Une enfance bien trop courte [Libre]

 ⱷ Une enfance bien trop courte

L'attente est devenue insupportable. Il est un peu trop nostalgique aujourd'hui. C'est à cause de l'ennui çà. Ses pensées sont focalisées sur Holzër. Un individu qu'il a rencontré lorsqu'il était un louveteau. Le tout premier enfant de son âge. Celui qu'il a voulu comme ami. Parce qu'il n'y avait rien de plus amusant que de jouer à deux. Alors derrière ce nom un peu compliqué à prononcer, il avait attaché beaucoup d'espoir. Mais les semaines s'étaient écoulés. Puis les mois. Laissant à ce souvenir un goût de rêve. Un goût qu'il cracha car trop rempli d'amertume. Il ne l'a jamais revu cet ami. Il avait pourtant longtemps attendu. Quand les frontières avaient été rouvertes, il avait foncé aux limites des terres Nakhus. Il avait passé de longues heures à fixer l'horizon. A espérer apercevoir la frimousse de son copain d'enfance. Mais seule la nuit avait répondu à son appel silencieux. Il en était retourné chez lui, blessé dans son âme.

Le temps est venu de se bouger. D'aller au devant de ses attentes. Pour savoir. A-t-il réellement été oublié ? Doit-il tirer un trait définitif sur cette amitié enfantine ? Dans un grondement exaspéré, il rabat la couverture du livre. Impossible de lire avec toutes ces pensées qui mordillent son cœur. Sur un coup de tête, il se met en route. Direction le Gouffre aux Rapaces. Là-bas, il sait qu'il y a ce qu'ils appellent le Refuge. L'endroit d'où était venu Holzër la première fois. Un premier lieu à explorer pour sa quête personnelle.

Le chemin est long pour notre jeune loup. L'endurance lui fait toujours autant défaut. Il met facilement le double de temps nécessaire à un loup normal. Le trajet est encore ralenti par la rencontre impromptue avec une coccinelle. Jolie création de Dame Nature. La présence de l'insecte lui rappelle qu'il a sa boussole en cas d'égarement.

Il finit par arriver à destination. Les effluves qui passent dans ses narines ne peuvent que le confirmer. C'est un endroit de nombreux passages. Et maintenant, que fait-il ? Gueuler le nom de son ami ? Non, il n'entendra pas sa réponse. Il ne sait pas où se diriger. Ni mêmes si il en a le droit. On murmure que c'est un lieu de libre accès. Mais quand même, il n'est pas chez lui. Alors, il choisit la solution de facilité. Il pose ses fesses au sol et il laisse son regard parler pour lui. Quelqu'un finira forcément par passer près de lui. Alors, il pourra l'interpeller. Voilà son plan.

Codage par Libella sur Graphiorum

 ⱷ Une enfance bien trop courte

Il ne voit rien venir. Il est surpris par le contact. L'impact plutôt. Il n'a jamais aimé se faire attraper de la sorte. C'est une preuve bien trop éclatante de sa vulnérabilité. D'être un Zèbre sur le point de se faire dévorer. Son cœur s'emballe et ses réflexes de Proie se réveillent. Une patte se propulse. Elle cible la première épaule qui passe à sa portée. Il use de l'acupressure. Technique des Nakhus pour immobiliser sans douleur et temporairement un muscle.

Il ne sait si son mouvement d'auto-défense porte ses fruits. Car en parallèle de son geste, il a croisé Le regard. Un bleu d'une pureté sans pareille. Un bleu piqueté de perles scintillantes. Deux iris reconnues et si longuement attendues. Holzër. Celui pour lequel il a fait tout ce chemin, tous ses efforts. L'unique raison de sa présence ici.

L'étreinte perd immédiatement de son côté offensif. Du danger il n'y en a plus. Il n'y en a jamais eu. Il a réagi trop vite. Doit-il s'en vouloir ? Sûrement. Alors, il s'excuse à sa manière. Il enlace à son tour son ami. Il l'englobe dans son épaisse fourrure. Il le serre aussi fort qu'il l'aime. Bon, il essaye quand même de ne pas trop l'étouffer. Mais le sentiment de bonheur qui grimpe en lui l'empêche de vraiment se contrôler. Il lâche même quelques gémissements.

Grande joie. Exaltation des retrouvailles. Soulagement. Il n'a pas été oublié. Il n'a pas été oublié ! Son copain d'enfance est vraiment là ! Tout contre lui ! Bien vivant ! Bien réel !

Codage par Libella sur Graphiorum

 ⱷ Une enfance bien trop courte

Il le serre encore et encore. Il aimerait que ce moment dure toujours. C'est si bon d'avoir son ami entre les pattes. Meilleur que les câlins avec maman. Quoique. Non, en fait c'est différent. Avec la Colombe tout est douceur. Avec Holzër c'est ... Il cherche un terme qui correspond à ce qu'il ressent. Mais il n'en trouve pas. Ou plutôt aucun ne lui convient. Il laisse tomber cette comparaison. Il préfère savourer l'instant.

Il finit par relâcher son étreinte lorsque leurs regards se croisent pour la seconde fois. Il s'inquiète de sa force. Il ne veut pas casser celui qu'il vient à peine de retrouver. Il faudra qu'il apprenne à contrôler ses émotions. Un jour. Quand il s'ennuiera. Jusqu'à présent cela ne lui a jamais causé préjudice. Alors, il range çà dans un coin de sa tête.

