Courage to change — Hedwige

Prudence était affalée sur le sol de la bibliothèque, ses griffes tournant une nouvelle page de l’épais volume qu’elle était occupée à lire. Y’en avait pas mal de bestioles creepy sur les terres de Punk Wolf. La solitaire était en train de lire un passage sur les abominations d’Eldritch tout en piochant dans les myrtilles qu’elle avait cueilli avant de venir jusqu’ici.
Des créatures capables de se téléporter et visiblement très intelligentes.
La sans-glowstick trouvait cela fascinant. Elle ouvrit son carnet à une double-page vierge, avant d’inscrire le nom. Il fallait absolument qu’elle en apprenne plus à leur sujet. Devait bien y avoir d’autres bouquins dans cette bibliothèque non ?

La louve tapota de son crayon Peter qui s’était enroulé à côté de la bougie. Tss, vraiment pas actif la nuit le reptile.
En sentant une odeur inconnue, la Licorne redresse le museau tout en restant étendue sur le sol (bah quoi c’était quand même super confortable, puis y’avait des snacks). Un sourire vint étirer ses babines alors qu’elle prend la parole d’une voix calme.

« — Tout le monde ne dort pas à cette heure-là ? »

Lui avait pas semblé voir les Nakhus super actifs de nuit.
Prudence glissa une autre myrtille entre ses crocs, d‘humeur bavarde.

Les Nakhus étaient en effet loin d'être très actifs de nuit, mais il y avait quelques exceptions à cette règle. Et parmi elles se trouvait Hedwige. Comme très souvent, la jeune louve s'était endormie tôt dans la soirée, pour se réveiller quelques heures après secouée par un violent cauchemar. En cette période désagréable des chaleurs, aucune de ses nuits n'était épargnée et elle commençait à sérieusement ressentir les effets de la fatigue. Elle s'efforçait de se reposer dans la journée, en de courtes siestes, mais la peur de s'endormir profondément et d'être à nouveau attiré dans d'atroces visions l'empêchait d'en profiter complètement. Elle marchait beaucoup, seule, s'entraînait à voler aussi puisqu'il fallait bien occuper les longues heures de la nuit.

Cette fois-ci, elle avait pris son envol depuis le Dédale avec pour objectif l'Île Chuchotante, pour travailler l'endurance de ses muscles. Elle n'avait pas encore l'habitude de voler sur de longues distances mais c'était quelque-chose qu'elle souhaitait ardemment être capable de faire. Alors elle effectuait des petits trajets entre les différents points d'intérêt des terres Nakhus, et progressait, lentement. Sa haute silhouette fendait les airs, à demi à l'aise, au-dessus de la Vallée Chuchotante. En baissant les yeux, elle se cala sur la rivière qui coulait en son centre et la suivit en silence. Bientôt, la mer apparut à l'horizon, immense masse noire et mouvement. Il n'y avait pas d'étoiles ce soir-là, car une menaçante couche de nuages couvrait le ciel. Lorsqu'elle s'y enfonçait, Hedwige en ressortait le pelage constellé de gouttelettes glaciales, qui séchaient rapidement lorsqu'elle volait ensuite à découvert.

Elle finit par apercevoir les contours de l'Île Chuchotante, et battit un peu plus vite des ailes, revigorées. Ce fut sans panache mais heureuse de sa modestes performance qu'elle atterrit au milieu des bois qui entouraient le Cimetière et la Bibliothèque. Elle s'ébroua et secoua ses ailes pour qu'elles ne s'ankylosent pas. Mais sa joie fut de courte durée, car une grosse goutte d'eau vint s'écraser sur son museau. Un instant après, il pleuvait à torrent. Elle ne voulait pas affronter la tempête, pas après s'être déjà fatiguée à faire son long trajet, aussi Hedwige repliait-elle ses lourdes ailes et s'élança en direction du seul lieu abrité à proximité : la Bibliothèque.

Elle passa la lourde porte avec soulagement. La route avait été courte, et pourtant la pluie avait eu le temps de la tremper jusqu'aux os. De l'eau dégouttait de son pelage et de ses plumes avec un plic ploc régulier, mais elle n'osait pas s'ébrouer au milieu des livres. Elle commença donc à avancer avec précaution à la recherche d'une cheminée devant laquelle elle pourrait s'étendre, et qui de préférence n'avait pas trop de livres en vrac à ses pieds, histoire de ne pas les massacrer. Alors qu'elle avançait entre les hautes étagères, une voix résonna sur le côté.

