Oeil glacial, et poil du désert

Elle avait mis beaucoup de temps avant de retrouver la direction du nord. Avançant toujours un peu à l’aveuglette, sans trop se soucier des directions qu’elle avait à prendre, elle avait longtemps vécue ainsi comme perdue dans les terres du sud. Au point qu’elle avait presque oublié ce que cela faisait de se sentir chez soi. Lorsqu’elle avait traversé la chaîne de montagne dans l’autre sens, et qu’enfin elle avait reconnu l’odeur si familière des siens près des frontières, la petite louve avait accéléré le pas. Ne se souciant plus ni de son rythme cardiaque, ni de sa fatigue, elle courut jusqu’à retrouver les sentiers si familiers.

Elle était chez elle. Un sentiment de soulagement la parcourut entièrement et la secoua, de multiples étincelles qui éclataient une à une dans sa poitrine. Heureuse à l’idée de retrouver son foyer, de retrouver ceux qu’elle aimait, de franchir de nouveau  la grande enceinte en pierre qui caractérisait l’entrée du dédale. Elle ne s’arrêta pas, continuant son avancée pas à pas sans jamais faiblir. Car elle était assez endurante la petite louve.

Mais lorsqu’elle arriva. Un grand mâle gris rayé lui barrait le passage. Bien loin de s’en trouver offusquée, ce fut tout le contraire. La curiosité dévora la louve d’une bouchée et ce fut un flot de question qui atterrit sur la tête du voyageur. Sans aucune once de gène la louve se mit à le renifle de part en part. À gauche, à droite. De près, de très près, presque collé à son visage. Rien ne pourrait l’arrêter, car elle était ainsi bien trop joyeuse aujourd’hui d’être rentrée chez elle et de pouvoir enfin faire de nouvelles rencontres pour prendre le temps d’écouter sagement avant d’agir.

« Bonjour, je suis Freya. Tu es un nouveau nakhu ?  - ha non. Tu es un etelhus en voyage chez nous ? Il semblerai que non. Un solitaire alors ? »

L’odeur se faisait marquée, mais différente. Rien qui ne repousse la petite louve dans son élan. Elle s’agita ainsi jusqu’à ce que son regard se pose sur l’étrange créature aux grands ailes de cuirs.

«  Qu’est-ce que c’est ? »

« Je suis une nakhu, mais tu dois t’en douter » Elle ricana tout en fermant les yeux un instant. « Enchantée de ta rencontrer. »

La louve remua la queue vivement, avant de se redresser sur ses pattes autant qu’elle le pouvait pour mieux pouvoir observer la bête tapie désormais dans ses cheveux.


« oh, je n’ai pas peur. Je n’avais jamais vu un animal comme celui-là. Quelle curieuse petite bête. Je peux la porter ? » Fit-elle en dévoilant sa meilleure arme, ses yeux de chien battue dont elle seule avait le secret – ça fonctionnait assez bien avec sa mère du moins-. Aucune mauvaise intention à son égard, elle voulait simplement la voir de plus prêt, pouvoir la contempler. C’est une envie, un peu égoïste de sa part, mais elle ne souhaitait nullement la garder, elle ne voulait pas la posséder pour elle, simplement qu’il lui prête la petite chose qui semblait avoir autant d’importance.

« Je peux être son amie aussi, dit ? » Lança-t-elle naïvement. C’est vrai ça, peut-être qu’il ne voudrait pas lui prêter son amie, mais peut-être qu’elle-aussi pourrait être amie.

La louve s’arqua un peu plus pour mieux voir la bête qui était sur sa tête et qui avait attiré toute son attention. Puis fatiguant, elle fit plier ses appuies s’asseyant tout en gardant le buste à la verticale. En équilibre, ses deux pattes avants hors du sol et ses deux oreilles droites vers le mâle.

