Walkin' Boss ➼ Lùgh

Encore une fois, te voilà en train de marcher, Agathe.
Tu parcoures les montagnes (que presque, tu aurais pu appeler tes montagnes, si tu avais eu envie de t'encombrer d'une possession) de tes pattes de géante, monte d'une foulée les obstacles que d'autres auraient sautés. Tu avances vite et bien, comme si tu avais eu en tête un objectif précis, une destination.
Mais qu'importe, la destination !
Toi, il n'y avait que le voyage qui t'importait.

Alors tu marches, encore, encore ; bien qu'il te faut un instant t'arrêter que pour faire taire le cri d'ogre de ton estomac.
Ah, Licorne ! Que tu peux avoir faim, le matin.
Tu avales des fruits et des tartines de légumes séchées, quelques racines et tu te remets en route.

Et tu marches, toujours, toujours...
Quid de la vie d'une solitaire qui ne veut pas la moindre responsabilité ?
Tu vivais Libre.

Et plus encore !

Tu ne vivais pas pour les dieux.
Tu ne vivais pas pour la gloire.
Tu vivais pour contempler chaque jour un lever de soleil différent du précédent.

Voilà une autre pause dans ton permanent périple.

Aujourd'hui tu le contemples entre deux pics à l'ombre, où les rayons de l'astre soudain vient vous éblouir, toi et l'ensemble. Tu plisses les yeux et répands autour de toi l'éclat rosé du quartz rose de tes cristaux, tu sens ton cœur se gorger d'une émotion positive et tu souris au ciel qui se teinte d'orange et de lumière.
C'est beau !
Comme tous les phénomènes que tu as pu contempler jusqu'alors, Agathe.
C'est beau...
Tu en as vu tellement, des levers et des couchers du soleil, jusqu'à l'autre bout du monde.

C'est pourtant toujours un spectacle unique.

Et quand tu t'en détaches, quand tu arrêtes de contempler...
La marche reprend, tu descends vers les plateaux.

Tu continuais de descendre, Agathe. Sacrée descente, d'ailleurs.
Tu n'étais pas une fine grimpeuse et ta taille t'aidait beaucoup en cette tâche, comme ton poids important t'aidai à ne pas te laisser emporter par celui des cristaux de ta queue qui, parfois, te faisais manquer d'un peu d’équilibre. C'était joli, oui ! Mais de ne pas la mouvoir était parfois...un poids.
Tu fronces ton museau et poursuis ton effort.
Aah..
AAH !

« OH PUTAIN DE- »
Merde.

Il y eut soudain un corps qui s'afficha à tes yeux (et plus particulièrement, sous tes pattes), alors que tu avais sauté d'un rocher pour continuer ta progression. Un corps allongé là, visiblement épuisé, peut-être même mort tant il était couturé de cicatrices et de plaies en tout genre. Il te fallut te ressaisir, vite ! donnant un soubresaut à ton corps tout entier pour te permettre de décoller un peu plus haut dans les airs, te forçant vraiment à ne pas lui marcher dessus, même d'une patte.
Ce mouvement fut exempt de toute grâce et de toute beauté.

Tu n'étais qu'une Licorne te tordant d'une étrange façon, dans une tentative désespérer de ne pas tuer quelqu'un...et de ne pas mourir aujourd'hui.

Tu atterris maladroitement juste à côté de ce loup couché là, glissant un peu, manquant de t'écrouler.
Faisant, accessoirement, trembler le sol.
Mais ça...

Tu titubes d'un pas, te retourne vivement.

« J't'avais pas vu gars !! Vraiment désolé ! Je t'ai pas touché au moins ?! »

Mais qu'elle idée de se coucher là, quand même !
Tu as eu peur, Agathe, alors tu as un peu envie de rouspéter mais tu t'abstiens. Parce que t'espère vraiment, vraiment pas l'avoir touché, ce p'tit mec. Déjà que tu aurais pu le tuer, en lui marchant dessus ! (et tu ne croyais pas si bien dire, 'Gathou...)
Quoi qu'il en soit, il était dans un état déplorable.
Et ça te rendrait en partie responsable de sa survie, putain.

Loin était le temps joyeux du coucher de soleil.
Voilà la pire compagnie pour une Licorne.

Le silence se veut durer entre vous et tu te demandes si tu l'as tiré de son sommeil. Il avait l'air... Pas très éveillé, ce loup. Tu serres les crocs et esquisses un sourire oscillant entre le désolé et le gasp, ne sachant trop quoi penser de ce bonhomme. Il semblait plus captivé par tes cristaux (que, tu ne pouvais nié, adorais toi aussi et te hâtais chaque jour de découvrir) que par toi-même, les regardant eux plus que cherchant à t'mater droit dans les yeux.
...
C'était pas plus mal, sans doute.
Ça évitait à ton stress d'exploser au cours d'un duel de regard.