En contre-jour devant un grand âtre se trouvait une silhouette cornue. Son odeur était celle d'une louve solitaire, et Hedwige ne l'avait jamais vue auparavant. La Nakhu s'immobilisa, hésitante, et finit par bredouiller :

"Excusez-moi, je ne voulais pas vous déranger... Je cherche un endroit où me sécher."

Une louve. Prudence reconnut sans mal l’odeur des chaleurs, c’était la période en ce moment. Bon, faut dire que la solitaire commençait un peu à avoir l’habitude, ça s’en va puis ça revient, rien d’alarment. Un large sourire étire ls babines de la Licorne, alors que sa queue nattée valait doucement le sol. La déranger ? Pfff, elle adorait rencontrer des gens, c’était trop cool de découvrir leurs p’tites manières et leurs habitudes, puis y’en a des fois qui avaient des familiers vraiment très très intéressants.

« — Y’a pas de raisons de s’excuser voyons ! »

Bon par contre pour l’endroit où se sécher… Peter dormait près de la bougie pour la chaleur, peut-être qu’ils pourraient partager un peu ? M’enfin ça allait pas être fameux…

« — Tu peux venir là si tu veux ! Pousses un peu le reptile, il dira rien t’inquiètes. »

Il avait pas intérêt.
La solitaire garde son livre ouvert, mais pousse le bol de myrtilles vers la Nakhus.

« — Je m’appelle Prudence, et toi ? Tu veux des myrtilles ? Promis je les ai pas chipé dans votre potager. »

Un p’tit clin d’œil, accompagné d’un sourire charmeur. La louve aimait bien amadouer les gens, des années d’expériences avec son papa.

L'autre louve ne paraissait pas lui en vouloir de venir imposer sa présence et son odeur de chien mouillé, et elle lui lança un petit sourire timide. Ses yeux immenses se posèrent sur la créature qui se tenait près de la bougie à la lueur de laquelle la louve lisait. C'était un serpent, ça ne faisait aucun doute, et le feu se reflétait sur ses écailles luisantes en un milieu de paillettes dorées, jurant sur ses couleurs sombres. Hedwige eut un moment d'hésitation, parce que son instinct lui commandait de méfier quand même de ces bestioles-là. Mais celui-ci ne semblait pas très agressif - voire même complètement l'inverse - et la louve étrangère n'en avait pas peur du tout.

Elle finit par s'approcher à petits pas sur ses hautes pattes, pour venir se coucher non loin de la flammèche, sans oser toutefois déranger le tortueux compagnon de la solitaire. Le sol de la Bibliothèque était tiède, sans doute chauffé par les cheminées ou par une sorte de magie qui habitait le lieu. Après tout, comment brûlaient tous ces foyers sans que personne ne les entretienne ? L'interrogation passa, fugace, dans l'esprit de la Nakhu, aussitôt chassée par la voix qui chanta devant elle. Elle posa ses grands yeux sur la dénommée Prudence et répondit :

"Je suis Hedwige et je... merci." Finit-elle par lâcher en essayant d'attraper une myrtille elle aussi.

Il lui fallu quelques tentatives, et en la croquant elle tâcha ses babines d'une couleur extrêmement visible sur son pelage blanc. Le gout était étrange pour elle qui n'avait pratiquement jamais mangé que de la viande. Elle ne sut trop comment réagir au clin d'oeil que lui lança Prudence, et rentra légèrement sa tête dans l'épais pelage de son cou. Puis elle pointa le livre ouvert devant la louve et demanda doucement :

"De quoi est-ce que ça parle ?"

Elle avait beau regarder les symboles qui y étaient inscrits, tout n'était que flou pour elle. Elle n'avait pas eu la chance encore d'apprendre à lire.

Prudence remarqua que la Nakhus ne semblait pas très à l’aise face au serpent. Faut dire qu’il avait grandi quand même le bestio, genre maintenant quand il s’enroulait autour de la louve, bah elle le sentait bien… Les pattes se placent autour du reptile pour le faire glisser sur le sol, contre le ventre de la louve. Là au moins il serait toujours au chaud. Peter redressa la tête en sifflant, comme un avertissement.

