru s'y refusait.

Elle avait tant haït sa mère de son vivant, et n'en aimait pas davantage son souvenir. Elle préférait errer à jamais dans n'importe quelles limbes, que de devoir subir à nouveau le courroux malsain de l'ancienne disciple de la Renarde. Solelio était donc prête à tout pour vivre, prête à rester ici indéfiniment avec Evan, à renoncer à sa dernière braise d'espoir de revoir un jour ceux auprès de qui elle avait grandie, si cela voulait dire que la lourde et étouffante ombre de sa génitrice disparaissait à jamais. La femelle chocolat et piment n'eut pas de mal à retracer son chemin jusqu'aux sources chaudes, mais dû passer une nuit fraîche loin de son repaire et de son doux compagnon, sous les vils remontrances imaginées de Nachos. Ce n'est que lorsqu'enfin elle regagna son tipi et le couvert des ailes de bois du loup Aviaire, éreintée, affamée mais rassurée, que la paix revint balayer les tourments de la jeune louve pour quelques temps. Elle se reposa tout le jour suivant, faisant fi de son estomac grondant jusqu'au soir où elle alla croquer dans l'une de ces baies géantes pour apaiser sa faim et dormir encore. Elle avait eu tant besoin de l'étreinte chaleureuse et réconfortante du mâle rouge, orange et bleu, elle avait eu tant besoin de son regard vide de toute cruauté et de toute critique -vide tout court d'ailleurs- pour retrouver un semblant de confiance en sa survie ici.