Il hésite, c’était parfaitement compréhensible qu’il doute, d’elle, de ce qu’elle pouvait faire, de ce qu’elle pouvait penser. Mais elle, était dépourvue de toute mauvaise intention, remuant la queue de temps en temps, gardant ses deux yeux jaunes braqués comme des lucioles. Elle ne fut pas déstabilisée par ses incertitudes, elle était confiante – ou inconsciente -.

« Oh, elle parle en plus. » Se ravie la petite louve aux longs cheveux nattés. «  Je n’avais jamais vu d’autres animaux doués de paroles, c’est fantastique. » - Il y avait un début à tout- La louve ferme les yeux tandis qu’un grand sourire illumine sa face. Elle avait d’autant plus envie de forger des liens avec la petite créature poilue.

« A-t-on vraiment besoin d’une raison pour se faire de nouveau ami ? » S’il existe une quelconque règle concernant l’amitié, la petite louve n’était pas au courant. Elle vivait d’attache et de liens qu’elle se créait au hasard des rencontres toujours aussi enjouée, toujours aussi fidèle à elle-même. Toujours aussi adorable qu’elle était.

La louve aux roses, ne cessait de mirer la petite bête poilue aux grandes oreilles. Toute fois, fatiguant de se maintenir en équilibre, elle se laissa retomber assise, les antérieurs enfin posés au sol.
Simple curiosité. La créature était tout à fait inhabituelle. Elle ne pouvait douter qu’elle était très spéciale surtout pour le solitaire argenté. Puisqu’il s’en était fait certainement une amie fidèle par la confiance qu’elle lui portait. N’était pas magnifique une telle amitié entre deux espèces que tout oppose ?

« J’en ai, je n’irai pas jusqu’à dire que j’en ai beaucoup. » Répondit-elle en riant son large sourire dévoilant ses crocs albâtres. Elle garda la gueule ainsi entrouverte quelque instant, avant de la refermer tout naturellement.


Oui, était-ce vraiment important d’avoir tant d’amis qu’on ne pouvaient les compter ?

« Elle est adorable ! Tu es adorable. » Cri du cœur de la petite louve pleine d’optimisme.

La louve remua le fouet de sa courte queue. S’agite toujours plus en relevant le museau à son tour, portant entre ses babines un large sourire.

« J’en ai, c’est le principal, je n’ai pas besoin de les compter. J’ai aussi une mère et deux oncles, mais ma famille est plus grande encore, elle ne s’arrête pas à me famille de sang, mes amis sont comme ma famille. »

Peut-être qu’elle allait vite en besogne, mais Momon, Ajani, les autres nakhus n’étaient-ils pas tous un peu de sa famille eux-aussi ? Et qu’en était-il se ses nouvelles rencontres, l’étrange loup solitaire qui l’avait aidé -en quelques sortes -, te hari, Solelio ? Des amis aussi ?

«Et toi, tu as des amis autres que la petite chauve-souris que tu portes ?»

Est-ce qu’elle avait commis une erreur ? La louve sembla interloquée tout à coup, ouvrant des yeux ronds et entrouvrant légèrement la gueule, avant d’être rassurée par les paroles du loup gris. Si ce n’était que ça alors, cela n’était pas si grave, la petite créature s’inquiétait seulement du bien être de son porteur et ami. Ceci eut le don de faire ricaner la petite louve. Si c’était pas mignon.

« Je suppose, maman est partie en voyage avec Oncle Horus. Je ne suis pas inquiète pour elle, elle sait très bien se débrouiller toute seule. À vrai dire, je viens à peine de rentrer de voyage moi-aussi. J’étais partie visiter le sud et il semblerai que je me sois un tantinet égarée en chemin. »

Et c’était peu dire, des mois, des semaines, des années errances, peut-être avait-elle le cœur un peu solitaire malgré elle, pour avoir ainsi voyagé sans s’inquiéter des destinations prochaines. Et elle avait aimé ça. Bien trop optimiste pour s’inquiéter des directions à prendre ou de tracer un itinéraire parfait. Elle était inconsciente, sans peur et dépourvue d’une certaine logique.

