Il respire.

• 4 ans •
F A E I

Il n'y avait pas de vent aujourd'hui. L'atmosphère était sereine, comme en suspens. L'océan était apaisé, et ses lames d'écumes venaient avec régularité caresser le sable, les rochers, la carcasse échouée où tous les jeunes pirates avaient appris à grimper, fureter, ou même nager entre ses couloirs immergés. Il vint même un instant danser prêt de la coque défoncée de Navire, et dans une valse infernale s'en alla pour mieux revenir. Tout était calme. Ou presque. La petite sorcière était allongée devant la grotte héritée de son oncle où coulait la maudite fontaine. Sourcils froncés, elle se triturait les méninges sur les mots du parchemin ramené du fond des abimes, des lunes en arrière, par le loup hybride vert. Ce loup qu'elle aimait tant et qui lui, en aimait une autre. Elle souffla bruyamment, à la fois agacée par l'absence de nouvelles idées pour le message codé et ennuyée d'un temps si tranquille. Jusqu'à ce que claquent les voiles d'un bateau. Ann se redressa à demie, observa la mer, les plages sur lesquelles elle avait une vue dégagée du haut de sa colline. Immédiatement elle sût qu'il s'agissait de Navire. Navire impatient qu'ils n'avaient encore pu soulager et réparer. Nul bâtiment à l'horizon, et la carcasse n'avait plus que des lambeaux de tissus moisis en guise de voile, rien qui pouvait claquer si fort.

Forcément, ce ne pouvait qu'être un signe de Navire. Elle bondit en avant la noiraude, décidant de laisser reposer un peu l'énigme qui rongeait son cerveau pour aller observer de plus prêt les signaux que peut-être, l'imposant bateau cherchait à leur communiquer. Sur la plage, sa nièce et l'un des fils d'Abysse discutait autour d'un très très gros poisson. Curieuse, la femelle haussa un sourcil mais ne dévia pas de son objectif premier. Elle fit encore quelques pas souples jusqu'à la coque de Navire, et en fit le tour du côté non immergé. La marée montait, bientôt une étreinte rassurante viendrait entourer le bois humide et blessé du bâtiment maritime. Ann posa finalement son front contre Navire, ferma les yeux, et concentra ses oreilles sur les grincements entendus. Voulait-il vraiment attirer leur attention ? N'avait-elle pas rêver ce bruit sec. Après tout, il n'y avait pas la moindre once de brise... Elle inspira lentement avant de chuchoter.

« Nous sommes lents et minuscules, Navire. Mais nous rassemblons ce qu'il faut, petit à petit, pour te rendre ta puissance. Je te demande de nous pardonner notre manque d'efficacité, fier bateau. Nous ne t'abandonnons pas. Jamais. »

Ecouterait-il seulement ? Elle n'en était pas sûre. Il aurait raison d'ailleurs, les Raeders semblaient presque tous, chacun préoccupé par leur propre postérieur. Elle-même se faisait des nœuds au cerveau à longueur de journée tandis qu'elle aurait pu faire plus d'effort pour nouer des cordages, tisser des nouvelles voiles, récolter des algues et de la mélasse pour colmater le trou... Tout ce qui ne nécessitait pas une grande force, en somme.

• 4 ans •
F A E I

Ann souffla sous l'invective de sa nièce. On ne pouvait pas discuter tranquille non ? Elle sourit au bateau avant de rejoindre d'un pas souple et habitué à l'instabilité du sable sec les deux jeunes loups affairés sur une carcasse. Ils avaient dépecer la bestiole, étonnement grosse en étant si proche. Ils l'avaient chassé à eux seuls ? Elle était presque impressionnée. Ses oreilles s'agitèrent. Ils dépeçaient leur proie, déliait tendons, muscles et organes du corps, séparant viande, graisses et parties dures. Ils désossèrent le monstre marin, puis édentèrent son crane. Makuro s'attaqua ensuite au cuir tout en donnant des instructions.

« Un vrai capitaine miniature que nous avons là. »

Le ton est sarcastique, mais il n'y avait qu'un air malicieux sur le museau de la Maitresse des Rituels, elle se tourna vers le fils d'Abysse et Naïade.

« Un coup de patte, Chimaera ? »

Proposa t-elle en rassemblant tout ce qui pouvaient servir de clous dans son sac, prête à aider le jeune mâle bleu-vert à transporter les choses lourdes pour ne pas s'épuiser inutilement. Grimper dans Navire et aller faire ce genre de travaux risquait d'être déjà fort énergivore.

