Jolis sous le houx † Iberis

Les doigts de l’une de ses pattes passèrent une dernière fois dans sa chevelure.
Il se redressa, puisqu’il s’était penché pour contempler son reflet dans une flaque d’eau, pour changer. La saison plus pluvieuse avait, au moins, le mérite de lui permettre ce genre de choses. Quitte à subir l’humidité ambiante et avoir, de ce fait, les cheveux et le poil un peu moins disciplinés que lorsque le temps était sec, comme l’été qui l’avait vu naître, autant y trouver quelques maigres avantages.

Il jeta un dernier coup d’œil au territoire derrière lui, s’assura, de ce fait, que personne ne le suivrait. Si il se doutait que la plupart de ses camarades, si il pouvait les nommer ainsi, se moquaient bien de l’endroit où il se rendait et de qui il fréquentait, et si Iris lui avait dit qu’elle ne le surveillerait plus, le jeune mâle demeurait méfiant vis à vis de sa famille.
Il avait parfois surpris, sur ses trajets, en revenant, l’odeur de sa mère où elle n’était pas censée être. Quand à sa sœur… Iberis ne pouvait pas garandir qu’elle ne se décide pas à nouveau, un jour, à le fouiller, à nouveau, tant elle craignait qu’il parte.

Rassuré puisqu’il ne remarqua pas la moindre silhouette à sa suite et ne flaira aucune odeur suspecte, le jeune mâle bleu accéléra le pas.
Il lui tardait de retrouver sa femme, désormais, et, pour répondre à ce désir au plus vite et ne point la faire languir (ce ne serait pas correct!) il se se devait de se hâter sur ce chemin désormais bien connu.

Il n’oubliait pas l’instant délicieux qu’avait été la dernière nuit partagée ensemble, quand bien même il n’avait pu, non plus, s’empêcher de penser aux conséquences que celle ci aurait pu avoir. Iberis n’était pas assez sot pour ignorer comment les enfants se faisaient, et puisque Miraj était alors en chaleurs…
Si enfants il y avait, il savait qu’il ne pourrait les abandonner : Seuls les couards, comme l’avait sûrement été son propre père, agissaient ainsi et il n’en était pas un. Dans tous les cas, il lui faudrait assumer et, sûrement, aller au-delà du regard méprisant que pourraient avoir les siens sur le sujet des liaisons avec ceux qui n’étaient pas Etelkrus.

Mais, en écartant ces inquiétudes là, et si sa situation avait été moins périlleuse, il n’avait pas de craintes démesurées à endosser un rôle de géniteur.
Ainsi perduraient les choses : Les plus forts et les plus nobles étaient amenés à se reproduire afin que leur lignée perdure, et lui ne souhaitait pas tomber dans l’oubli.

Iberis fut cependant soulagé, en l’apercevant avec les flancs creux, de constater qu’il lui restait, probablement, encore un peu de temps avant de devoir se poser davantage de questions.
Un bouquet dans la gueule, de ceux qu’il aimait lui offrir, à chaque fois, il lui adressa un sourire qui se voulut ravageur.
Il avait, cependant, cette fois, rajouté un peu de houx dans sa création, puisque l’hiver approchant était la saison de cette jolie plante aux allures festives. Elle avait visiblement été inspirée, Miraj, aussi, au point d’en confectionner une couronne.
Pour lui ?

Mais avant cela, une embrassade qui l’obligea à déposer son bouquet.

- Quelle joie de te revoir, ma Reine.

Côte à côte, et après quelques compliments généreusement offerts, ils paradèrent.
Il aimait ces instants, si précieux, où il pouvait se trouver près d'elle. Ils ne croisaient, généralement personne, mais si c'eut été le cas, Iberis n'aurait eu à rougir de se trouver en sa présence., bien au contraire.
Ne formaient-ils pas un fort joli couple ?
Evidemment que si.