Face à ce sourire si rayonnant, il sent ses babines s'étirer en miroir. A en plisser ses yeux. Ils doivent avoir l'air de deux idiots. Mais il s'en fiche, il est trop content. Et puis, personne n'a là pour les juger. Pour se moquer d'un sourd et quasi mutique.

Il voit d'ailleurs ce point d'interrogation silencieux. Mais il ne sait pas par quoi commencer. La joie rend complexe ses pensées. Il prend quelques secondes pour mettre de l'ordre. Une tentative pas vraiment fructueuse. Les mots finissent par déborder en tout sens.

"Tu m'as tellement manqué ! Tu es adulte !  Tu vas bien ? C'est la première fois que je viens ici. J'espère qu'il n'y a pas d'ours dans ces grottes. On pourra jouer comme quand nous étions petits ? Mes oreilles n'ont toujours pas poussées. Tu sens bon."

Codage par Libella sur Graphiorum

 ⱷ Une enfance bien trop courte

Il est touché par les efforts fournis par Holzër pour contrecarrer son handicap. Çà lui donne des ailes pour faire de son mieux lui aussi. Il ne veut pas décevoir. Il ne veut pas qu'un manque de concentration abime leurs retrouvailles. Il le chérit trop pour se laisser aller à un manque de volonté. Il fixe ses babines qui prennent soin de bouger doucement. Il lit les mots silencieux.

Son cœur bondit de joie en comprenant que son ami va bien lui aussi. C'est tout ce qu'il lui souhaite. Il est content aussi. Mais çà, Stendhal l'avait bien compris à sa réaction physique.

"J'ai grandi un peu. Je suis surtout devenu une boule de fourrure ambulante. Tu as vu mes poils de joue ! Tu penses que je devrai les couper ? J'ai peur qu'ils finissent par trainer par terre !"

Il lâche un rire un peu robotique. Son rire à lui, celui d'un sourd.

"J'ai rêvé que j'étais amoureux d'une louve. Figure-toi qu'elle existe vraiment ! Mais je ne l'ai jamais rencontrée. Je préfère garder le joli souvenir du songe."

Et puis, il ne se connait pas assez pour savoir si il est vraiment de ce bord là. Mâle ou femelle ? Est-il vraiment obligé de faire un choix ? Doit-il penser à çà maintenant ? Il le refuse. Il repousse cette interrogation à plus tard.

"J'ai trouvé un Mentor. C'est Violette. Tu le connais peut être ? Il passe la moitié du temps au Refuge. Grâce à lui je compte bien devenir plus endurant. Comme çà, mon corps ne pourra plus jamais m'empêcher de te voir !"

Et il n'y aura plus de pleurs. D'un mouvement doux, il vient passer les bébé-plumes ornant sa truffe sous les yeux d'Holzër. Il préfère voir ses larmes couler sur son propre museau plutôt que sur la frimousse de son ami.

Codage par Libella sur Graphiorum

 ⱷ Une enfance bien trop courte

Holzër aime son poil ! Il lui en fait même un compliment ! Qui ne peut que lui faire plaisir. Déjà, il tire un trait sur le taillage de ses joues. Il gardera sa fourrure comme çà. Et temps pis si elle finit par trainer par terre. Au pire, il se fera des tresses, comme son grand-père ! Il a bien vu comment il était beau lui aussi grâce à sa statue dans l’Église.

Et là, arrive la révélation. Son meilleur Ami est lié à son Mentor ! Les deux personnes qu'ils apprécient le plus, en dehors de son famille, ont un lien très fort ! C'est renversant. Le monde lui parait si petit. Mais il est ravi d'apprendre cette nouvelle. Parce que çà veut dire qu'il pourra voir les deux êtres aimés en même temps ! Que demander de plus ?

"Tu as un super papa alors !"

Il se rend compte que si il avait eu cette information plus tôt, il n'aurait pas eu tout ce chagrin et ces doutes dans son cœur. Il lui aurait suffi d'aller voir Violette pour avoir des nouvelles de son grand copain. Il se promet qu'à l'avenir, il fera çà.

Son ami perd de sa joie. Son visage n'est plus aussi illuminé. Stendhal se tend et perd lui aussi son sourire. L’inquiétude s'engouffre dans la brèche. Que se passe-t-il ? Il plisse fortement ses paupières et se focalise sur les mots qui ne veulent pas s'envoler des babines clairs. La question finit par éteindre totalement sa joie. Plus de queue qui s'agite.

"Mais... Mais il ne faut pas penser à l'au revoir. Pas tout de suite. C'est trop tôt !"

Il crie presque. Il refuse de songer à çà. Sa tête part de droite à gauche dans un mouvement frénétique. Une fois. Deux fois. Il vient à peine de le retrouver. Il ne veut pas être triste à nouveau. Il cherche quelque chose. Un truc qui empêchera cette peur de dévorer à nouveau ses entrailles.

Sa gueule part fouiller dans sa besace. Il se souvient d'un objet. Il en ressort un bijou en forme d'oiseau. La Corneille est partout chez ce passionné. Un bijou plutôt réservé aux couples d'amoureux. Un bijou qui se sépare naturellement en deux. Il le coupe et tend le demi-oiseau à Holzër.

"Comme çà, on ne se perdra jamais. Tu seras toujours avec moi et moi avec toi."

Son regard se fait suppliant. Il ne veut pas être abandonné. Il ne veut pas être oublié.

Codage par Libella sur Graphiorum