• 4 ans •
F A E I

La petite sorcière, bien que doyenne du petit groupe se montra docile et volontaire pour aider Chimaera à porter les os les plus volumineux ou lourd, à les hisser puis à les attacher selon le plan du jeune mâle. N'ayant rien à redire ou à apporter et estimant qu'il avait l'air de bien avoir bosser son sujet, elle lui fit entièrement confiance et accepta donc ses instructions sans broncher. Sans paroles inutiles, et d'une complicité tacite dans la collaboration, la Maitresse des Rituels et le fils de celui qu'elle aimait travaillèrent d'un même rythme de longues heures sans relâche. De temps en temps, elle entonnait un chant marin, en fredonnait un autre ou parlait à Navire aussi naturellement qu'elle aurait discuté avec l'un de ses congénères.

« Tu vas être plus beaux que jamais Navire. »

Elle se tourna vers son co-équipier du jour alors qu'il énonçait l'ultime étape.

« Oh. J'ai trouvé comment faire de la colle très solide au besoin. »

Entre autres. Elle avait également bon nombre de feuilles griffonnées de recettes diverses et variées pour des préparations mystiques ou simplement gustativement intéressante. D'ailleurs, il ne lui manquait plus grand chose à récupérer pour son sort de protection. Elle espérait que cette attention serait appréciée du bateau. Tandis que Chimaera entrait dans les entrailles de l'épave qui n'en serait bientôt plus une, elle jeta un coup d’œil à Makuro qui avait également trouvé un compagnon de travail : Abysse. Un large sourire fendit la poire de la noiraude, avant qu'elle ne rejoigne le fils de ce dernier pour l'aider dans sa tâche, peut-être, la plus ardue : déménager ses effets personnels de là où il avait grandit.

« Tu sais déjà où tu vas t'installer ? Maintenant que tu es un adulte, il te faut ta propre cabine, non ? »

Elle lui tira la langue, malicieuse.

▒ 4 ans ▒
F A E I

La noiraude aida le pirate a déménager les affaires nécessaires, sifflotant dans son coin quelques chansons paillardes avant d'écouter la réponse de son compatriote. Esprit libre, âme farouche, il voguait chaque jour vers l'ailleurs et trouver repos où ses pattes l'avaient emmené. Ann grimaça à la suite de son propos. Imaginer Abysse et Naïade partageant leur couchette et leurs nuits l'envahit d'une jalousie mauvaise. Peut-être pourrait-elle, innocemment proposer au loup abyssal de partager sa grotte, tout en sachant qu'il n'y aurait bien entendu pas de place pour sa compagne... Un rictus narquois étira ses babines de charbon et la petite sorcière ricana :

« Pourquoi, tu espères un autre frère ? »

C'était un peu mesquin, il fallait l'avouer, mais plus le temps passait et plus l'âme d'Ann trouvbait la même couleur que son poil. Il était fini le temps où elle se mettait à couvert et espérait dans l'ombre. Il était fini le temps où les principes moraux prédominaient son propre bien-être. C'est de cette manière aussi, que les Raeders pourraient évoluer. En se prenant en main et en voulant grandir. Pas en simplement se laissant paresseusement vivre sur Morne-Oeil. Il fallait voir plus loin. Elle hocha la tête en réponse au chapardeur.

« Oui j'ai tous les ingrédients je crois. Dès que j'ai fini avec ça je vais chercher ce dont on aura besoin. »

Elle s'affaira donc à jeter hors des cabines les effets personnels des loups y ayant établis foyer, obéissant docilement à Chimeara. Une fois qu'elle eût fini de traiter la literie, elle fit signa au loup à la queue de crocodile qu'elle partait faire son aller-retour et fila en vitesse en quête de sa recette de colle et des ustensiles nécessaires. Trottinant jusqu'à son antre de Maitresse des Rituels où l'odeur forte des plantes et algues séchés et autres produits en tout genre lui procura un étrange sentiment de nostalgie, la femelle attrapa une vieille louche en fer noirci par le temps et une écuelle en coque de noix de coco avant de s'enfoncer plus profondément dans la tanière et rejoindre le fond de la grotte. Ici la température changeait peu car les mouvements d'air était plus rare et que la pierre épaisse formant les murs rendaient tout échange de chaleur plus difficile. Il fallait qu'il fasse vraiment très foid plusieurs lunes où vun temps canuculaire tout autant de temps pour modifier significativement l'atmosphère du fond de l'antre de la sorcière. C'est ici qu'Ann avait entreposé son tonneau de vinasse, environ deux lunes plus tôt, pour le laisser paisiblement fermenté.

