Une faiblesse intolérable [Violette]

 ⱷ Une faiblesse intolérable

A-t-il bien compris ? Il ne le sait pas. Mais son Mentor reprend sa route. A pas beaucoup plus lents qu'au début. Il y a donc bien quelque chose. Il s'aperçoit que le sol devient glissant par endroit. Il faut faire attention. Une odeur caractéristique d'humidité s'intensifie également. Des éléments qui le conduisent à supposer qu'un point d'eau doit être présent. Hypothèse rapidement confirmée par la lumière bleutée d'Ao.

Un ruisseau vit sa vie devant leurs pattes. Il fait encore plus frais ici. Un coin pas très accueillant. Et pourtant ! En suivant les réactions de Violette, il les voit lui aussi. Ces petites vies qui s'épanouissent dans ces conditions presque extrêmes. Des Crabes ! C'est la première fois qu'il en voit pour de vrai. Avec sa faible condition physique, il s'éloigne rarement des terres Nakhus. La plage avec du sable chaud, il ne connait pas.

Cette découverte provoque en lui une certaine excitation. Il veut les voir de plus près. Il veut sentir, toucher, analyser. Il approche son museau de l'un d'entre eux. Il oublie ce qu'il a lu dans les livres à leurs sujets. Trop de curiosité se voit récompenser par une petite douleur. La pince est rapide et se referme sur un coin de sa babine. Un acte de défense qui le déstabilise. Il relève sa museau, avec le crabe toujours accroché. Son regard se tourne vers l'adulte. Confus. Que doit-il faire ? Comment réagir avec ce nouvel accessoire vivant qui gigote ?

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Violette lui vient en aide. Pas besoin de mots pour comprendre la confusion de la situation. Contrairement à ce que pense Stendhal, l'adulte ne croque pas le Crabe. Aucune violence n'est exercée. La force suffit. Il se contente simplement de le décrocher et de le rejeter dans son milieu naturel. Cette action a bien été enregistrée par l'élève. Il en a même louché pour ne pas perdre le moindre détail de la technique. Maintenant, il saura comment se défaire de cette mésaventure si elle se reproduit. Une pression sur la pince et la liberté est retrouvée.

"Merci ! T'es trop fort !"

Sa babine meurtrie pend un peu. Elle retrouvera sa place toute seule. De toute façon, il n'y a pas de miroir pour se contempler ici. Même l'eau lui parait trop agitée pour lui rendre un reflet parfait. Pourtant, c'est elle qui deviendra son chemin. A la longer, il n'y a bientôt plus de rive possible. Un coup d'oeil lui fait comprendre la suite de leurs aventures. Il faut replonger dedans. Dans le noir cette fois-ci. Entravé par une corde. Et avec des Crabes pinceurs cachés dedans.

L'exercice monte d'un cran. Il déglutit pour chasser l'appréhension. Il ne doit pas avoir peur. Il ne reculera pas. Tout se passera bien. Ils sont sur les terres de la Corneille. Aucun malheur ne peut s'abattre sur eux.

Il souffle un bon coup avant d'entrer tout doucement dans l'eau. Ses pattes se font hésitantes. Il cherche où les mettre. Il ne veut pas glisser. Ni se faire avoir par une descente soudaine. Alors, il avance à allure de tortue.

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Ils avancent dans cette rivière souterraine. Heureusement, elle n'avait rien à voir avec le Plateau. Pas de courant contre lequel lutter. Cela aurait été dangereux dans l'obscurité. Par contre, on est loin de la balade champêtre. Des efforts lui sont continuellement demandés. Marcher dans le liquide, adapter son allure à celle de son Mentor, s'orienter sans ses yeux ni ses oreilles. Çà fatigue. Beaucoup. Mentalement et physiquement. Surtout après la fortification du barrage. Le robinet d'énergie ne coule plus à fond. Un fin filet en sort. Nous nous approchons de la fin.

Enfin, ils sortent du milieu aquatique. De nouveau la terre ferme. Un terrain plus facilement praticable. Ses pattes sont toute engourdies par leur baignade. Il a bien envie de faire une pause auprès d'un bon feu. Mais le repos attendra.

Il ne s'en rend compte de rien. C'est Violette qui le prévient de la présence d'un troisième canidé. Il met du temps à réagir. Il cherche, mais ne voit pas grand chose à part une silhouette plus claire.

"Un mangeur de crabes ? Ou le propriétaire des lieux ?"

Est-ce dangereux ? Est-ce là le Trésor de leur exploration ?

Son regard doré cherche celui de son Maitre. En quête de la réaction à avoir.

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Violette n'a pas l'air inquiet. Mais cette pression d'épaules suffit à lui faire comprendre qu'il a besoin de lui. Il aime cette sensation de pouvoir aider. Il réfléchit rapidement à la stratégie à adopter. Il ne voit pas grand chose. Il est encore attaché. Et Maman a toujours dit qu'il ne faut pas attaquer les autres. Il y a toujours d'autres solutions avant d'utiliser les crocs.

Il se plonge dans son environnement. Il sent la confiance émaner de son Mentor. Celui-ci a avancé vers la Bête tapie dans le noir. Sans peur. Une belle représentation d'un Disciple d'Ao. Stendhal ne veut pas rester en arrière. Lui aussi, il va se jeter dans l'inconnu. Il ne montrera pas que l'absence de luminosité et de bruit l'handicapent doublement. Il va tenir bon. Grâce à son orgueil.

Il se joint aux côtés de son aîné. Il ne sait pas si il est capable d'être aussi intimidant que lui. Si il hérisse son poil, le renard ne va-t-il pas se moquer de lui ? Qui aura peur d'une grosse boule de fourrure avec des plumes sur le nez ? Il choisit une autre solution. Il s'aide de ce qui l'entoure. Il a repéré un petit groupe de crabes. Maintenant, il sait que çà pince. Il va s'en servir contre l'intrus. Le voilà donc qu'il se reconvertit en lanceur de crabes.

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Ses lancers sont efficaces. Apparemment, il est particulièrement doué pour balancer des trucs dans le noir. Associé à l'attitude menaçante de Monsieur Violette, l'intrus ne demande pas son reste. Ce n'est qu'une simple ombre plus claire que l'obscurité ambiante qui se réduit. Jusqu'à totalement disparaitre. La voie est de nouveau libre. La confrontation physique a été évitée grâce à une simple intimidation. Une bonne leçon de vie pour Stendhal.

Sur cette dernière victoire, leur entrainement s'arrête. Il était temps. Car le renforcement du barrage, couplé à l'exploration de la grotte, a grandement fatigué notre jeune loup. Il fait le fier comme çà. A tenir debout. A ne pas chanceler. Mais il suffit de croiser son regard pour y lire toute la fatigue cachée.

Il accepte de bon cœur les félicitations de son mentor. Comment rester de marbre face à de telles marques de satisfaction ? Il en besoin pour garder confiance en lui. Pour grandir. Pour ne pas glisser dans la mauvaise voie. Car il n'aura pas toujours quelqu'un pour le guider. Son âme est si instable.

Un grand sourire lui sert de réponse. Il n'a pas grand chose à dire. Il préfère savourer en silence tous les enseignements à tirer de cette longue journée.

Ses pattes se mettent à l’œuvre pour le délivrer de la corde. Un dernier effort avant de se laisser choir au sol. Un soupir de contentement s'échappa de sa gueule. Il aime bien ce retour à la lumière du jour. Il est ébloui. Il ferme ses paupières. Son souffle ne tarde pas à se faire plus profond.

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