Cadeaux de l'Océan ▒ Famille AnnAbysse & autres pirates~

▒ 6 ans ▒
F A E I

La petite sorcière ronde était fière, contente de sa journée et des menus travaux effectués. Dans sa sacoche, emballée soigneusement dans un foulard rouge sanguin au couleur de la piraterie Raeder, le mobile colorée et protecteur créés pour ses enfants. Elle y avait passer de longues heures en plein cagnard, concentrée sur sa tâche et n'ayant cure de se piquer les coussinets avec l'aiguille d'os puisque c'était pour eux tout ces efforts ! Le ciel était couvert, gris, lorsqu'elle traversa Morne-Oeil pour rejoindre l'autre côté de l'île, là où Navire était à l'ancre. Dans la pénombre de l'orage naissant, une forme pâle et minuscule sur fond de sargasses, attira l’œil de la femelle. Son cœur cessa de battre et elle cru à un mirage. Poussée par cet élan de foi et l'instinct d'une mère en devenir, elle bondit en avant malgré la fatigue et la soif. Elle couru à en rouler dans le sable, par manque d'équilibre, elle se dépêcha de peur de voir disparaître la vision de ce fantôme. Et elle parvint jusqu'à lui. Jusqu'à ce corps de louveteau dont le flanc se soulevait faiblement. Jusqu'à cet être béni et rendu par la mer. En effet pour la Maitresse des Rituels, il n'y avait pas de coïncidence, il n'y avait pas de doutes. Ses croyances et sa confiance en son Entité louée était si puissante que rien ni personne n'aurait pu lui convaincre du contraire : son fils lui était rendu, alors qu'elle allait très bientôt donner la vie à nouveau.

Cimerii. Ann remercia l'Océan, encore et encore, alors qu'elle réchauffait tendrement le corps fragile. Posant sa truffe avec délicatesse sur le museau du louveteau immaculé comme un ange, à peine plus gros que lorsqu'il était né, mais juste assez pour vivre, l'enfant perdu couina. A cet instant même où les petits enfermés dans le ventre d'Ann s'agitèrent tous ensemble. Une douleur vive, fulgurante sembla lui briser les reins. Elle tourna le museau et grogna pour ne voir que le soir tombant et le tonnerre grondant à l'horizon. Elle était toujours debout, mais elle n'avait pas imaginé sa souffrance pourtant... Elle sentit du liquide couler le long de ses pattes postérieures et compris. Oh. Maintenant. Elle attrapa l'enfant miraculée, et se dépêcha de gravir la pente de bois menant au pont du bateau. D'autres raideurs lui prirent le ventre et l'abdomen, mais elle ne pouvait pas s'arrêter. Il ne pouvait pas en être autrement. Entre les spasmes de douleur, elle appela. A plein poumons elle cria le nom de son bien aimé, à s'en rompre les cordes vocales elle hurla la joie et la souffrance pour qu'une aide lui soit apportée, ou au moins, qu'une présence vienne la rassurer et la soutenir. Elle avait confiance en l'Océan et ses décisions, après tout ne venait-il pas de lui rendre un fils le soir même où elle accoucherait de ses autres enfants. Elle comprit alors, que tout avant avait été une erreur, que Cimerii devait être, oui, mais pas tel qu'il avait été conçu. Il devait être fils d'Abysse, ainsi l'Océan l'avait décidé.

Au travers de ses larmes mêlant impatience, épuisement et bonheur prêt à exploser, elle se focalisa sur une seule idée pour tenir, pour aller jusqu'au bout et mettre au monde leurs merveilles : elle avait été destinée au mâle vert depuis toujours, le retour de son fils aîné devenu frère de portée de ceux à naître prouvait cent fois la volonté de la mer à ce qu'Ann porte les fruits du loup abyssal. C'était une consécration, un soulagement. Tout était comme il devait être. Et tout se passerait comme cela devait se passer. Dans un aboiement rauque, la noiraude eut l'impression qu’on lui déchirait les entrailles, et sa respiration devint irrégulière, saccadée. Elle se hâta de rejoindre une cabine avec couchette pour s'y effondrer, son petit contre le torse. Entre deux contractions, elle léchait son premier-né au pelage de neige, offrant autant d'amour qu'elle en récupérait en attendant que le papa débarque. Tout irait. Ça ne pouvait pas en être autrement.

▒ 6 ans ▒
F A E I

Il arriva, enfin, le beau mâle vert qui lui avait mis les brioches au four. Elle aurait voulu sourire, aboyer joyeusement, l'accueillir, mais les contractions la pliait en deux, dévoraient sa voix pour ne laisser que des grognements jaillir de sa gueule. Il lui fallu beaucoup de concentration et de souffle pour expliquer à Abysse ce qu'il se passait sous sa truffe sans être trop mesquine-

« Bien bien... pas tellement. Enfin si. Les pe...tits. Ils arrivent. Ils sont là... ! »

Elle fût coupée par une contraction plus forte, et son corps fit le reste. Cela durant un long moment. De longues heures à souffrir et à gronder, à pleurer aussi, en voyant ces petites merveilles se rouler en boule au creux de son ventre encore parcouru de spasmes. Les larmes coulaient à flots, de bonheur de se voir ainsi bénis par l'Océan : un, deux, trois, puis quatre louveteaux virent le jour cette nuit ! En plus du louveteau né de la mer. Tous, à priori en santé. Ils étaient beaux, ils étaient de véritables trésors. Mais elle pleurait aussi de fatigue, et d'une angoisse incontrôlée qui lui vrillait les tripes : et si elle ne parvenait pas à les protéger ? Heureusement la présence du loup abyssal rendait l'instant plus doux, plus magique. Ann avait du mal à y croire, mais ils étaient enfin une véritable famille. Et quelle tribu ! Cinq Raeders miniatures qui déjà s’agrippaient fermement à ses mamelles gonflées de lait. Elle grimaça quand l'un d'eux la pinça, mais soupira finalement, alors qu'une montée d'endorphine la faisait flotter dans une bulle de coton. Cimerii était le seul louveteau clair, le seul immaculé. Elle tourna la truffe vers son compagnon pour expliquer :

« Le petit pâle comme la lune est Cimerii, il est notre premier enfant, c'est le cadeau de l'Océan, et il à l'air exactement comme toi. »

Repus, les louveteaux s'étaient calmés pour dormir. Du bout de la truffe, la sorcière les orienta vers leur père, dans l'ordre de leur naissance :

« Voici notre première-née. Elle est déjà forte. Elle te ressemble beaucoup, mais sa peau est très sombre. Ensuite, une seconde fille, tout aussi vaillante. Elle a également ta couleur de pelage en plus foncé. La suivant est un mâle, et à le poil noir comme la suie. Mais sur son pelage apparait des tâches de la même couleur que toi, comme s'il portait les arrête d'un poisson. Le dernier est un troisième garçon, qui te ressemble également beaucoup, en blond comme l'or. Ils sont si beaux, Abysse. »

Que dire de plus alors qu'elle n'était plus que bonheur, et corps si déchiré que son cerveau avait bloqué momentanément toute sensation difficilement supportable. Il n'y avait plus qu'eux maintenant, ils étaient son univers. Cinq enfants. Cinq pirates. Elle n'en revenait pas.

L'ordre de naissance correspond à l'ordre des fiches ;)