L'arbre tombé [Amarök]

Emilitia

La nuit avait très certainement été affreuse pour tout solitaire n'ayant pas pu trouver d'abris solides -les meutes n'avaient évidemment pas ce genre de soucis, leurs meutes logeant dans les mêmes morceaux de grottes ou de ruines de génération en génération. Emilita était parvenue à se réfugier dans un trou à demi creusé entre un vieux tronc de bois mort et un buisson, ça avait à peine suffit et elle n'avait pas beaucoup dormi.
Cette nuit, il y avait eu une petite tempête, la pluie avait été violente et le vent puissant. L'habituel chant des chouettes et grattement des mammifères nocturnes avaient été remplacé par fracas et sifflement à la limite du blizzard, s'il avait neigé, il n'avait que plu cependant. Au matin, tout était redevenu calme et les oiseaux de l'hiver brisèrent le silence, s'activant pour se réchauffer un peu, une idée que la louve noire ne tarda pas à imiter.

S'extirpant de son abris, Emilitia se cogna la tête sur quelque chose qui n'était pas la veille -le choc aillant expulser Drippir de l'abri qu'avait été sa chevelure. Sortant avec plus de précaution, la louve noire se rendit compte qu'un sapin avait été déraciné à demi par la tempête et se tenait maintenant là, quasiment couché le tronc à quelques mètres du sol.

« Oh Drippir regarde ! »
« La tempête a du faire pas mal de dégâts en forêt, faudra faire attention. »

Elle ne l'écouta pas beaucoup Emilitia, galopant déjà sur le tronc pour atteindre ces cimes qu'elle n'avait pu que regarder, l'écorce humide se noircissant comme du charbon à chacun de ses pas. Drippir, bien moins énergique de bon matin, se posa sur le masque blanc oublié au sol sur lequel il prit soin d'étirer chacune de ses pattes d'insecte.

« Je peux voir au dessus de la brume ! »
Comme si le ciel était resté coincé au sol.
« Tu as oublié ton masque. »
« Je sais, je le mettrais tout à l'heure. »

Du haut de son sapin tombé, Emilitia profitait de l'air frais sur son visage, laissant voir à ses yeux de démon toute la lueur du jour sans son filtre habituel. Elle se faisait souveraine à la cime de son arbre, guettant l'âme des êtres tués durant la nuit.