- Tu sais me parler, comme à ton habitude, en plus d'être la plus jolie louve que ces terres connaissent.

Ils ne se montraient jamais avares de compliments, lorsqu'ils se trouvaient ensemble : Et cela rendait leur compagnie mutuelle peut-être plus agréable encore.

- Elles se font rares, ces âmes. Les rustres sont bien trop nombreux et ne cherchent pas vraiment à s'élever. Pire encore, ils pervertissent l'esprit naïf de ma plus jeune sœur. Elle s'entiche actuellement d'un bien vilain garçon dont les couleurs n'évoquent rien d'élégant. Il ne possède d'ailleurs point d'esprit... Quand à son amie, il s'agit d'une louve fort laide, provoquante et vulgaire. Celle ci, revenue pleine d'une sortie en terres libres, abandonna son enfant, loin de tous.
Je préfère encore les seules compagnies de ma grande sœur, de ma mère et celle d'Anita, à celle de ces imbéciles. Le niveau intellectuel de beaucoup d'Etelkrus ne va pas en s'arrangeant, cela me déplait fortement.

Il sourit à la louve.

- Ta présence lumineuse me manque bien souvent, surtout lorsque je me trouve parmi ces gueux. Je dois, cependant, m'assurer de les garder éloignés du trône Etelkru.

Dans sa famille, il était.
Dans sa famille, il resterait.

Comme il s'y attendait, sa femme s'offusqua de l'abandon de l'enfant. C'était rassurant : Il ne pouvait concevoir qu'une réaction puisse être différente lorsque l'on était loup, ou louve, en l'occurrence, civilisé.
Plus que cela, elle lui déclarait vouloir, un jour, avoir des enfants d'eux. Iberis hocha la tête et proclama ce qui lui semblait être une évidence.
Maintenant plus qu'avant.

- Nous ne pouvons nous comparer aux rustres, ma Reine. Il est évident que nous ne saurions adopter pareille conduite sans avoir à courber l'échine de honte.
Cependant, loin de moi serait la tentation de disparaitre, lorsque d'enfants nous aurons. Il est évident que leur place sera alors sur ce trône Etelkru que je ne puis consentir à laisser à la plèbe, lorsque Maman et Anita n'y seront plus.

Les années s'enchaînaient rapidement, alors il ne fallait point perdre trop de temps et penser à la relève dès maintenant.
Peut-être pourraient-ils la concevoir lors des prochaines chaleurs ? Il espérait que leurs corps juvéniles ne soient pas trop capricieux, quand à cela.

- Ma foi, je pense que ceci est possible. Je pourrai t'introduire auprès de Maman et d'Anita, si tel est ton désir.

Elle avait de l'esprit et possédait, sans doute, quelque chose à leur apporter.

Visiblement enchantée de ses dires, elle voulait en entendre plus de sa part.
Lorsque Miraj vint caler sa tête contre son cou, lui posa une patte sur son épaule, pour la tenir, doucement, contre lui.

- Il est certain que d'amour ils auront ! A quoi bon concevoir des enfants, si ce n'est point pour les aimer et leur souhaiter le meilleur.
Je les veux raffinés et curieux, et ne laisserai personne les empêcher de s'élever comme le font les amis de ma sœur avec elle. J'aimerais également qu'ils soient aimés du peuple qu'ils dirigeront.

Il s'y voyait déjà.
Pour lui, les choses étaient compliqués : il avait fort caractère et demeurait incompris par les imbéciles. Mais à sa progéniture, il ne pouvait souhaiter de connaître ce même rejet.
Peut-être que, parfois, il valait mieux mentir pour être aimé.

- Ne sois pas si mystérieuse et narre moi donc tes brillantes actions. Je suis toute ouïe.

Ne brûlait-elle pas, de toutes manières, d'envie de lui raconter tout cela ?

- Je suis ravi de te l'entendre dire !