Elle ouvrit le couvercle troué pour laisser passer l'air, et le déposa au sol. L'odeur du vinaigre chatouilla ses narines et elle sourit, à priori, il était bien fait. Du moins, si elle faisait confiance à la fragrance acide. A l'aide de la louche, elle enleva délicatement la pellicule de mère de vinaigre qui s'était formé avec le temps sur la surface du liquide rouge sombre et la versa dans son bol en noix de coco. Le produit pourrait peut-être servir à autre chose, on ne savait jamais. Elle avait lu qu'il était très important de ne pas faire tomber le dépôt dans le fond pour qu'il ne se mélange pas au vinaigre, au risque qu'il perde son pouvoir acidifiant. Hors c'est exactement cette propriété qui lui était nécessaire pour le colle. Une fois débarrassée complètement de la couche mousseuse du dessus, Ann alla chercher un couvercle bien étanche et ferma le tonneau complètement, pour être sûr de ne pas perdre la moitié du contenu en chemin. Elle alla ensuite verser la mère de vinaigre dans une bouteille au bouchon permettant l'aération et la rangea sur une étagère creusée à même la roche. Ensuite, elle emporta son tonneau en le faisant rouler jusqu'à la plage où séjournait Navire.

Elle retourna ensuite chercher un autre tonneau qu'elle avait rangé, cette fois, dans les victuailles des pirates : un seau de lait récupéré sur le continent quelques jours plus tôt en ouvrant le pie d'un bufflonne fraîchement tuée dans la savane par un prédateur que la sorcière n'aurait pas aimé rencontré... Au vu de l'état des chairs de l'herbivore, ça avait dû être un animal autrement plus dangereux qu'un loup. Enfin, ça avait bien fait son affaire, même si il lui avait fallu plusieurs heures pour rapatrié toues ses petites bouteilles de lait jusqu'à Morne-Oeil. De plus, heureusement que la saison froide battait son plein, permettant une conservation idéale ! En rapportant son second tonneau, la noiraude commença a souffler fort, l'exercice lui devenait fatiguant, car elle manquait diablement de force et d'endurance. Ce qui était été vite fait par Ariitaimai ou Makuro lui était bien plus difficile. Il faudrait vraiment qu'elle remédie à cela bientôt. En sueur, elle marqua une pause une fois le second contenant de bois posé a côté du premier.

Ce n'était toutefois pas fini, et elle fit un dernier aller-retour pour quérir, cette fois dans la carcasse marine, un vieux pinceau en fanes de baleine qu'elle rangea dans son sac, ainsi qu'une grosse fourchette a mélanger et une lourde et imposante marmite de ferraille, elle aussi oxydé par le temps et l'humidité. Elle donna ses dernières forces pour retourner auprès de Navire, Chimaera, Makuro et Abysse. Littéralement épuisée, elle se laissa tomber sur le flanc, langue pendante, pour reprendre son souffle. Avant de soupira bruyamment. Bon sang, la farine ! Ne voulant pas laisser faire quiconque d'autre, par fierté de forban et parce que ce n'était pas très loin d'ici pour le coup, la Maitresse des Rituels alla chercher dans les cales sèches mais infestées de rat du Bâteau un sac de farine. L'un des coins était grignoté et la força à le prendre autrement que sur son dos. Alors elle traîna le sac du mieux qu'elle pu parmi les ponts de Navire jusqu'à sortir par le trou ouvert à travers la coque. Cette fois-ci, elle était réellement vannée et laissa le soin à quelqu'un d'autre de prendre le lourd sac en toile et l'apporter prêt du reste.

Elle s'assit, la gorge sèche et le souffle saccadé, leva une patte tremblante de faiblesse vers les divers ingrédients et énonça la recette.

« Autant de lait que de farine.... Mélanger fort pour qu'il n'y ai pas du tout de morceaux... Puis ajouter le vinaigre doucement... Sans s'arrêter de mélanger... Jusqu'à ce que le liquide épaississe juste un peu... Il faut que ce soit homogène ! Et après, c'est prêt... »

Elle soupira, et se laissa à nouveau choir de côté, pour se doré la pilule au timide soleil d'hiver, et surtout, retrouver une respiration plus tranquille.

▒ 4 ans ▒
F A E I

La colle était prête, Chimaera avait été attentif et avait mis du cœur à l'ouvrage, aussi bien dans le nettoyage des matériaux que dans la préparation de l'épais liquide aux vertus adhésives. De son côté Makuro avait bien avancé sur le traitement des peaux, aidée par le Second. Il ne restait plus qu'à vérifier que toutes les dernières planches soient fixées, clouer les extrémités des cuirs au bois et enfin peindre le tout de ce produit qui consoliderait l'ensemble et finirait de rendre à nouveau étanche Navire. La petite sorcière sourit au fils hybride d'Abysse et lappa après lui quelques gorgées d'eau froide. Cela en plus de sa petite pause au soleil eu pour effet de la revigorer assez pour reprendre le travail. Aujourd'hui est ton jour noble voyageur des mers.

