Les trésors du Sud - Libre.

Un éclat argenté au milieu des herbes attira le regard de la louve qui s'arrêta quelques secondes, dégageant du bout d'une griffe ce qui se révéla être un petit os aux éclats métalliques. Curieux. La louve supposa qu'il pouvait là aussi s'agir des petits trésors de la lande, même si c'était moins évident que la plume rubis, et le ramassa également pour le glisser à l'intérieur du tissu de sa guêtre.
De son côté, Iris avait trouvé une sorte de carapace dure et développa sa réponse précédente vers une autre piste de réflexion. Anita leva un instant les yeux au ciel, émettant un son pensif la bouche close avant de prendre la parole.

—  Je ne pense pas que Dez parle vraiment à Serpent. C'est plutôt qu'ils se comprennent bien et que leur complicité leur a permis de développer une autre forme de langage. Pour ta mère, c'est un peu différent aussi, sa bête semble faire partie des espèces pas tout à fait communes qui doivent maîtriser une sorte de magie qui nous permet de parler. Un peu comme certains ont un glowstick ou un don pour comprendre des animaux que la plupart d'entre nous ne pouvons pas.

La marche reprit quand Iris eut décidée quoi faire de la carapace et les yeux d'Anita se baladèrent à nouveau sur le paysage et sur le sol par intermittence.

— De toute façon, toute communication n'est pas verbale.

Certains loups qui étaient pourtant doté de parole le lui avaient bien fait comprendre, songea-t-elle avec amusement.

— Nous avons bel et bien communiqué avec lui en l'intimidant. C'était un langage corporel et primitif, certes, mais on s'est quand mêmes compris, n'est-ce pas ? C'est une grande partie des échanges que nous avons au quotidien avec nos semblables également.

L'usage de la parole n'avait pas empêché à tout leur corps de continuer à s'exprimer au fil des âges. Une queue dressée, un poil hérissé, des oreilles droites ou au contraire aplaties, une patte posée sur une épaule, un museau contre un autre... Il s'agissait d'autant de façons de faire passer des émotions sans avoir besoin d'un langage.
Certains de ces gestes variaient énormément chez différentes espèces et la communication n'était donc pas toujours possible, évidemment. Mais d'autres demeuraient assez universels chez des familles proches.

— Enfin oui, qui sait, rien ne nous prouve qu'il n'y aurait pas pu avoir une autre forme de dialogue avec lui.

Il n'y avait pas de raison qu'il soit spécialement plus bête qu'eux. Mais intelligent ou pas, certains animaux n'étaient peut-être pas intéressés à l'idée d'établir un quelconque lien différent des habituelles interactions - tout simplement.

Il ne fallait pas beaucoup plus que deux secondes d’inattention pour qu’une situation vire brutalement de cap.
L’agréable balade à travers les hautes herbes de la lande et la conversation sur les moyens de communication des différentes espèces fut coupée court par la vue d’une silhouette rouge qui attrapa son regard avant de fouetter son sang lorsqu’elle reconnut la créature.
La même que celle qu’elle vit un peu plus tôt, précisément celle dont elle avait voulu s’éloigner.
Mais l’évitement ne serait cette fois pas possible. Si la bête draconique ne l’avait pas repéré la première fois, cette fois-ci, elle volait droit sur les deux louves.

A ses côtés Iris s’était figée et le regard d’Anita resta fixe lui aussi pour quelques secondes avant que d’un geste elle ne casse la surprise - et le choc - de la créature rouge lancée dans leur direction.
Les ailes d’Anita se gonflèrent et sa queue se redressa mais cette fois-ci, aucune tentative d’intimidation n’était en cause. Il n’y avait qu’une seule stratégie qu’elle souhaitait appliquer en réponse à cette menace en compagnie de la jeune fille de son amie.

— On s’en va.

Son ton se fit dur et inflexible - aucune autre option ne serait discutée, bien qu’elle doute qu’Iris ait eu une autre idée en tête.
D’un coup de museau sur l’épaule de la jeune louve, l’Alpha la poussa à l’action et la fit rebrousser chemin. Leur fuite se devrait être un mélange de discrétion à fondre leurs corps fins dans les hautes herbes et de rapidité pour distancer l’approche de la créature.
Anita avait heureusement de l’expérience dans les deux domaines et pourrait guider efficacement Iris dans la manoeuvre.

[Réussite critique en fuite obtenue en Bac à Sable ; Anita emmène Iris dans sa fuite]

Tout du long elle la garda devant elle ou à ses côtés pour ne jamais la perdre et elle resta attentive à la menace de la tarasque - mais ce fut sans encombres supplémentaires qu’elles parvinrent à se soustraire à la créature rouge.

Une fois hors de danger, Anita prit le temps de souffler et de se détendre en réalisant que ni la créature ni un autre prédateur ne les avaient suivies hors de la lande.
Elle s'apprêtait à reprendre son chemin pour ramener Iris avec elle au Castel mais celle-ci avait fait halte pour se remettre de ses émotions et lui posa une question.
L'hybride répondit d'un signe de tête, l'air grave quand bien même l'adrénaline redescendait progressivement.

— Oui. Enfin... J'espère que c'était le même et pas un de ses amis.

L'Alpha fronça les sourcils. Elle ne savait pas du tout si plusieurs individus de cette espèce se trouvaient dans les parages mais elle ne pouvait que souhaiter le contraire.

— Allez, rentrons au Castel. Je crois que c'était assez de balade pour aujourd'hui, j'aimerais te ramener entière à ta mère.

Finalement décrispée, Anita adressa un sourire à Iris avant de l'encourager à la suivre d'un signe de tête.
Il y aurait d'autres jours et d'autres occasions pour chercher d'autres trésors dans les herbes hautes de la Rougelande.