Nos improbables rêves † Kerguelen

± Nos improbables rêves

Son rêve ? La Paix dans le monde, voyons ! Le rêve de tout Nakhu, la raison même de leur existence et de leurs efforts quotidiens. Et cette harmonie, ce si fragile équilibre, se retrouvait menacé. Depuis bien trop longtemps. Mais elle n'avait pas de pouvoir sur le sablier du temps. Ce n'était qu'après avoir mis un terme à la menace la plus urgente, le Spinosaure, et avoir donné la Vie, qu'elle pouvait réaliser cette Tâche. Cette mission soufflée par Mido lui-même. Un travail bien difficile et aux résultats peu probants malgré de nombreuses recherches.

Le délai divin accordé touchait à sa fin. Alors, parce qu'elle était incapable de ne pas essayer, Kerguelen avait décidé d'accélérer les choses. La Sagesse n'était pas l'Inaction, comme aimait répéter sa chère Dame Yurai. Avec Ysée et Noé, elle avait évoqué cette envie de rencontrer l'Enfant. Enfant qui ne devait plus l'être bientôt. Mais qu'importe son âge. Elle devait la voir et lui parler en personne. Pour ne pas rester sur des on-dits. Pour se faire son propre jugement de la Menace qu'elle représentait pour Punk Wolf. Ce n'était qu'ainsi qu'elle pourrait s'aligner sur la meilleure voie. En agissant tout simplement en Nakhu.

Après avoir prévenu Noé de sa démarche et confié les deux petits à la garde exclusif de leur père, elle s'était élancée. Par la voie des airs, le trajet avait été rapide en plus d'être toujours agréable. Elle chérissait cette façon de se déplacer. Si douce, si remplie de tendres moments passés avec sa Déesse. Mais elle n'en oubliait pas pour autant son objectif. Déjà, l'Atoll Tropical apparaissait à l'horizon. Il était temps de se concentrer

De sa position, elle commença à longer la plage. Cherchant une silhouette qui pourrait correspondre à la description faite par Nocera, il y a presque deux années de çà. Elle n'eut pas à fouiller bien longtemps ni avec trop de rigueur. Une première forme canine se détachait au sol. La Colombe décida de tenter sa chance. Elle perdit progressivement de l'altitude.

Plus elle descendait et plus le doute s'insinua. Il y avait bien cette fleur au bout de la queue. Mais le pelage n'était plus vraiment le même. Après, en grandissant elle avait sûrement dû changer aussi. Stendhal et Lucian changeront-ils eux aussi ? Elle se rabroua. Ce n'était pas le moment de faire des comparaisons.

Elle choisit donc la simplicité. Elle désactiva son don et reprit forme lupine sur le sable. A bonne distance de sa cible. Toujours dans le respect de l'autre. Son regard se fit interrogateur. Mais elle ne pouvait se permettre de dévisager quelqu'un comme çà. Alors, sa douce voix s'éleva.

"Bonjour ?"

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Les êtres qui sourient ne peuvent pas être maléfique, n'est-ce pas? Après tout, n'était-ce pas sa mission quotidienne à notre Colombe : rendre heureux et faire sourire les autres ? C'était un peu perturbant, il fallait l'avouer. Son naturel revint au galop et ses babines s'étirèrent en miroir.

Quand à l'identité de la louve, celle-ci lui en fournit d'elle-même quelques indices. Un nom qui résonna particulièrement à ses oreilles qu'elle n'avait pas. Hedwige. Une Sœur de meute. Quand à la fameuse maman, il n'était pas très difficile à deviner de qui il s'agissait.

"Un peu des deux."

Une réponse sincère. Car après tout, elle faisait cette démarche pour ceux qu'elle chérissait. Mais là, tout de suite, ce fut son inquiétude habituelle pour les siens qui prit l'avantage. Elle avait besoin d'avoir des nouvelles des kidnappées. Et l'une d'entre elle n'avait pas été croisée depuis longtemps.

"L'Autre a-t-il donné un présent de la part de Kerguelen à Freya ?"

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A la gestuelle de son interlocutrice, Kerguelen craignit de ne pas avoir été assez précise dans le choix de ses mots. A moins que ce ne fut qu'un tic ? Ou une manière personnelle de réfléchir ?

Finalement une réponse ni affirmative, ni négative lui fut donnée. Pourtant son cadeau aurait du être visible, au moins portée par sa camarade de meute. A moins que celle-ci ne l'ait pas reçue ? A moins que celle-ci l'ait refusé ? La deuxième serait vraiment la pire hypothèse...

