Navire, emmène nous..

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F A E I

Dans l'une des cales, le dortoir pour être précis, s'affairait une silhouette ronde et sombre : La Maitresse des Rituels était en équilibre sur ses pattes postérieures, sur le dos d'un coffre probablement rempli d'effets personnels de pirate. Elle s'entêtait, malgré sa souplesse envolée et son poids doublé -c'était ce qu'elle ressentait en tout cas !- à accrocher sur ses foutus anneaux de métal vissés au plafond, des hamacs mini format, en prévision de jeunes mousses qui bientôt, viendraient peupler Navire lui chatouiller le parquer de leurs petits coussinets aventureux. Prévoyante, la louve avait prit partie de prendre le nombre de louveteaux qu'avaient comptées les portées nées sur Morne-Oeil. Quatre pour le vieux Creek et la sauvage Sayuri. Trois pour son merveilleux compagnon et feu sa potiche. Trois pour sa jumelle, Mary. Cela faisait une moyenne à trois et des poussières. Trois lui semblant raisonnable, elle était alors partie de là, puis avait fait un second jeu de couchages au cas où. Elle avait donc six hamacs en taille réduite, nouer avec de gros cordages par trois. Comme des échelles à trois niveaux, pour des literies superposées. Lorsqu'elle acheva enfin, en sueur et épuisée, son œuvre de future mère, elle entendit des craquements dans les étages supérieures, signe que quelqu'un traversait l'un des ponts au dessus de son crâne. Curieuse, elle lissa rapidement son poil, jeta un dernier regard à son travail et sourit.

Puis elle grimpa les marches d'escaliers comme l'aurait fait un cachalot : lourdement et en faisant beaucoup de pauses. Lorsqu'enfin elle atteignit le niveau où se trouvaient d'autres pirates, la voix du Capitaine lui parvint. Elle bifurqua pour le rejoindre curieuse, avant de comprendre ce qu'il faisait là. [i]Oh. Il demandait gentiment à Navire de l'emmener voir Paquot. Le nous l'a surprit, ne s'attendant pas à ce qu'il la compte dans son voyage puisqu'elle ne s'était pas encore montré avant de réaliser qu'il partait probablement avec son Second et père Abysse. Le père de ses enfants à venir également. Il l'emmenait au devant du danger, alors elle fronça le museau et s’éclaircit la gorge.

« Si Navire et mon Capitaine le permettent, je souhaiterais être de la partie. »

La petite -grosse- sorcière sourit de tous ses crocs parfaitement blancs.

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Une voix inconnue, à l'accent si lent et tranquille qu'elle semblait apaisante vint la sortir du bonheur passager de voir Abysse l'a traiter avec tant de douceur et d'amour. L'odeur d'Océan lui remplit la truffe bien avant que ne se montre l'animal du monde d'en bas. Ainsi le fameux Paquot était venu à eux plutôt que de laisser Navire faire la navette jusqu'aux profondeurs comme Abysse l'avait tant et tant raconté. Il était d'ailleurs très étonnant de voir l'énergumène présent si vite après que le Capitaine et son père aient fait la demande au bateau de les conduire dans les Abysses. Elle supposait qu'à voix si indolente, les gestes devaient être mous également. L'individu au corps invertébré était donc venu à leur rencontre de son propre chef, plus tôt. Intéressant. Les avaient-ils trouver apathiques ? Oreilles dressées vers la limace de mer noire et bleue, la tête penchée sur le côté, la petite sorcière ronde écouta mettre en avant la confiance que Navire offrait au mâle abyssal. Cela ne l'étonnait guère, après tout, le loup vert était des plus sympathiques et savait instinctivement gagné le coeur des autres. C'est ce qu'il avait fait pour elle, sans même s'en rendre compte, des années en arrière. Elle sourit, tout en observant le gouvernail mentionné par Paquot. Que représentait-elle cette île en dehors de l'heure de départ ? Son attention revint vers l'ami de son compagnon qui s'approchait d'elle. Son instinct lui chuchotait de rester méfiante, là où sa foi offrait confiance aveugle à celui qui avait déjà tenté de les aider.

« Enchantée Paquot, scribe des Profondeurs. Je suis la sorcière de l'île, Ann. La Damnée qui maudit les suivants, aussi. Et je vous remercie de votre aide au nom de notre tribu de pirates. »

Elle sourit, réellement surprise de l'attitude si enjouée et déférente de la limace. La noiraude baissa la tête en réponse respectueuse. Un charmant ami, oui. Qui semblait aux antipodes de la Gardienne des Abysses. Comment était-il devenu son secrétaire ? Pourquoi les aidait-ils ? Qu'y gagnait-il ? Elle se rappela le livre de la Bibliothèque dont elle avait plusieurs fois copié les schémas et qui dépaignait le règne sous-marin : le Roi Crabe, son trident et ses trésors au milieu, les Vassaux Murènes armés jusqu'aux crocs, les Limaces de Mer et leur collection de bouquins. Et les quelques pages suivantes qui dépeignaient les richesses de chaque échelon social. Paquot voulait-il quelques écus terriens pour sa collection ? Une autre forme de savoir ? Voulait-il supplanter Céto là où elle même semblait avoir renverser Pontos ?