Après un vague instant d'hésitation, il finit par te saluer.

« ...Ah, salut ! »

Tu émets un bref rire gêné. Bah alors, Agathe ! Tes parents t'avaient pas éduqués comme ça, où étaient passées tes bonnes manières ? V'là même qu'il te donne son nom, l'garçon.

« 'chanté, Lùgh ! Moi c'est Agathe, comme le caillou. »

Avec un h en plus, tu pouvais la sortir à chaque fois.
Tu persistes dans ton stress. O h b o y. Plus tu le regardais, plus tu lui découvrais des blessures en tout genre. Hardcore comme état, t'avais jamais fait face à un éclopé pareil : il te donnait l'impression d'être rentré dans la gueule d'un préda, de s'être fait mâché puis recraché.
N'exagère pas, Agathe.

« Ça va comme tu veux sinon ? J'te sors pas d'un malaise au moins ? Qu'est-ce que tu faisais ici couché tout seul ? »

'Gathou, on a dit stop les exagérations.
Mais quand même ! Tu lui trouvais un air un peu brumeux, un peu vaseux. Tu pouvais plus oser poursuivre ta route l'air de rien, maintenant.
Ta responsabilité était engagée, tu te devais de l'aider, sang de Licorne oblige. Parce que sa non-réponse à ta question te laissait penser que si, tu l'avais touché. Sinon, il t'aurait genre fissa' rassuré, non ?
Tu persistes, avec ton sourire crispé.

Ah, ok. Il se reposait, donc.
Ce qui était quand même une étrange façon de se poser, mais qui étais-tu pour juger les choix des autres ? Il avait eu envie de se coucher en plein milieu du passage, eh bien que grand bien lui fasse.
Tu gardes ton sourire crispé et ta drôle de tête, tu relèves un peu tes épaules et...
Sans doute, oui qu'il avait beaucoup marché ?
Il grimace et tu hausses tes sourcils en penchant légèrement la tête sur le côté, le questionnant de toute ton expression.
Really, qu'est-ce qu'il te disait, là..?
Il attendait une réponse de toi..?

Conclusion : ce gus était spé', quand même.
Et, bien sûr, trop blessé pour que tu passes ton chemin putain de merde.
En effet. Tu le prends un peu pour un idiot. Un tout petit peu ! Pas beaucoup non plus, parce que tu n'es toi-même pas une flèche.

« Nan, en vrai, y a pas taant de monde qui passe par là ! Juste..moi, enfin on croise en général pas grand monde dans les monts tellement c'est vaste. »

Cependant, tu veux bien lui concéder un peu d'intérêt, quand il énonça le fait de peu connaître les environs.
Il n'avait pas l'odeur d'une meute, après tout, alors peut-être que...

« Tu viens d'arriver dans le coin ? T'es..un voyageur ? »

Ce seul mot suffit à illuminer tes yeux de paillettes.

Présent sur le continent depuis quelques lunes, quand toi t'es parti puis revenu y a quelques lunes aussi.
Bien trop de lunes, d'ailleurs, tu penses. Des fois il te surprend l'envie d'un nouveau voyage : tes pattes, c'est compliquées de les faire tenir au même endroit, un tour du monde ne t'a pas suffit et tu veux déjà partir plus loin, comme si c'était possible.
Mais non, non. Faut rester encore un peu, faut achever les projets. Après ceux-ci ? Ouais, tu y réfléchirais.
Ce continent n'est pas tant fait pour toi, y a trop de faits qui te frustres et de cons qui t'énerves.
Toutes ces meutes et leurs amalgames sur les solitaires, y en avait pas une pour rattraper l'autre ! Puis tous ces loups qui asservissent des animaux, même tes sœurs !
Mais tu fermes ta gueule et tu fais la grande gentille. Pour le moment.
Tu trouveras pas ta paix ici, à moi que tu te décides à l'amener.
Go convertir tout le monde au veganisme.
...
Tu te demande comment c'est, chez lui.

« Beaucoup, oui ! Je tiens pas beaucoup en place. »
Et tu te sens jamais vraiment à ta place.
« Tu viens de quel coin, p'tit loup ? »
Enfin, Lùgh, oui.

Quant à l'oiseau, voilà que tu le regardes. C'que c'était ?

« Euh, c'est une mésange j'crois ! »

Mais c'le seul oiseau jaune et noir aux joues blanches qu'tu connaisses, même si t'sais pas c'qu'elle foutrait en montagne celle-là. Une égarée, comme vous...
T'étais un peu conne, c'était un peu dommage, tu connaissais pas grand chose. Ça ne t'empêchait pas d'aimer beaucoup les oiseaux et leur possibilité infinie de voyager.
Presque, t'enviais leurs ailes...

