Difficile besogne [Umaïma]

À la vu de l'aurore boréale, Uma savait à quoi s'attendre, ou plutôt qui.

Une petite visite de Kerguelen n'était jamais une mauvaise chose, car son aura de gentillesse était toujours plaisant à voir. Bien que ces derniers temps, la louve bicolore savait que la couturière était assez occupée, que son regard était toujours un peu inquiet et fatiguée, mais elle se disait que ça allait passer éventuellement, car la terre n'arrêtait jamais de tourner... mais il fallait dire qu'il s'en passait beaucoup, en si peu de temps. Ses pensées se tournèrent vers Chimaera, ce mâle qui devenait de plus en plus qu'un souvenir, car elle ignorait même si elle avait encore raison de s'inquiéter pour lui... peut-être était-ce devenu inutile ?

Elle chassa ses pensées négatives pour s'approcher de la source de la lumière, l'atterrissage de la grise était un peu en écart, peut-être pour ne pas déranger personne. Sauf qu'il était difficile d'ignorer ce magnifique spectacle de lumière à chaque fois qu'elle s'en servait. Alors telle une mouche attiré par les flammes, Umaïma se dirigea lentement vers la nakhu. Éventuellement, elle croisa le regard doré de celle-ci.

« Kerguelen ? Mais... qui est-ce ? »

Voilà une autre silhouette qu'elle n'avait encore jamais vu, qui semblait endormie aux côtés de la femelle... mais la blanche savait bien que c'était plus que ça. Elle laissa un petit « oh » s'échapper de sa gueule, sans toutefois en faire tout un plat. Il était inutile d'être énervé contre le cycle de la vie, car c'était elle qui avait toujours le dernier mot, Uma le savait que trop bien.

« Cet être est au bon endroit à présent, merci de l'avoir emporter jusqu'ici. »

Elle cherchait l'approbation dans le regard de sa sœur de clan, afin de voir si elle pouvait intervenir à son tour.

Cousine Lewis.

Une partie de Kerguelen c'était donc malheureusement éteinte afin de rejoindre les étoiles. Ce soir, la louve bicolore allait allumer une chandelle à sa mémoire, car c'était la moindre des choses... mais la louve sans oreilles continua de dire des choses, des informations qu'Uma écouta à la lettre... lui demandait-elle ce qu'elle pensait ?

Une certaine nervosité à l'idée d'avoir enfin la plus grande responsabilité de cette île sur ses épaules, Umaïma s'approcha un peu plus, contenant du mieux qu'elle pouvait son excitation morbide pour elle-même.

« Il serait un honneur pour moi de m'en charger pour toi Kerguelen... et pour le reste du clan aussi. » répondit-elle avec révérence.

Ses pupilles noires fixaient les dorées de celle-ci, puis les paupières fermées de Lewis. Cette dernière semblait si... paisible. Sans plus attendre, elle fit un signe à Kerguelen d'attendre ici et elle se dirigea vers sa tanière, afin de trouver un tissus digne de cette situation, afin d'y enrouler délicatement la louve bleutée. Elle s'arrêta sur un grand tissus bleu royal, une teinte solennel et approprié pour cette inconnue qu'elle n'eu pas la chance de connaître avant sa fin.

Elle revint en face d'elles, puis déposa sa trouvaille au sol.

« Je peux ? »

D'une présence douce, Uma était prête à lui laisser le temps qu'il fallait pour dire ses adieux.

De la tendresse.

Umaïma qui avait tant vue de violence, elle savait bien faire tout le contraire. Jamais une once de violence dans ses actes, voilà qu'elle voulait fermer ce chapitre avec souplesse et attention. Habituée à enterrer ses proies et des plantes, sa pratique autodidacte allait prendre un grand saut aujourd'hui. Sauf que sans l'avouer à sa sœur de clan, Uma avait longuement réfléchit à ce jour... à ce qu'elle devait faire.

Ayant reçu l'approbation de la couturière, Uma s'approcha d'elle avec bienveillance, déposant sa truffe rose dans son coup, en signe de réconfort. Jamais n'avait-elle été aussi proche d'elle, mais elle sentait que la grise avait besoin d'un peu de chaleur, ou du moins, avant d'aller rejoindre son compagnon. Sans s'éterniser, elle se mit au travail, avec une lenteur qui se voulait très délicate et réfléchie, elle n'avait pas le droit à l'erreur. De son endurance acquis depuis sa venue ici, Umaïma avait la force de porter le corps de la louve sans trop de tracas, avant de la déposer soigneusement dans un espace vacant, là où la pierre était encore vierge. La forme était à présent en sécurité dans l'espace, enveloppée comme une reine. Uma y déposa des fleurs, en donnant une à Kerguelen qui était là à la regarder sans mots.

Elle se raclât la gorge, timide.

« Malheureux sont ceux qui n'ont pas pu la connaître de son vivant, il y a tout de même un fort réconfort à savoir que Lewis se fait à présent accueillir les bras ouverts par nous tous ici, où elle dormira de son sommeil le plus profond. »

Voilà les mots qu'Umaïma avait su dire en guise d'adieu, des phrases qu'elle pensait réellement. Il y avait une certaine chaleur qui se formait en elle, la louve se sentant étrangement... importante.

Peut-être faisait-elle enfin quelque chose de bon pour autrui, pour elle-même.

Pour Lewis.