« J'ai peur que, comme l'ancien Roi avant vous, les forbans ne vous ai déçu. Nous n'avons su déchiffrer la totalité de votre message. »

Elle se demanda vaguement, suite à cette soudaine pensée, si les entités de la mer n'avaient pas eu trop d'espoir pour ce petit groupe de loups qui ne demandaient qu'à vivre d'aventures et de festivités ? Ou si au contraire, les Raeders eurent-été trop optimistes en voulant explorer le monde trop naïvement sans suffisamment de réflexion. Après tout, ils n'étaient pirates que depuis trois, quatre générations au maximum. Peut-être n'avaient-ils fait les efforts nécessaires pour une vie de liberté à voguer. Après tout, rien ne tombait tout cuit entre les pattes des loups. Elle prenait soudainement conscience, en rencontrant cet être en chair et en... non-osseux, que leurs pères n'avaient jamais vraiment rien fait pour l'Océan si ce n'est s'adapter à une vie insulaire. Peut-être étaient-ils temps de changements, temps de devenir pleinement ce qu'ils s'autoproclamaient depuis longtemps ? Qu'en penserait le vieux poulpe Creek ? Sa mère murène pâle ? Et avant elle encore, l'honorable Paprika de tous les récits des anciens ? Ann se demanda pourquoi il lui avait fallu croiser une créature du monde d'en bas pour enfin réfléchir à leur légitimité en temps que forbans trop sédentaires. A quel moment les Raeders avaient cesser de se battre pour simplement profiter de leurs -peut-être bien mal- acquis ?

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Plongée dans ses réflexions, tout en écoutant les quelques paroles échangées, la petite sorcière s'enfonça plus loin encore. Les Pirates n'appartenaient à l'Océan qu'au travers de leur foi, mais ils étaient depuis toujours exclus du continent. Cela faisait des Raeders des parias, ni continentaux, ni loups des mers comme ils le proclamaient. Ou qu'à moitié. Plus que de se prouver qu'ils étaient forbans, ils leur fallait peut-être prendre part réelle dans un conflit qui secouait tous les courants de la mer. Bien-sûr ils sentaient la menace planante au dessus de leur crâne... Mais qu'en étaient-ils de ceux vivant plus prêt d'elle, directement dans les profondeurs ? A bien y réfléchir... Etaient-ils seulement satisfait de leur sort, les bêtes du monde sous-marins ? Ann savait la Gardienne des Abysses tyrannique. Et si sa prise de pouvoir n'avait pas tant plus que ça ? Et si, dans le monde d'en bas, ils l'a craignait plus encore qu'eux ? Et s'il s'agissait en fait, de ne pas remplacer un despote par un autre mais simplement de libérer un peuple...? Il était temps de choisir un camp, il était temps de revendiquer haut et fort que les Raeders étaient, eux aussi, fils de l'Océan et qu'ils avaient le droit, et le devoir, d'hausser le ton contre la violente Céto.

« C'est une révolution. Y a t-il des alliés là dessous ? »

Une angoisse tordait son ventre rond. Quel avenir pour leurs petits mousses à naître ? Il n'y avait d'autres solutions que de renverser la Murène couleur sang, pour espérer offrir à leurs enfants des aventures moins menaçantes. La noiraude releva me menton et ses yeux bifurquèrent vers le Capitaine, visiblement déçu de la question d'Abysse. Si naïve et peut-être mal formulée, elle restait le point exacte dont il avait besoin. Comment vaincre une bête infernale géante et si puissante ? Ils étaient loups et elle entité mystique des abimes du  monde. Bien sûr, ce ne serait jamais à la force qu'ils vaincraient les pirates. Mais ils étaient malins, pouvaient se montrer retors, sournois, imaginatifs, inventifs. Ils étaient rusés et aimait souvent berner. Là était une chance indéniable de se défaire du fléau.

« Ton aide jusqu'ici est plus que précieuse. Nous te remercions humblement, Secrétaire Paquot. »

Elle inspira, repartant dans ses songes qui déjà se parait d'armes. Canon, harpons... poison ? Elle savait à qui demander ce type de soutien. Et s'ils ne pouvaient la tuer, peut-être pourraient-ils l'enfermer comme le laissait entendre la comptine ? C'était ce qu'avait validé la Corneille... Mais comment ouvrir la porte.