« Merci, jeune pêcheur. »

Elle retourna à son sac et en sortit des gros peignes de fanes de baleines. Ces outils seraient parfaits pour étaler la colle en couche régulière et propre. Puis en quelques bonds agiles, elle alla se placer contre la coque du bâteau et s'assura que chaque morceau de bois tenaient bien. Elle n'en doutait pas, Chimeara était vraiment doué de ses pattes, mais un second oeil n'était jamais de trop. Puis, elle alla voir Makuro et prit un premier morceau de peau qu'elle alla caler à l'intérieur de la coque là où existait auparavant le trou. Elle retourna dehors pour se servir un bol de colle dans une demie coco et l'apporta à l'intérieur avec un pinceau pour commencer à apposer le liquide un peu gélatineux par dessus.

[ Dé réussite sur AGI - Étanchéifier une partie des réparations - Réussite ]

Puis, elle attendit de voir sécher et durcir le mélange pendant que Makuro terminait les cuirs, afin d'être certaine que cela fonctionnait. Et c'était le cas. Ils formaient une bonne équipe finalement, se dit la petite sorcière.

▒ 4 ans ▒
F A E I

Un peu de repos pour repartir d'une patte plus vaillante. Chacun s'abîma dans ses tâches de ménage pour rendre à Navire son lustre. Concernant la coque, il n'y avait plus qu'à attendre que la colle sèche et durcisse rendant le tout à nouveau imperméable. Bientôt le bateau voguerait contre vents et marées. Sa première pensée une fois les divers travaux à accomplir répartis entre les pirates, fût de vérifier si son talisman de protection était toujours en place. Elle se rendit vite compte que la bouteille avait été sortie avec tous les autres objets lors du grand nettoyage. Il lui fallu donc chercher et fouiller au travers des montagnes de bazar qu'avait pu contenir les grandes cabines du voilier pour retrouver ce qu'elle cherchait. Enfin lorsqu’elle mit la patte sur son sort de protection, elle en vérifia le bouchon afin de s'assurer qu'il soit toujours scellé, et que le contenant ne soit pas fendu. Ensuite, elle retourna le placer avec douceur et affection au cœur du bateau : son gouvernail. Cette fois elle n'avait plus besoin de dissimuler son travail et attacha la bouteille directement au pied de la roue directionnelle et pria l'Océan de rendre force et vaillance à Navire pour qu'il reprenne la mer au plus vite. Elle descendit ensuite sur l'un des ponts inférieurs où elle commença à briquer les canons. Quels pirates seraient-ils sans artillerie ?

Elle passa un temps certain à vérifier chacune des lourdes pièces de fonte, à les nettoyer des algues incrustées par l'Océan savait combien d'années sous la surface de la mer, à tisonner les tuyaux afin d'en sortir les coquillages cachés à l'intérieur, et à les remplir tous, d'une petit dose de poudre. Ainsi lorsque Navire reprendrait le voyage, ils pourraient faire pétarader ses canons et laisser exploser leur joie de le revoir enfin à sa place, brisant les vagues ! Il lui fallu d'ailleurs un bon moment pour ranger auprès de chaque couleuvrine deux à trois boulets dans un petit tonneau de rangement. Huit beaux canons, prêt à jaillir de leur hublots dès que la cloche serait sonnée. Oh, la cloche ! Ann se rendit compte que le système à l'intérieur de la coupole métallique était manquant. Elle alla donc récupérer un pendentif en pierre précieuse translucide qu’elle espérait être du diamant -vu le crissement sous la dent qu'elle venait de s'ébrécher en le testant elle avait peu de doute- qu’elle attacha à une lanière de cuir un peu raidie par le sel et qu'elle inséra dans la cloche. Cette dernière pu enfin retentir à nouveau. Son chant n'était sans doute pas aussi harmonieux que la précédente, mais il serait la voix unique de Navire. Satisfaite, et se sentant galvanisée par l'aspect général du bateau, la sorcière se mit à susurrer au bois :

« Tu seras le plus beau Navire. Tu les éblouiras tous aarh ! »

