Sensation (Holly)

Rien n'arrêtait le temps.

Elles lui paraissaient dater d'hier, les jeunes années où elle faisait ses premières expériences d'épée, de disciple, de conseillère puis de mentor... C'était une sortie de déni dans lequel elle se complaisait, pour ne pas voir les cheveux blancs, plus nombreux qu'avant, dans sa chevelure bicolore et les rides aux coins de ses yeux.
Peut-être, aussi, qu'elle ne voulait pas les voir grandir, les enfants, et les apprenties. Ceux qu'elle chérissait.

Pourtant, il y avait toujours quelque chose pour le lui rappeler, que rien n'arrêtait le temps et à quel point sa course était rapide.
Ces rappels, c'était des décès et, dans des circonstances plus joyeuses, l'adoption d'un enfant, de la part de sa première apprentie, et les flancs qui s'arrondissaient d'une autre.

C'était comme ça, elle n'y pouvait rien, et lorsque les choses se passaient bien, elles les aimait, touchée dans le coeur par la beauté simple de ces petits bouleversements.
Elle voulait bien vieillir, si elle les voyait grandir, celles qui furent jadis ses apprenties...
Et leurs enfants.

Hollyhock avait quitté le Castel, un sourire indélébile sur les babines, avec l'objectif clair de retrouver Sakura.
Il y avait, peut-être, cachée derrière l'émotion, un peu d'inquiétude pour cette mère en devenir qui, peut-être, avait des doutes et aurait besoin d'être épaulée.
Tout comme elle-même avait eu besoin de l'être, lorsque le ciel lui avait offert de pouvoir porter Iris et Iberis.

Elle s'arrêta à quelques mètres de sa Conseillère et, la remarquant comme étant en chasse, prit garde de ne pas faire le moindre bruit, tant que la proie ne serait pas inerte entre les crocs de la fière disciple d'Aka.
Et si elle le manquait, elle serait là pour l'aider.
Toujours.

Pour chasser, Sakura n'avait pas besoin d'elle.
Le contraire eut été étonnant, de la part d'une louve aussi performante.

Alors que la louve grise se restaurait, sa présence fut remarquée et Hollyhock s'avança, un peu, son sourire doux toujours flanqué sur les babines.

- Bonjour Sakura.

C'était un choix curieux de lieu pour chasser, surtout seule, surtout gestante.
Qu'aurait-t-elle fait, si un prédateur ou des loups malintentionné s'en était pris à elle ? Aurait-elle été en état de se défendre sans mettre en danger les petites vies qu'elle portait ?
Le temps n'était, cependant, pas aux remontrances, malgré l'inquiétude, et peut-être que Sakura avait ressenti le besoin de souffler un peu, loin de tous, loin du clan... et qu'elle venait, elle-même, troubler cette tranquillité.

Au moins, en cas de problème, elle serait à même d'intervenir.

- Je ne veux pas t'envahir, je comprendrai, si tu préfères rester seule. Je voulais juste que tu saches que je suis là, si tu as envie de parler, ou que tu as besoin d'aide.

Peut-être qu'elle le savait déjà, tout ça, Sakura, pour avoir déjà discuté avec elle de la douleur qu'elle avait ressenti lorsque la mère d'une louvette recueillie était venue pour la récupérer.
Dans tous les cas, était-ce vraiment un problème, de le rappeler ?

Sa présence et sa proposition furent bien accueillies, au grand plaisir d'Hollyhock.

- Tu ne seras pas une mère médiocre. Tu seras une maman qui fait des erreurs parfois, et qui apprend sur le tas... Comme toutes les mamans. Je ne doute pas que tu feras de ton mieux et c'est le plus important.

Elle en avait elle-même fait, des erreurs, et en faisait toujours : Elle avait une maman un peu trop permissive qui n'avait pas su s'imposer dans certaines situations, lorsque ses bébés souffraient où étaient en colère pour des raisons qui lui paraissaient alors justifiées, et possédait toujours cette tendance à les voir comme des enfants plus que comme de jeunes adultes.
Mais Holly les aimait, ses petits, et il lui semblait qu'ils n'aient pas eu à subir une enfance malheureuse.

- Est-ce-que cette situation te rend nerveuse, un peu ?

- C'était une jolie surprise, finalement... Peut-être que tu ne savais pas encore que tu voulais être maman.

L'Alpha plissa les yeux, l'expression rieuse, et se redressa.

- Je crois qu'il va pleuvoir, nous devrions rentrer.

Elle n'avait pas spécialement envie de finir trempée.