Loin des fachos ➼ Cloud & Hölzer

Il fait pas très chaud, ce matin.

La neige est tombée sur le Refuge et les pas des solitaires marquent sa surface. Bientôt, ce sont mes épaisses empruntes qui viennent recouvrir celles des autres, celles que j'efface à demi ou totalement au cours de cette marche à laquelle je prête peu attention. Je reviens de la savane, là où vivait encore mon si vieux daron que je me surprenais presque de revoir vivant alors que maman s'était éteinte à quelques mois déjà.
Il semblait en forme, si l'on excluait les marques laissées par son âge. C'était d'ailleurs impressionnant, de voir à quel point il tenait bien l'coup.
J'avais passé un p'tit moment à lui faire la causette, avant d'le laisser m'aider à cueillir ce pourquoi j'étais venu : quelques légumes, quelques fruits, quelques racines à mastiquer.

Le tout glissé au fond de mon sac, emballé dans un tissu fin, j'étais alors retourné vers le refuge où j'm'étais davantage établie. C'que j'avais encore à faire, dans le coin : j'étais tenu d'y rester par deux promesses.
La première, faite à une certaine entité dont je ne connaissais le nom et dont je n'avais parlé à personne : je devais rendre sa superbe à ce terrier mutilé par bien des miens.
La seconde, faite à moi-même pour deux réfugiés : celle de veiller sur eux, de leur apporter le soutien nécessaire, de les protéger envers et contre tous.
Enfin...
[i]Envers et contre tous[:I] incluant exclusivement ces putains de fachos à qui j'adressais encore une patte d'honneur bien dressée.

C'est chargée de vivres adaptés tant à Cloud qu'à son môme (il se devait d'être végé', lui aussi, puisqu'il tenait visiblement bien plus de cette formidable mère que de l'autre pétasse) que je m'en alla donc les rejoindre, gravissant quelques roches jusqu'à aller jusqu'à la grotte de la p'tite famille.

« Yo ! J'vous apporte de la bouffe en import direct de la savane, j'espère que ça vous plaira ! »

Tu sors le tout de ton sac et déballe la graille devant eux, les laissant se servir à leur guise.

Cloud s'approche, un peu taquine. J'lui souris, un peu franchement, alors que dans mes yeux s'allument en réponse une lueur de malice. C'qu'elle en venait à s'incliner face à moi, m'en voici flattée !
Soufflant par le nez, amusée, j'lui tapota l'épaule d'une de mes épaisses pattes.

« Allons allons, t'sais bien que c'est normal. Pour le repas... Ça sera avec plaisir. »

Entre Réfugiés, il était important de se soutenir. Et puis, j'donnerais nullement raison à ces fachos, en leur laissant à penser que le gamin était bien moins ici que chez eux. J'ferais tout pour qu'il manque de rien, pour que Cloud aussi manque de rien. C'était important, qu'il trouve ici ses aises, qu'il se sente inclus et surtout apprécié.
La tête relevée, je le regarde découvrir tous les fruits et les légumes apportés en ce jour.

« De rien, eh. »

J'voulais pas d'enfants, en soit : il était hors de question que je transmette à quiconque ce fichu sang de licorne. Il n'empêche que j'avais rien contre eux, et que ça avait quelque chose de rafraichissant, de les voir tout découvrir avec une curiosité non dissimulée. Tout était nouveau, pour eux, ils étaient impressionnés par n'importe quoi et ça les rendait marrants. Attachants, aussi, enfin attachiants.
J'me saisis d'une courge, ronde et orange, et détache de ma queue un morceau pointu de pierre.

« Regarde c'qu'on peut faire avec. »

Je creuse dans la peau des yeux aussi ronds que les miens, puis un sourire aux grandes dents. Ça donne à la citrouille un air plus marrant qu'effrayant : ça tombe bien, c'était mon but. Je pose le cucurbitacée taillé devant lui, alors que je rangeais la lame improvisée (pas assez folle pour le laisser courir avec un couteau).

« Ça lui fait la même tronche que moi, presque »

J'lui souris, pour imiter l'expression donnée à c'que j'ai creusée.
J'avais pas beaucoup de compétences, mais j'savais au moins faire ça, eh...
Cessant de faire la mariole, je me retourna vers ma pote, portant à ma gueule une racine que je croque et mâche en même temps que je reprends la conversation avec elle.

« Ca va, toi, sinon ? »

Est-ce qu'elle s'était bien remise de toutes ses émotions, est-ce qu'elle avait réussi à se faire à ce nouveau quotidien... J'étais toujours un peu inquiète, pour elle.
J'm'en sentais responsable.