Il était évident, pour lui aussi, que les enfants se devraient d'être élevés en tant que jeunes cœurs Etelkrus.

Les exploits de la louve furent écoutés avec attention, et il se sentit bien ridicule, en comparaison, tant il lui semblait n'avait rien accompli d'exceptionnel.
La traque lui paraissait, soudainement, pathétique. Il n'était même pas parvenu à arriver sur les lieux le premier et sa présence, son talent, avaient été éclipsé par ceux des volants.
L'une de ses pattes vint se poser sur sa gueule alors qu'il affichait une expression choquée.

- Eh bien, que de projets menés avec succès, ma Reine ! Quel courage fut le tien, lorsque le monstre menaça de te dévorer. Si j'avais eu connaissance de tels évènements, sois sûre que je ne t'aurais point laissée seule face à un danger si grand.
Quand bien même je peux constater, avec soulagement, que tu n'as pas eu besoin de ma présence pour revenir victorieuse.
Ces loups furent chanceux, de t'avoir à leurs côtés.

Et lui était si chanceux, d'être marié à cette louve exceptionnelle !
La mention du cauchemar ne manqua pas de le faire réagir.

- Je me souviens de l'un de mes cauchemars comme étant semblable au tien, quelle coïncidence ! A ta différence, cependant, je ne fus gratifié d'aucun don à mon réveil.

Pourquoi donc ?

Le jeune mâle hocha la tête et bomba, doucement, le torse contre lequel elle se lovait.

- Il me tarde de vivre une telle aventure à tes côtés, ma Reine. Je suis un loup bien chanceux, pour avoir une louve si grandiose à mes côtés !

Il l'avouait, enfin : il lui avait fallu bien peu de temps. Il était important de reconnaître, d'encourager, ce qui était Grand. Quel dommage que son épouse ne soit pas née Etelkru et ne souhaite pas totalement le devenir, avec une louve comme elle dans leurs rangs, il était clair que le niveau serait plus élevé que ce qu'il était actuellement.
Et lui, se serait bien moins ennuyé.

- Ainsi nous ne sommes point les seuls à avoir fait ce rêve curieux ! Nous sommes peut-être plus nombreux encore : j'y ai vu mes deux sœurs, en plus de ta personne, j'ignore cependant si elles l'ont partagé et possèdent, elles aussi, un pouvoir particulier. Si tel était le cas, je serais d'autant plus contrarié d'avoir été lésé, je crois !
Je crains cependant, hélas ! Que ma contrariété n'arrange rien à ce fait : C'est ailleurs que je me dois de développer un don.

Peut-être auprès d'un Dieu, comme le faisaient bien des loups ?
Sûrement, mais lequel ? Il n'était toujours pas décidé pour cela.

- Je me permet cette disgression mais, si cela ne t'incommode point, il me ferait plaisir de rencontrer cette amie qui t'es chère. Ce doit être une personne tout à fait agréable, pour obtenir ainsi ton affection et ta considération.

Et lui n'était jamais contre rencontrer d'intéressantes personnes.

- Je suis curieux de connaître sa réponse.

De savoir si, elle également, s'était éveillée avec un nouveau pouvoir.
Lui, se renseignerait peut-être auprès de ses soeurs, pour voir ce qu'il en était.

- J'y viendrai avec un immense plaisir !

Il en savait bien peu, en vérité, sur les fréquentations de Miraj : Mais lorsqu'il voyait sa femme si élégante et civilisées, il ne pouvait que les imaginer dignes d'intérêt.
Ses pattes se refermèrent autour du corps frêle de la jeune louve, alors qu'il l'enlaçait tendrement.

- Je me dois de rentrer, ma douce, il me faut retrouver Anita pour ma leçon du jour. Je reviendrai te voir demain. Fais de beaux rêves.

Son museau toucha sa joue et il dut, malheureusement, se dégager d'elle, ne pouvant se permettre d'arriver en retard pour sa leçon.