« Sais-tu quelque chose sur ce que contiennent les tréfonds des grottes de Morne Oeil ? Celle au trésor qui a été innondée... Celle où il y a la porte aux couleurs des dieux du continent qui nous ont rejetés ? »

Car au final... L'idée que Yurai ai pu être rejetée, tout comme eux, par ses six frères et soeurs faisait assez de sens concernant cette porte. Il y avait quelque chose de malsain, une scission, entre la pourpre et les autres.

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Une part tête hein ? Les petites têtes dans son bidons comptaient-elles ?
Ann fronça le museau, plissa les yeux en observant ce qu'écrivait Paquot. Encore ces mêmes symboles qu'elle avait tant regardé qu'elle s'en était usé les yeux. Il mima cependant une partie de la phrase entourée. Aime et sang. Oui ça ils étaient au courant, c'était même ça qui l'avait attirée la première fois : les sacrifices de leurs pères. Oooh. Evidemment, ils savaient comment l’appâter. Mais elle ne serait sûrement pas dupe et il faudrait un sang particulier pour la faire venir. Mais... Et si c'était eux qui venait jusqu'à elle ? Il faudrait alors la faire remonter à la surface où eux seraient plus efficaces. La sorcière jeta un oeil à ses comparses. Le temps pressait. Elle montra là, sur la troisième ligne, le premier symbole, doublon du troisième.

« Celui là. C'est un sort ? Le soir ? Un Sacrifice ? Ou " son " ? »

A force de regarder ce message, elle restait bloquée sur ce qu'elle avait déjà cru y voir et parvenait difficilement à tourner dans un autre sens les lettres emmêlées.

Chimaera et Abysse étaient tous deux face à Paquot, le trio entourant le concombre de mer. Chimaera observe les gestes, et regarde le papier pour comprendre. Mouais, comme Ann, l'avait sans doute compris, et comme tout les autres avant lui, elle aimait le sang. Le mâle songeait du coup pour l'attirer sur terre, et ainsi la mettre dans la salle, faudrait peut-être faire couler du sang, mais de qui, comment, pourquoi. Peut-être du sang empoisonné, peut-être. Mais de quoi..



Puis il regarde Paquot, et puis son père. Et Ann se lance. Il écoute, Abysse et lui, jusqu'à avoir son tour.



"-Moi je souhaite savoir le dernier symbole de la deuxième ligne! Il faut un sacrifice? De qui? De quoi? Du sang de qui, du sang de quoi? Le dernier de la deuxième Ligne Paquot!" Abysse écoute, il réfléchit. Le message devenait plus net, mais..



"-Moi veut savoir deuxième troisième ligne!" Ainsi ils avaient un max de symbole. Les deux mâles fixent paquot. Allaient ils trouvé??

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Elle observa attentivement, comprenant à l'unisson du Capitaine que le foulard représentait le rouge des Raeders. Céto aimait le sang... Donc particulièrement le sang de pirate ? Elle se remémora le jour où, petite louvette, elle avait ouvert son coussinet pour tracer son empreinte sanglante sur la porte close de la Grotte Mystérieuse en espérant réponse de la part de la Gardienne des Abysses dont son père avait si bien parlé. Sa déception lui avait fait réaliser la différence entre le mythe des histoires de son géniteur et la véracité plus probable de ce qu'était la Murène rouge. Après tout elle avait été invoquée avec le sang des victimes des sacrifices de son père et ses oncles... Faudrait-il faire couler le liquide vital des forbans pour l'appeler à nouveau ? Pour l'attirer ? Pour lui tracer un chemin jusqu'à sa possible future prison ? Elle haussa un sourcil, et reposa son attention sur Paquot. Il avait tiqué à la consonance du "son". C'était donc quelque chose de ressemblant. Ses prunelles sanguines fixèrent le doigt battant régulièrement. Comme un non. Une négation. Comme... Pas de son ? Pas de bruit ? Sans son ? En silence ? ... Sans son. Sans son ? Sans son... Sans son. Sans ? Sans ! Sans quoi alors ? Elle analysant le mime suivant. Un cri ? Un hurlement ? Un appel ? Un son ? Un défi lancé ? Une prière ? Une alerte ?

« Je crois que ça pourrait être un " sans " ... Sans cri sans peur ? Sans prière ? Je ne suis pas sûre... »

Déjà Paquot s'éclipsait et Ann opina du museau en salut et gratitude. Il avait fait déjà du chemin pour eux, pour les aider. Il avait fait plus que sa part avec tous ces indices.