Courir après le temps perdu - Solelio.

Après une journée passée dehors, Anita venait tout juste de poser patte au Castel, levant une dernière fois les yeux vers un ciel qui se chargeait d’orage.
Les lourds nuages venaient s’agglomérer et épouser les plus hauts rochers des monts, se gorgeant des couleurs dorées du ciel malgré leurs teintes sombres. Le tableau était agréable à observer, et elle se dit qu’elle pourrait peut-être aller se poster quelque part, un peu plus tard cette nuit, pour assister au spectacle de foudre qui ne manquerait pas d’éclater.
Mais avant cela, et avant même d’arriver, la louve avait décidé qu’il était grand temps de faire un petit détour lorsqu’elle s’aventurerait dans les couloirs de pierre du Castel.

Il y avait une louve qu’elle n’avait pas vraiment pris le temps de revoir, depuis tout cela, une louve qui pourtant en avait peut-être besoin après ce qu’elle avait vécu.
Mais il avait été difficile d’en prendre l’initiative, quand elle-même s’était laissée emporter par un tourbillon d’évènements et s’était retrouvée du jour au lendemain dans un monde complètement différent.
Un monde qui l’avait davantage déboussolée que de devoir vivre quelques temps dans les plaines gelées du Nord, pour elle louve du Sud.

Elle secoua la tête pour chasser les quelques pensées qui pareilles aux nuages d’orage tentaient de se rassembler et d’embrumer son esprit alors que ce n’était pas le moment.
Elle se mit plutôt à trotter d’un pas léger, s’engageant dans le labyrinthe de boyaux serpentant les uns entre les autres au coeur de leur fort rocailleux, humant l’air avec insistance pour débusquer son odeur.
Il y avait aussi le fait qu’elle avait paru distante, qui n’avait pas facilité les choses. Comme si elle était toujours un peu sauvage, qu’elle n’avait toujours pas retrouvé une place stable parmi eux, et qu’elle était devenue dure à saisir.
Là, elle finit par enfin capter son effluve au détour d’un croisement.

Redressant les oreilles, Anita observa autour d’elle, sondant l’obscurité en s’aidant des quelques ultrasons qui filaient hors de sa gorge.
Puis elle attrapa cette lueur - celle d’un rayon du soleil couchant perçant à travers une faille et allant frapper une chevelure enflammée, l’allumant de ses mille couleurs chatoyantes.

Elle s’approcha doucement, sourire aux lèvres.

— Solelio ! Je ne te dérange pas ?

Si ce n’était pas un bon moment, eh bien… Elle reviendrait.

☼ 4 ans++ ☼ 13 PVs
F A E I

C'était une de ces journées où l'agitation du Castel avait fait remonter en elle des doutes et des peurs qu'elle savait irrationnelles. Un jour où elle avait fini par s’éclipser loin de la grotte centrale, où tourbillonnait le monde Etelkru et pour se hisser un peu plus loin, au calme mais toujours avec une source de lumière naturelle. C'était un des points sur lesquels elle n'avait pas encore travaillé depuis son retour pourtant des lunes plus tôt, son agoraphobie étant plus forte que l'angoisse de ne plus avoir un ciel au dessus de sa tête. Solelio avait récupéré un bouquin chez Helga, et se perdait dans la contemplation des illustrations ou de certains mots qu'elle trouvait particulièrement jolis. Elle avait des connaissances très basiques en lecture, enseignée par Athelstan, et se demandait de temps en temps si elle ne pouvait pas s'améliorer là dessus. Elle s'était même découvert un attrait pour les cartes de territoires aperçues à l'une ou l'autre occasion. Dans le pseudo silence qui l'entourait, c'est à dire qu'on percevait encore la rumeur du Castel, sans que cela soit agressif, une voix l'interpella. Sa voix. Celle de la première à l'avoir traitée en équipière, celle qui était venue la chercher dans le Nord -bien qu'elle n'en oublia pas l'étreinte brutale d'Alexandrine et leur plongeon plusieurs longueur de queue plus bas-, celle qui l'avait ensuite traitée en amie malgré ce qu'elle était devenue, mais aussi celle qui piétinait le cœur tendre de son jumeau. Les prunelles bleu glacé de la rouquine se relevèrent pour accueillir la silhouette ailée de l'Alpha.