« — Eh dit donc, si tu mangeais pas autant j’te rappelle que j’aurais pas de mal à te porter. »

Mais voilà, c’est sur que la digestion ça rendait monsieur grincheux. La Licorne leva les yeux au ciel de façon exagérée, alors que le reptile replongea dans le sommeil. Un sourire d’excuse à la louve. Hedwige.

« — Ça te représente «  Hedwige » ? Non parce que tu vois mes darons m’ont appelé Prudence, mais c’est pas pour autant que je suis prudente… après peut-être que c’est pour avertir les autres qui m’ont appelé comme ça (ce qui serait amusant ma foi). M’enfin, du coup ça a une signification particulière ton nom ? »

Comme d’habitude, elle causait beaucoup Prudy, en même temps en étant solitaire on croisait pas toujours du monde, puis bon les gênes de Papa Bélier fallait pas les oublier. Pas pour rien que c’était tous des pipelettes dans la fratrie.
Oups, visiblement les clins d’oeil ça mettait pas super à l’aise…

« — Oh c’est un chapitre sur les « abominations d’Eldritch. » Je suis sûr que ce peuple n’a d’abomination que le nom tss… J’aimerais bien en apprendre davantage sur eux, visiblement ils peuvent se déplacer d’un monde à l’autre, mais je suis sûr que cette bibliothèque renferme d’autres secrets… »

Mais c’était si vaste. La sans-glowstick attrape une myrtille, pensive, avant de finalement se redresser (dérangeant une énième fois Peter).

« — Tu pourrais m’aider si ça te dit ? Ou si tu ne veux pas rester seule, on peut continuer à discuter pendant que je cherche ? » La solitaire marqua une pause avant de sourire. « Enfin si t’as envie de discuter. »

Prudence forcerait pas non plus, tout le monde n’aimait pas les bavards.

Les rondes oreilles de la louve tachetée sursautèrent et ses grands yeux se braquèrent sur le serpent lorsqu'il siffla avec un air qu'elle considéra comme agacé. Durant un instant, elle se demanda si l'inconnue maîtrisait réellement l'animal, ou si c'était une forme d'inconscience que de le garder comme ça près d'elles. Finalement, le reptile s'apaisa à nouveau et s'enroula paresseusement pour retourner dans ce qui semblait être de la somnolence. L'attention d'Hedwige revint donc sur son interlocutrice, sans toutefois cesser d'avoir un oeil sur les potentiels mouvements de son drôle de compagnon.

Pour une fois, on lui posait une question sur elle qui était assez simple parce qu'elle en connaissait la réponse et ne demandait pas d'introspection profonde pour en deviner le sens. Les Nakhus étaient un peuple au sein duquel il était aisé de vivre, cependant nombre d'entre eux avaient le chic pour poser des questions profondes qui la plongeaient dans le cafard en mettant en valeur ce qu'elle considérait comme des défauts chez elle, et laissa un vide abyssal dans son esprit lorsqu'elle tentait d'y trouver des qualités. Hmpf. Une question simple comme celle-ci lui allait parfaitement.

"Je crois..." Répondit-il en redressant légèrement la tête, un peu moins recroquevillée. "C'est mon frère Cendre qui a donné l'idée à mes parents. Il l'a lu ici, dans un livre. Il y avait une chouette tachetée qui portait ce nom et... comme j'aides taches et des ailes... Je crois que c'est adapté."

Elle avait légèrement soulevé ses lourdes ailes, comme pour illustrer son propos, mais les replia aussitôt lorsqu'elles se mirent à s'égoutter bruyamment sur le sol de pierre. Elle se fit la réflexion qu'elle devrait peut-être en demander d'avantage à Cendre à propos de cette Hedwige dans son livre. Pour comprendre qui elle était, si elle avait une personnalité particulière, une histoire. D'autant qu'il passait son temps dans la Bibliothèque désormais et qu'il était par conséquent extrêmement facile à trouver. Quant à l'autre louve, c'était original de lui avoir donné comme nom une qualité. Pensaient-ils que cela aurait un impact sur sa vie ? Est-ce qu'Hedwige aurait été plus jolie, moins maladroite, si elle s'était appelée Belle ? Ou Gracieuse ? La question s'attarda dans son esprit. Est-ce que l'Hedwige des livres était comme ça elle aussi, et que ce nom s'avérait en réalité être une sorte de malédiction ?