« T'les kiffes aussi, les piafs ? J'adore la liberté que leur donne leurs ailes, et la facilité d'leur vie. »

T'voilà un peu rêveuse.
T'espérais te réincarner en oiseau, dans une prochaine vie.

Penn ar Bed.
Peine ar bed ?! Bed comme le lit.
Peine au lit...
Tu plisses un peu les yeux, de billes ils passent en forme demi-billes, et tu laisses tes babines s'étirer puis se serrer en une expression mitigée. Et t'hoches la tête, pour dire ok, accusant le nom de son chez-lui sans jugement aucun pour le nom de celui-ci, étouffant ta blague pas drôle qui n'ferait sourire que ton père tant ça venait clairement de lui, cet aspect là.
Et avant que tu puisses demander, il enchaina.
Une terre proche de la mer, où la météo est pluvieuse et brumeuse. La végétation, de ce fait, y est très verte. Logique.
Le reste des noms lui semblent être dans un dialecte méconnu : Menez Are et... Non, les karns, tu crois connaître ! Enfin, les cairns, mais c'est juste son accent qui le fait le prononcer comme ça, tu te dis.
Les cairns, c'était un peu le truc des voyageurs : tu en avais toi-même fais, ici et là.
Cet amoncellement de cailloux, qui permettait à quiconque les suivrait de trouver son chemin.
De vouloir dire, aussi, je suis passer ici.

« Et elles étaient comment, les créatures dans les karn ?! Toutes petites, pour se coincer comme ça entre les cailloux ? »

T'es prise d'intérêt, tout d'un coup, t'oublies qu'il est tout cassé et qu'il a un peu l'air d'un paumé (gentil mais...gentil). Et si tu lui sortais tes cartes, saurait-il t'indiquer le chemin ?
Voilà que tu as envie d'aller voir par toi même, maintenant. Mais tu étais encore un peu prise ici, Agathe...
L'autre intérêt est porté sur les oiseaux.

« Oh, s't'en veux j'dois en avoir qui traine dans mon sac ! »

Toi, tu n'en avais aucun intérêt. Coincé entre les pages de tes livres, elles te servaient un instant de marque-page avant de vivre dans l'obscurité de ton sac à dos. Alors, si ça pouvait lui faire plaisir, hein, déjà qu'il allait pas vivre hyper longtemps...
*sik*
Arrête de penser ça, Agathe, ça t'angoisse la mort des autres.

« Yap, je suis une native de Punk Wolf ! J'ai grandis dans la savane, plus loin, et n'en suis partie qu'à ma première année. A partir de là, j'ai surtout voyagé, ici et ailleurs. J'ai...marché, beaucoup, sans prendre la peine de vraiment m'attarder. »
C'est à toi de te sentir un peu bête, avec cette confession. Parce que tu n'avais jamais réfléchis, t'avais juste usée de tes pattes.
« Mais pour le moment, j'suis en arrêt sur ce continent. J'ai un projet à aboutir, avant ça, un refuge pour les solos et les p'tits gars comme toi à finir. »

Le petit renflement de tes narines provoque un gloussement semblable au cri d'un cochon, à la suite de tes mots.
Ce n'est pas très élégant. Mais tu n'avais jamais prétendue l'être.

Revihan. C'est comme ça qu'elles s'appelaient, ses p'tites bêtes qui s'coinçaient pas dans les cailloux, c'qui était un peu dommage. Un instant, tu les aurais imaginé comme ses p'tites boules de suies, dans des œuvres bien connues ailleurs. Mais ce n'était pas ça, et en dehors d'une indication sur leur taille et le fait qu'on pouvait pioncer avec ces choses à côté de nous, dans un autre temps, t'en savais pas vraiment plus.
Piqué de curiosité, il est évident que tu irais jusqu'au bout de cette découverte.

Aussi, quand il te demande une plume, toi tu ouvres ton sac et en sors quelques unes que tu lui tends, en même temps qu'un carnet que tu ouvres sur une page vierge. Tu y ajoutes quelques morceaux de pierres diverses et colorées, unies ou à motif, te délestant de ça puisqu'il n'avait eu de cesse de regarder tes cornes et ta queue. Un petit morceau de charbon se joint à l'ensemble, et

« Tu m'en dessinerais un, de Revihan ? Que j'visu' un peu mieux à quoi ça ressemble, tes machins ! Un menez, aussi. »

Tu vois pas ce que c'est, tout ça, mais tu veux bien savoir. Comme ça, si par chance tu allais un jour vers chez lui... Tu saurais, ce que c'est ! Et voyagerais un peu moins inculte que jusqu'à présent, bonne qu'à regarder les choses plus qu'à les comprendre.
Une autre façon de voir le monde.
Littéralement.
Tu souris, quand il espère que le refuge trouva aboutissement, et t'empresses de lui répondre. Si ça pouvait l'inciter à s'y rendre, et p't'être à s'y investir aussi ! Tu aurais donné des tracts à tous les solitaires, toi.