Elle souffla en souriant, et après s'être frotté contre la cloison de bois comme elle se serait lové contre un ami proche, la noiraude s'en retourna vers l'escalier pour descendre dans les cales. Ses comparses avaient déjà bien réaménagé l'espace pour toute leur tribu. Des hamacs avaient été suspendus, des couchettes préparés et des coffres réservés aux effets personnels prévus pour les matelots. N'ayant plus rien à ajouter ici pour l'instant -il faudrait que chaque Raeder vienne y poser un objet important pour lui afin d'en transmettre le pouvoir émotionnel au bateau-, elle passa dans une autre cale où avait été pensé des boites et des coffres aux trésors à 'en plus finir ! Idéal pour des pirates ! Elle continua son tour, cherchant où ses pattes pourraient bien être utiles encore. Une réserve de vivre et de rhum avait été placée dans la dernière cale, la moins humide. Ann remonta pour passer sur les autres ponts, observés le travail accomplie et sentir l'impatience l'a gagner. Sans doute Navire l'était plus encore, forcément. Elle avait hâte de voir le beau voilier reprendre sa vie et ses prouesses en haute mer. Comme tout allait bon train et que tout le monde s'y était mis, Ann et Mary se mirent d'accord sur un même élan de déco en allant coudre une banderole colorée à l'aide de vieux rideaux lavés et re-re-relavés pour en effacer le moisie et l'odeur nauséabonde mais non réutilisés finalement pour rendre le premier pont extérieur plus festif.

A cette longue bande tissu, elle accrochèrent des petits crânes d'animaux, des pierres plus ou moins précieuses, des coquilles de nacre en tout genre. Ainsi, lorsque le soleil -actuellement caché par quelques nuages gris- viendrait frapper Navire, son pont extérieur s'enflammeraient de milles couleurs chatoyantes et dansantes. Un beau spectacle pour attirer la chance et la prospérité sur le bateau. Avec son neveu Eros, elle confectionna ensuite des paniers en algues séchés pour y ranger des fruits trouvés principalement à l'Atoll et sur les plages. Des noix de cocos, des bananes, des goyaves qu'ils rangèrent dans la cale prévues au stock de nourriture. Tandis que sa jumelle et le mâle violet retournaient mettre de l'huile de coude pour aider à traiter le bois du bateau, Ann s'en alla faire quelques préparations de son crû. Elle rapporta ainsi quelques petits tonneaux de boissons alcoolisées arrangées en les faisant rouler sur les collines de Morne-Oeil, puis sur le pont d'embarquement et enfin jusqu'à la réserve. C'était épuisant mais pour Navire, elle l'aurait fait encore dix fois. Langue pendant et muscles tremblants de fatigue, elle ne s'arrêta pourtant pas là : elle récupéra un peu de breuvage spécial dans une bouteille, qu’elle garderait pour rebaptiser le voilier à son départ, juste après que chaque Raeders ai pu signer la coque et laisser une marque de sa présence. Et puis sûr, ils allaient également pouvoir hisser l'étendard des pirates, dresser haut leur drapeau rouge !

« Si tu veux bien d'nous comme équipage, morbleu ! »

Ne pu s'empêcher de ricaner la Maitresse des Rituels. Elle, comme tous les forbans, espéraient que Navire leur resteraient et qu'ils pourraient continuer à prendre soin de lui des années durant pour se faire pardonner du temps mis à la repérer en premier lieu. Il était devenu comme un membre de la famille et nul pirate n'aurait voulu le voir prendre la mer sans lui. Cependant, la sorcière avait bien conscience qu'il était lié d'une manière ou d'une autre à Céto, et que les prochains temps, loin d'être simples, marqueraient un tournant dans la vie des Raeders. Finalement, lorsque tout sembla achever, elle décida soudainement d'apporter une touche finale à sa manière : faisant l'aller retour ventre à terre jusqu'à sa tanière, Ann revint avec un pot de terre cuite dans lequel poussait des Cornes de la sagesse. Elle avait trouvé dans un livre à la Bibliothèque que cette plante, dans une culture lointaine, apportait sagesse et force à ses hôtes. En forme d'éventail de feuilles cylindriques pointues et coriaces, le végétal était réputé intuable car tolérant presque toutes les conditions en vie d'intérieur, et nécessitait peu d'eau potable, denrée trop précieuse une fois en mer. Elle espérait ainsi qu'à l'instar de cette plante, Navire ne s'échouerait plus jamais. Et que plus aucun requin ne traverse sa coque inopinément ! Parcourue de frissons de plaisir et de hâte en voyant ce bateau devenu plus propre et plus épatant que lorsqu’il était sortie des eaux tumultueuses de l'Océan, Ann alla rejoindre le groupe sur la plage, qui attendait tranquillement que tout le monde termine ses tâches.

Vite. Vite. Navire a assez attendu. Navire, beau Navire, vogue, vogue !