Ses oreilles, qui s'étaient rabattues en constatant les dégâts que pouvait faire son état trempé aux livres alentours, se redressèrent lorsque Prudence lui parla de sa lecture. Ses immenses prunelles s'accrochèrent à nouveau à ces symboles mystérieux. Après celà, la louve lui proposa... de rester lui tenir compagnie. Surprise, Hedwige mit un instant avant de répondre en bafouillant un peu :

"Oh, je... Si ça ne te dérange pas, je veux bien rester, oui."

Elle se redressa, l'air plus heureux. Elle n'avait pas beaucoup de contacts avec d'autres loups que ceux de sa meute, et cette rencontre était visiblement une bonne rencontre. En revanche, dans cette soirée sympathique qui s'annonçait demeurait une ombre.

"Mais je... je ne sais pas si je peux t'aider. Je ne sais pas lire."

La joie qui était apparue sur son museau céda la place à une moue gênée et elle baissa les yeux sur ses griffes et sur les petites flaques qu'elle avait semée autour d'elle.

La p’tite Nakhus semblait changer d’humeur comme de chemise. Un coup la joie, un coup la tristesse. Bon, Prudence ça la choquait pas trop, bon ok, elle avait pas vraiment l’habitude des loups sensibles étant loin de l’être, m’enfin du moment que ce n’était pas des excès de colère… ça va la Licorne se sentait en mesure de gérer.
Les yeux mauves suit le mouvement des ailes qui se soulèvent. Hedwige. C’était quand même un nom vraiment atypique. Au moins, elle semblait plutôt bavarde la tacheté, évoquant même un frère.

« — Je vois. Bon après t’sais les noms, j’pense que chacun peut les adapter comme il veut. C’est pas forcément quelque chose de fixe. Dis-toi que si tu penses que ton nom ne te corresponds plus un jour, tu pourras toujours en changer ! »

Bah ouais, qui pouvait bien l’empêcher de porter un autre nom si elle le voulait hein ? Parce que bon des fois les darons ils avaient une imagination un chouille trop débordante.
Perplexe, la louve hausse un sourcil.

« — Pourquoi ça me dérangerait ? Comme tu peux le voir, j’adore la compagnie ! »

Adorait jacasser aussi, mais ça c’était un détail.
Prudence lui adresse un nouveau clin d’oeil.
Outch. La lecture ça allait être un problème ça. Faut dire que Prudy elle avait pas mal appris sur le tas, puis bon, M’man à défaut d’être une combattante, c’était une intellect. La force des Licornes résidait en leur réflexion. Enfin plus ou moins…

« — Roh ce n’est pas un problème, écoutes je vais regarder si y’a pas un bouquin plus intéressant et je te lirai ce que je trouve à voix haute ok ? »

Bon maintenant fallait trouver le dit bouquin…
Abominations d’Eldritch où êtes-vous donc ?

(Lancé de dé ING x2)

AH !
Prudence tira un livre du rayon pour l'ouvrir par terre. Son regard brillait d'excitation à l'idée de pouvoir développer ses recherches.

« — Hedwige j'crois que je tiens quelque chose ! »

Tu fouilles le livre, qui semble être une biographie d'un grand aventurier, et trouve une brève phrase parlant de ces créatures.

"Les ruines étaient recouvertes de fresques dépeignant des loups brumeux et noirs, aux yeux multiples. Je suis persuadé qu'il s'agit là de la rencontre de ce peuple avec les enfants des anciens, aussi nommés Eldritch ; mais les peintures étaient en si mauvais état que je ne saurais dire l'endroit ou les conséquences de cette scène."



La suite n'est pas très intéressante. Le voyageur à parcourut le monde, et semble dire que ces fameuses ruines sont souterraines, donnant dans une sorte de large plaine si noire que la plus forte des lumières ne parvient à l'éclairer.