La proposition pourrait permettre de lever le doute et de calmer ce cœur qui s'emballait déjà. Mais cette offre était si spontanée, bien trop Nakhu. Car il était courant dans sa Famille qu'on livra son intimité et partageait tout ce que l'on possédait. Freya et Hedwige avaient sûrement réussi à transmettre quelques unes de leurs valeurs. Un point positif ou handicapant pour sa démarche ?

Plus tard les réflexions, profitons du moment présent. Pesons le pour et le contre de s'enfoncer plus en profondeur dans les balbutiement de cette rencontre. Oui, acceptons le risque d'être souillée à son tour.

"J'en serai honorée. Après vous."

Elle accompagna sa phrase d'un mouvement de la tête. Il fallait savoir attraper les opportunités qui passaient. Découvrir la maison de quelqu'un, c'était un peu comme toucher l'âme de celui qui l'habitait. Cela collait parfaitement avec la raison de sa présence ici. Il n'y avait pas à avoir peur.

La Sans-Oreille fit bouger ses pattes sur le sable chaud, grignotant un peu de la distance qui les séparait. Prête à suivre celle qui lui ouvrira la voie.

Ignorant combien de temps durerait le trajet, elle engagea à nouveau la conversation.

"Mon identité vous l'avez devinée. Mais je ne suis pas certaine de la vôtre. Êtes-vous celle qui porte le nom des chimères du désert ?"

Une bien jolie formulation. Sûrement due au fait que l'air marin venait de lui apporter une effluve bien spécifique. Celle d'une fleur omniprésente dans la Roseraie de Moiro. La Rose, symbole de la beauté et du charme. L'adolescente n'avait-elle pas déjà l'altitude d'une Disciple de la Tigresse avec sa courtoisie, son pelage éclatant et ses mimiques ?

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Qu'il était étrange d'ainsi cheminer, presque côte à côte, de celle qui fut pendant de longs mois l'objet inquiétude. Une situation qui passerait presque pour un rêve. Un rêve éveillé dont la finalisation restait brouillée. Serait-il cauchemar ou doux songe ?

Une pause dans leur parcours survint. Choisie par celle qui arbora un sourire et dont les griffes tracèrent sur le sable. Elle s'avança pour mieux voir, la Colombe. Un mot était écrit. Mirage.

Le doute, qui n'en était plus vraiment un, s'envola définitivement. L'erreur n'était plus possible. La certitude était là.

Mais il s'avéra que le nom n'avait pas l'orthographe qu'on lui attribuait naturellement. Toute une histoire était cachée derrière ce patronyme. Un conte si lié à la 'naissance' particulière de cette louve. Rien n'avait été laissé au hasard.

Elle essaya d'attraper ce bout de fil dans cette pelote de nœuds, avant qu'il ne glissa entre ses coussinets.

"Une prophétie ?"

Petite flamme s'alluma dans ses iris dorés, au contraire de ce regard vide. Toujours cette curiosité, cette envie parfois avide d'agrandir ses connaissances. Un trait de caractère qu'elle avait même transmis à au moins un de ses petits. Une facette qui en soit n'était pas anormale. Les Nakhus étaient pour la plupart férus de savoir. Leur rôle de Gardiens de la Bibliothèque et le mysticisme baignant leurs terres accentuaient naturellement le tout.

L'arrêt était terminé et la marche reprit. Elle jeta un dernier coup d'oeil au mot, gravant cette façon d'écrire dans sa mémoire. Le vent se chargerait rapidement de l'ensevelir sous le sable.

A son tour de partager un récit, de dévoiler quelques bribes de qui elle était. Sa voix prit spontanément le ton d'une mère qui racontait une histoire à ses enfants. Comme elle le faisait si souvent pour répondre aux milliards de questions de Lucian et Stendhal.

"Il provient d'une terre sans frontière. Tout être qui pose une patte sur son sol est envahi d'un sentiment profond et puissant : la Liberté. La liberté d'être et d'agir. Sans crainte du jugement d'autrui. Elle s'accompagne de cette volonté farouche que tous puissent la conserver."

Un nom choisi par une vieille louve Solitaire, qui avait toujours refusé d'entrer dans la meute de son compagnon. Qui avait toujours refusé l'aide des Dieux, en jalousant même un. Par cette appellation, elle avait voulu que sa fille put être libre d'être celle qu'elle voulait. Sans pression ni barrière aucune.

Kerguelen, elle, avait intimement relié cette notion de Liberté à celle de la Paix. En en faisant son combat quotidien. Prête à beaucoup de choses pour la défendre. Peut être devrait-elle noter ce mot sur son arc, à côté des noms des êtres chers à son cœur ? Bientôt, la place lui manquera.