Une voyageuse, oui, une ignorante qui voyageait sans carte et sans boussole qui allait d’un lieu à l’autre, ne pensant qu’à s’amuser. Des recherches, elle resta bouche bée. Elle n’y avait jamais pensé, ça, elle l’avait toujours laissé à plus lettré et intellectuel qu’elle. Elle ce qu’elle préférait, c’était les histoires. Des mondes autre, des destinées prodigieuses, de la fiction, les romances aussi parfois. Elle remua la queue, trace quelques cercles dans la terre lorsqu’il lui tapote la tête lentement, sans se dérober.

« J’ai rencontrée une nouvelle amie. Elle était forte, bien plus que moi, je crois. » Elle porte une patte à son menton. « Et elle volait. Oui, comme une chauve-souris avec de grande aile en toile. Prodigieuse – comme dans un roman. C’était une Etelkrus.  On a longtemps arpenté la forêt ensemble, mais à part un horrible sanglier qui nous attaqué, nous n’avons rien trouvé de très intéressant.» C’était seulement amusant de chercher dans la brume. Champignon magie et fée. Mais rien de concret.
Et quoi d’autre ? Elle réfléchit.

« Plus tard, sur la plage, j’ai rencontré un vieux loup solitaire, il était … Assez désagréable à vrai dire. Je pense qu’il n’était pas d’ici, mais … dans tous les cas, sûre que ce n’était pas un pirate. »

Elle remue la tête de gauche à droite, ça pour en être sûre, elle en était persuadée jusqu’au bout des griffes. Il n’était pas un vrai pirate, les vraies pirates étaient forcément plus classe que ça.

« J’ai rencontré une autre Etelkrus en chemin, elle était très belle, ses cheveux ressemblaient à des flammes. Il paraît que nous sommes cousines. Puis plus tard, j’ai retrouvé Momon sur la plage et c’est tout. »

Des monstres, elle n’en a jamais vu, des dinosaures, elle en a simplement entendu parler, mais jamais elle n’en à croisé. Est-ce de cela qu’il souhaitait parler ?

« Qu’entends-tu par monstre ? »

Elle n’en a jamais vu et aurait bien cru à cet instant ne jamais en croiser.  

Elle semble inquiète au premier regard, hésitante, elle imagine des monstres partout, de forme diverse comme dans les livres. Elle pouvait s’estimer des plus chanceuses pour n’en avoir jamais croisé, l’évocation de monstre semblait si banale dans le bouche de ce solitaire. Elle n’en avait vu, ni entendu évocation auparavant. Oui bien sûr, elle avait connaissance de l’existence de la brèche, mais bien trop jeune pour y séjourner lorsqu’elle était apparu, elle n’y avait jamais été.

Elle réitère, secoue la tête de gauche à droite.

« Jamais rien vu de tel. Et à vrai dire, tu ne m’aurais pas parlé de ce genre de chose, je ne suis pas sûre que j’y aurai cru.»

peut-être que si en fait, … certainement qu’elle y aurai cru, Mais tant d’informations en même temps, tant de lieux, l’idée lui parut presque étrange qu’il y en ait autant et qu’elle n’en ait croisé aucun.

« Je … ne sais pas du coup, vraiment, je ne sais rien de plus. »

Elle s’était contenté de courir après une utopie, courir après des fées sans certitude qu’elles puissent existe, plus pour l’aventure que pour la fin du voyage. Elle se sentit bien bête tout d’un coup. Qu’aurait-elle fait, si par mégarde, elle avait fâché quelques engeances surnaturelles.

Mais une question lui vint, s’il était tant sûr de lui, alors peut-être qu’il détenait plus d’information qu’elle.

« Tu en as déjà croisé toi, des monstres ? Ils ressemblaient à quoi ?»