La réflexion de la louve cornue la surprit. Changer de nom ? Ca ne lui serait même pas venu à l'esprit tant elle avait l'impression que ce nom faisait partie de l'identité de chacun. De par sa jeunesse et son côté peu aventurier, elle n'avait cependant jamais eu le loisir de croiser des loups qui auraient porté comme fardeau un nom nommé dans la colère, dans la rancoeur, dans la moquerie. Les siens avaient de jolis noms, qu'ils portent une signification ou non. Mais ils n'avaient jamais été donnés pour de mauvaise raisons - du moins le pensait-elle. Elle avait donc du mal à se figurer l'idée que l'on puisse ainsi changer... d'identité. Il faudrait qu'elle partage cette réflexion avec Maman, voire peut-être même Papa.

L'enthousiasme de Prudence à l'idée de sa compagnie était inattendu, réconfortante, et une lueur un peu plus chaleureuse et rassurée s'alluma dans les prunelles d'Hedwige lorsqu'elle le lui dit. Certes, elle n'avait pas dit qu'elle apprécia sa compagnie particulièrement, mais tout de même. Se savoir bienvenue, lorsqu'elle avait sans cesse l'impression de ne pas être à sa place, avoir en face d'elle quelqu'un qui le disait franchement... C'était plus agréable que ce qu'elle n'aurait imaginé. Elle n'en fut même pas gênée par ce second clin d'oeil, qui apparut soudain comme un signe complice et amusant.

"Je veux bien, merci beaucoup." Lança-t-elle avec un sourire timide.

Elle emboîta le pas à sa nouvelle connaissance alors que celle-ci parcourait les rayons pour trouver l'ouvrage qu'elle convoitait. Son regard doré passait d'un livre à l'autre en se désolant de ne pas comprendre les motifs qui y étaient griffonnés. Sur certains, il y avait de petits dessins plus ou moins compréhensibles qui pouvaient peut-être lui permettre de deviner de quoi ils retournaient. Ses oreilles se redressèrent et elle s'approcha avec précaution lorsque Prudence s'exclama qu'elle avait trouvé. Ses prunelles se firent curieuses, mais elle ne put rien comprendre car il n'y avait pas d'images sur ces pages. Elle les laissa errer d'une ligne à l'autre, tandis qu'une idée naissait dans son esprit.

"... C'est facile, d'apprendre à lire ?" Souffa-t-elle.

Bon d’accord, t’avais espéré un chouille plus niveau informations. Parce que bon là avec trois lignes, comment dire, on allait pas très loin. Surtout que c’était très flou. Au moins, il existait des peintures, quelque part. Était-il encore possible de les trouver ? Quand bien même c’était le cas, à en croire l’aventurier, elles étaient en si mauvais état à l’époque qu’il lui avait été impossible d’en tirer quoique ce soit… Prudy n’osait même pas imaginer l’état actuel des peintures.
Ah faut pas qu’elle oublie de raconter ce qu’elle avait lu à Hedwige. Calant l’ouvrage dans l’une de ses pattes, la solitaire toussota avant de faire un résumé. Les aventuriers ça parlait beaucoup et aimait rentrer dans les détails.

« — D’accord, d’accord, alors ce sont les mémoires d’un aventurier. Il parle de ruines et de fresques qui représentaient les abominations d’Eldritch, mais il ne dit rien de plus. Les peintures semblaient en très mauvais état, il n’a pu en tirer aucune information. »

L’ouvrage est refermé et remis en rayon. Très bien au moins de cet aventurier là, Prudence savait qu’elle ne pourrait rien en tirer.
À la question de la Nakhus, elle se montre pensive un instant.

« — Je ne sais pas trop… Personnellement j’ai trouvé ça très intéressant et je n’ai pas eu de réelle difficulté, mais je pense que ça dépend de qui t’enseigne. »

En tout cas avec ses darons c’était passé comme une lettre à la poste. Après faut dire, que Prudence elle aimait bien apprendre, donc bon ça avait sûrement du jouer.
Un sourire taquin étire ses babines, alors que du bout de sa griffe elle touche la truffe d’Edwige.