Au loin, l'horizon laissa deviner la forme d'une singulière maison. Leur destination approchait à grands pas. Son cœur se serra d'une légère appréhension. Que trouvera-t-elle à l'intérieur ?

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Telle une élève attentive, elle ne pipa mot pendant le récit. Les phrases relièrent le tout et offrirent une intrigante histoire. Deux noms tirés d'un autre peuple et dont la signification finissait par atterrir ici. Dans un autre monde, dans une autre terre.

Un léger rougissement apparut sur ses joues. Elle avait sûrement mis un peu trop de cœur dans sa propre explication pour créer cette envie. Elle hocha doucement la tête en guise de remerciement de ce partage.

"L'esprit le peut. La volonté, elle, offre la possibilité de trouver Kerguelen partout où on le souhaite."

Dans la plus insignifiante chose comme dans la plus importante. Il suffisait d'y croire.

La destination fut atteinte. La Colombe resta en arrière, laissant sa guide vérifier signe de vie. Mais rien. Ce n'était pas aujourd'hui qu'elle pourrait prendre des nouvelles de Freya. Noé lui en donnera sûrement.

Elle observa et compta le nombre d'abris. Elle prit de profondes inspirations, s'imprégnant des odeurs et de l'ambiance du lieu. Toujours en recherche active d'informations.

L'autorisation d'entrer dans le foyer de sa Sœur de meute lui fut donné.

"Je vous remercie. Je prendrai garde à ne rien déranger."

Elle pénétra à pas lents, laissant sa vue s'habituer au changement de luminosité. Son regard détailla la pièce, cherchant le cadeau. Elle n'en vit pas un brin. Son flair se mit à l'action. Il saurait en reconnaitre le parfum entre mille. Lui non plus ne dénicha pas l'objet.

"Elle n'est pas là. Le Marionnettiste ne la lui a pas donné."

Elle ne put s'empêcher de ressentir un peu de déception. Pourtant, elle aurait dû s'y attendre de la part d'une créature qui ne pensait qu'à son propre plaisir. Mais toujours sa foi en les autres lui faisaient miroiter l'espoir et la confiance. Cette fois-ci, la fiabilité était de zéro. Temps pis.

Pour combler cette absence, elle sortit de sa besace une longue plume d'un noir éclatant. Une plume ramassée sur les marches de l’Église. Elle le déposa avec douceur sur le lit de Freya. Un signe de son passage. La Corneille veillait toujours sur ses Enfants.

Son écureuil roux en profita pour sortir de sa besace et se pendre aux perles de son collier. Par habitude, elle le laissa faire. Elle préférait qu'il s'amusa avec ses bijoux plutôt qu'à mettre le désordre dans cette maison qui n'était pas la leur. Et elle quitta la paillote.

Elle retrouva Miraj à l'extérieur. La raison restante de sa présence ici. Car maintenant, elle avait pu constater que les deux kidnappées n'étaient pas mal loties et surtout qu'elles étaient en vie et bonne santé. Elle posa ses fesses sur le sable et laissa les mots sortirent de sa gueule.

"Mes Sœurs vous ont-elles enseigné les valeurs des Nakhus ?"

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Son Oncle ? Quelle étrange appellation. Mais déjà significatif de beaucoup. D'un lien tissé et bel bien existant. Une information importante et qu'il faudrait prendre en compte plus tard. En tout cas, elle confirmait les doutes de Noé. L'Autre et Miraj semblaient mutuellement attachés l'un à l'autre. Un pantin de plus grande valeur pour l'amusement du Marionnettiste.

Elle s'aperçut que son glowstick semblait déranger son interlocutrice. Ou plutôt sa lumière vu la façon dont elle plissa les paupières. Etait-ce lié au fait qu'elle se fut placée à l'ombre en l'attendant ? Pourtant, en plein hiver, les rayons du soleil restaient agréables. Et nulle traces extérieures d'albinisme n'étaient visibles. Qu'importe. La Sans-oreille prit soin de déposer un pan de son écharpe sur sa broche améthyste. Toujours, elle éviterait d'être source de souffrance.

"Sagesse, rédemption, pardon, justice et cohésion."

Elle aurait pu en citer d'autres, toutes liées à leur mode de vie si spécifique. Mais était-ce vraiment nécessaire ? Ces cinq là lui semblèrent regrouper les plus importantes. Et avec deux Sœurs à ses côtés, elle se doutait que Miraj en connaissait déjà certaines.

"Je pense en connaitre la raison."

