New Land | Holzër & Cloud

New Land
Cassius, 1 an et demi

Ses pas l'avaient mené dans le Nord des terres — ou en tout cas, plus au Nord qu'il n'était jamais allé – sans qu'il ne s'en rende compte : il avait laissé la brise du matin guider ses pas au travers des plaines, à la lisière des bois, le long des ruisseaux. Se demandant, comme bien souvent, comment il avait pu vivre si longtemps privé de toute cette profusion de vie et de verdure que le monde avait à offrir, terré comme un rat dans son Canyon, sous le regard sévère de son père.
Une pensée qui ne manquait pas, depuis quelques mois déjà, de faire naître dans sa gorge une désagréable sensation acide. De faire se froncer ses sourcils, se crisper ses mâchoires. Se hérisser un peu son poil, lorsqu'il y pensait un peu trop. Stade à partir duquel il avait généralement la présence d'esprit de tourner son attention ailleurs, que ce soit sur les arbres, les oiseaux dans le ciel, la mer, tout ce qui se trouvait à sa portée au moment en question.
Tout ce qui pouvait le détourner de cette impression de vol, cette rancœur qu'il en venait à éprouver lorsque son esprit dérivait un peu trop et qu'il en venait à penser à son paternel.

Il s'efforçait de ne pas trop y songer, sentant bien que ce n'était ni très bon, ni très sain, et qu'il pouvait forcément mieux trouver à faire dans ces nouvelles terres verdoyantes qui n'en finissaient pas de s'offrir à lui, mais il lui arrivait de perdre son focus et de se mettre à ressasser encore et encore ses idées sombres, sans que jamais rien de productif ou de constructif n'en réchappe. Ca avait été le cas ce matin, lorsqu'il avait regardé le soleil se lever au-dessus du Lac Azuré où il avait passé la nuit sous le couvert des conifères, et ça avait été une belle perte de temps, en plus de gâcher son moment. Il en était ressorti contrit et agité. Et avait décidé de marcher longuement vers le Nord, dans l'espoir que l'exercice lui rende les idées claires.
Ca avait fonctionné, et eu pour résultat additionnel de le conduire dans ce nouvel endroit dont il n'avait jamais soupçonné l'existence.

Là, face à lui, un gouffre béant et recelant de vie, autour duquel se mélangeaient de nombreuses odeurs de loups, qu'aucune fragrance commune ne semblait pourtant lier : pas de trace de meute, en soi. Pas de territoire marqué. Mais malgré tout, une communauté.
Cassius arqua légèrement la tête sur le côté, intrigué, et décida de s'approcher. Dans le pire des cas, si la situation se passait mal, il rebrousserait chemin. Et si la situation se passait très mal... eh bien, il n'était plus un enfant maintenant — pas totalement un adulte non plus, mais il s'en rapprochait lentement, et il était déjà plutôt imposant –, et il savait se défendre.
D'un pas lent, attentif à ce qui se trouvait autour de lui, Cassius s'engagea dans ce Refuge dont il n'avait pour le moment pas connaissance.

Alors qu'il s'approchait avec précaution des loups qui vaquaient à leurs occupations dans ce qui avait tout l'air d'être une zad tout droit sortie des pires cauchemars de Gérald Darmanin, Cassius remarqua une petite silhouette claire qui se détachait de la masse pour s'avancer vers lui. Et avant qu'il n'ait eu le temps de bien évaluer la situation, il sentit une autre présence derrière lui. Ses oreilles pivotèrent légèrement vers l'arrière, décelant le bruit feutré de pas qui faisaient écho aux siens sur l'herbe, et il prit une grande inspiration pour tenter de calmer le soudain rush d'adrénaline qui se propageait rapidement dans son corps.
Eh bien, ça avait été rapide.
Mais si la menace potentielle était réelle — il n'avait certes pas énormément d'expérience mais était loin d'être un idiot –, l'air de la femelle qui s'avançait dans sa direction n'avait rien d'hostile. Elle semblait même marcher d'un pas sûr.

Cassius ralentit lentement l'allure, avant de se stopper à quelques mètres de la louve, lui laissant le soin de finir d'avaler la distance qui les séparait. Il s'arrêta ainsi un peu à l'écart de la plus grosse masse de loups — toutes proportions gardées –, se laissant la possibilité d'une fuite en cas de pépin.
Cette potentielle ZAD pouvait très bien être en fait un refuge de mercenaires aux mœurs discutables : il disposait de trop peu d'informations pour savoir exactement à quoi s'attendre, et se devait donc de faire preuve de méfiance. Il s'efforça néanmoins d'adopter une expression ouverte et pacifique, même si l'on pouvait toujours ressentir une certaine tension dans sa posture.

— Bonjour, lâcha-t-il, un peu tendu.

Il n'était pas un expert en ouverture de conversation et préférait d'ordinaire éviter de se lancer dans ce genre d'extravagance, mais il avait pour le coup le sentiment qu'il lui était préférable de s'afficher comme un jeune homme bien élevé et non comme un rustre associable.