« — Sans vouloir t’offenser, c’est quand même assez amusant qu’une Nakhus qui a la bibliothèque sur ses terres ne sache pas lire. » Prudence marqua une pause avant de faire un lien d’oeil. « Mais je suis sûr que t’apprendras vite ! »

Puis c’était sûrement quelque chose qui lui plairait.
D’un bond élégant, la Licorne se releva faisant quelques pas devant les étagères, avant de s’arrêter. Les pattes tirent un autre ouvrage plus épais. Les mémoires d’un autre aventurier, hum aurait-il quelque chose d’intéressant à lui apprendre ?

« — Bon voyons voir si d’autres bouquins ont des informations supplémentaires, du genre si il est possible de rencontrer les abominations. »

(Lancé de dé ING)

Tu ne trouves rien.

Hedwige écouta avec attention le résumé que lui fit la solitaire de ce qui se trouvait griffonné sur ces pages. Ses oreilles se redressèrent légèrement de curiosité. Elle n'avait jamais vraiment eu de choses à chercher, ou d'aventure à mener. Et elle n'avait jamais on plus vu de fresques ni de ruines. La pensée un peu saugrenue qu'elles pourraient les chercher ensemble naquit dans son esprit, si inattendue qu'elle la repoussa aussitôt sans vraiment de raison. La pensée ne s'effaça pas cependant, et demeura dans un coin de son esprit. Car il existait bel et bien des ruines sur leur continent, et pas si loin d'ici. Peut-être que l'idée d'une expédition lui reviendrait un jour, lorsqu'elle repenserait à ce moment partagé avec Prudence.

La réponse qui vint ensuite à sa question était encourageante, mais la louve tachetée sursauta de surprise lorsque la solitaire vint lui piquer le bout de la truffe d'une griffe malicieuse. Elle eut un petit rire à demi nerveux et à demi amusé et s'ébroua. Il était vrai que la plupart des Nakhus savaient lire, et qu'une grande partie d'entre eux fréquentaient régulièrement la Bibliothèque. Sans doute parmi ses frères et soeurs certains avaient été demander à d'autres loups de leur enseigner ce savoir... Mais elle ne l'avait jamais fait. Sans doute parce qu'elle n'avait jamais osé, parce que cela signifiait demander à un loup de lui accorder du temps juste pour elle et que cette pensée ne la mettait pas à l'aise. Elle n'avait pas vraiment l'impression de le mériter. Mais la proximité de Prudence et peut-être les hormones qui s'amusaient à faire le grand huit dans son organisme lui donnèrent un instant de témérité et elle répondit avec un peu plus d'aplomb :

"Toi, tu pourrais m'enseigner ?"

Ses immenses yeux dorés accrochèrent ceux de la louve en un instant de courage, qui la quitta aussi vite qu'il était venu. Elle baissa les yeux, regarda ses pates, et les releva en ajoutant d'un air un peu gêné :

"Si tu acceptes... bien-sûr."

Son coeur battit un peu plus fort, alors qu'une espèce de trac s'emparait d'elle, la mettant dans un drôle d'état dont elle n'avait pas l'habitude. Ce n'était rien, de demander ça. Mais pour elle c'était un pas énorme dans l'inconnue, une vraie petite aventure, à l'échelle de son esprit timide.

Prudence prête une oreille distraite aux réactions de la Nakhus. Il faut dire que la Licorne n’était pas forcément celle qui avait le plus de tact… elle pouvait être franche sans forcément se préoccuper du poids des mots. Pourtant… Le regard quitte le livre des yeux, le museau se tourne vers l’ailée.
Un instant de silence. La queue nattée balaie doucement le plancher de la bibliothèque avant qu’un sourire amusée ne vienne étirer les babines de la louve. Rompant la distance entre les deux, sa truffe n’est qu’à quelques centimètres de celles d’Hedwige alors que les yeux brillent de malice.

« — Je pourrais. »

Une brève pause.

« — Contre un baiser ? »

Prudence tente tant bien que mal de conserver son sérieux, réussissant à tenir quelques secondes avant de laissé échapper un rire.

« — Je plaisante ! »

Son museau toucha la joue de la louve dans ses contacts dont-elle n’éprouvait aucune gêne, alors qu’elle range le livre dans la bibliothèque. Il ne lui apprendrait rien.