Mais elle aurait préféré que Freya l'expliqua à sa place. Même si elle pouvait comprendre ce choix du silence. Elle avait sûrement craint de perdre celle qu'elle avait choisi de protéger. N'y avait-il pas pire douleur pour une mère que de voir son enfant s'éloigner et la rejeter ? En tout cas, maintenant, elle connaissait la position de sa Sœur sur le 'problème'.

La Colombe émit un léger soupir, sachant que les prochains mots à prononcer ne seraient pas faciles. Mais ils devaient l'être. Le mensonge n'avait pas lieu d'être. La Solitaire méritait d'être au courant car elle ne paraissait pas en être consciente. Ce qui était encore plus difficile. Elle n'aimait pas ce rôle, mais elle le fit avec toute la sincérité et douceur que contenait son cœur.

"De part votre façon d'être revenue parmi les vivants, votre situation est délicate. Vous êtes reliée à L'Autre qui trouble la paix et l'équilibre de notre Monde. Et la fusion des deux âmes qui cohabitent en vous pourrait aggraver cette altération."

Elle se tut, lui laissant le temps de digérer la signification de ses paroles. De comprendre ou de refuser d'entendre qu'elle représentait une Menace pour Punk Wolf. Malgré elle. Car elle n'avait pas choisi de ressusciter. On l'avait forcée à sortir de son sommeil éternel.

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Les valeurs énoncées ne suscitèrent que peu de réaction. Si ce n'était la dernière. La Cohésion. Celle que la majorité des êtres vivants arrivaient à porter le mieux. Ne serait-ce que dans leur enfance, avec les liens familiaux. Mais c'était dans les moments les plus sombres et difficiles qu'elle se révélait vraiment présente ou non.

Quant à ses révélations, forcément, elles ne plurent guère. Mais elle s'y attendait notre Colombe. Elle ne perdit pas de sa douceur pour autant. Elle ne s'offusqua pas non plus de paroles ni du ton choisi. Elle n'était pas là pour faire mal. Simplement pour offrir de la réalité. Prête à en encaisser les conséquences. Elle avait les épaules pour çà. Elle avait vécu bien pire.

"Du mal, il en déjà fait malheureusement. Il nous a arraché Freya. Il l'a cachée loin de nous, sa famille. Puis, il a kidnappé une autre de nos Soeurs, Hedwige. Il a obligé des louves à enfanter d'enfants non désirés. Sans réfléchir aux conséquences qui auraient pu être désastreuses pour ces vies innocentes."

Les mères auraient pu détester et vouloir se débarrasser de ces petits imposés. Par l'abandon ou la mort. Des couples auraient pu être détruit à tout jamais. Des vies si facilement brisées. Pour le simple amusement d'une Créature.

"Il a enlevé à beaucoup leur libre arbitre. Leur Kerguelen. Pour son seul amusement. Et ce n'est pas juste."

La valeur de la Justice était là. Avec celle de maintenir la paix.

"J'entends et comprends que vous avez formé un lien fort. Suffisamment puissant pour que vous lui ayez octroyé l’appellation d'Oncle. Mais pour beaucoup d'entre nous, l'image qu'il renvoie de lui n'est pas la même. Elle est bien plus sombre. Peut être pourriez-vous l’éclaircir par vos propres mots ?"

Une patte tendue vers le partage, avec cette ouverture d'esprit qui la caractérisait tant. Miraj était la plus même de le connaitre réellement, étant celle qui la côtoyait le plus.

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A sa posture, elle sut que ses mots n'étaient pas les bienvenus. Il n'y avait pas plus difficile rôle que celui de dire la vérité. Rôle souvent incompris malheureusement. Si pour cette tâche, elle se devait recevoir un coup de crocs ou un coup de rose, elle ne riposterait pas. Parfois, les émotions étaient hors de contrôle.

Mais l'attaque ne fut pas physique. Elle fut orale. Elle fut digne d'une enfant blessée qui se réfugiait dans la méchanceté. Qui voulait faire souffrir à son tour. Elle encaissa en silence la Colombe. Comme à son habitude.

Ses Sœurs, pas heureuses chez les Nakhus, alors qu'elle-même faisait tout pour qu'elles le soient ? Pour que tous les membres de sa famille le furent ? Elle, qui se privait tant pour les autres, qui faisait taire ses propres besoins, aurait échoué à sa tâche ? Non. Çà, elle n'y croyait pas. A travers ce refus de les retrouver, elle lut une autre raison. Celle du Sacrifice. Une raison qu'elle décida de garder pour elle. A sa réaction, elle avait déjà fait du mal à Miraj. Elle ne souhaitait pas la blesser davantage.