« Au Gouffre aux Faucons ! Au Nord-Ouest d'ici. Attends, j'te montre... »

Du sac, toujours, tu sors tes cartes. C'est toi qui les a faite, elles ne sont pas parfaites mais pas fausses non plus. De bonnes indications, plus que de grandes précisions...
Tu poses une griffe en quartz sur l'endroit, trace un chemin virtuel pour s'y rendre.

« C'est là, et si tu prends par là en évitant c'coin qu'appartient aux fachos, tu devrais y arriver sans encombre ! En longeant la plage, tu pourras profiter d'la mer en plus. L'est bonne, par ici, ça s'ra pas aussi brumeux et savage que celle que t'as connu mais l'odeur du sel reste la même partout. »

Ton sang de licorne avait intérêt à se satisfaire d'autant de bonne volonté, toi qui faisait en sorte qu'il..bah s'en sorte sans encombre et ne cane pas alors qu'il serait sous ta responsabilité.

A l'évocation de bête dans le gouffre, tu secoues la tête de gauche à droite, faisant bouger tes multiples dreads d'un côté à l'autre de tes tête et menaçant de le fouette avec. Par chance, tu te tenais assez loin du p'tit corps mutilé, préférant n'pas avoir à trop toucher...ça.

« Nan ! Y a que des faucons, comme son nom l'indique, et beaucoup d'autres rapaces et oiseaux, tu verras. Tu parles de la Sylve de Mortefeuille ? C'comme ça qu'elle s'appelle, ouais, on y trouve un peu plus de créatures, là-bas. Pas plus dangereuses qu'une autre, si on les laisse tranquille. »

T'étais contre la confrontation avec les autres espèces, toi, puisque tu n'aurais pas même tué une mouche de ton plein grès, aussi chiante que soit celle-ci. Plus que ton sang de Licorne, tes valeurs étaient celle de l'anti-spécisme et de la tolérance envers tous, quand bien même ladite tolérance se perdait au profit de l'intolérance des autres.
Les peuples de Punk Wolf ne t'aidaient à avoir foi dans les loups, ta propre espèce t'insupportait.
Autant qu'elle te mettait en danger.
Parce qu'en soit, si c'gamin (ouais, bon, il devait à peine être plus jeune que toi) avait été un peu moins amoché, t'aurais sans doute était plus cool ! Mais il subsistait là un petit stress, l'angoisse qu'il canne et que tu cannes aussi. Tu tenais à vivre quelques années de plus, et ta survie se voyait souvent compromise par ce genre de...rencontres.
Bref.
Il en restait aussi sympa que simplet, au moins, à bien vouloir dessiner dans un de tes carnets.
Tu le regardes faire, à l'envers, t'enthousiasmant des traits qu'il trace.
Puis il te rend le carnet, ouvert sur ce qu'il vient de tracer.

« WooOOoow, mais c'est génial ces p'tites bêtes ! »
Tu ris davantage, en désignant le korrigan et le boudig.
« Hey, mais c'est d'eux que tu tiens tes oreilles en fait ! »

Malicieuse, tu portes celui-ci à côté de sa tête, pour mieux comparer et attester de ce fait.

Il est complexé par ses oreilles.
Et tu en aurais sans doute fait la moue, Agathe, si tu n'avais pas préféré continuer à sourire d'un air crispé. Il était un peu benêt, un peu sensible, un peu trop blanc pour ne pas être voyant. Il était blessé, peut-être un peu malheureux, mais surtout blessé et toi tu ne retenais que ça.
Ce n'était pas un gus que tu pouvais fréquenter en paix.
Et seul son départ volontaire sembla te faire retrouver celle-ci.

« Alors bon voyage, Lùgh, et de rien ! »

Tu ne lui dis pas à bientôt.
Tu espères ne plus le revoir.
Quand bien même tu irais sans doute fouler ses terres, une fois, juste pour voir ces espèces qui tant t'intriguer... Lui n'était bonne compagnie, pour celle qui se veut sang de Licorne.
Le saluant d'un dernier signe de la tête, tu pris direction opposée à celle prise par le jeune mâle, t'aventurant au-delà des montagnes.