« — Je peux peut-être t’enseigné, même si je ne serais probablement pas la plus patiente des profs. Poses-moi des questions sur les reptiles et animaux autant que tu veux, mais… j’essayerai. »

Etait-ce l'âtre dans lequel le feu brûlait non loin, ses plumes qui avaient progressivement séché, ou quelque-chose de plus impalpable qui se diffusait dans l'air ? L'atmopshère paraissait soudain plus chaleureuse à la Nakhu. Ses muscles se détendirent imperceptiblement alors que son coeur battait toujours de ce trac étrange qui l'habitait. Il lui donnait presque envie de sourire, sans qu'elle ne sache exactement pourquoi - alors elle s'en gardait bien.

Prudence avait refermé son livre, et fit un pas dans sa direction. Puis un autre, jusqu'à ce qu'lele se trouve étrangement proche. La louve tachetée sentit un frisson courir le long de son échine alors que ses yeux étaient comme accrochés aux prunelles violacées de la solitaire. Elle eut l'impression d'être figée, statufiée, incapable de faire le moindre geste. Même sa respiration s'était arrêtée, retenue. Les mots de la louve résonnèrent à ses oreilles et elle ne sut absolument pas comment y réagir.
Contre un baiser.
...Quoi ??
Elle eût été humaine que le rouge lui serait monté aux joues - mais elle était louve et ne pouvait pas être importunée par ce genre de choses. La solitaire devant elle était si proche qu'elle voyait chaque détail de son visage, chaque nuance de son regard. C'était troublant, d'un trouble complètement inhabituelle pour Hedwige. Ses oreilles se redressèrent légèrement de surprise, droites au-dessus de son col épais, et elle entrouvrit la bouche pour répondre. Pour répondre quoi exactement ? La plus grande confusion habitait son esprit, sa bouche était sèche, elle n'avait aucune idée de ce qu'elle devait dire. Ou faire. Ou comment il était convenable ou non de répondre à une telle... invitation. Pas un instant durant ne l'effleura la pensée que ce fut une plaisanterie.

Puis soudain le charme se brisa et Prudence éclata de rire. La tension retomba, et les oreilles d'Hedwige se rabattirent en arrière alors qu'elle sursauta au contact sur sa joue, avant de sourire à son tour et de laisser échapper un petit rire. Prudence se détourna et s'en fut ranger son ouvrage, lui laissa un précieux instant pour tâcher de remettre ses pensées en ordre. Elle inspira en silence et secoua brièvement la tête, avant de lâcher dans un souffle :

"Merci." Elle se fit violence pour relever les yeux vers elle, presque comme si de rien n'était. "Si je peux faire quoi que ce soit pour toi... En retour. Je le ferai."

Elle ponctua cette fois-ci sa phrase d'un sourire plus franc et moins gêné. L'instant de confusion était passé et elle reprenait petit à petit pied dans la réalité. Et elle aimait bien cette réalité. Elle secoua doucement ses ailes et ajouta :

"Je vais... Je vais retourner m'exercer un peu." Lança-t-elle en grattant le sol d'une patte nerveuse. "... Est-ce que nous pourrons nous retrouver ici ?"

Elle avait à nouveau baissé les yeux, par réflexe, et les releva vers Prudence. Avant d'ajouter précipitemment :

"Pour la lecture."

Elle n'était pas certaine de la raison pour laquelle elle avait ressenti le besoin soudain d'ajouter cette précision et ne préférait pas trop s'attarder sur le pourquoi.

Tout dépend de ce que tu as à offrir.
Prudence se retint toutefois de faire ce commentaire, elle avait assez embêté la Nakhus comme ça pour ne pas en rajouter.

« — Qui sait ? »

Peut-être qu’elle trouvera bien quelque chose à demander à l’ailée… quelque chose de pas trop gênant. Prudence observa son interlocutrice vouloir prendre congé avec amusement. Ah, pas tout a fait… Ici ou ailleurs, le lieu n’était pas important pour apprendre, mais si c’était ce lieu que la blanche préférait…
Pour la lecture.

« — … ou autre chose. »

Une dernière taquinerie.

« — Au revoir, Hedwige. »

La Licorne passa à côté de la louve en la frôlant, avant de disparaître dans les multiples rayons de la bibliothèque accompagnée de son serpent.