"Je ne vis que pour le bonheur des miens. Si mes Sœurs sont heureuses ainsi, alors, j'en suis heureuse à mon tour."

Elle écouta la suite sans quitter sa bienveillance. Il aurait été si facile de répliquer qu'une journée de marche ne suffisait pas pour se rendre en terres Nakhus. Qu'il s'agissait d'une fausse liberté. Ou encore que ce n'était pas un cadeau que l'Autre lui avait fait. Qu'elle n'aurait jamais du revenir à la vie. Pas pour cette existence marginale et rejetée.

Elle entendit les mots, l'intonation et tout ce qui se révélait chez son interlocutrice. Ils lui permirent de se faire une image plus précise de celle qui inquiétait leurs Divinités. Il y aurait beaucoup  méditer à son retour.

Un sourire légèrement amusé à la mention du pardon rehaussa ses iris dorés. Elle attendit patiemment l’installation du silence avant de le rompre de son ton toujours sans animosité.

"Merci pour votre partage. Onyx avait raison en me parlant de vous. Je pense qu'elle serait contente que je vous offre ceci."

Elle sortit de sa besace une bougie qu'elle lui tendit doucement. Une bougie faite maison. Faite à la cire de ses petites abeilles. Élément de l'Air. A laquelle, elle avait mélangé de la cendre. Pour lui donner cette teinte grise. Une couleur définie pour éloigner les influences néfastes.

Son aspect était lui aussi particulier. Il n'était pas lisse comme une bougie ordinaire. Du sel, issu du commerce avec les Raeders, y avait été ajouté. Pour la protection contre les mauvais esprits. Accompagné de cet élément de l'Eau, de la Saule officinale avait également été émiettés dans le mélange. Un élément de la Terre qui apportait la purification. Le quatrième et dernier élément, l'élément du Feu, lui, viendrait lorsque la bougie serait allumée.

Pour accentuer ces bienfaits et pouvoirs, elle avait gravé trois runes de Futhark. Thurisaz pour la Protection. Dagaz pour l’Équilibre. Kenaz pour la Purification. Trois runes tracées à l'aide de ses griffes de diamant préalablement nettoyées dans une eau de Pleine Lune.

Oui, cette bougie était vraiment spéciale. Car pour cette création, elle s'était servie des livres trouvés pendant leurs recherches avec Noé et Ysée. Des ouvrages ayant pour sujet la magie blanche. Elle avait regroupé diverses informations pour former cet objet qui se voulait protecteur pour la protégée d'Onyx. Pour leur union. Pour une amitié retrouvée.

"Une bougie d'anniversaire. A allumer le jour de vos deux ans. Prenez-là comme ma façon de vous remercier pour le temps que vous m'avez accordé."

Au loin, son instinct de mère lui indiquait qu'elle était attendue. Qu'un de ses petits avait faussé compagnie à sa nounou et s'était un peu trop aventuré dans les champs.

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Le présent fut accepté et même accompagné d'une promesse. Kerguelen n'en demandait pas tant. Son cœur s’entrouvrit pour laisser passer ce rayon de lumière. Par cette parole donnée, un lien était né. Un fil tendu et plein d'espoir. La bougie avait enfin trouvé celle à laquelle elle était destinée. Puisse-t-elle apporter ses bienfaits protecteurs.

"Le plaisir est pour moi."

Cette création lui avait demandé beaucoup d'effort. Notamment de sortir de sa zone de confort. Car la magie rimait avec sorcellerie. Il était difficile d'oublier sa peur de Mona Lisa. Mais elle avait dû la surmonter pour la pousser dans un coin de son esprit. Ici, on parlait de magie blanche. Pas de rituel sombre. Rien de comparable, ni de condamnable.

Au final, sa démarche personnelle avait été menée jusqu'au bout. Sans obstacle insurmontable. Par sa détermination et sa douceur inébranlable, elle était parvenue à obtenir ce qu'elle souhaitait. Sans violence aucune. Avec de simples mots. Maintenant, il ne restait plus qu'à garder foi en l'avenir. Et continuer les recherches sur le fameux Oncle.

"Portez-vous bien. Que la Lumière éclaire vos pas, Miraj."

Elle inclina délicatement sa nuque en fermant les yeux, rendant la révérence à sa manière. Son air bienveillant suivit le départ de la protégée d'Onyx. Avant qu'elle ne se leva à son tour. Pour décoller du sable en volutes de lumière. Persuadée que la voie la mettrait à nouveau sur celle de la Chimère du Désert. Un être à la croisée des chemins.

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