« Bonjour Anita, non pas du tout. »

Elle referma le livre d'un geste et sourit simplement. Qui était t-elle pour refuser la visite de la Meneuse ? D'ailleurs, venait-elle en tant que chef ? En tant qu'amie ?

« Je peux t'aider ? »

Avait-elle négliger son temps à donner le change ? Chassant pour la meute à défaut de s'y impliquer émotionnellement, en dehors de sa famille bien sûr, elle s'efforçait d'au moins être chaque jour utile avant de se consacrer du temps personnel.

Un petit sourire lui répondit à son plus grand plaisir, et Anita s'autorisa à faire quelques pas pour se rapprocher davantage de la louve.
Son museau se leva et elle observa l'espace qui les entourait désormais toutes deux. Solelio s'était trouvée un coin plutôt agréable, mais visiblement assez reclus.
Nul doute que la louve à la crinière enflammée cherchait toujours l'isolement. Après tout, cela ne faisait que peu de temps qu'elle était revenue. Il lui faudrait encore de longs mois -ou plus ?- pour se sentir intégrée à nouveau. Anita souhaitait néanmoins l'y aider si elle le pouvait.
Elle espéra simplement que le sourire qu'elle lui avait offert n'était pas qu'une façade et que sa présence ne serait pas vécue comme une invasion. Après tout, la frontière entre son simple statut de louve et d'amie et celle de dirigeante était désormais devenue bien plus floue au cœur de ses relations - ce qui avait tendance à l'embêter. L'hybride ne se voulait pas être morcelée, que l'on s'adresse à elle différemment selon les situations ou même que pire, l'on choisisse soigneusement quels mots prononcer et quels mots éviter en sa présence.

Elle voulait... Simplement rester Anita, et que les regards qu'elle recevait de ses camarades de meute ne se troublent pas de confusion à la moindre de sa venue.

Enfin, elle savait bien que ce serait en majorité un travail de sa part que de mettre ses interlocuteurs en confiance pour tenter d'effacer ces grades et les barrières qui s'érigeaient parfois par leur faute.

La phrase qui suivit sa salutation en retour lui donna l'effet que Solelio ne sut pas vraiment, à son tour, si elle était là pour réclamer quelque chose en tant que supérieure hiérarchique ou non. Lui aurait-elle fait comprendre qu'elle avait plutôt besoin de solitude au lieu de la laisser venir, si elle n'avait pas été son Alpha ?
L'hybride fit en sorte de ne rien laisser paraître de son trouble quand elle rendit à son tour un sourire amical à la brune et feu.

— Non. Enfin... Je suis simplement venue voir comment tu allais.

Par précaution, elle fit en sorte de ne pas s'asseoir trop près, au cas-où elle puisse se sentir... étouffée par sa présence malgré la finesse de son corps.
Une seconde de flottement au bout des lèvres, puis elle décida qu'il serait bon de rebondir sur sa précédente réflexion au lieu de simplement laisser un possible malaise.

— J'ai cru voir que tu appréciais encore la solitude, depuis ton retour. Si ma présence te met mal à l'aise, vraiment, n'hésite pas à me dire. Je comprendrais.

Elle s'efforça de tirer un peu plus sur ses commissures pour agrandir son sourire qu'elle voulait rassurant avant de lui adresser un léger signe de tête.
Ses yeux tombèrent ensuite sur le livre à ses pattes qu'elle avait refermé à son arrivée et elle redressa les oreilles.

— Tu lis quoi ?

Voilà qui permettrait sans doute de lancer la conversation d'une manière plus aisée et moins oppressante pour Solelio si elle souhaitait bel et bien sa compagnie - à condition qu'il n'y ait rien d'indiscret dans l'ouvrage, évidemment.