L'amertume comme poison [Lestat]

Trainé jusqu'au Dédale, le loup violet a du ravaler sa fierté et accepter l'aide des trois loups l'ayant tiré du manoir. Tout ce qu'il a pu faire c'est serrer les crocs et endurer la douleur qui venait lui tirer le ventre et le dos. Son dos avait encaissé une partie du choc contre la porte et le sol, celui qui aurait pu être évité. Son action inutile. Mais le loup à crête était endurant, la douleur, il connaissait. Ce qui était nouveau, c'était sa douleur émotionnelle. Sa culpabilité, sa colère, son incompréhension. Il avait du être patient alors qu'on l'aidait à le ramener, mais une fois enfin donnés aux bon soins des nakhus, il sentait que ce dont il avait le plus besoin, c'était de réponses.

Lorsqu'ils s'étaient fait attaquer dans le Dédale, il avait cru bien réagir en se défendant de lui-même, en protégeant ses amis de l'araignée. Mais la situation avait mal tourné, et Kerguelen avait du intervenir. Jusque là, le loup avait compris : araignée = mauvaise, Kerguelen = bonne. Mais le reste ... Elle lui avait parlé. Et l'araignée avait répondu, à sa manière. Puis, elle avait proposé une sorte d'échange, et la couturière avait vendu con compagnon. Et quand Violette avait essayé de protester ...

Mais heureusement, Lestat était revenu. Comment pouvait-il savoir, Violette, qu'il allait revenir ? Comment la louve blanche avait-elle pu vendre un de ses amis pour essayer de sauver les autres ? Cette araignée, celle qui l'avait si gravement blessé, était-elle intelligente ? Le loup à crête était perdu, perdu à un point inimaginable, et surtout, amer. Il l'avait vu dans les yeux des autres : c'était de sa faute. Et il ne comprenait même pas pourquoi. Est-ce que c'était ça alors, le vrai visage des nakhus ? Sacrifier ceux qu'on aimait parce que c'était la chose la plus "sage" à faire, et en vouloir à ceux qui se battent contre cet ordre des choses ?

Le loup cendré était allongé, récupérant physiquement. Mais sur sa face, un rictus sombre qu'il n'arborait que très rarement, presque jamais. Il s'y était presque fait, à ce qu'on l'exclue, qu'on ne lui explique pas tout. Mais ces derniers temps, il avait eu de l'espoir, un peu. Il n'aurait peut-être pas du. A côté de lui, Lestat était resté alors que les deux femelles s'en étaient reparties. Violette ne comprenait toujours pas, mais il n'osait plus demander. Il ne voulait même plus savoir. Alors, il se contentait de fixer le sol, las.

-Violette-

La vois de son mentor vint déchirer le silence tendu qui régnait entre eux. Déçu, qu'il était. Vio' ne réagit pas. Il en avait déçu, des gens dans sa vie. Il préférait en général qu'on le lui dise en face, plutôt qu'on se cache derrière un sourire un peu gêné et qu'on s'échappe de sa présence. Mais l'entendre de la gueule de son mentor lui faisait particulièrement mal, et ravivait d'autant plus la colère et l'incompréhension qui habitait le crêteux. Il serra les crocs, et endura la suite des paroles, sans rien dire, le regard fixé sur le sol alors qu'il essayait de comprendre ce que lui expliquait Lestat.

Dès lors qu'il mentionna Umaïama, Vio' ferma les yeux. C'était bien là son regrets le plus dur : elle l'avait prévenue, la louve du cimetière. Il avait juste .. Pas compris, et l'avait entraînée là-dedans alors qu'elle voulait même pas, à la base. Et il n'avait même pas su la protéger. Cependant, il ne comprenait toujours pas le choix qu'avait fait Kerguelen, ne comprenait pas comment elle avait pu envoyer son mâle se sacrifier ainsi. Mais Lestat éclaira un peu sa lanterne : ils s'étaient concertés, silencieusement. Lestat avait été la solution la plus logique. Mais il confirmait ce que Vio' craignait : Il fallait accepter qu'on ne pouvait pas sauver tout le monde.

Vio' serra les crocs et rouvrit les yeux. Le reste ne fut qu'une conclusion : il devait faire ses propres preuves à présent. Cependant, il se sentait toujours perdu, la douleur de ses blessures n'arrangeant rien. Il secoua la tête, avant de laisser échapper un petit grognement de douleur, et de regarder son ex-mentor :


Parce que lui pensait qu'il ne le reverrait jamais. Que jamais il ne croiserait de nouveau son regard sévère, neutre ou bien blasé des remarques stupides de Vio. Qu'ils ne retourneraient jamai dans le Nord, sur la glace pour chercher des plantes, ou observer les oiseaux. Comment voulait-il que Vio' renonce à ça sans se battre jusqu'au bout ?

-Violette-

Le mâle écoute, la colère et l'incompréhension toujours mêlées en lui en une danse mouvante lui donnant le mal de mer. Ce n'était pas son choix, il n'avait pas à le faire. Mais alors qu'avait-il, comme choix hein ? C'était ça pour lui, être ici ? Ne pas avoir le choix de pouvoir sauver ses amis ? Il devait admettre qu'une fois encore, il ne comprenait pas. Mais cette fois-ci, il choisit de rester silencieux. Lestat avait terminé, et lui devait se reposer : alors, il le laissa partir, réfléchissant de son côté à cette histoire de choix.

Il pose la tête sur ses pattes, le regard fixé devant lui. la seule chose qu'il pouvait en tirer était que Lestat ne le détestait pas, au moins. Mais il était avide de la moindre miette d'amour avec eux, avec tous ceux qu'il considérait comme une famille. Et chacune de ses erreurs l'enfonçait un peu plus auprès d'eux. Il ferme les yeux. Lestat se trompe : il y avait bien un choix à faire, pour lui également. Le choix de la confiance. Il aurait du faire confiance à son mentor, à Dame Kerguelen, ou même à Uma qui lui avait dit qu'aller dans le Manoir était une mauvaise idée. Mais on ne lui avait jamais appris à faire confiance, à Violette. On ne lui avait jamais donné cette confiance, alors comment pouvait-il savoir ? Il soupire, réveillant ses blessures lui tiraillant le dos. Il verrait demain.